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Réveil Communiste

Vers l'Acte 3 des révolutions prolétariennes ?

31 Janvier 2025 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #GQ, #Théorie immédiate, #Front historique, #Qu'est-ce que la "gauche", #Mille raisons de regretter l'URSS, #classe ouvrière

Images de l'acte 2 : Prolétaires de Saint Étienne du Rouvray, près de Rouen, il y a un siècle

Images de l'acte 2 : Prolétaires de Saint Étienne du Rouvray, près de Rouen, il y a un siècle

Vers l'Acte 3 des révolutions prolétariennes

L’action prolétarienne fut la clef des révolutions dans les métropoles industrialisées, ou dans les pays en voie d’industrialisation, de 1789 à nos jours. Sans-culottes, ouvriers qualifiés parisiens et londoniens, ouvriers industriels russes et chinois, travailleurs agricoles andalous et italiens, coupeurs de canne à sucre cubains et prolétaires ruraux chinois prirent leur destin en main et le destin du monde avec.

C’est la vitalité de la conscience et de l’action des classes opprimées qui maintient la révolution en vie, et c’est leur démobilisation ou l'extermination de leurs éléments conscients qui les achève. Thermidor, la répression de la Commune de Paris, fascisme et nazisme, la chute de Madrid en 1939, la « déstalinisation » dans la foulée de la guerre exterminatrice contre l’URSS, le génocide indonésien, le coup d’État de Pinochet et le "Plan Condor" d'extermination du mouvement révolutionnaire latino-américain sont de ces coups d’arrêt.

Cette action autonome du prolétariat est canalisée et organisée par la politique, mais la politique ne peut pas la remplacer. Autant l’autonomisme spontanéiste est stérile, autant la prise en charge totale de l’action révolutionnaire par les moyens d’expression politique professionnels, qu’ils soient électoralistes, bureaucratiques, gestionnaires, ou militarisés, mène à la passivité des masses qui conduit vers l’échec.

La solution résiderait dans un parti prolétarien qui soit à la fois une expression politique dans les formes de la société présente, une organisation stratégique du prolétariat actif et conscient, et un embryon de l’État prolétarien futur. Un parti du style de ceux de la Troisième Internationale, dans leurs meilleurs moments.

On objectera certainement ici que Marx donnait pour objectif à la révolution prolétarienne la destruction de l’État. Sans doute, mais au terme d’une étape où il est bien question d’une transition sous l’égide d’un État révolutionnaire machiavélien qui ne mesure pas sa puissance à d’autre norme que la résistance qu’on lui oppose. Une dictature du prolétariat, c’est une dictature tout court, et une dictature c’est une forme provisoire du gouvernement d’État.

Les grandes révolutions historiques comme celles de 1848 et de 1871 en France, celle de 1917 en Russie, et même le vaste mouvement international des années 1960 sont le résultat d’au moins une génération d’éducation et de maturation autonome du prolétariat. La philosophie des Lumières et particulièrement les idées de Jean-Jacques Rousseau à la fin du XVIIIème siècle, le marxisme à la fin du XIXème siècle ont pénétré les masses. La conscience vient au prolétariat du dehors, disait Lénine dans Que Faire ? (1902),  c’est à dire qu'elle vient des intellectuels, mais elle l’anime et le met en mouvement du dedans. Ce double mouvement survient à des moments historiques critiques, quand le feu prend dans la plaine. Par surprise, comme en Russie, où la classe ouvrière consciente apparait précisément autour de l’année 1894 et adopte le marxisme, après soixante-dix ans de prédication révolutionnaire en apparence vaine, de la part de jeunes militaires ou d'étudiants issus de l'aristocratie ou du clergé, et disparaît un demi siècle plus tard dans la fournaise de la seconde guerre mondiale.

Aujourd’hui qu’en est-il ?

Un siècle après la Révolution soviétique, le prolétariat actuel des métropoles et sans doute aussi le prolétariat mondial sont beaucoup plus informés et éduqués, mais aussi beaucoup plus conformés par la propagande qu’autrefois. Leur savoir n’est ni exclusivement scolaire, abstrait, culturel et contemplatif, ni pratique et technologique, mais de l’ordre d’un discours de base mondial, une mixture de marketing et de croyance plus morale que politique, qui véhicule l’idéologie bourgeoise comme une sorte de milieu ambiant.

Donc le prolétariat aujourd’hui contrairement à celui de la Commune de Paris, à celui de Pétersbourg ou de Canton au début du XXème siècle, et à celui de Belleville et Billancourt dans les années 60, ne s’éduque pas lui-même, dans l’opposition à un univers moral et philosophique bourgeois clairement ressenti et compris comme hostile, sur une base de classe. Les prolétaires aujourd’hui sont plus instruits, maïs plus égarés, divisés par l’idéologie globale de l’individualisme de masse. Toute tentative de reconstruire la conscience prolétarienne doit tenir compte de ce fait.

Autre nouveauté : de grandes révolutions prolétariennes ont eu lieu et ont eu des conséquences nombreuses et diverses. Le débat porte forcément sur leur bilan qui est loin d’être négatif; mais fondamentalement il demeure à leur passif qu'elles n’ont pas réussi à atteindre leurs buts, à cause de la guerre impitoyable qui a été menée contre elles, et à cause de la trahison d’une grande partie des élites politiques qu’elles avaient pourtant elles-mêmes formées au prix de grands sacrifices. Leur discrédit et son maintien sont l'enjeu de la lutte des idées menée par les défenseurs du capitalisme, sous les masques de la liberté, de la démocratie, du droit, etc.

Cela signifie qu’une grande bataille doit être menée sur les leçons à tirer de l’histoire des révolutions et des États socialistes qui ont été fondés à leur suite.

Cette bataille se joue sur le domaine de la croyance en un futur socialiste pour le monde, et c’est une bataille sans merci parce que le vaincu est voué à disparaître. Le prolétariat utilise sa dictature pour faire disparaître le vieil homme formé par la bourgeoisie, c'est-à-dire l’ensemble de ses valeurs, de ses désirs, et de ses jouissances, qui se bornent à la racine à des variations libidinales sur le triptyque : ostentation - distinction - domination. En ce sens cette révolution envisage une rupture majeure dans l’histoire de la psyché qui dépasse par sa profondeur les fondations des religions monothéistes contemporaines des Empires de l'Antiquité et du haut Moyen-Âge.

Pour commencer cette bataille il faut d’abord interdire à l’ennemi l’étalage sans contradiction du discours de dénigrement du socialisme et de ses dirigeants historiques (comme on a pu voir à l’œuvre les médias bourgeois mondialisés après la disparition de Fidel en 2016, et voir en face la réaction unanime des masses cubaines).

Ensuite il faut identifier les faiblesses réelles du socialisme dans sa lutte avec un capitalisme encore vivace, et non celles que lui reprochent ses adversaires. Que le socialisme ait réprimé les partisans d’un retour en arrière était justifié, et les faits ont prouvé qu’il ne les avait pas assez réprimés. Que cette répression ait touché les rangs mêmes des partis révolutionnaires était justifié aussi, la trahison massive des cadres soviétiques et des démocratie populaires entre 1988 et 1993 -sauf en Chine, en Corée et à Cuba - en a fait la démonstration a posteriori.

Par contre rien ne peut justifier la démobilisation du prolétariat une fois son parti fermement installé au pouvoir. La responsabilité n’en réside pas exclusivement dans le phénomène bureaucratique, ou dans les effets démoralisants bien réels du sabotage de l’économie et des guerres contre-révolutionnaires. Elle réside aussi dans le prolétariat lui-même dont l’auto-éducation révolutionnaire n’était pas assez poussée, et pour preuve il a persisté jusqu'à ce jour à travailler plus dur pour un patron que pour lui-même. En définitive les masses se sont détournées du socialisme parce qu’il manquait de productivité, sans voir que cela signifiait qu’elles-mêmes en manquaient. Sauf à de courts moments, comme pendant le mouvement stakhanoviste, en URSS, pendant les années 1930.

La réussite future de la révolution est suspendue à ces progrès de la conscience dans les masses. Cette conscience qui progresse par vagues de longue amplitude (la Révolution Française fut à l'origine d'une série de séismes révolutionnaires de longue durée dont les répliques se propagèrent en réalité de 1787 à 1871, et la séquence révolutionnaire mondiale ouverte par la Révolution Russe de 1917 à 1979 - la révolution iranienne, le mouvement islamiste, mais aussi le montée du populisme de droite en Occident montrant le moment de sa perte d'influence sur les masses).

Une nouvelle vague révolutionnaire d'une puissance encore inconnue est en train de grandir dans le nouveau monde des « réseaux », matérialisé depuis peu de temps, à l'échelle de l'histoire, dans la structure Internet imaginée pour rendre indestructible le commandement militaire des États-Unis, et que sa croissance hors de tout contrôle détourne de ses buts. Et le pays où la prairie prendra feu bientôt n’est sans doute pas un autre que le plus avancé dans cette voie, les États-Unis d’Amérique et ses dépendances anglophones, dont la Grande-Bretagne.

Des temps intéressants s'annoncent. Les Gilets Jaunes français apparu subitement en novembre 2018 en sont comme un signe avant-coureur de révolutions, comparable à la Révolution russe de 1905, ou à la guerre d'indépendance américaine.

GQ, 14 décembre 2016, relu le 31 janvier 2025

PS : pour la plupart des gens de "gauche" il ne fait aucun doute qu'une "démocratie" de droite c'est à dire un système parlementaire bourgeois vaut mieux qu'une dictature de gauche, c'est à dire un système qui s'attaque par la force aux privilégiés de la fortune et de la culture. Le terme de démocratie est utilisé dans la culture scolaire et médiatique pour désigner son contraire, l'oligarchie ploutocratique qui a pris le pouvoir de manière manifeste en Occident depuis la chute de l'URSS, et qui n'a vraiment rien d'un "pouvoir du peuple".

Lorsque ce préjugé pour le régime libéral parlementaire inculqué par la peur, l'éducation et le spectacle commencera à vaciller, l'avenir s'ouvrira à nouveau à tous les possibles.

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