Sur la fabrication américaine de l'État fantoche afghan (2/2)
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Le Conseil atlantique de l'OTAN cultive Ghani.
Tapant à la machine dans leurs bureaux hermétiques de la rue K à Washington DC, des experts portant des piles de livres ont contribué à fournir la justification politique et intellectuelle de la poursuite de l'occupation militaire étrangère de l'Afghanistan, qui dure depuis deux décennies. Les groupes de réflexion qui les employaient semblaient considérer la guerre comme une mission civilisatrice néocoloniale visant à promouvoir la démocratie et les lumières auprès d'un peuple "arriéré".
C'est dans cet environnement clos de Tanks de la pensée et d'universités américains politiquement connectés, au cours de ses 24 années passées aux États-Unis de 1977 à 2001, que Ghani le politicien est né. La puissante Brookings Institution s'est entichée de lui. Dans le Washington Post de 2012, le directeur libéral-interventionniste de la recherche en politique étrangère du groupe de réflexion, Michael E. O'Hanlon, a qualifié Ghani de "magicien de l'économie".
Mais la principale organisation qui a favorisé l'ascension de Ghani est l'Atlantic Council, de facto groupe de réflexion de l'OTAN à Washington.’
(Ndt l’Atlantic Council a été fondé en 1961 pour intensifier les relations entre l’Europe et les Etats-Unis. Il sert surtout à favoriser les relations que ne passent pas par les canaux politiques et diplomatiques officiels, c’est un appendice de l’OTAN. L’Atlantic Council est financé entre autres par les Emirats arabes unis et Bahaa Hariri milliardaire fils ainé et héritier de Rafik Hariri)
Les influences et les sponsors de Ghani sont clairement mis en évidence par son compte Twitter officiel, où le président afghan ne suit que 16 profils. Parmi eux, l'OTAN, la Conférence de Munich sur la sécurité et le Conseil de l'Atlantique.
La collaboration de Ghani avec ce Tank de la pensée remonte à près de 20 ans. En avril 2009, Ghani a accordé une interview flatteuse à Frederick Kempe, président et directeur général de l'Atlantic Council. Kempe a révélé que les deux hommes étaient des amis proches et des collègues depuis 2003.
Ndt- une photo dans l’original montre Ashraf Ghani avec son ami et allié proche, le président et directeur général du Conseil atlantique Frederick Kempe, en 2015. Frederick Kempe a fait une brillante carrière de journaliste au Wall Steet Journal . A la tête de l’AC depuis 2007 il l’a beaucoup développé pour lui donner une dimension globale d’intervention commune des Etats-Unis et des pays d’Europe dans le monde entier.
"Lorsque je suis arrivé au Conseil atlantique, s'est souvenu M. Kempe, nous avons mis en place un conseil consultatif international, composé de présidents et de PDG en exercice d'entreprises d'envergure mondiale, ainsi que des ministres – ou d'anciens ministres d'une certaine renommée - de pays clés. À ce moment-là, je n'étais pas tant déterminé à ce que l'Afghanistan soit représenté au sein du conseil consultatif international, car tous les pays d'Asie du Sud ne le sont pas. Mais j'étais déterminé à avoir Ashraf Ghani".
M. Kempe a révélé que M. Ghani n'était pas seulement membre du Conseil consultatif international mais qu'il faisait également partie d'un groupe de travail influent de l'Atlantic Council, appelé le Strategic Advisors Grou (groupe des conseillers stratégiques). D'anciens hauts responsables gouvernementaux et militaires occidentaux, ainsi que des dirigeants de grandes entreprises américaines et européennes, ont rejoint Ghani au sein de ce comité.
En tant que membre du groupe de conseillers stratégiques du Conseil de l'Atlantique, Kempe a affirmé que lui et Ghani avaient participé à l'élaboration de la stratégie de l'administration de Barack Obama pour l'Afghanistan.
"C'est dans ce contexte que j'ai parlé pour la première fois à Ashraf, et que nous avons évoqué le fait que les objectifs à long terme n'étaient pas vraiment connus. Malgré toutes les ressources que nous investissions en Afghanistan, les objectifs à long terme n'étaient pas évidents", explique M. Kempe.
"À ce moment-là, nous avons eu l'idée qu'il devait y avoir un cadre décennal pour l'Afghanistan. Nous étions loin de nous douter que nous étions en train d'élaborer et de mettre en œuvre une stratégie, car nous avions toujours pensé qu'il s'agissait d'une stratégie de mise en œuvre. Mais, soudain, nous avons eu un plan Obama, derrière lequel mettre cette stratégie de mise en œuvre".
Ghani a présenté cette stratégie au Conseil atlantique en 2009, sous le titre "A Ten-Year Framework for Afghanistan : Executing the Obama Plan... and Beyond". (Un cadre de travail de dix ans pur l’Afghanistan : mettre en œuvre le plan Obama….. et au-delà »)
En 2009, Ghani fut également candidat à l'élection présidentielle afghane. Pour l'aider à gérer sa campagne, Ghani a engagé le consultant politique américain James Carville, connu pour son rôle de stratège dans les campagnes présidentielles démocrates de Bill Clinton, John Kerry et Hillary Clinton. À l'époque, le Financial Times décrivait favorablement Ghani comme "le plus occidental et le plus technocratique de tous les candidats aux élections afghanes." Le peuple afghan n'était pas aussi enthousiaste. Ghani a finalement été écrasé dans la course, arrivant à une lamentable quatrième place, avec moins de 3 % des voix.
Lorsque M. Kempe, ami de M. Ghani, l'a invité en octobre, après l'élection à revenir pour une interview, le président de l'Atlantic Council a insisté : "Certains prétendent que vous avez mené une campagne ratée. Je dirais que ça a été une campagne réussie mais vous n’avez pas gagné ». M. Kempe n'a pas tari d'éloges sur M. Ghani, le qualifiant de "l'un des fonctionnaires les plus compétents de la planète" et de "conceptuellement brillant".
M. Kempe a également noté que le discours de M. Ghani "devrait faire réfléchir l'administration Obama", qui compte sur le Conseil atlantique pour l'aider à élaborer ses politiques.
"Vous seriez venu ici avant l'élection en tant que double détenteur d'un passeport américain et afghan, mais l'un des sacrifices que vous avez fait pour vous présenter aux élections a été de renoncer à votre citoyenneté américaine, donc je suis horrifié d'entendre que vous êtes ici avec un visa à entrée unique États-Unis-Afghanistan. Je suis donc horrifié d'apprendre que vous êtes ici avec un visa à entrée unique entre les États-Unis et l'Afghanistan ",et M. Kempe. a ajouté « Le Conseil de l’Atlantique va s’occuper de ça et nous allons porter remède à cette situation
Ghani a continué à travailler en étroite collaboration avec le Conseil atlantique dans les années qui ont suivi, réalisant constamment des interviews et des événements avec Kempe, au cours desquels le président du Tank de la pensée a déclaré : "Dans l'intérêt d'une complète clarification, je dois déclarer qu'Ashraf est un ami, un ami cher."
Jusqu'en 2014, Ghani est resté un membre actif du conseil consultatif international de l'Atlantic Council, aux côtés de nombreux anciens chefs d'État, du planificateur impérial américain Zbigniew Brzezinski, de l'apôtre de l'économie néolibérale Lawrence Summers, de l'oligarque milliardaire libano-saoudien Bahaa Hariri, du magnat des médias de droite Rupert Murdoch et des PDG de Coca-Cola, Thomson Reuters, du Blackstone Group et de Lockheed Martin. Mais cette année-là, une occasion s'est présentée et Ghani a vu son ambition ultime à portée de main. Il était sur le point de devenir président de l'Afghanistan, remplissant le rôle pour lequel les institutions américaines d'élite l'avaient cultivé pendant des décennies.
L'histoire d'amour entre Washington et le "réformateur technocrate".
Le premier dirigeant afghan post-taliban, Hamid Karzai, s'était d'abord montré comme une fidèle marionnette de l'Occident. Cependant, à la fin de son règne en 2014, Karzaï était devenu un "critique sévère" du gouvernement américain, et comme l’a dit le Washington Post, "un allié qui est devenu un adversaire au cours des 12 années de sa présidence." Karzai a commencé à critiquer ouvertement les troupes US-OTAN pour avoir tué des dizaines de milliers de civils. Il était furieux de la façon dont il était contrôlé et cherchait à être plus indépendant, se lamentant : "Les Afghans meurent dans une guerre qui n'est pas la nôtre."
Washington et Bruxelles avaient un problème. Ils avaient investi des milliards de dollars pendant une décennie dans la création d'un nouveau gouvernement à leur image en Afghanistan, mais la marionnette qu'ils avaient choisie commençait à casser ses ficelles. Du point de vue des gouvernements de l'OTAN, Ashraf Ghani constituait le parfait remplaçant de Karzai. Il était le portrait d'un technocrate loyal, et n'avait qu'un seul petit inconvénient : Les Afghans le détestaient. Lorsqu'il a obtenu moins de 3 % des voix aux élections de 2009, Ghani s'était présenté ouvertement comme le candidat du consensus de Washington. Il n'avait le soutien que de quelques élites à Kaboul.
Aussi, lorsque la course à la présidence de 2014 s'est présentée, Ghani et ses maitres occidentaux ont adopté une approche différente, habillant Ghani de vêtements traditionnels et remplissant ses discours de rhétorique nationaliste. Le New York Times a insisté sur le fait qu'il avait finalement trouvé le bon filon : "Du technocrate au populiste afghan, Ashraf Ghani est transformé". Le journal raconte comment Ashraf Ghani est passé d'un "intellectuel pro-occidental" qui tenait "un discours dans un langage technocratique (pensez à des expressions telles que "processus consultatifs" et "cadres de coopération")" à une mauvaise copie des "populistes qui concluent des accords avec leurs ennemis, gagnent le soutien de leurs rivaux et font appel à la fierté nationale afghane".
La stratégie de rectification d’image a certes permis à Ghani de se hisser en deuxième position, mais il a tout de même été largement battu au premier tour de l'élection de 2014. Son rival, Abdullah Abdullah, a recueilli 45 % contre 32 % pour Ghani, avec près d'un million de voix de plus.
Au second tour de juin, cependant, les tables ont soudainement tourné. La publication des résultats a été retardée et, lorsqu'ils ont été finalisés trois semaines plus tard, ils donnaient Ghani avec un score stupéfiant de 56,4 % contre 43,6 % pour Abdullah. Abdullah a affirmé que Ghani avait volé l'élection par une fraude généralisée. Ses accusations étaient loin d'être sans fondement, car il existait des preuves substantielles d'irrégularités systématiques.
Pour régler le différend, l'administration Obama a dépêché le secrétaire d'État John Kerry à Kaboul pour conduire des négociations entre Ghani et Abdullah. La médiation de Kerry a abouti à la création d'un gouvernement d'unité nationale dans lequel le président Ghani a, au moins dans un premier temps, accepté de partager le pouvoir avec Abdullah, qui occuperait un rôle nouvellement créé, dont le nom reflète de manière transparente l'agenda néolibéral de Washington : Directeur général, ou PDG de l'Afghanistan.
Dans l’original Une photo montre Le secrétaire d'État américain John Kerry négociant avec les 2 candidats à la présidence afghane Abdullah Abdullah (à gauche) et Ashraf Ghani (à droite) en juillet 2014.
Un rapport publié en décembre de la même année par des observateurs électoraux de l'Union européenne a conclu qu'il y avait effectivement eu une fraude généralisée lors de l'élection de juin. Plus de 2 millions de voix, soit plus d'un quart du total des suffrages exprimés, provenaient de bureaux de vote présentant des irrégularités manifestes. La question de savoir si Ghani a effectivement remporté le second tour était nébuleux. Mais il avait réussi à franchir la ligne d'arrivée, et c'est tout ce qui comptait. Il était président maintenant. Et ses patrons impériaux à Washington étaient plus qu'heureux de balayer le scandale sous le tapis.
Le Washington officiel fait l'éloge de Ghani malgré la fraude et l'échec.
Le trucage apparent de l'élection de 2014 n'a guère terni l'image d'Ashraf Ghani dans les médias occidentaux. La BBC l'a caractérisé par trois termes - "réformateur", "technocrate" et "incorruptible" - qui allaient devenir les descriptions préférées du corps de presse pour un président qui a finalement abandonné son pays avec 169 millions de dollars et sa proverbiale queue entre les jambes. Dans un article emblématique de l'image que les médias ont donnée de Ghani, le New Yorker a affirmé qu'il était "incorruptible", le saluant comme un "technocrate visionnaire qui pense vingt ans à l'avance".
En mars 2015, Ghani s'est envolé pour Washington pour son moment de gloire ultime. Le nouveau président afghan a prononcé un discours devant une session conjointe du Congrès américain. Et il a été célébré comme un héros qui allait débloquer la magie du marché libre pour sauver l'Afghanistan une fois pour toutes.
Une photo montre Ghani s’adressant au Congrés en session commune rassemblant Sénat et Chambre des représentants ce qui est un honneur rare réservé aux chefs d’Etat amis importants ou à des personnalités utiles comme Lech Walesa
Les Tanks de la pensée et leurs amis de la presse n'en avaient jamais assez de Ghani. En août de cette année-là, le directeur principal des programmes de l'organisation Democracy International, financée par le gouvernement américain et spécialisée dans le changement de régime, Jed Ober, a publié un article dans Foreign Policy qui reflétait l'histoire d'amour de la Beltway avec son homme à Kaboul.
Lorsque Ashraf Ghani a été élu président de l'Afghanistan, de nombreux membres de la communauté internationale se sont réjouis. Il était évident qu'un ancien fonctionnaire de la Banque mondiale à la réputation de réformateur était l'homme idéal pour résoudre les problèmes les plus flagrants de l'Afghanistan et redorer le blason du pays sur la scène internationale. Il n'y avait pas de meilleur candidat pour faire entrer l'Afghanistan dans une nouvelle ère de bonne gouvernance et commencer à étendre les droits et les libertés qui ont trop souvent été refusés à de nombreux citoyens du pays.
Imperturbable face aux allégations documentées de fraude électorale, le Conseil atlantique a honoré Ghani en 2015 avec son "prix du remarquable leadership international ", célébrant son soi-disant "engagement désintéressé et courageux en faveur de la démocratie et la dignité humaine."
En mars, Madeleine Albright a remis son prix à Ashraf Ghani. Vidéo complète : http://t.co/U1y3Q1xO44 #ACAwards pic.twitter.com/OHesh4S2jb
Le Conseil atlantique a noté avec enthousiasme que Ghani "a personnellement accepté le prix, qui lui a été remis par l'ancienne secrétaire d'État Madeleine Albright, le 25 mars à Washington devant un public de dirigeants, d'ambassadeurs et de généraux de l'OTAN." Mme Albright, qui a déjà défendu publiquement le meurtre de plus d'un demi-million d'enfants irakiens à cause des sanctions imposées par les États-Unis, a qualifié M. Ghani de "brillant économiste" et a affirmé qu'il a donné de l'espoir au peuple afghan et au monde entier".
La cérémonie officielle du Conseil atlantique a eu lieu en avril, mais M. Ghani n'a pas pu y assister, et c'est sa fille Mariam qui a reçu le prix en son nom. Née et élevée aux États-Unis, Mariam Ghani est une artiste basée à New York qui incarne parfaitement toutes les caractéristiques d'un hipster (ndt :anglicisme désignant un jeune urbain qui affiche un style vestimentaire et des goûts empreints de second degré, à contre-courant de la culture de masse.) radlib (mot à mot radical libéral difficile à traduire, entre gauche dorée et boboisme) installée dans un luxueux loft de Brooklyn. Le compte Instagram personnel de Mariam présente une combinaison d'art minimaliste et d'expressions politiques pseudo-radicales.
Bénéficiant d'un statut très élevé dans le milieu des militants pour les « changements de régime classés à gauche», Mariam Ghani a participé en 2017 à une table ronde à l'université de New York intitulée "Art & Refugees : Confronting Conflict with Visual Elements", (L’art et les réfugiés : confronter conflit et éléments visuels) aux côtés de l'illustratrice et partisane de la guerre sale Molly Crabapple. Crabapple est membre de la Fondation pour la nouvelle Amérique fondée par le Département d’Etat et financée par l’ancien PDG de Google Eric Schmidt.
A la cérémonie de 2015 de l’Atlantic Council à Washington, quand Mariam Ghani a fièrement accepté pour son père la récompense décernée par le cercle militariste de l’OTAN, elle se tenait souriante à côté de trois autres lauréats : un général, le PDG de Loockheed Martin et le chanteur de country de droite Toby Keith qui s’est rendu célèbre avec des chansons invitant à « botter le cul aux musulmans et aux arabes à la manière américaine ».
L’Atlantic Council poursuivant d’une façon grandiloquente la promotion du Président Ghani a publié un article dans son blog « The atlanticist » : « Selon le FMI Ghani a montré un afghanistan ouvert aux affaires » Le principal responsable du Fonds monétaire international en Afghanistan, le chef de mission Paul Ross, a déclaré avec effusion au Conseil atlantique que M. Ghani avait "signalé au monde que l'Afghanistan est ouvert aux affaires et que la nouvelle administration est déterminée à poursuivre les réformes". Le bureaucrate a déclaré que le FMI était "optimiste quant au long terme", sous la direction de Ghani.
Ghani et son régime américain fantoche avaient en fait une sorte de « porte tournante » avec le Conseil atlantique. Son ambassadeur aux Émirats arabes unis, Javid Ahmad, était simultanément chargé de mission au sein du groupe de réflexion. Ahmad a profité de sa sinécure pour publier dans les principaux médias des articles d'opinion décrivant son patron comme un réformateur modéré qui visait à "restaurer le débat civil dans la politique afghane".
« Les États-Unis devraient utiliser l'influence qu'ils ont encore en Afghanistan pour soutenir les candidats non criminels lors des prochaines élections et appuyer les efforts du président Ghani pour restaurer le débat civil dans la politique afghane, écrit Ahmad javid. https://t.co/ra89Kdb5Vt
Foreign Policy avait prêté à Ahmad un espace dans son magazine pour publier une publicité de campagne à peine déguisée pour Ghani en juin 2014. L'article chantait ses louanges comme étant "une alternative intellectuelle, pro-occidentale et hautement éduquée au système séculaire de corruption et de seigneurs de la guerre en Afghanistan." À l'époque, Ahmad était coordinateur de programme pour l'Asie au German Marshall Fund of the United States, un groupe de pression de la guerre froide financé par les gouvernements occidentaux. Les rédacteurs de Foreign Policy n'ont apparemment pas remarqué que l'article de Javid Ahmad contient des passages qui sont presque une copie mot pour mot de la biographie officielle de Ghani.
Lors du sommet de l'OTAN de 2018, le Conseil atlantique a organisé une énième interview flatteuse de Ghani. Vantant ses supposés "efforts de réforme", le président afghan a insisté : "Le secteur de la sécurité est complètement transformé, dans le cadre des efforts contre la corruption." Il a ajouté : "Un changement de génération est en train de se produire au sein de nos forces de sécurité, et dans l'ensemble du pays, et je pense qu'il s'agit d'une véritable transformation."
Ces vantardises n'ont pas exactement bien vieilli. Le journaliste qui a réalisé l'interview de complaisance était Kevin Baron, le rédacteur en chef du site Web Defense One, soutenu par l'industrie de l'armement. Bien que la corruption systémique et la nature inefficace et abusive de l'armée afghane soient bien connues, Baron n'a pas proposé de réponse à cette question.
Lors de l'événement, Ghani a rendu hommage au Tank de la pensée qui lui a servi de moulin à propagande personnelle pendant si longtemps. En rendant hommage au PDG de l'Atlantic Council, Fred Kempe, Ghani a déclaré : "Vous avez été un grand ami. J'ai une grande admiration à la fois pour vos travaux et pour votre gestion». Depuis le public, Fred Kempe l’a interrogé sur ses relations avec ses voisins. Avant de répondre, Ashraf Ghani l’a remercié d'abord pour ses propres contributions. (Voir ci-dessus).
L'histoire d'amour du Conseil atlantique avec Ghani s'est poursuivie jusqu'à la fin ignominieuse de sa présidence. En 2019, Ghani était un invité d'honneur à la Conférence sur la sécurité de Munich (CSM), soutenue par le Conseil atlantique et parrainée par le gouvernement allemand. Là, l'aristocratique président afghan a prononcé un discours qui ferait rougir même le pseudo-populiste le plus cynique, déclarant : "La paix doit être centrée sur les citoyens, pas sur les élites."
Le Conseil atlantique a accueilli Ghani une dernière fois en juin 2020, lors d'un événement coparrainé par l'Institut de la paix des États-Unis, lié à la CIA, et le Rockefeller Brothers Fund. Après les éloges de M. Kempe, qui l'a qualifié de "grande voix de la démocratie, de la liberté et de l'inclusion", l'ancien directeur de la CIA David Petraeus a fait l'éloge de M. Ghani en soulignant "quel privilège ce fut de travailler avec [lui] en tant que commandant en Afghanistan."
Ce n'est que lorsque Ghani a ouvertement volé et fui honteusement son pays en août 2021 que le Conseil atlantique s'est finalement retourné contre lui. Après près de deux décennies à le promouvoir, le cultiver et le glorifier, le groupe de réflexion a finalement reconnu qu'il était un "méchant en fuite". Ce fut un revirement spectaculaire de la part du Tank de la pensée qui connaissait Ghani mieux que n'importe quelle autre institution de Washington. Mais il a également fait écho aux tentatives désespérées de sauver la face de la part de bon nombre des mêmes institutions américaines d'élite qui avaient fait de Ghani le tueur à gages économique néolibéral qu'il était.
Dans les derniers jours tristement célèbres de Ghani, Washington est resté confiant. L'illusion qu'Ashraf Ghani était un génie technocratique a perduré jusqu'à la fin de son mandat désastreux. Le 25 juin, quelques semaines avant l'effondrement de son gouvernement, Ghani a rencontré Joe Biden à la Maison Blanche, où le président américain a rassuré son homologue afghan sur le soutien indéfectible de Washington. Un mois plus tard, le 23 Juillet, Biden a confirmé à Ghani dans une conversation téléphonique que Washigton continuait à le soutenir. Mais sans la protection de son régime creux par des milliers de soldats de l’OTAN les Talibans avançaient rapidement et tout s’est effondré en quelques jours comme un château de sable
Le 15 août, Ghani avait fui le pays avec des sacs d'argent volé. C'était une réfutation surréaliste du récit, répété ad nauseam par la presse, selon lequel Ghani était, comme le disait Reuters en 2019, "incorruptible et érudit." Les élites à Washington ne pouvaient pas croire ce qui se passait, niant ce qu'elles voyaient sous leurs yeux.
Même le légendaire militant progressiste anti-corruption Ralph Nader était dans le déni, se référant à Ghani en termes affectueux comme un "ancien citoyen américain incorruptible." « Le président Ashraf Ghani, l'ancien citoyen américain incorruptible, n'a jamais eu sa chance aux yeux des responsables américains qui n'ont jamais cherché à comprendre les réalités de l'Afghanistan. Peu de personnalités ont mieux résumé la pourriture morale et politique de la guerre américaine de 20 ans en Afghanistan qu'Ashraf Ghani. Mais son bilan ne doit pas être considéré comme un exemple isolé. » Ralph Nader (@RalphNader) 20 août 2021 :
C'est le Washington officiel, son appareil de Tanks de la pensée et son armée de journalistes flagorneurs qui ont fait de Ghani ce qu'il est. C'est un fait qu'il a lui-même reconnu dans une interview accordée en juin 2020 à l'Atlantic Council, dans laquelle Ghani a exprimé sa plus grande gratitude envers ses soutiens : "Permettez-moi tout d'abord de rendre hommage au peuple américain, aux administrations américaines, et au Congrès des États-Unis, et en particulier, au contribuable américain pour les sacrifices en sang et en argent."
Ben Norton
Rédacteur en chef adjoint
Ben Norton est un journaliste, un écrivain et un cinéaste. Il est rédacteur adjoint de The Grayzone et producteur du podcast Moderate Rebels, qu'il coanime avec le rédacteur Max Blumenthal. Son site web est BenNorton.com et il tweete à @BenjaminNorton