Le passé stalinien dans la reconstruction du communisme
5 Janvier 2012 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #GQ
La discussion sur le passé glorieux et/ou tragique de notre mouvement ne cesse pas, s’approfondit au contraire avec le temps. Il semble qu’il soit impossible pour un communiste d’exister sans se positionner vis-à-vis de grands événements comme la Révolution d’Octobre, Stalingrad, la Résistance, la Révolution Culturelle, ou de personnalités considérables (Lénine, Staline, Trotski, Mao, le Che). Pourquoi ? Parce que ces événements et ces personnes caractérisent l’époque où notre mouvement avait atteint son maximum d’influence sur les consciences et sur les événements historiques. La construction du socialisme s’avère une affaire de longue haleine (au moins sur cela Marx s’est trompé) et ces figures conserveront leur actualité tant que le capitalisme existera, tant que la pré-histoire continuera.
Mais dans quel sens devons nous utiliser cette histoire ? Marx nous indique en tout cas la marche à ne pas suivre : faire comme les révolutionnaires de 1848 fascinés par la Montagne de 1793 qui cherchent à rejouer, et qui souvent se déguisent en révolutionnaires plutôt qu’ils n'agissent. Certains se plaisent à me faire jouer le rôle du « dernier stalinien » ce qui dans leur bouche n’est pas un compliment. Ils se trompent : je ne suis pas stalinien, et par contre il y en a beaucoup d’autres, pas toujours où ils s’attendent à les trouver.
Mais si on en revient à l’évaluation du rôle de Staline, certains me demandent pourquoi diable le remettre sur le tapis ? Surtout nous autres communistes français qui n’avons après tout pas participé aux excès de son régime en URSS et dans les pays de l’Est ? C’est se cacher derrière son petit doigt : le PCF a toujours été loyal envers l’URSS, jusques et y compris celle de Gorbatchev, pour son malheur.
Or il faut reconnaitre le fait que dans le monde entier les révolutionnaires prolétariens déterminés, à l’exception des anarchistes espagnols, se sont rangés du coté de Staline quand il gouvernait l’URSS. Et une grande partie des mouvements bourgeois de libération nationale dans les colonies et le Tiers Monde aussi. Et que l’URSS s’est consolidée et a vaincu l’Allemagne hitlérienne sous sa direction, sans quoi il n'aurait pas survécu beaucoup de communistes dans le monde y compris en France. Que nombre d’antistaliniens, à commencer par Khrouchtchev, ont été de son vivant des exécutants fidèles et zélé des aspects le plus répressifs de sa politique. Et que le mouvement communiste n’a fait que décliner depuis la déstalinisation.
Donc nous voilà devant le dilemme suivant : devons nous accepter comme des « dommages collatéraux » les aspects négatifs de ce moment de l’histoire communiste? Ce serait vraiment d'un niveau d'analyse insuffisant! Ou devons nous chercher à convaincre, en nous prenant les pieds dans le tapis d'ailleurs que nous n’avons rien à voir avec cette histoire et qu’elle nous cause des remords terribles ? Devons nous tenter d’ajouter aux mensonges il est vrai assez nombreux de la propagande stalinienne un mensonge de plus, qui consiste à dire que Staline n’est pas un communiste (ou pas un « vrai » communiste) ? Je pense que notre mouvement a mal géré son repli idéologique depuis 1960 environ, et qu'il faut reprendre la critique au début:
La critique anticommuniste a raison sur trois postulats :
Staline est un communiste authentique, ceux qui s’intitulent encore communistes doivent assumer et expliquer pourquoi ils le font. Je prétends que ce défi est très facile à relever, et sans provocation ni extrémisme ! Il suffit de savoir ce qu'on veut, la respectabilité ou la révolution.
L’URSS a été une tentative de réaliser une utopie économico-politique qui a échoué. Sauf que pour nous, ce n’est pas l’utopie en elle qui la condamne, au contraire ! Et de plus en plus clairement, c'est le projet économique capitaliste dans son ensmble qui semble une utopie dangereuse.
Et le fascisme s'explique, le tableau de ses effets meurtriers n'exige de la postérité aucun mutisme craintif, aucune sidération. Ce n’est qu’une réaction de panique de la bourgeoisie, face à ce qu’elle appelle le « bolchevisme », terme émotionnel dont le contenu est à peu près le même que celui de « Staline » aujourd’hui, et cette critique, qui a été présentée avec cohérence par Ernst Nolte en Allemagne, est en fait un aveu de la bourgeoisie, qui replace Auschwitz sans mystère au terme de l’escalade criminelle de la contrerévolution.
Donc j’affirme que tous les communistes actuels, s’il était possible par magie de les transporter dans l’époque et les circonstances qui ont vu naître et grandir l’URSS, et la contre révolution fasciste, dans la mesure où ils sont honnêtes et déterminés, seraient staliniens, et sans doute bien plus qu'ils imaginent que je le suis. J’en viens enfin à ce qui me parait important : les communistes actuels, forts de leur expérience historique inestimable et chèrement acquise par les camarades qui les ont précédés dans la lutte et dont beaucoup maintenant âgés regardent avec désolation l’état de leur parti, ne doivent rien renier de leur passé s’ils veulent avoir un avenir. Ils doivent utiliser l’échec global de l’expérience commencée en octobre 1917 pour corriger leur théorie, mais non pour se replier dans un humanisme inconsistant qui ne permet aucune analyse, ne justifie aucune prise de risque et aucune révolution. S’il s’agit d’être utile aux « gens », pas besoin d’être communiste ! S’il s’agit de relancer la révolution prolétarienne, plus nécessaire que jamais, alors il faut avancer, en refusant d’être enfermé dans une « prison scripturaire », dans les mythes de l’histoire contre-révolutionnaire en contestant point par point tous les procès qui concernant le passé de notre mouvement, et en suivant ces principes :
1) la plus grande partie des allégations de l’historiographie antistalinienne sont fausses ou très exagérées. Soljenitsyne, Conquest, Trotsky, etc. ne sont pas des sources fiables, mais des auteurs partisans.
2) dans l’affrontement entre la révolution mondiale et la contre-révolution mondiale, depuis 1914, le camp capitaliste est responsable de crimes innombrables et n’a pas de leçon de morale à donner.
3) Nous éviterons à l’avenir les dérives antidémocratiques, les erreurs et les excès violents en étudiant toute l’histoire de notre mouvement et non en reproduisant les critiques de l’adversaire.
4) Les critiques émanant de mouvements ou d’hommes pseudo-révolutionnaires qui n’ont pas fait de révolution (comme celles de Georges Orwell par exemple) sont de peu de valeur, ainsi que celles émanant d’acteurs de l’histoire du communisme qui tentent de couvrir leurs responsabilités, comme Trotski et Khrouchtchev.
Gilles Questiaux, PCF section de Paris XXème, 16 janvier 2010
PS le mot "communisme" doit s'entendre dans ce texte comme "mouvement politique communiste réellement agissant".
Réveil Communiste :
Réveil Communiste est animé depuis 2010 par Gilles Questiaux (GQ), né en 1958 à Neuilly sur Seine, professeur d'histoire de l'enseignement secondaire en Seine Saint-Denis de 1990 à 2020, membre du PCF et du SNES. Les opinions exprimées dans le blog n'engagent pas ces deux organisations.
Le blog reproduit des documents pertinents, cela ne signifie pas forcément une approbation de leur contenu.
Le blog est communiste, non-repenti, et orthodoxe (comme ils disent). Il défend l'honneur du mouvement ouvrier et communiste issu de la Révolution d'Octobre, historiquement lié à l'URSS quand elle était gouvernée par Lénine et par Staline, mais sans fétichisme ni sectarisme. Sa ligne politique est de travailler à la création et à l'unité du parti du prolétariat moderne, et de lutter contre l'impérialisme (contre le seul qui importe, l'impérialisme occidental, dirigé par les États-Unis).
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