Comment l'Empire perçoit-il le tribut permanent qu'il exige du reste du monde ? (1/2)
16 Janvier 2025 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #Impérialisme, #Economie, #États-Unis, #L'Europe impérialiste et capitaliste, #Théorie immédiate, #GQ
Comment l'Empire perçoit-il le tribut permanent qu'il exige du reste du monde ? (1/2)
Nous vivons avec les Européens et les Nord-Américains dans un Empire, qui perçoit aux dépens de ses alliés et sur le reste du monde un tribut considérable. Mais cette réalité est niée par les intéressés, qui se prétendent tous libres, égaux et fraternels – et même sororaux - et n’apparaît nulle part dans leur description du monde, y compris dans les tableaux des flux économiques. Alors comment l’Empire s’impose-t-il économiquement, sans que personne ne semble s’en apercevoir ou rien y trouver à redire ?
Pour commencer, les États-Unis, ou plutôt leurs monopoles privés qui participent au complexe militaro-industriel vendent des armes à leurs alliés, à un prix défiant toute concurrence … par son excès ! Armes qui comme la guerre d’Ukraine l’a révélé, sont fragiles, peu fiables, inutilement sophistiquées, mal testées sur le terrain, et donc largement surfacturées et grevées de commissions. C’est un aspect très important du tribut impérial, mais ce n’est pas le seul ni sans doute le plus important.
Ensuite, ils protègent par l’instrumentalisation extraterritoriale de leurs tribunaux la situation des capitalistes américains, et visent à briser toute entreprise de taille mondiale montante qu’ils ne contrôlent pas. En ce moment, ce sont les entreprises chinoises qui sont dans la ligne de lire. Ils ont empêché ainsi à tour de rôle la montée au premier plan d’économies concurrentes, ils l’ont fait pour le Japon, l’Allemagne, la France, et aussi de leurs amis Coréens du sud et Taïwanais.
Mais ce qui est vraiment crucial, c’est que les États-Unis peuvent se procurer tout ce qu’ils veulent sur le marché mondial en échange de dollars, qu’ils leur suffit d’émettre ex-nihilo, et c’est le seul pays qui peut agir ainsi, en exportant sur le reste du monde une partie de l’inflation qui en découle (l’autre partie se manifestant par l’envolée des cours de bourse et de l’immobilier). En ce sens ils peuvent continuer à financer n’importe quelle guerre, et une couche de rentiers oisifs de plus en plus épaisse, tant que leurs dollars sont acceptés comme moyen de paiement partout sans perdre leur valeur malgré leur abondance (l’interpénétration des firmes transnationales des deux cotés de l’océan et la similitude des coûts de production lie l’euro et la livre sterling au destin du dollar et permet à l'Europe de participer aux bénéfices provisoires cette création monétaire illimitée).
Ils peuvent ainsi, depuis que la valeur du dollar a été détachée de celle de l'or en 1971, vivre en déficit permanent et plusieurs fois cumulés (aujourd’hui il atteint 35 000 milliards de dollars), parce que les pays exportateurs leur rendent un tribut direct sous forme d’achat d’obligations, et d’autres papiers financiers américains, qui ne seront jamais remboursés – au su et au vu de tout le monde - et dont les intérêts sont couverts par de nouveaux emprunts.
Un considérable tribut en nature est fourni en outre à l’Amérique du Nord et à L’Europe par l’émigration des cerveaux et de la force de travail originaire du Sud. Prélèvement direct et gratuit sur ses ressources humaines du Sud, qui permet essentiellement au monde riche de payer le travail de ses salariés en dessous de sa valeur, le coût du renouvellement générationnel des travailleurs étant externalisé dans le reste de monde. C’est de loin la forme majeure du pillage du Tiers Monde à l’heure actuelle.
Indépendamment des questions humanitaires, il est certain que lutter pour la libéralisation des migrations, c’est en réalité favoriser le statu-quo impérialiste. Ce prélèvement est complété par l’exploitation de la force de travail de la périphérie sur place dans les entreprises délocalisées ou sous-traitantes, ce qui permet aussi d’importer des produits de consommation de base, et de diminuer encore davantage la valeur de la force de travail métropolitaine.
Cette interpénétration de la population entre les marges, la périphérie et le centre de l’Empire facilite le contrôle du personnel politique dans les pays dépendants, par formation, sélection, intimidation, lawfare, corruption, et par la création par l’intermédiera des ONG d’un milieu local rémunéré directement ou indirectement, favorable au relai de l’influence de l’Empire, qui oriente leur politique intérieure et qui à l’occasion sert de masse de manœuvre pour des coups d’État, comme en Ukraine en 2014.
Il y a bien sûr aussi les formes plus visibles et plus classiques de la perception du tribut par le contrôle économique et militaire direct des approvisionnements en énergie et en matières premières stratégiques (gisements, et voies de communication). La liste des pays ayant fait l’objet d’ingérences militaires ou terroristes depuis un demi siècle est éloquente (Algérie, Irak, Libye, Venezuela, Angola, Iran, Syrie, Russie ...)
Cette pression militaire directe est complétée par l’utilisation du terrorisme direct ou manipulé pour semer le chaos : cette menace pèse sur tous les pays qui veulent s’affranchir des règles arbitraires de l’Empire – c’est bien le sens de l'attentat du Crocus City Hall à Moscou le 22 mars 2024 dont l’inspiration provient sans doute moins d'Ukraine que directement des États-Unis.
Les sanctions internationales complètent le tableau, avalisées ou non par l’ONU, et encore plus leur relai dans l’appareil judiciaire international et extraterritorial, qui si elles échouent lorsqu’elles sont imposées à des pays continents, causent un préjudice considérable et des effets létaux à grande échelle dans des pays plus petits (Corée, Cuba, Venezuela, Iran, Irak, Afghanistan etc).
Et enfin lorsque tous ces procédés ont échoué à mettre au pas les nations qui rechignent à entrer dans les rangs, l’empire se décide à la guerre directe, qui est clairement annoncée, contre la Chine, l’Iran, la Corée, et qui est commencée contre la Russie.
Dans la seconde partie, nous expliqueront comment le système impérial est intrinsèquement lié au développement actuel des rapports de production capitalistes.
GQ, 8 avril 2024, relu le 26 décembre
Lien à la suite (2/2) : Comment l'Empire perçoit-il son tribut?
PS l'impérialisme de 2024 ne fonctionne pas de la même manière que celui qui a été décrit par Lénine dans "L’Impérialisme, stade suprême du capitalisme (1915), il n'exporte plus tellement de capital dans le but de contrôler les matières premières et les marchés, il impose un tribut sous la forme principalement de dettes sur-accumulées, d'émission monétaire sans contrepartie matérielle, du prélèvement de la main d'œuvre et de droits sur des marchandises immatérielles, le tout mis en œuvre en dernière analyse par la menace d'intervention militaire. C'est l'empire du débiteur et non du créancier.
Réveil Communiste :
Réveil Communiste est animé depuis 2010 par Gilles Questiaux (GQ), né en 1958 à Neuilly sur Seine, professeur d'histoire de l'enseignement secondaire en Seine Saint-Denis de 1990 à 2020, membre du PCF et du SNES. Les opinions exprimées dans le blog n'engagent pas ces deux organisations.
Le blog reproduit des documents pertinents, cela ne signifie pas forcément une approbation de leur contenu.
Le blog est communiste, non-repenti, et orthodoxe (comme ils disent). Il défend l'honneur du mouvement ouvrier et communiste issu de la Révolution d'Octobre, historiquement lié à l'URSS quand elle était gouvernée par Lénine et par Staline, mais sans fétichisme ni sectarisme. Sa ligne politique est de travailler à la création et à l'unité du parti du prolétariat moderne, et de lutter contre l'impérialisme (contre le seul qui importe, l'impérialisme occidental, dirigé par les États-Unis).
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