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Réveil Communiste

La gauche, les ouvriers, l’extrême droite, et les droits de l’homme

12 Avril 2025 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #GQ, #classe ouvrière, #Qu'est-ce que la "gauche", #Élections

Vote FN ouvrier, source : fondation Jean Jaurès

Vote FN ouvrier, source : fondation Jean Jaurès

La gauche, les ouvriers, l’extrême droite, et les droits de l’homme

Les militants de gauche s'écharpèrent sur la question de savoir quel candidat il fallait soutenir en 2022 pour perdre les élections et s’accusaient mutuellement de trahison. Mais pendant ce temps là, les ouvriers votaient bien tranquillement de plus en plus à droite.

La gauche toutes tendances confondues malgré quelques nuances est favorable aux migrants, indulgente avec les délinquants, et propose d’attribuer des revenus à vie à ceux qui ne travaillent pas.

Or sauf erreur, on dirait que la classe ouvrière est opposée à l’immigration, excédée par la délinquance et contre l’assistanat. C’est en tout cas ce que semble montrer la prégnance du vote d’extrême droite dans la classe ouvrière (voir illustration).

Si c’est bien le cas on voit que le divorce est profond.

Sur l’insécurité, on ne reviendra pas sur le sujet sauf pour rappeler qu’au bout du compte c’est la classe ouvrière qui en paye le prix.

Sur l’assistanat, s’il n’est pas rejeté par tous les ouvriers qui peuvent être pragmatiques sur la question, il est perçu souvent dans les classes populaires comme une entreprise de dévalorisation du travail, qui est au cœur de la fierté ouvrière.

Incidemment, la classe ouvrière n’aime pas qu’on remette en cause les normes morales en cours. La gauche à ce propos depuis mai 68 a viré dans le chamboule-tout permanent et dans un irrespect de principe des traditions qui est une sorte de tradition en soi, la culture « Charlie ».

Le rejet de l’immigration dans la classe ouvrière est imputable sans doute en partie à la prégnance d'idéologies racistes  -explicites et implicite - profondément diffusées dans les sociétés occidentales dans les générations précédentes pour justifier la colonisation et diviser la classe ouvrière, enseignées à l’école et propagées par les médias jusqu'aux années 1980. L’inertie idéologique joue un rôle.

Mais il y a assez peu de suprématistes blancs et de militants de la civilisation judéo-chrétienne à trouver dans les rangs des ouvriers. La survivance d’un discours raciste traditionnel dans la culture européenne (et qui se conserve pour l'essentiel bien qu’on refuse obstinément à l’admettre dans l’idée européenne) joue son rôle mais il n’explique pas le succès croissant actuel de la droite conservatrice et de l'extrême droite xénophobe dans leurs rangs .

Le fait que la tolérance sous toutes ses formes soit devenue un élément central du devoir-être bourgeois peut certes susciter des réactions. Les discours comminatoires et méprisants de l’extrême gauche bourgeoise y contribuent aussi. Mais ça ne suffit pas pour expliquer le phénomène.

On peut faire l’hypothèse principale que le rejet de l’immigration provient du fait qu’elle a été imposée à la classe ouvrière par la bourgeoisie, dans son besoin insatiable de main d’œuvre exploitable. Fondamentalement le fait migratoire tourne le dos à la démocratie et continue l’œuvre de division de la classe ouvrière par d’autres moyens.

Et aussi qu’il a introduit dans la vie quotidienne du plus grand nombre des situations de stress que les bourgeois pétris de bonté et de tolérance pour leur prochain ignorent.

Moins on est riche, plus on a besoin pour vivre sa vie de l’espace urbain et des services publics, et c’est justement ces domaines qui sont impactés négativement par les effets des migrations.

La gauche est fondamentalement humaniste, fondamentalement chrétienne laïcisée. La classe ouvrière est fondamentalement matérialiste. Elle se pose ce genre de question : avons-nous intérêt à l’immigration ? Comme la question ne peut pas être posée par les participants aux débats politiques, sous peine d’ostracisme, on n’en sait toujours rien au fond et les questions auxquelles on n’apporte jamais de réponse travaillent en profondeur.

C’est d’ailleurs parfois le cas, parfois l’immigration des autres permet la sortie individuelle de la classe ouvrière. Des ouvriers peuvent profiter de l’immigration, mais en cessant d’être ouvriers et en devenant les cadres des travailleurs immigrés. C’est d’ailleurs aussi ce qu’il advient des militants ouvriers bureaucratisés. D’où l’extraordinaire différence d’appréciation entre les syndicats et leurs mandants sur ces questions.

On observera avec justesse que la classe ouvrière est précisément cette partie de la société qui intègre ou qui assimile le plus d’immigrés. Mais cela est loin de faciliter les choses car c'est aussi la partie de la société qui se débat dans des difficultés quotidiennes, et dont les revendications élémentaires sont ignorées.

On observera aussi que la manière la plus simple de s’assimiler à un groupe consiste à en épouser les préjugés, à adopter ses coutumes, ses goûts vestimentaires et alimentaires, et toutes ces normes implicites sont sous le feu des nouveaux récits du nouvel âge du capitalisme, divers, tolérant, inclusif, individualiste à l'extrême mais de plus en plus exploiteur.

Il advient que face au rejet dont ils font l’objet ces ouvriers immigrés, ou plutôt leurs enfants, sous l'influence de la petite bourgeoisie de gauche radicale ne s’assimilent pas, ou pour mieux dire : s'assimilent en prétendant refuser cette assimilation en bon gaulois frondeurs qu’ils sont devenus sans s’en apercevoir. Mais ils sont alors condamnés à s’ethniciser superficiellement et à revendiquer une considération sociale qui ne sera utile que pour la nouvelle bourgeoisie cooptée dans leurs rangs par la discrimination positive.

Bref les militants de gauche sont-ils des humanistes vibrants au service des migrants, des détenus et des pauvres ou des représentants des intérêts de la classe ouvrière, matérialistes et froids ?

La tyrannie des bons sentiments fait bon ménage avec la poursuite et l’aggravation de l’exploitation des ouvriers. Qu’ils soient français ou étrangers.

Le corps des militants de gauche ne peut ni ne veut comprendre tout cela car il est fondamentalement attaché à l’idéologie bourgeoise des droits de l’homme et de la République, et à ses déclinaisons modernistes post mai 68. On peut sans doute estimer que l’extension de cette croyance a représenté dans le passé un progrès par rapport aux récits religieux patriarcaux qui l’on précédée, mais il n’en reste pas moins qu’il ne s’agit que d'un autre récit, de croyances et d'idéaux métaphysiques, sans plus de fondement scientifique que les religions. Et dès l’origine du mouvement ouvrier indépendant, en juin 1848 et en mai 1871 la bourgeoisie en massacrant les ouvriers en masse a fait dans les rues de Paris la démonstration de ce que valait véritablement sa nouvelle religion humaniste - ce qu'elle avait déjà démontré par son traitement des indigènes aux colonies.

Et il est significatif que la gauche n’a jamais eu tant d’influence sur la classe ouvrière que lorsqu’elle ne professait aucun respect particulier pour les droits de l’homme, au-delà de ce qui était nécessaire pour construire un front antifasciste avec les sociaux-démocrates et les libéraux.

Lorsque les ouvriers sont massivement de gauche ils pratiquent la tolérance zéro pour leurs ennemis de classe.

En conclusion, pour voir les mouvements de gauche regagner la confiance des masses ouvrières, il faudrait qu’elles abandonnent des slogans comme « l’humain d’abord » qui tout en ayant l’air de mots creux sont en fait des mots d’ordre significativement réactionnaires et cesse de considérer la démocratie bourgeoise occidentale comme le nec plus ultra de la civilisation.

GQ 2 avril 2022, relu le 12 avril 2025

PS : Mélenchon avait mobilisé le 10 avril 2022 un électorat ouvrier  non négligeable notamment en banlieue parisienne, mais il l'a fait sur des bases ethnico-religieuses, ce qui rend encore plus problématique la reconstitution d'un grand parti ouvrier indifférent aux religions et à la couleur de la peau. Il n'a pas eu de scrupule à devenir candidat commun des bobos et des ghettos.

 

 

 

 

 

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R
La gauche ne fait aucune ptopostion pour lutter vontre la delinquance et l immigration.sauvage mais depuis 7 ans c est la droite ultra liberale qui dirige et ne fait rien non plus , tout comme Chirac et Sarko aiparavant voila pourquoi les prolos se tournent.vers le RN
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M
Proposer des programmes économiques, politiques et culturels basés sur une relation d'égalité et de justice avec les pays d'origine de l'immigration, ce n'est pas être "favorable à celle-ci. Défendre des politiques de traitement de la délinquance s'attaquant à ses causes économiques et sociales, ce n'est pas être dans l'angélisme humaniste... c'est s'attaquer aux causes de ses réalités qui se trouvent co-substanciellement dans la nature du capital. Certes cela implique un discours plus complexe à exposer et à assimilier que celui basé sur la bonne vieille "morale" qui permet à la bourgeoisie de diviser les salariés et à son extrême-droite, d'éructer ses haines et flatter les basses idées. Si je suis d'accord avec votre critique de bons sentiments de la gauche réformiste (dans ses deux tendances), cela ne peut conduire à une critique blnaire, obligeant la Gauche radicale à construirr et émettre un théorie réactionnaire et à la mettre en pratique si elle arrivait au Pouvoir.
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A
La pudeur obligerait probablement à ne pas donner les résultats de 2022..
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P
En France, pour l'heure, l'extrême droite est un fantasme de la bienpensance. Les étiquettes ne veulent plus rien dire. EZ a un programme de gauche, au sens ancien du terme, même si il ne va pas assez loin dans sa réflexion. Le PCF et tous les autres partis politiques font dans leurs programmes du raccommodage sans intérêt. Si EZ est élu, il n'aura d'autre choix qu'activer le Frexit ou échouer. Quant à cette fausse gauche qui est largement responsable de l'état déplorable du pays, elle ferait mieux de se refonder et de cesser d'être multiculturaliste et mondialiste sous peine de n'être plus entendue du tout. Or l'indépendance, point de salut.
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M
Le fascisme est bien un fantasme agité sous le nez des bienpensants, mais pour d'autres raisons me semble,t-il que celles que vous evoquez. La phase actuelle du capital ("globalisé et post-démocratique"), et les crises de son versant occidental surtout, l'oblige â s'enfoncer, quelle que soit la tendance politique au Pouvoir, dans l'autoritadisme, voire pire, et la guerre. À ce compte, il n'y a plus de place pour un bonapartiste d'extrême-droite. La sphère économico-financière supra-nationale est en prise directe sur la superstructure des institutions politiques et cela sans aucune marge pour cette dernière. De l'alliance sociaux-libéraux/ecolos allemande a Bolsonaro, le capitalisme n'est plus qu'autoritarisme. PS: la régularisation de centaines de milliers de travailleurs étrangers en Italie, sous l'égide de l''extrême-droite au Pouvoir en est une illustration paroxysmique.