Crise de l'Euro : deux articles signalés par André Gerin
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Cher(e) Camarade, Je me permets de t'adresser 2 articles : - Zone euro : la France, futur vassal de l'Allemagne ? - Crise de l'euro : la monnaie unique condamnée à disparaître ? Chaque fois que j'en aurai l'occasion, je te fournirai des articles liés à la crise de l'euro. Fraternellement André GERIN
Publié le 18 novembre 2011 Zone euro : la France, futur vassal de l'Allemagne ? La politique économique allemande a conduit à de profonds déséquilibres entre pays européens. L'issue tient peut-être à une zone euro resserrée. Mais les obstacles sont nombreux : le couple franco-allemand pourrait ne pas s'en remettre... Avant toute analyse de la situation économique en Europe, une statistique doit retenir notre attention. Depuis 2008, le taux moyen de croissance du PIB aux Etats-Unis d’Amérique est de 1 % par an. C’est peu mais c’est quand même de la croissance. En Euroland, le résultat est bien pire : moins 0, 7 % par an ! Du reste, à de rares exceptions près, depuis 10 ans, l’activité économique des pays qui utilisent l’euro est moins dynamique que celle des pays de l’Union européenne qui n’ont pas adopté la monnaie commune. Alors que la crise de l’Euroland s’intensifie et menace de démembrement cette zone monétaire mal conçue, on entend de plus en plus murmurer LA solution définitive : que les PIIGS ( acronyme de Portugal, Irlande, Italie, Grèce et Espagne -Spain- qui désigne les pays de la zone euro en difficulté financière ndlr ) débarrassent le plancher et que les pays vertueux, autour de l’Allemagne, recréent un espace économique commun fondé sur une monnaie et des finances publiques saines. Si elle est sage, la France ferait partie des heureux élus. Déréglementation du marché du travail allemand La situation de l’Allemagne n’est pourtant pas flamboyante : sa dette publique est légèrement plus élevée que celle de la France et son taux de croissance, ces dix dernières années, légèrement inférieur au nôtre. Les lois « Hartz », destinées à déréglementer le marché du travail, inciter les chômeurs à prendre des emplois moins payés et lutter contre l’assistanat, ont certes eu pour effet de réduire le nombre des sans-emplois et le poids des charges sociales, mais elles ont surtout concerné le secteur des services peu qualifiés, alors que le seul domaine où l’Allemagne fait vraiment mieux que les autres pays de l’Euroland est celui du commerce extérieur, grâce à ses industries exportatrices hautement qualifiées. Sur ce terrain, le succès allemand est sans appel : mois après mois, l’Allemagne engrange peu ou prou 15 milliards d’euros d’excédents commerciaux quand la France connaît un déficit de 6 milliards, l’Angleterre ne faisant guère mieux et l’Italie, malgré sa tradition exportatrice, restant aussi dans le rouge. C’est donc avant tout par le commerce extérieur que l’Allemagne se distingue. C’est grâce à lui qu’elle peut rassurer les marchés : l’excédent de sa balance des paiements garantit que l’Allemagne pourra honorer à court, moyen et long termes le service de la dette qu’elle contracte auprès des non-résidents. Du coup, elle bénéficie d’un effet « boule de neige » : empruntant à un taux moins élevé, son déficit budgétaire n’est pas exagérément alourdi par les intérêts que le Trésor allemand a à acquitter. Mais d’où vient cette supériorité croissante du commerce extérieur germanique, qui s’est d’ailleurs accentuée ces dernières années ? Dès la mise en place de l’Euroland, la tradition exportatrice des entreprises d’outre-Rhin, leur positionnement dans les segments à forte valeur ajoutée des industries automobile, mécanique et chimique notamment, les ont placées en position de force. Les différents pays de l’Euroland ayant désormais une même monnaie et un même taux de change, il était naturel que les spécialisations s’accentuent au sein de l’espace économique commun ainsi créé. En vertu de la théorie des avantages comparatifs, tous devaient y trouver leur compte. Dans le contexte de libre-échange total de l’Euroland en effet, chaque économie nationale, si elle se spécialise dans la production pour laquelle elle dispose de la productivité la plus forte comparativement à ses partenaires, accroît sa richesse propre. Sous-traitance dans les pays de l'Est A ceci près, et c’est essentiel pour comprendre les problèmes actuels, qu’un « bug » a fragilisé cette belle construction intellectuelle : l’industrie allemande s’est employée, bien plus que celle des autres pays de l’Euroland, à faire fabriquer des biens intermédiaires près de chez elle, en Slovaquie, Pologne, République tchèque, Hongrie, etc. Ces pays font partie de l’Union européenne et ne supportent donc pas de droits de douane. Mais ils n’ont pas l’euro pour monnaie et sont devenus des sous-traitants particulièrement compétitifs pour les Allemands. Ces derniers ont incorporé leurs productions à leurs propres fabrications, estampillées malgré tout « made in Germany », ainsi que nous le relevions, dès le 26 avril 2006, dans un article publié dans Libération, intuition confirmée depuis par plusieurs études approfondies (notamment : « le modèle allemand : pourquoi l’Allemagne exporte-t-elle tant ? » d’Hans Brodersen pour le Centre d’études franco-allemand (CERFA) en novembre 2008. L’exemple de la Porsche Cayenne dont la carrosserie et les équipements sont fabriqués à Bratislava a marqué les esprits. Les principaux partenaires de l’Allemagne au sein de l’Euroland se sont trouvés concurrencés par ces « passagers clandestins » de la zone monétaire commune, pour reprendre une expression qui remonte à la République démocratique allemande, du temps où la République fédérale utilisait déjà sa petite sœur communiste à des fins de sous-traitance. Rien de nouveau sous le soleil … Dès lors, l’Allemagne a pu davantage exporter vers les autres pays de l’Euroland, moins leur importer et mieux résister à la morsure des nouveaux pays industrialisés, notamment à celle de la Chine. Naturellement, les déficits français, espagnol ou italien vis-à-vis de l’Allemagne sont devenus abyssaux, aucun réajustement de taux de change ne pouvant les corriger. Aujourd’hui, nous sommes entrés dans la deuxième phase de ce processus. L’Allemagne émerge peu à peu comme l’économie-centre de l’Euroland. Les autres pays membres, plombés par le taux de change de l’euro, sont tirés vers le bas. Ne nous voilons pas la face : la logique est qu’ils deviennent, comme ceux de l’aile orientale de l’Allemagne, ses sous-traitants de l’aile occidentale.Si les tendances actuelles se poursuivent, l’euro conduit la France, l’Italie et l’Espagne à devoir s’aligner sur les termes de la compétitivité de la Slovaquie, de la Pologne ou de la République tchèque, avec au surplus le handicap d’une monnaie surévaluée. Bien entendu, Grecs, Italiens, Portugais et Espagnols, dont les économies sont exsangues, ne pourront supporter cet ajustement et utiliser très longtemps la monnaie commune. La France, un peu moins atteinte, pourra endurer davantage mais sa chute n’en sera que plus rude. Appauvrissement et vassalisation ? Dans ce contexte, il est évident qu’une union monétaire restreinte autour de l’Allemagne, dont les pays du Sud seraient exclus mais dont la France ferait partie, serait un péril grave pour notre économie. Nos entreprises seraient placées dans une sorte d’étau, concurrencées à la fois par celles des pays libérés de l’euro et ayant dévalué et celles des pays d’Europe de l’Est restés en dehors de la zone euro. Rapidement, ce n’est pas un tandem franco-allemand mais un véritable appauvrissement puis une vassalisation de la France qui verrait le jour. Pour conjurer cette menace, le rapprochement franco-allemand ne pourrait en réalité fonctionner qu’à la condition paradoxale d’un traitement de faveur pour la France, sous la forme du rétablissement de droits de douane entre la nouvelle zone euro « renforcée » et les pays qui l’entourent. Bref, la « petite » union monétaire autour de l’Allemagne signerait la fin de l’Union européenne telle que nous la connaissons. Mais les Allemands, qui bénéficient plutôt de la situation actuelle, y ont-ils intérêt ? Derrière le rêve de la zone euro restreinte, seule une véritable union politique, abolissant les différences budgétaires et organisant des transferts entre les différentes régions d’une république fédérale bi ou même pluri-nationale ( Luxembourgeois ou Hollandais pouvant être de la partie ), offrirait une solution durable. Or, les obstacles politiques, juridiques, économiques et culturels à cette intégration sont immenses. Ces peuples en approuveraient-ils le principe même ? Cette intégration serait en tout état de cause un processus long et complexe. Or, le temps de la vie politique est un temps court. Qu’aurait-été, pour choisir un exemple très récent, le choix de l’union franco-allemande en gestation sur la question de l’intervention en Libye ? Quelle décision prendre en matière d’énergie nucléaire ? Accepte-on la dépendance de l’approvisionnement en gaz naturel poutinien ? Se ralliera-t-on, en France, en particulier à gauche, aux lois « Hartz » ? Ces débats seraient bien plus difficiles encore à trancher que de fusionner l’UMP et le Parti socialiste ! Dans ces conditions, il est probable que le projet d’Euroland « resserré » est une chimère qui ne verra jamais le jour et que le tandem franco-allemand, contraint au surplace, finira par chuter. SÉLECTIONNÉ PAR LE NOUVELOBS Modifié le 15-11-2011 à 19h02 CRISE DE L'EURO : LA MONNAIE UNIQUE CONDAMNEE A DISPARAITRE ? LE PLUS. La crise de l'euro persiste et de plus en plus d'économistes en viennent désormais à envisager la disparition de la monnaie unique. Chercher à sauver l'euro à tout prix a-t-il encore un sens ? Par Coralie Delaume blogueuse Edité par Sébastien Billard "La seule solution, désormais, réside dans une sortie de l'euro, qu'elle soit négociée ou non". C’est dans ces termes catégoriques que l'économiste Jacques Sapir concluait une récente tribune consacrée à la critique du dernier plan de "sauvetage" européen. L’économiste, qu’on a connu moins pessimiste, semble aujourd’hui se résoudre à la mort programmée de la monnaie unique. Il n’est d’ailleurs pas le seul. Si l’on en croit Jean-Pierre Chevènement, "tout se passe comme si l’Allemagne, prisonnière de ses dogmes, avait dans sa tête déjà pris congé de l’euro". Ainsi donc, les Allemands, dont on a tant dit qu’ils étaient les principaux bénéficiaires de la devise européenne, se seraient déjà résignés. Dans ces conditions, peut-on encore (et doit-on) sauver l’euro ? Un rappel historique s’impose. A l’origine, ce n’est pas l’Allemagne qui fut le principal promoteur de l’unification monétaire. Ce fut la France du tandem Mitterrand-Delors. Imprégnés de la pensée d’un autre tandem, le duo Monnet-Schuman, les dirigeants socialistes des années 1990 avaient pour ambition de conjurer définitivement le souvenir des guerres intra-européennes. L'idée à l'origine de la création de l’euro était peu ou prou celui-ci : les nations portant en elles le germe de la guerre, il convenait de les neutraliser. Une dose suffisante de supranational économico-monétaire devait parvenir à ficeler les Etats dans un entrelacs d’intérêts matériels, et à "arracher les patries (…) aux castes du militarisme" (Jaurès).
Côté français, c’est bien en réaction à la réunification allemande que l’on plaida pour une monnaie unique. La devise européenne apparaissait à François Mitterrand et à Jacques Delors comme une garantie contre la rémanence des tentations pan-germaines. Les Français étaient pressés de créer l’euro, alors qu’en Allemagne, le chancelier Kohl s’ingéniait à différer l’échéance. Pour convaincre les Allemands d’abandonner leur mark, il fallut leur donner des gages. A la politique du franc fort succéda celle de l’euro fort, couvé par une Banque centrale européenne (BCE) principalement soucieuse de lutter contre l’inflation, et dont les statuts ressemblent à s’y méprendre à ceux de la Bundesbank. On connaît la suite. Initiée en France et inscrite dans la loi du 3 janvier 1973, l’interdiction pour les Etats de se financer auprès de leurs banques centrales a été généralisée à toute l’Europe par le Traité de Maastricht, signé en 1992. Les différents pays sont donc contraints d’avoir recours aux marchés. Ces derniers, ayant tout d’abord vu dans la création de l’euro une garantie de stabilité, ont accordé des emprunts à des taux très faibles aux pays du Sud de l’Europe. UNE MONNAIE FORTE INADAPTEE La Grèce, l’Italie et d’autres ont pu s’endetter au-delà du raisonnable parce qu’ils bénéficiaient, contre toute logique, des taux allemands. Aujourd’hui, les écarts de taux sont devenus considérables. Les taux d’intérêts proposés aux "PIGS" (Portugal, Italie, Grèce, Espagne) sont tels qu’ils ne peuvent qu’accroître de façon dramatique la charge de leur dette, installant ces pays dans un cercle vicieux sans fin. Dans le même temps, l’euro s’est beaucoup apprécié. Lors de sa mise en circulation effective en 2002, un euro valait 0,88 dollar. Actuellement la parité euro/dollar est supérieure 1,35. Or, si une monnaie si forte peut encore convenir à l’économie allemande, elle est totalement inadaptée à des pays ne disposant pas des même avantages comparatifs "hors coûts" que nos voisins d’outre-Rhin. Au prix actuel de l’euro, on peut encore exporter des machine-outils et des voitures de luxe "made in germany", mais on n’exporte plus de produits grecs, italiens, portugais, espagnols, ou même français. Une telle sur cotation de sa monnaie est d’autant moins supportable que l’Europe a renoncé à toute protection douanière. Depuis 1994, la fin de l’Uruguay Round et la transformation du GATT (General Agreement on Tariffs and Trade) en Organisation mondiale du commerce, notre continent est l’un des meilleurs élèves de l’OMC. Il s’offre sans contrepartie à tous les dumpings, qu’ils soient sociaux, environnementaux, fiscaux, ou monétaires. On peut d’autant moins combattre la concurrence d’un pays comme la Chine, où le coût du travail est négligeable, que l’on est tributaire d’une monnaie chère, lorsque les Chinois bénéficient d’une monnaie faible. Les difficultés se cumulent donc, rendant la situation de l’eurozone si difficile que celle-ci semble désormais au bord de l’explosion. VERS PLUS DE FEDERALISME ? On nous dit que la principale erreur fut d’accueillir la Grèce dans l’euro. On accuse ce pays - à juste titre - d’avoir truqué ses comptes pour devenir éligible à la monnaie unique. Dès lors, une sortie de l’euro de la péninsule hellène a cessé d’être taboue. Cette hypothèse a été largement évoquée lorsque Georges Papandréou envisagea brièvement d’offrir à son peuple un référendum. Mais cette solution peut-elle véritablement en être une ? C’est peu probable, car la Grèce, bien qu’elle ait réussi à faire trembler le continent, ne représente que 2,5% du PIB de la zone. Elle n’est que la petite partie émergée d'un gros iceberg. Sa dette représente 350 milliards d’euros. Que se passerait-il si, une fois ce pays bouté hors de l’eurozone, la spéculation – qui a déjà commencé à le faire - s’en prenait aux 1900 milliards d’euros de la dette italienne ? Il y a peu de chance, alors, que le Fonds européen de stabilité financière (FESF), même porté à 1000 milliards d’euros, soit en mesure de faire face. Tout porte d’ailleurs à accréditer la thèse de "l’effet domino". Après la Grèce et l’Italie, ce serait au tour du Portugal et l’Espagne d’entrer dans la tourmente. Puis…de la France. L’économiste Philippe Dessertine l’assure: "la question n’est pas tant de savoir si nous serons touchés, mais quand ". Face à l’urgence et à la gravité de la situation, des solutions, bonnes et moins bonnes, ont été imaginées. Celle de Nicolas Sarkozy, qui souhaitait faire du FESF un véritable organisme de prêt adossé à la Banque centrale européenne, a été balayé d'un revers de main par la chancelière Merkel. Fleurissent désormais nombre d’idées fédéralistes. Il est vrai qu’une monnaie unique est déjà un instrument fédéral. Mais pour qu’il puisse fonctionner, il convient que d’importants transferts budgétaires compensent l’impossibilité de dévaluer. Croit-on vraiment que l’Allemagne, qui s’est déjà opposée à cette autre idée fédérale qu’étaient les eurobonds, tolèrera longtemps de payer pour ses partenaires ? Sa réunification a coûté très cher à ce pays. Il est d’autant moins probable que la République fédérale accepte de payer pour la Grèce, pour l’Italie ou pour l’Espagne ainsi qu’elle paya jadis pour ses länders de l’Est. MONNAIE UNIQUE VS MONNAIE COMMUNE Nous voilà donc arrivés, semble-t-il, au terme des solutions envisageables pour sauver l’euro. A moins qu’une ultime possibilité n’ait été oubliée ? Ils sont de plus en plus nombreux, qu’ils soient économistes (Gérard Lafay, Jacques Sapir) ou politiques, à évoquer l’idée de faire muter notre devise pour permettre sa survie. Et l’on commence à entendre fredonner, certes encore timidement, la petite musique de la "monnaie commune". La différence avec une monnaie unique ? Permettre à des pays aux structures macroéconomiques différentes d’amortir les chocs, en ajustant de manière concertée la parité de leurs monnaies nationales. Dans le même temps, conserver l’euro pour nos transactions extérieures. Ainsi pourrait-on à nouveau dévaluer au sein de la zone, tout en continuant à payer nos importations en euros. Les dettes souveraines continueraient par ailleurs d’être libellées en « monnaie commune », afin d’empêcher que l’inflation ne les fasse enfler. Enfin, loin de contraindre à l’expulsion de quelque Etat que ce soit, cet assouplissement considérable permettrait au contraire d’intégrer dans l’eurozone de nouvelles nations, jusque là trop faibles ou simplement réticentes. La création de notre devise européenne fut une entreprise irréaliste doublée d’une démarche autoritaire de nivellement et d’aplanissement (voire de négation) des différences existant entre les Etats-membres. Pourtant, l’euro existe depuis maintenant dix ans, et il faut bien faire avec : "pas de politique en dehors des réalités", disait le général de Gaulle. La réalité doit-elle pour autant devenir un cauchemar ? Et faut-il poursuivre l’actuelle politique des rustines successives jusqu’à ce que l’euro explose, laissant derrière lui une Europe économiquement exsangue ? Souhaiter une solution médiane et raisonnable, est-ce cela, être "eurosceptique" ? Gageons pour note part qu’il s’agit plutôt de l’ultime manière d’y croire encore, et d’être optimiste, sans être naïf. |