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Réveil Communiste

Socialisme et dictature (Dépasser la démocratie bourgeoise, 3/12)

9 Octobre 2023 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #Théorie immédiate, #GQ, #Front historique, #Russie, #Chine, #Cuba, #Corée

Lénine procédant au grand nettoyage

Lénine procédant au grand nettoyage

Lien à l'article précédent : socialisme et libertés, 2/12

3) La dictature dans le socialisme réel

Au cours des mouvements pour défendre les droits sociaux qui ont eu lieu en France ces dernières années, il a fallu pour atteindre un minimum d’efficacité et de visibilité, que les salariés sortent du cadre légal, et devant l’inefficacité  de la grève dans les conditions actuelles, qu’ils passent aux blocages des routes, des aéroports, des entrepôts, des usines, actions qui sauf erreur les auraient conduit en prison pour de longues années dans les pays anglo-saxons dont le droit est la norme globale montante. Ceci rappelle à chacun que l’action des exploités, même lorsqu’elle ne porte que sur des revendications matérielles,  ne peut se restreindre à un cadre légal qui est justement fait pour l’empêcher.

La révolution future ressemblera en cela à celles du passé : elle franchira le Rubicon.  Si elle trouve une occasion favorable dans les contradictions de l’adversaire, elle renversera le pouvoir légal et y substituera un pouvoir révolutionnaire, et un gouvernement d’un type nouveau. La question est de savoir si le prolétariat du XXIème siècle aura accumulé assez d’expérience historique pour déjouer les pièges de la pratique du pouvoir qui se trouveront à nouveau sur son chemin. « Déjouer les pièges » ne signifie pas « éviter d’affronter », et il y aura en face des forces ennemies qui ne font pas de cadeaux. Que faire si on a maille à partir avec des éléments tels que les terroristes et les néo-nazis qui ont ravagé l’Irak, la Syrie, la Colombie, et maintenant l’Ukraine ? On serait bien malavisé de ne pas user de la coercition envers ces chiens de guerre psychotiques des frontières de l’impérialisme, et de l’ultralibéralisme sous sa forme criminelle.

Il est souvent dit pour le déplorer plus ou moins sincèrement qu’en Chine, en Corée du Nord, et à Cuba, pays gouvernés aujourd’hui par des partis communistes, le peuple ne jouit pas en droit ou en fait des libertés et garanties qui auraient le mérite au moins d’exister, sans atteindre la perfection, dans les démocraties libérales occidentales. Il ne faut pas accepter ce constat comme le reflet de la réalité. Il serait faux de penser que dans ces pays le peuple n’a aucun rôle dans le choix des dirigeants, ni dans la prise de décision, ni qu’il ne fasse jamais grève, ni qu’il soit en somme réduit au silence par un pouvoir omnipotent.

Les États socialistes cités ci-dessus ont des systèmes de gouvernement de parti unique, gérés par leur parti communiste depuis 74, 79 et 64 ans respectivement – et la Russie de son coté était restée socialiste durant 74 ans. Leur légitimité provient de la théorie marxiste de la dictature du prolétariat. Le multipartisme tel qu'il est vécu dans nos pays, quant à lui, est le reflet du fonctionnement interne des sociétés capitalistes : chaque véritable parti historique représente une faction capitaliste - organisée autour de médias, et enracinée dans une métropole ou un secteur économique, généralement - qui défend ses intérêts matériels, et d'ailleurs cette faction entretient rapport très éloigné avec l'idéologie politique, voire religieuse, qu'elle affiche et qu'elle présente à ses électeurs. Quant au prolétariat, il n'est pas divisible en factions - ou alors il se dissout et littéralement, n’existe plus.

Pour simplifier admettons sans transiger qu’ils sont effectivement des dictatures du prolétariat. Ce genre de régime a fait l’objet de critiques d’origines différentes : celles qui contestent la légitimité de toute dictature (la dictature du prolétariat est donc trop dictatoriale), et celles, provenant parfois sans cohérence des mêmes voix, comme par exemple Georges Orwell, qui contestent l’authenticité de leur caractère prolétarien (la dictature du prolétariat n’est pas assez prolétarienne pour être légitime). La révolutionnaire allemande Rosa Luxembourg a critiqué à chaud la Révolution d’Octobre en 1918 en accusant les bolcheviks d’avoir accaparé le pouvoir au détriment des prolétaires, mais elle n’en était pas moins favorable à la dictature de classe du prolétariat tout entier (comme d’ailleurs Lénine l’année précédente, dans l’État et la Révolution, 1917). Pour elle qui proféra à cette occasion une phrase bien connue: « la liberté, c’est la liberté de celui qui pense autrement », la liberté à laquelle elle pensait se limitait pourtant au prolétariat. Et bien, ceux qui ne pensaient pas comme elle l'ont rapidement assassinée. Comment elle entendait concrètement faire appliquer cette limite et l’imposer à la perverse et nombreuse bourgeoisie, grande et petite, de l’Allemagne de Weimar, et à l’aristocratie terrienne et militariste pourrissante des Junker, elle n’eut pas le temps de le montrer avant d’être massacrée en 1919 par les corps-francs de cette démocratie libérale, les futurs nazis aux ordres de la social-démocratie.

Et quoi qu’en disent les marxistes d’extrême gauche qu’elle a influencé bien malgré elle, ceux qui veulent sauter à pied joint dans le communisme sans transition, l’URSS et les pays socialistes européens dont la Yougoslavie étaient, et Cuba, la Chine, la Corée du Nord sont encore des dictatures prolétariennes, même lorsqu’elles ont tenté d’en édulcorer la réalité sous l’appellation de « démocraties populaires », ou lorsqu’elles ont développé des formes de pouvoir étrangères à notre culture politique.

Et cela même dans la Chine postérieure au maoïsme. Le philosophe communiste italien Domenico Losurdo (1941-2018) pensait que la Chine depuis Deng Xiao Ping menait une « longue NEP », comme la « nouvelle politique économique » menée en URSS de 1921 à 1927, une politique de réintroduction contrôlée et provisoire du capitalisme sous le socialisme, et que le « socialisme de marché » n’était pas un oxymore de propagande, mais une nouvelle expérience socialiste de plein droit. La NEP ainsi conçue est une phase préliminaire du socialisme. Il semble bien que cette politique ait effectivement créé les conditions économiques et technologiques préalables pour instaurer le socialisme dans une vaste partie du monde à nouveau. 

Alors, dictature du prolétariat, contre démocratie de la bourgeoisies ?

C'est bien vite dit ! Il faut d'abord ramener à leurs justes proportions la liberté et la démocratie dont nous jouissons en Occident, ou dont croyons jouir. A vrai dire la démocratie dont il s’agit pour nous dans le paradis libéral n'en est pas une du tout et il s’agit plutôt de franchises et de garanties précaires et coûteuses à mettre en œuvre, limitées à la vie privée, et d'une liberté d'expression symbolique illimitée, à condition qu'elle le reste - symbolique ! Nous n’avons pas de contrôle politique dans les pseudo-démocraties de marché, qui sont des oligarchies gouvernées par les monopoles, les milliardaires, leurs médias et leurs intellectuels organiques.

Et surtout, il existe un spectacle politique qui sert à leurrer notre frustration civique en nous permettant d’exprimer notre mécontentement. Notre ressentiment s’évacuera à la lecture de Charlie Hebdo, dans le vote pour la « gauche de la gauche » ou dans celui d’extrême droite que les médias bourgeois feront mine de réprouver. Et nous pourrons participer parfois à ces grandes campagnes judiciarisées qui nous donneront l’illusion de la souveraineté, qui rythment la surface de l‘histoire politique, de l’Affaire Dreyfus au Watergate. Peut-être nous fera-t-on le plaisir de nous exhiber un président honni la tête en bas comme Mussolini. Et après, qu’est-ce que ça changera ?

La dictature du prolétariat dans ce monde imparfait, c'est encore le système politique qui s'approche le plus de la véritable démocratie.

 

GQ Revu le 10 juin 2023

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