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Réveil Communiste

Orwell, un auteur de guerre froide

11 Octobre 2024 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #Front historique, #Royaume-Uni, #GQ, #Impérialisme, #Théorie immédiate, #Ce que dit la presse, #Mille raisons de regretter l'URSS

Depuis que Gérard Lébovici a réédité toute l'œuvre d'Orwell aux éditions Champ Libre, dans les années 1980, cet auteur a passé pour une icône révolutionnaire, d'abord chez les situationnistes de Guy Debord, puis parmi la foule de ceux qui ont été influencé par eux, le plus souvent sans le savoir.

Alors qu'il s'agit d'un romancier anticommuniste banal de la Guerre Froide (voir ses célèbres romans 1984 et la Ferme des Animaux, publiés en 1948) dont la promotion scolaire mondiale s'explique uniquement par son message politique sans ambiguïté. En terme de littérature d'anticipation, 1984 est un roman beaucoup plus faible pour dire l'avenir menaçant que son contemporain Meilleur des Mondes de Aldous Huxley.

Ce n'est ni un grand penseur, ni un grand écrivain. C'est un journaliste qui écrit des livres (d'où sa popularité dans la confrérie). Il avait produit avant la guerre des reportages biographiques-politiques : Dans la Dèche à Londres et Paris, Le Quai de Wigan, Hommage à la Catalogne, Souvenirs de Birmanie, où il s'engageait physiquement pour crédibiliser un message populiste sentimental et gauchiste, anti-intellectuel, et déjà, anticommuniste.

La common decency des gens simples tant vantée par Orwell et dont Jean Claude Michéa espère former la substance éthique du peuple révolutionnaire ne conduit à nulle prise de conscience. Il ne s’agit ni plus ni moins que de la morale populaire commune, qui subsiste un peu partout, et qui si elle a un fond solide de maximes simples et saines pour vivre ensemble avec ses voisins et ses cousins, est volontiers traditionaliste, sexiste, xénophobe et homophobe ; il suffit de lire Orwell lui-même pour s’en convaincre. Quant au prolétariat, quelques soient les préjugés qu'il véhicule, il est reconstitué dans la lutte qui transcende ces limitations et produira à son issue des valeurs nouvelles qui lui seront propres, qui ne relèveront ni de la tradition conservatrice, ni de la consommation aliénée des marchandises modernes ou du libéralisme moral accompagnant l'individualisme de masse.

Orwell manqua singulièrement lui-même de cette décence commune, qui déteste les informateurs, le jour où il établit une liste d'intellectuels communistes pour les signaler aux services secrets, en 1949.

Orwell produit une critique émotionnelle et paradoxale des injustices qui accablent le peuple décent et qu’il supporte avec constance, pour mieux discréditer toutes les tentatives crédibles mais indécentes et outrageantes de secouer cette société injuste. En Birmanie il donne longuement la parole aux birmans pro-colonisateurs qui raillent le manque d’authenticité des nationalistes. La théorie historique d'Orwell (formulée dans 1984) est d'une faiblesse à pleurer : de tous temps il y aurait eu trois groupes sociaux : les privilégiés, les "moyens" et les pauvres. Les "moyens" qui sont jaloux des privilégiés fomentent des révolutions en trompant les pauvres avec de fausses promesses, pauvres qui se révoltent mais restent pauvres comme avant. Lorsque les "moyens" deviennent à leur tour privilégiés en renversant les précédents, une nouveau groupe de "moyens" se forme. Qui fomente des révolutions. Et ainsi de suite.

C’est bien un tory, un conservateur paternaliste anglais. La symbolique grossière de Animal Farm est là pour le dire : le fond de sa pensée, c’est que les communistes sont des porcs. Faire la révolution, c’est se donner aux porcs. Orwell est un conservateur populiste en ce que comme Dostoïevski (mais sans le génie du romancier russe) et comme les slavophiles russes du début du XIXème siècle, il dote le peuple de qualités imaginaires pour l'opposer aux avant-gardes révolutionnaires chargées de toutes les tares. Il plonge bravement dans la Guerre d'Espagne ou dans le peuple anglais des mineurs, ou des prolétaires laissés pour compte du Quai de Wigan, pour pouvoir dire "j'y étais" quand il calomnie les vrais révolutionnaires, il va explorer ces marges comme on allait à l'époque chasser le tigre dans son milieu, ou comme un sportif de l’extrême ou un humanitaire d’aujourd’hui. Comme Kouchner au Biafra qui faisait servir la compassion aux intérêts pétroliers. Toujours la même histoire. Lorsqu'Orwell se met à vitupérer le capitalisme, c'est qu'il lui reproche en fait, en convergence avec la critique ultra-libérale de Von Hayek, d'être plus qu'à moitié socialiste. Le Welfare State et la sécurité sociale, voilà l'ennemi. Quant à l'État bourgeois et à ses gouvernements, Il s'en fait une idée complètement complotiste, comme on dit aujourd'hui.

PS : En réaction à des réactions colériques gauchistes sur Facebook :

Orwell aurait-il été à en croire certains un critique du stalinisme, et non du communisme proprement dit? Le stalinisme est un concept développé par des auteurs hostiles au communisme, qui décrit ses aspects négatifs apparus en contexte d'agression contre-révolutionnaire, comme si ce contexte n'existait pas, et qui se fonde sur des bilans et des témoignages exagérés ou fallacieux.

Il faut partir du principe méthodologique qu'à peu près rien de ce que la bourgeoisie a diffusé sur le socialisme réel n'est fiable. Le rôle d'intellectuels de gauche comme Orwell a été crucial pour créer le consensus dans la gens intelligente autour d'une image ultra-négative du socialisme réellement existant, à partir de ce qui n'était au départ qu'un mauvais discours de propagande.

Inévitablement, il y a eu des excès répressifs dans le seul pays du socialisme réel, confronté à hostilité implacable du reste du monde. Alors, on voudrait bien qu'il ait existé un communisme "gentil" qui n'eût jamais endossé la responsabilité d'aucun abus ! Un tel communisme n'aurait pas duré bien longtemps. Les staliniens avec leurs défauts et leurs limites ont réellement combattu le capitalisme, et la plupart des autres qui se gargarisent de révolution n'ont rien fait du tout, à part, comme Orwell, combattre ... le stalinisme.

La critique des "staliniens" est une chose facile, il suffit de reproduire tous les clichés idéologiques scolaires et médiatiques dont nous avons été abreuvés depuis l'enfance. Il n'empêche que pour l'essentiel ce sont ceux que l'on qualifie ainsi aujourd'hui avec haine et mépris qui ont réellement agis.

Aujourd'hui la politique "stalinienne" des partis du Komintern n'étant plus une option politique, et il faudrait se décoincer un peu et en reprendre la critique à nouveaux frais en sortant des ornières du discours bourgeois qui ne peut évidemment pas nous servir à grand chose pour préparer une nouvelle révolution prolétarienne (même et surtout le discours bourgeois d'extrême gauche). Sinon nous sommes partis pour conserver pour l'éternité le système actuel.

GQ, décembre 2015 - juillet 2021


 

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D
SVP désinscrivez- moi! Déjà je ne sais pas comment je me suis retrouvée sur votre mailing list et les querelles entre pro et anti staliniens ne m'intéressent pas...<br /> merci d'avance<br /> D<br /> <br /> En 1996 – puis encore une fois en 2002 –, d’indécrottables staliniens lancèrent puis exploitèrent une rumeur selon laquelle Orwell, loin d’avoir été l’homme intègre que nous admirons, n’aurait été qu’un vil indicateur de police : au début de la guerre froide, il aurait communiqué aux “services secrets britanniques” une “liste noire” dénonçant une série d’intellectuels communistes et autres “compagnons de route” !<br /> Cette sensationnelle “révélation” eut un retentissement énorme dans la presse, en Angleterre tout d’abord, puis dans le monde entier. Comme The Daily Telegraph l’écrivait, “ce fut comme si, dans 1984, Winston Smith avait délibérément collaboré avec la Police de la Pensée”. Et en France, Le Monde, pour sa part, osait encore titrer en 2003 : “Orwell, honorable correspondant : l’auteur de 1984 dénonçait aux services anglais les intellectuels crypto-communistes.”<br /> Cette prétendue découverte se référait en réalité à une initiative parfaitement innocente et nullement secrète (Crick la mentionnait déjà dans sa biographie d’Orwell, qui date de 1980). Une amie intime d’Orwell, Celia Kirwan, travaillait dans un département de propagande du ministère des Affaires étrangères ; ce service souhaitait soutenir activement des écrivains, journalistes et artistes capables de contrer la propagande communiste. Pour aider son amie. Orwell lui signala à titre privé un certain nombre de personnes dont, étant donné les sympathies politiques, la malhonnêteté ou la stupidité, il eût été contre-indiqué de solliciter la collaboration pour un tel projet.<br /> Tant les archives des Affaires étrangères que les papiers privés de Celia Kirwan (décédée en 2002) ont permis d’établir une lumière complète sur cette affaire, qui n’a d’ailleurs jamais rien présenté d’équivoque ni de ténébreux [12]. Le fait que, un demi-siècle après sa mort, Orwell ait pu encore être la cible d’une aussi crapuleuse calomnie montre bien quelle formidable et vivante menace il continue à présenter pour tous les ennemis de la vérité.
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O
Pour aider son amie. Orwell lui signala à titre privé un certain nombre de personnes dont, étant donné les sympathies politiques, la malhonnêteté ou la stupidité, il eût été contre-indiqué de solliciter la collaboration pour un tel projet.<br /> <br /> le simple fait de vous lire Dominique traduit par ce passage l’évidente collaboration politique policière ou dénonciatrice d'Orwel comme les lettres de dénonciations anonymes des années d'occupation nazie entre 1933 et 1944 <br /> <br /> <br /> affirmée par un autre passage Une amie intime d’Orwell, Celia Kirwan, travaillait dans un département de propagande du ministère des Affaires étrangères ; ce service souhaitait soutenir activement des écrivains, journalistes et artistes capables de contrer la propagande communiste<br /> <br /> Pour votre information la propagande à une toute autre signification pour les cultures ou programmes communistes En clair ce n'est pas un gros mot <br /> <br /> on ne peut plus clair Collaborer avec les forces du Capital ou de l’impérialisme libéral ne constitue ni une culpabilité ni une faute sauf que oui présenter Orwel comme une menace pour la Vérité avec un grand V <br /> <br /> Si à vos yeux les communistes sont les ennemis de la vérité je suis donc pour ma part un très gros menteur mais comme mes grands oncle morts ou résistants je suis fier de continuer leurs combats sans pour moi avoir du à cette date sacrifier ma carrière mes loisirs ou plus ma vie ou celles de mes proches Pour Tahon M mort pour la France entre 1939 et 1945 plaque de souvenir gare de LENS <br /> <br /> Je reste prêt à lire le nom de vos arrières parents ou proches morts pour la Résistance
R
En fait les défenseurs d'Orwell tentent de le faire passer pour un imbécile.
D
Et puis pendant la guerre d'Espagne on a trouvé la trace de ses contacts avec le côté franquiste alors qu'il était en zone républicaine. Cette version des choses hérisse les partisans posthumes du POUM.
R
Donc il a bel et bien établi une liste d'intellectuels communistes " à titre privé" ( sans blagues !) qui s'est retrouvée innocemment entre les mains des services secrets. Il y en a qui aiment tellement Orwell qu'ils préfèrent le faire passer pour un dangereux imbécile.