Socialisme et libertés (Dépasser la démocratie bourgeoise 2/12)
4 Octobre 2023 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #GQ, #Théorie immédiate, #Front historique, #Russie
lire l'article précédent : Que faire de l'expérience socialiste?
2) Socialisme et libertés
Le socialisme est-il opposé aux libertés individuelles ? Il ne fait pas de doute qu’il en a privé un bon nombre de personnes, encore faut-il savoir pourquoi.
Dans la réalité des faits historiques, rapportés aux circonstances précises où ils se sont produits, comparés aux actions de leurs adversaires à la même époque, les communistes même les plus staliniens au sens précis du terme n’ont pas beaucoup de leçons à recevoir. Il s’agit en général de critiques émanant soit de gens qui se prétendent progressistes mais qui n’agissent jamais, ou bien de réactionnaires ou d’anticommunistes qui en ont fait autant et pire. On a eu beau jeu à demander au PCF une repentance sur son passé pro-soviétique, mais qui demandera aux socialistes français de faire la même chose pour leur rôle durant la guerre d’Algérie ? Qui les touche de plus près.
Plus profondément, seule l’histoire du communisme est jugée indigne d’un traitement scientifique. Tout témoignage de fiction émanant d’adversaires et de victimes de la répression dans les pays socialistes a valeur d’évangile. Les romans et mémoires littéraires de Soljenitsyne, Pasternak, Grossman, Guinzbourg, Chalamov, etc., sont considérés par l’historiographie dominante comme des documents historiques ou des témoignages au-dessus de tous soupçons.
Mais si mal posé soit-il, ce problème ne joue pas un petit rôle dans la sidération des esprits par la propagande capitaliste qui présente la démocratie de marché comme le meilleur des mondes possibles et l’ultime stade de progrès de la civilisation.
C’est le manque de liberté et les abus véritables ou supposés de la répression policière qui sont mis en avant en premier pour condamner la révolution et le socialisme, et qui servent d’argument sans réplique pour les diaboliser. On emploie pour cela le concept ad-hoc et sans valeur scientifique de « totalitarisme », conçu pendant la Guerre Froide pour assimiler au nazisme le communisme. Il se base sur la plate observation que les dictatures de tous bords utilisent des moyens répressifs qui se ressemblent, et écarte comme non pertinent pour le jugement moral à porter sur eux les objectifs respectifs de ces dictatures.
Ce qui soit dit en passant conduit les apologistes de l’anticommunisme à des difficultés, car il faut ou bien postuler que le racisme nazi n’est d’aucune importance dans l’évaluation de ce régime, ou bien procéder à des falsifications pour faire passer le socialisme pour un pouvoir raciste. Et il leur faut dissimuler les innombrables compromissions entre fascistes et anticommunistes libéraux, cléricaux, voire de gauche ou d’extrême gauche (à ce sujet, il faut se souvenir que le révisionnisme négationniste des chambres à gaz, avant d’être adopté par l’extrême droite est à l’origine un produit intellectuel du gauchisme « anti-stalinien »).
Bref à l’issue de ce procès universellement biaisé la pratique politique des gouvernements socialistes a été jugée attentatoire aux libertés, et aux droits de l’homme réduits à ceux de 1789, et non ceux de la déclaration universelle de1948, et leur mémoire vouée à la damnation.
Ceci étant sur le plan des principes la suppression des libertés des adversaires du socialisme n’est pas un scandale mais un mal nécessaire, puisque l’un des buts immédiats de la révolution prolétarienne était, justement, l’établissement d’une dictature, pour briser les moyens de coercition de l’État de classe qui s’était développé historiquement durant des siècles, personne ne peut nier ce fait, au service des anciennes classes dirigeantes. Car, enfin, hormis les bourgeois et les rentiers de la terre et de l’État, vivant du travail d’autrui, qui donc était libre, qui donc jouissait de ces fameux droits, dans le monde, jusqu’au matin du Sept Novembre 1917 ?
C’est donc plutôt la répression interne au mouvement communiste de ses factions de gauche ou de droite qui a déconcerté et démoralisé les soutiens du socialisme dans la couche intellectuelle en Occident, et particulièrement la répression en URSS des années 1936 à 1938 qui a été présentée comme un déchaînement de folie meurtrière, dépourvu de cause rationnelle. Or si certains sont malheureusement privés de leurs libertés à cause des circonstances aigües del a lutte des classes au niveau national et international, il n’y a pas de raison que l’appareil politique de l’État socialiste soit une sorte de sanctuaire pour ses agents et pour ses partisans proclamés. Ce serait une peu facile.
Dans les années 1970, j’ai connu des gens tout à fait pacifiques, sans doute un peu naïfs puisqu’ils croyaient au « programme commun » de la gauche française, et pour qui il était absolument exclu de laisser à la droite, en cas de victoire, la possibilité de revenir au pouvoir, surtout après l’exemple chilien. Il est vrai que c’était juste après la vogue maoïste-althussérienne en France, et pendant le « long mai » italien (1969-1977). La « gauche » à l’époque c’était autre chose.
Mais il est vrai que ces gens de gauche ne se demandaient pas dans ces conditions ce qu’il fallait en faire, de cette droite à laquelle le retour aux affaires serait interdit dorénavant. Fallait-il, à l’instar de la pratique des anarchistes espagnols en 1936, ou même comme la Convention thermidorienne fit avec les émigrés débarqués à Quiberon en 1795, l’exterminer, purement et simplement? A ceux qui veulent supprimer les prisons, à l’extrême gauche, il serait bon de poser la question de ce qu’ils comptent faire des capitalistes après la Révolution, s’ils comptent la faire un jour.
Note :
Je suis d’avis – s’il est bien avéré que l’URSS en soit responsable - que l’exécution massive des officiers polonais internés en URSS en 1940 à Katyn est un crime de guerre et une faute politique. Mais dans le traitement de l’histoire, ce fait tragique est utilisé pour occulter les « mille Katyn » subis par L’Union Soviétique de la part des contre-révolutionnaires de la guerre civile, et de la Wehrmacht entre 1941 et 1945. Et les dix-mille Katyn perpétrés par la contre-révolution mondiale. Le dernier « Katyn » en date s’appelle la fosse de la Macarena, elle se trouve en Colombie, et ne date pas de l’an quarante mais de 2009. Et les autres abus, fautes, voire crimes, des communistes au pouvoir, qu’ils soient réels, amplifiés ou inventés, sont le plus souvent utilisés de la même manière.
GQ, revu le 7 juin 2023
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Réveil Communiste :
Réveil Communiste est animé depuis 2010 par Gilles Questiaux (GQ), né en 1958 à Neuilly sur Seine, professeur d'histoire de l'enseignement secondaire en Seine Saint-Denis de 1990 à 2020, membre du PCF et du SNES. Les opinions exprimées dans le blog n'engagent pas ces deux organisations.
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