Le sionisme aurait-il pris en otage la politique internationale des États-Unis ?
Depuis le retour de Trump au pouvoir, on constate à la fois une surenchère idéologique sioniste de la part de la nouvelle administration américaine, qui reprend la proposition criminelle avancée puis rapidement abandonnée par ses prédécesseurs de vider Gaza de sa population, et des velléités contradictoires - et manifestement sans effet, la trêve qu'il avait imposé en janvier ayant déjà volé en éclats - de montrer à Israël "qui est le patron" (20 mars 2025).
Le sionisme aurait-il pris en otage la politique internationale des États-Unis ?
Loin d’être un simple porte-avion insubmersible placé au Moyen Orient par l’impérialisme américain, comme Taï Wan en Mer de Chine, Israël aurait-il pris le contrôle des États-Unis ?
Comme il ne pourrait exercer une telle influence que par l’intermédiaire du lobby juif états-unien, la réponse à cette question est liée à la levée du tabou qui porte sur le rôle politique des juifs en Occident.
S’il est vrai que la simple masse respective des États en cause rend l’hypothèse improbable, le fait qu’il soit difficile de formuler cette hypothèse sans être diabolisé introduit le soupçon que ce soit effectivement le cas. Suivant l’adage attribué à Voltaire : « si tu veux savoir qui a le pouvoir, regarde qui tu n’as pas le droit de critiquer ».
Alors revenons sur ce tabou.
Il existe un préjugé populaire : les juifs seraient plus intelligents et plus riches que les autres – exprimé quand on ose le faire, avec une dose de jalousie.
J’ai le regret de le dire, mais ce préjugé a toutes les chances de refléter la réalité. On ne trouvera pas facilement, à cause du tabou justement, les données statistiques précises pour le confirmer, mais c’est l’évidence même.
Il est en effet évident que les juifs qui représentent au grand maximum 2% de la population de l’Occident (Israël compris, 20 millions environ sur un milliard) y possèdent plus de 2 % du capital, occupent plus de 2% des hauts postes de responsabilité, et surtout représentent plus de 2% des célébrités de l'art, de la science, de la culture et de la politique. Même en l’absence de données statistiques n'y a guère la possibilité de mettre en doute ces faits.
C'est un phénomène récent : en Occident depuis un siècle les juifs ont réalisé une ascension sociale rapide et généralisée, qui les place maintenant presque tous dans la bourgeoise, et plutôt dans sa tranche supérieure (ce qui n’était pas du tout le cas avant 1945 quand la majorité des juifs français et américains étaient des immigrés récents qui appartenait à la classe ouvrière, à l’époque où les préjugés antisémites étaient monnaie courante et acceptés dans la culture commune, et constituaient le fond de commerce de la démagogie électorale de la droite et du fascisme).
Or si les juifs sont d’une manière générale plus riches et plus intelligents que les autres, il va sans dire qu’ils sont aussi plus influents.
Voilà donc révélé le secret de polichinelle qui obsède les mauvais esprits dans nos sociétés libérales et dites démocratiques.
Maintenant cette influence est-elle illégitime, relève-t-elle d’un privilège immérité ? Oui et non.
Non, parce que la réussite scolaire et la manifestation du talent individuel quand ils sont bénéfiques pour "l'utilité commune" sont les seules sources de légitimité pour les « distinctions sociales » comme l’écrit la Déclaration de Droits de l’Homme de 1789, admises par la bourgeoisie depuis 1789 comme ses Tables de la Loi, et comme les juifs ne manquent ni de diplômes ni de talents reconnus, on peut dire qu’ils jouent loyalement le jeu de la méritocratie.
Mais elle perd rapidement sa légitimité et se dégrade en privilèges indus lorsque cette situation se reproduit sur deux ou trois générations, quand la prospérité acquise par le talent des parents se mue en rente financière ou culturelle héritée par les enfants et les petits-enfants, ce qui est considéré dans le langage démocratique comme peu légitime, au moins à l'aile gauche de l'idéologie bourgeoise ; et d’ailleurs cette rente, comme le font toujours les rentiers, s'investit dans le contrôle du territoire, par les investissements immobiliers, et sur un autre plan par la création, chose nouvelle pour cette communauté ethnico-religieuse, et en rupture avec ses meilleures traditions, d'un territoire national souverain, Israël, situé comme on sait en Palestine. Et il y a de la part des représentants organisés des communautés juives et des réseaux juifs influents dans les pays occidentaux un alignement évident et impossible à nier sur Israël et sur ses intérêts stratégiques.
A cause du sionisme, la culture juive qui était exempte du chauvinisme national qui affligeait les autres cultures bourgeoises a subi une sacrée baisse de niveau, comme en témoignent les fuites en avant dans la démesure, l'autoritarisme et les déclarations hystériques des dirigeants politiques actuels en Israël et dans la diaspora.
La question de l’influence des juifs est une question interne à la bourgeoisie : ce groupe ethnico-religieux y fait de l’ombre aux autres, et fait de l’ombre aussi aux représentants des classes populaires – et des autres minorités - qui veulent emprunter l’ascenseur social pour s'y intégrer.
Comme dans les années 1930 quand l’apparition soudaine d'étudiants en médecine juifs a semé la panique dans la faculté, où jusque-là les clientèles et les sinécures familles se transféraient tranquillement d’une génération à l’autre, une partie de la bourgeoise, notamment dans les universités en Amérique du Nord, commence à ruer dans les brancards - et utilise le soutien à la Palestine pour exprimer son mécontentement d'avoir à subir un handicap dans cette lutte des places.
La bourgeoisie juive – c’est à dire en fait la communauté juive organisée qui est un des piliers de la bourgeoisie occidentale – est surreprésentée, c’est le moins qu’on puisse dire, dans les secteurs dynamiques caractéristiques du système économique mondialisé postmoderne : finance, négoce international, mais aussi communication, médias, culture, art, et la croissance relative de l’économie immatérielle défavorise l’économie industrielle chère aux weberiens, qui était animée par d'autres réseaux patronaux : protestants, catholiques, relevant de fraternités laïques, ou par des clans familiaux structurés sur des métropoles ou des territoires nationaux ou régionaux. Elle est aussi en phase avec le nouvel esprit du capitalisme caractérisé par l’hédonisme et la déchristianisation.
Critiquer le capitalisme actuel, c’est forcément qu’on le veuille ou non critiquer l'action de réseaux juifs qui contribuent à son fonctionnement et à son orientation, mais l’inverse n’est pas vrai. On peut et c'était en général ce qui se passait autrefois quand c’était admis, critiquer les juifs sans critiquer le capitalisme, et pour faire l'économie de la critique du capitalisme.
Donc on peut dire que : oui, les juifs organisés en réseaux officiels ou informels et en groupes de pression politiques influencent fortement la détermination de la politique en occident, et particulièrement de la politique internationale américaine, dans un sens favorable à Israël. Et que leur dispersion dans les métropoles du monde occidental les rend aussi plus conscients que les autres des intérêts stratégiques de l'Empire américain et de l'Occident considéré comme un tout, et mieux à même d'exercer une influence concertée et cohérente sur sa politique internationale.
Cela dit, la communauté juive des États-Unis apparaît maintenant en crise : confrontée à la fin de la mondialisation, au phénomène populiste américain, à la guerre de Gaza et à ses effets sur la société occidentale, elle s'est scindée en plusieurs partis qui suivent des stratégies contradictoires. Pour faire court, le sionisme néofasciste extrémiste qui s'est aligné sur Trump, qui sait le flatter, s'oppose maintenant aux réseaux globalistes de la diaspora qui structurent le parti démocrate, et une aile gauche minoritaire tente désespérément de dissocier les juifs américains de la démence meurtrière israélienne.
L’Amérique en elle-même, du point de vue de sa classe dirigeante, n’est rien d’autre qu’une coalition instable de réseaux ethnico-religieux, et Israël par la mentalité dominante de sa population est largement homogène à la société américaine moderne, et post-moderne. Israël est en réalité comme un 51ème État des État-Unis et sans doute est-il plus prégnant dans la fixation de l’orientation générale de sa politique mondiale que même la Californie ou le Texas.
Israël détermine la politique des États-Unis dans la mesure où il en est une extension, et qu’il n’est pas au fond un État souverain qui serait viable séparément sans sa protection et sans ses armes.
Un dernier point : ce qui précède ne signifie pas que tous les juifs à titre individuel adhèrent au capitalisme ou à l’impérialisme, loin s’en faut. Comme tout le monde le sait d’ailleurs.
Par ailleurs le terme « juif » désigne ici suivant l'usage qui domine aujourd'hui ceux qui se reconnaissent et s’identifient comme tels, et non selon l'usage antisémite du terme - qui est aussi son usage sioniste - tous ceux qui ont des ancêtres juifs plus ou moins lointains. Mais dans notre fluide postmodernité, si des individus d'origine juive se détachent de leur communauté par rejet du sionisme, il y a bien davantage de néophytes paradoxaux du judaïsme qui veulent s’y agréger par intérêt, et qui utilisent le zèle pro-sioniste pour ce faire, de Biden à Macron et du RN aux néo-nazis ukrainiens.
GQ, 27 mai 2024, relu le 24 mars 2025
PS La cause du niveau culturel et scolaire élevé des juifs, toutes choses égales par ailleurs, réside dans des caractéristiques historiques propre au judaïsme qui ont conduit à valoriser et à favoriser sur plusieurs générations le travail intellectuel et artistique et ceux qui y excellent, de manière à créer des lignées de savants et d'artistes, et aussi dans les bonnes pratiques éducatives qui régnaient dans les communautés juives. Mais l'hégémonie de la vulgarité sioniste et son effet de meute compromet aujourd'hui la poursuite à l'avenir de cette excellence intellectuelle et culturelle qui fut propre au judaïsme pendant si longtemps.
PPS Une réaction à cet article qu'on peut voir dans les commentaires me reproche de sous estimer l'action délibérée de la communauté juive pour influencer la politique des pays où elle est implantée. On lira ma réponse ci-dessous, mais qu'on se pose la question : qu'est ce qu'une communauté? si ce n'est un groupe organisé pour l'influence et l'entraide ? et si les "goyim" n'ont pas d'influence et ne s'entraident pas, c'est tout simplement parce qu'ils ne forment pas une communauté.