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Réveil Communiste

Mort de Le Pen : la haine du "R-haine" est-elle une bonne haine ?

14 Janvier 2025 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #Qu'est-ce que la "gauche", #Élections, #Théorie immédiate, #GQ, #Positions, #Front historique, #Front politique intérieur

Mort de Le Pen : la haine du "R-haine" est-elle une bonne haine ?

Les militants qui manifestent dans la rue pour exprimer leur joie à l'annonce de la mort de l'épouvantail sont d'une incroyable bêtise ... on dirait qu'ils croient que Le Pen gouvernait !

La haine du « R-haine » est elle une bonne haine ?

Dans le prolétariat qui vote en France en 2024, le RN est majoritaire, ce qui sème la panique chez beaucoup de militants de gauche, et développe chez eux la « haine du R-haine », ce qui ne risque pas de convaincre les prolétaires en question de changer d’avis.

Les antifascistes des années 1930 et 1940 s’opposaient aux fascistes et aux nazis certes parce qu’ils rejetaient leur programme politique, les jugeaient répugnants sur le plan moral et qu’ils condamnaient leur racisme ostentatoire et leurs pratique de la violence, mais ils les haïssaient, quand ils le faisaient - ce n’était pas le cas de Gramsci, pourtant emprisonné par Mussolini - pour une autre raison : parce que fascistes et nazis était déterminés à briser les grèves, à exercer ouvertement la terreur contre les militants ouvriers et des partis de gauche, à les battre et les humilier, à leur faire avaler de l’huile de ricin, à les tuer, et que c’était même leur raison d’être, c’était la raison pour laquelle ils étaient payés par les grands patrons.

On ne hait rationnellement que les gens dont on connaît clairement par expérience directe le caractère immédiatement dangereux et non parce qu’on les condamne moralement : ce n’était pas les journalistes et les professeurs, les curés et les humanitaires, mais l’expérience concrète dans la rue qui leur avait appris à redouter les fascistes, à les haïr et à les combattre.

La haine construite par les médias, et la culture scolaire, avec des motivations vertueuses, et quelle qu’en soit l’objet, est d’une toute autre nature, et malgré les bonnes intentions qui sont toujours affichées,  fondamentalement perverse.

Les antifas d’aujourd’hui sont complètement différents des prédécesseurs qu’ils se revendiquent : ils haïssent sur commande des gens dont ils ignorent tout. Ils se sont construits un adversaire abject fantasmé, qui est le reflet inverse de l’image flatteuse qu’ils se font d’eux-mêmes, et estiment qu’ils ont le droit de prendre l’initiative de la violence contre lui, d’empêcher qu’il se réunisse et s’exprime librement, et plus encore de réclamer de la part du pouvoir bourgeois des mesures de répression policières et judiciaires contre cet adversaire.

Cette culture politique du gauchisme contemporain utilise le récit historique des années 1930 comme une excuse pour son incapacité politique et pour ostraciser une bonne partie du peuple en France et dans les autres pays occidentaux, comme si elle voulait « dissoudre le peuple », comme aurait dit Brecht.

Brecht critiquait avec cette formule l’action des autorités de la RDA où il vivait dans les années 1950, quand ce pays en formation était effectivement gouverné par une mince couche de résistants antinazis endurcis dans la lutte, placés par la victoire soviétique en surplomb au-dessus des masses allemandes, masses qui avaient été nazifiées dans un passé récent – et envers lesquelles l'attitude soupçonneuse et répressive qui aboutit à la construction du Mur de Berlin en 1961, pouvait s’expliquer et se justifier. Rien de tel en France aujourd’hui.

L’extrême-droite en effet a progressé dans les élections depuis les années 1980 en récupérant des thèmes de campagne d’origines diverses qui ne sont pas essentiellement ceux de ses prédécesseurs d’avant-guerre : sécurité, protectionnisme, refus de l'immigration, de l'assistanat … qu’on soit d’accord ou non avec les idées sur ces questions qui sont reprises par le RN et qui sont très répandues dans les masses, elles n'ont rien à voir, ou seulement par extrapolation et procès d'intention avec les caractéristiques du fascisme, c'est à dire la conception inégalitaire de la société, le racisme idéologique et assumé, le suprématisme blanc, le nationalisme belliciste, le collaborationnisme, le colonialisme, la pratique revendiquée de la torture, la dictature du chef charismatique et l’antisémitisme. Et cela dans une société où la mentalité autoritaire et sa valorisation idéologique ont complétement disparu, pour être remplacées par une culture paradoxale de la victimisation au nom de laquelle la haine et la répression des autoritaires ou présumés tels est légitime et même recommandée.

La haine du R-haine, c’est à dire des foules qui votent pour lui, est donc une pratique d’amalgame qui ne vaut pas mieux que la haine qu’elle veut contrer, et elle évolue chez certains en une sorte de racisme autosatisfait qui ne dit pas son nom contre un adversaire construit de toute pièce qui ressemble fort à la haine antisémite d’avant-guerre qui reconstruisait ad-hoc la figure du juif pour pouvoir le haïr.

Les persécutions racistes se produisent objectivement dans les sociétés modernes quand des masses ont été convaincues que d‘autres masses distinctes culturellement et dont les individus qui les constituent sont aisément repérables,  représentent un danger existentiel. Les antifas actuels craignent les gens ordinaires qui votent pour le RN comme un tel danger, et ils vont utiliser leur influence dans des médias qui leurs sont fondamentalement favorables par préjugé de classe pour les stigmatiser et les ostraciser, à la manière du maccarthysme anticommuniste américain, dans un premier temps, et faire plus éventuellement avec les possibilités de contrôle social technologique qui se sont développées dans le monde actuel.

Il s'agit d'une tartufferie caractéristique de l'évolution générale du capitalisme impérialiste en Occident. On constate d'ailleurs qu'une même logique d'amalgame sur l'autre bord est à l'œuvre avec la dénonciation de l’antisémitisme attribué à LFI, au moment même où Israël commet des massacres de masse génocidaires contre les Palestiniens à Gaza. Il s'agit encore une fois de diaboliser de manière perverse des adversaires politiques considérés à tort ou à raison (plutôt à tort) comme dangereux pour l’ordre établi, et de propager la haine des Arabes et des musulmans par dessus le marché. Certaines des victimes de ces amalgames entre antisémitisme et antisionisme ont pourtant sympathisé avec les pratiques des antifas qui ne les ciblaient pas.

Ainsi en renvoyant dos à dos RN et LFI tente-t-on de sauver aujourd'hui le consensus politicien européen et atlantiste en manipulant la "haine de la haine", contre les prétendus extrêmes des deux cotés.

Fidel, et Pasolini, ont chacun de leur coté averti en leur temps que si le fascisme revenait, il le ferait sous le masque de l’antifascisme.

GQ, 20 juin - 2024, relu le 8 janvier 2025

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A
Une commentatrice de LGS a retrouvé la citation de Fidel :<br /> 1992 :"La próxima guerra en Europa será entre Rusia y el fascismo, excepto que al fascismo se le llamará Democracia (Fidel Castro-1992)" <br /> "La prochaine guerre en europe se produira entre la Russie et le fascisme, sauf que le fascisme portera le nom "démocratie"" https://kaosenlared.net/fidel-la-proxima-guerra-en-europa/<br /> <br /> Ce qui confirme encore la clairvoyance de Fidel mais la citation comme son contexte ne sont ni similaires, ni proches de celle de Pasolini, ce qui confirme mon impression et souvenir : Fidel n’a jamais déclaré que "si le fascisme revenait, il le ferait sous le masque de l’antifascisme."<br /> <br /> Au contraire, Fidel a toujours appelé à la lutte anti-fasciste et maintes fois réitéré son soutien aux anti-fascistes, qu’ils soient des Amériques ou d’ailleurs. Il en va de l’anti-fascisme, comme du féminisme ou autres luttes de la gauche authentique ; ce n’est pas parce que le système capitaliste et son spectacle détournent et “récupèrent”, quand ça les arrange, un anti-fascisme de posture, que cette lutte en deviendrait moins importante, particulièrement aujourd’hui.<br /> BàV.
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R
Moi aussi comme ALAIN CHANCOGNE, avec toute ma famille en FRANCE et en ESPAGNE avons célèbre au champagne la mort de Franco et depuis je n' ai jamais cessé de faire la vérité sur ce qu était le franquisme et certainement que moi et mes amis l' avons mal fait ou in suffisemment puisque le parti franquiste VOX est aux portes du pouvoir avec ses complices neo fascistes du parti populaire. <br /> Il faut être complètement hors sol pour ne pas voir que la même chose se prépare en France avec hélas la complicité de ceux qui nous proposent à partir d'une construction pseudo " intellectuelle" de ne pas hair et ne pas attaquer le RN parce que des prolos votent pour eux. Comparaison n' est pas raison mais les anti nazis auraient dû se tairent et ne pas lutter contre HITLER parceque la majorité des prolos allemands le soutenaient.? <br /> Vouloir à tout prix se démarquer, OK, mais un communiste ne doit en aucune circonstance renoncer à lutter contre le fascisme... Mais le suicide n' est pas interdit...
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E
[POUR INFO] VU SUR LA PAGE D’ALAIN CHANCOGNE SUR SA PAGE FACEBOOK = <br /> Réveil... COMMUNISTE ???<br /> Fallait continuer à dormir, Gilles Questiaux !<br /> L'"incroyable" et pitoyable posture, c'est de se croire obligé de venir insulter ceux qui, comme moi, oui, arrosent le départ vers l'enfer de l'ordure borgne, en pissant sur ce cadavre<br /> Pourquoi écrire cette idiotie, stp ?<br /> " la haine du R-haine, C'EST A DIRE DES FOULES (majuscules A. C) qui votent pour lui, est donc une pratique d’amalgame qui ne vaut pas mieux que la haine qu’elle veut contrer, et elle évolue chez certains en une sorte de racisme autosatisfait qui ne dit pas son nom contre un adversaire construit de toute pièce qui ressemble fort à la haine antisémite d’avant-guerre qui reconstruisait ad-hoc la figure du juif pour pouvoir le haïr."<br /> Ou vas tu avec CE genre de" pensée "qui n'est qu'un petit buzz pour gagner des galons de chroniqueur" marxiste" qui se hisse au niveau de la Réflexion quand des cons comme moi, en restent à la pulsion, à l'"émotion" <br /> -----<br /> On peut refuser, comme moi, de traiter de fachos les électeurs du RN, ne pas scander comme slogan "communiste" le soir du 30 juin " Le fascisme ne passera pas", en faisant voter Darmanin et Borne,<br /> ... et en même temps, quand CRÈVE le tortionnaire d'Algeriens ( gégène, baignoire et couteau, cadeau d'un SS), se réjouir, comme on le fait quand un rat porteur de peste est victime d'un infarctus<br /> Comme ma famille d'origine espagnole a sabré le "champagne catalan" quand on a enfin débranché le mort-vivant Franco la Muerte, un soir de novembre 75<br /> Certes, Le Pen ne fut pas Hitler, même si son parti est né grâce au fric et au "militantisme" de SALAUDS qui avaient salué la mort de Manouchian, Gabriel Péri.<br /> Mais, oui, c'est un devoir révolutionnaire que de rappeler que le "ventre de la Bête est encore fécond"<br /> Tu veux démontrer quoi en parlant de notre" incroyable BÊTISE "? <br /> Que tu possèdes un cerveau capable de ne pas sombrer dans la" haine"?? <br /> Et tu viens nous citer<br /> Pasolini, Fidel, Brecht et Gramsci pour étaler ta CULTURE ? <br /> Je ne t'en veux pas<br /> Je te plains.<br /> A. C
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R
c'est dans la manière qu'on a de se faire plaisir que la bêtise se révèle le mieux.
A
Bonjour,<br /> Pourriez-vous préciser où et quand Fidel Castro aurait déclaré/averti "que si le fascisme revenait, il le ferait sous le masque de l’antifascisme. "?<br /> Idem pour Pasolini,<br /> merci d'avance.
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R
Ou dans le contexte de la "chute du mur"
R
J'ai fait une recherche rapide et je n'ai rien trouvé pour le moment. Dans mon souvenir, c'est une remarque en conclusion d'une dénonciation de la récupération des droits de l'homme par les États-Unis.
A
En effet c'est bien dans les "écrits corsaires" de Pasolini, en 1976, qu'il écrit "Le fascisme peut revenir sur la scène à condition qu’il s’appelle anti-fascisme", merci pour la piste ainuage.<br /> <br /> Par contre je ne trouve pas concernant Fidel Castro, si quelqu'un a une piste? Je connais mieux Fidel que Pasolini, or cette déclaration a du m'échapper et elle me surprends, dans le sens où l’Amérique du Sud a vu le "retour" du fascisme (qui n'avait rien d'anti-fasciste) et plus d'une fois.
A
Autre citation de Pasolini :<br /> Pour moi, la véritable intolérance est celle de la société de consommation, de la permissivité concédée d’en haut, qui est la vraie, la pire, la plus sournoise, la plus froide et impitoyable forme d’intolérance. Parce que c’est une intolérance masquée de tolérance. Parce qu’elle n’est pas vraie. Parce qu’elle est révocable chaque fois que le pouvoir en sent le besoin. Parce que c’est le vrai fascisme d’où découle l’antifascisme de manière : inutile, hypocrite, et, au fond, apprécié par le régime. »<br /> <br /> Écrits corsaires, 1974<br /> <br /> Pier Paolo Pasolini
R
Une recherche internet élémentaire devrait vous donner satisfaction. L'opposition frontale de Pasolini aux gauchistes soixante-huitards et aux antifascistes de salon est bien connues et quant à Fidel, cela provient d'un discours qui date je crois de la période spéciale (1990- 2000) qui évoque le maquillage humanitaire de l'action de la CIA en Amérique latine
R
Selon ce texte on ne peut hair seulement ce que l' on subit, ainsi on ne peut pas hair le RN parce qu il n' est pas au pouvoir. Cet argument est plus que discutable, je n' ai pas connu l' esclavagisme pourtant je le hais, je n' ai pas connu le fascisme hitlérien pourtant je le hais, je n' ai pas connu l' apartheid pourtant je le hais,... Et la liste est infinie... a quoi sert de s' instruire si au final on ne peut pas porter un jugement ni ressentir des sentiments y compris la haine sur des personnages, des périodes de l' histoire, des événements...<br /> Je ne comprends pas le sens de cette argumentation car selon moi, haïr le RN cela ne signifie évidemment pas que l' on hait les prolos qui votent RN et comment convaincre ces prolos de cesser de le faire si on ne dénonce pas le caractère haissable du RN, pour moi c' est tout au contraire faire silence sur ces aspects haissable que l' on encourage les prolos à voter RN
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A
Autre citation de Pasolini :<br /> Pour moi, la véritable intolérance est celle de la société de consommation, de la permissivité concédée d’en haut, qui est la vraie, la pire, la plus sournoise, la plus froide et impitoyable forme d’intolérance. Parce que c’est une intolérance masquée de tolérance. Parce qu’elle n’est pas vraie. Parce qu’elle est révocable chaque fois que le pouvoir en sent le besoin. Parce que c’est le vrai fascisme d’où découle l’antifascisme de manière : inutile, hypocrite, et, au fond, apprécié par le régime. »<br /> <br /> Écrits corsaires, 1974<br /> <br /> Pier Paolo Pasolini
R
Parce qu'en fait ces gens ne haïssent pas le fascisme, ils adorent le haïr, ce qui est bien différent.