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Réveil Communiste

"Le temps des cerises" en danger (suite) : une lettre ouverte de Francis Combes

9 Janvier 2021 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #Ce que dit la presse, #Positions, #Art et culture révolutionnaires

"Le temps des cerises" en danger (suite) : une lettre ouverte de Francis Combes

Envoyé par Francis Combes, le 7 janvier 2021

 

Chères amies, chers amis,

Avant toute chose, je souhaite vous adresser mes vœux pour l’année qui commence. Quelle soit meilleure, pour nous tous, que l’année qui vient de s’achever.

Vous avez été nombreux, à recevoir, à la veille du Nouvel An, une lettre signée Anita Binacchi et envoyée d’une adresse du syndicat CGT-FNAF (Agro-alimentaire) ; ce qui a dû en surprendre plus d’un. Disons-le simplement, cette lettre est une tentative d’enfumage sur le mode « tout va très bien madame la marquise »… mais elle a bien peu à voir avec la réalité.

En fait, ce syndicat, FNAF-CGT, représenté par son ancien secrétaire général, Freddy Huck, était entré dans le capital de notre maison d’édition, il y a quelques années, pour nous apporter son soutien. Et pendant une dizaine d’années, il l’a fait en respectant l’indépendance de la maison d’édition que j’ai créée, il y a vingt-sept ans, avec un collectif de 32 écrivains (dont Jorge Amado, Eugène Guillevic, Gilles Perrault, Patrick Besson, Pierre Gamarra, Roger Bordier, Jacques Gaucheron, Catherine Claude, Patricia Latour…)

L’originalité du Temps des Cerises tient à sa politique éditoriale, à son attachement aux idéaux de la Commune, à sa passion pour la poésie et la littérature, à son engagement aux côtés des luttes sociales et de solidarité internationale. Nous avons toujours « affiché la couleur » mais nous nous sommes toujours montrés ouverts, comme le disait notre Manifeste initial, « accueillants à tous ceux qui, dans leur diversité, considèrent que le capitalisme n’est pas le fin mot de l’histoire de l’humanité. Ou alors ce serait le mot de sa fin ». L’autre singularité du Temps des Cerises dans le paysage éditorial français est que les auteurs en ont été les fondateurs et les animateurs. Ils constituaient à la fois l’Assemblée des associés et le Conseil éditorial, chacun comptant pour un quel que soit le nombre de ses parts.

Les choses ont commencé à changer il y a deux ans… quand j’ai annoncé mon intention de passer la main. Après le départ de sa directrice, Juliette, j’avais accepté de reprendre le collier avec l’objectif non seulement d’assurer la continuité du travail éditorial mais aussi de remettre sur pied une équipe capable d’assurer la relève. Ce que j’ai fait. Il y a aujourd’hui autour du Temps des Cerises un collectif de jeunes, garçons et filles, à la fois littéraires et militants, qui ont déjà pour certains une expérience de plusieurs années dans le métier des livres. J’avais annoncé d’emblée mon intention de leur passer la main (tout en restant un temps pour les aider) car je ne me crois pas indispensable et suis dans une logique de transmission. Prétendre qu’ils seraient trop jeunes est triste et idiot (j’avais pour ma part 28 ans quand j’ai débuté dans ce métier). Mais la FNAF-CGT, devenue l’associé principal, s’y est opposée. Arguant du soutien qu’ils nous ont apporté, ils prétendent aujourd’hui contrôler et diriger la maison d’édition. Ils confondent solidarité et prise du pouvoir. Ils ont donc, à mon insu, pendant plusieurs mois, recherché un candidat pour prendre ma place. Comme ils sont totalement incompétents en matière d’édition, le choix qu’ils ont fait est désastreux. Ils ont été solliciter un permanent du PCF, rédacteur en chef de la revue Économie et politique, Frédéric Rauch, qui, à 55 ans, n’a aucune expérience de l’édition, a fortiori de l’édition littéraire et poétique. De plus, il est élu à Agen, secrétaire départemental du PCF dans le Lot-et-Garonne et il vient d’accepter un autre emploi à la communauté urbaine de Bordeaux. 

Ainsi, il prétend diriger le Temps des Cerises à mi-temps !… pour un salaire deux fois supérieur à celui que percevait l’ancienne directrice, pour un plus que plein temps. Ce qui est une curieuse façon de vouloir « redresser », comme cela a été prétendu, la maison d’édition.

Ses premières déclarations d’intention augurent d’un vague projet éditorial qui n’a rien à voir avec le Temps des Cerises. On peut craindre qu’il s’agisse d’éditer des publications inspirées par les idées d’un petit groupe qui tourne autour de la commission économique du PCF et de quelques syndicalistes au service d’un douteux projet politique. Or le Temps des Cerises n’a jamais été une maison d’édition du PCF. A fortiori pas d’un groupe sectaire. Si ce projet se met en œuvre, il signera la fin du Temps des Cerises tel que nous l’avons conçu, animé, défendu et aimé avec vous, voire sa disparition pure et simple.

La lettre de la gérante (placée là par le syndicat CGT-FNAF) présente les choses de façon plus qu’inexacte. D’abord, contrairement à ce quelle affirme, l’AG du 15 décembre n’a jamais eu à connaître de cette lettre qu’elle envoie aujourd’hui et qui a dû être rédigée après coup, en petit comité. D’autre part, cette AG s’est tenue dans des conditions qui l’invalident. La gérante a en effet « oublié » de convoquer 10 associés sur 33 ! Dont plusieurs des fondateurs de la maison d’édition. Ne connaît-elle pas la liste des associés (drôle de gérante !) ou est-ce volontaire ? Dans ces circonstances, une minorité d’associés (5 sur 33) mais majoritaire en termes de parts du capital, a pu prendre les décisions qu’elle voulait. Cela a été fait au mépris de l’avis du Conseil éditorial et des auteurs qui se sont exprimés par l’Appel ci-joint, lequel a été soutenu par plus de 600 personnes (auteurs, lecteurs, amis de la maison d’édition).  Au passage, on peut s’étonner que des gens qui se veulent militants syndicaux ou politiques s’appuient ainsi sur le « droit des actionnaires » contre le droit des auteurs, des producteurs, des animateurs de la maison d‘édition et se comportent dans la maison d’édition comme les patrons qu’ils sont censés combattre par ailleurs.

Votre attachement à la maison d’édition, que vous soyez auteurs, lecteurs, libraires ou bibliothécaires, n’est pas dû à un attachement à tel ou tel, mais à un intérêt pour le travail éditorial que nous menons depuis des années et que vous jugez sans doute nécessaire et de qualité. Ce coup de force se fait contre vous.

Tous les acteurs de cette affaire étant membres du PCF, la direction de ce parti a été amenée à prendre une position publique sans ambiguïté (et dont je vous adresse copie). Mais les acteurs du coup de force semblent résolus à passer outre.

Aujourd’hui, ils me demandent de rester avec le titre « honorifique » de « directeur littéraire ». D’après eux, je pourrais continuer de siéger au Comité éditorial (dont ils ont modifié la composition en excluant les directeurs de collection et les écrivains). J’aurais le droit d’y rester, assis sagement sur un petit tabouret… Surtout, ils me demandent de continuer à travailler bénévolement. Car il faut bien que quelqu’un soit là pour « faire les livres »… Ce que j’ai fait ces deux dernières années ; mais parce que je voulais préparer l’avenir. 

Dans les conditions nouvelles où on m’impose ce directeur que je récuse et où on dénature la maison d’édition, je n’ai aucune raison de continuer. Je n’ai pas vocation à jouer les larbins ni les faire-valoir. Je n’ai donc d’autre choix que de quitter cette maison d’édition que j’ai créée et animée.

Mais j’entends bien aider, dans la mesure de mes possibilités, à ce que le Temps des Cerises et son esprit d’indépendance et de liberté renaissent et continuent, autrement, sous une autre forme.

Et je formule des vœux pour que cela se fasse au plus tôt, avec un soutien actif de beaucoup d’entre vous. Amicalement,

Francis Combes

Fondateur du Temps des Cerises

 

L’Appel lancé par les auteurs peut être signé sur le site : 

https://www.change.org/TempsdesCerisesendanger ou en répondant à ce courriel.

 

Document en annexe :

 

Déclaration du Parti communiste Français du 19 décembre 2020 :

"Les éditions du Temps des cerises sont dans la tourmente. Elles voient actuellement s'exprimer publiquement des dissensions entre l'actionnaire majoritaire et le directeur-fondateur de cette maison, Francis Combes.

Cette maison d'édition prestigieuse a permis la publication de nombreux auteure.e.s, et elle a su marquer sa différence par des choix éditoriaux audacieux.

Comme de nombreux écrivains, intellectuel.le.s, nous sommes inquiets et préoccupés pour son avenir et par cette crise.

Aujourd'hui autant qu'hier, le PCF est de tous les combats pour la liberté de création et le respect du pluralisme des opinions. Il affirme donc avec force son attachement à l'indépendance de cette maison d'édition, qui lui paraît la condition même de son rayonnement et de son prestige.

L'attitude du PCF depuis la fondation du Temps des cerises, en 1993, atteste d'ailleurs de sa loyauté à son égard : à aucun moment, il ne s'est mêlé de ses choix de publication, ni de ses décisions concernant la composition de son capital.

C'est pour cette raison de principe qu'il n'a donc jamais imaginé mandater qui que ce soit pour « prendre le contrôle » de cette maison, la « détourner » de ses objectifs originels, changer ses orientations éditoriales.

Comme les auteur.e.s et personnalité.e.s qui ont récemment manifesté leur émotion, le PCF réaffirme son amitié pour Francis Combes et son estime pour son travail souvent difficile à la direction du Temps des cerises. Depuis le début du conflit qui traverse cette maison, nous le lui avons fait savoir à plusieurs reprises.

Parti communiste français"


 

 

 

 

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