Antoine Lubrina revient sur trente ans d'histoire du PCF
LES CAUSES DE LA DISPARITION OU DE
L'AUTO-DISSOLUTION DU PCF
PCF Paris 75 013
Antoine Lubrina contribution à l'AG du 9 avril 2008.
Avec environ 9% aux dernières élections municipales et cantonales, il semble que la dissolution du PCF, sa disparition, ne soit plus à l'ordre du jour.
En effet nous sommes loin des élections présidentielles, où notre secrétaire générale (en congé de parti) et à la tête du rassemblement antilibéral de gauche, avait obtenu le score de 1,9%. La remontée commence avec les législatives quand on ressort le drapeau PCF.
L'assemblée extraordinaire « des ruches » de décembre 2007 a montré que le parti n'était pas mort, que tous les communistes étaient fiers de leur identité, que la population reproche aux communistes non leur identité communiste, dans un réel combat de lutte de classe anti-capitaliste mais de l'avoir en partie abandonnée, notamment en gérant loyalement les intérêts de la bourgeoisie en 1997 dans le gouvernement de la gauche plurielle.
Tout le monde est à peu près d'accord, sur le fait qu'aux dernières élections municipales l'abstention a été massive en particulier dans les quartiers populaires. C'est là , en effet, qu'il faut retrouver nos alliés légitimes. Le PCF ne peut aller au gouvernement sans qu'il ait derrière lui l'immense majorité des travailleurs, des exploités qui le soutiendront dans toutes ses décisions anticapitalistes. Engagements qui auront été pris devant les électeurs. Seul un programme attaquant les racines du capitalisme peut permettre d'apporter des solutions durables aux conditions de vie, d'exploitation éhontées, infra humaine qui sont mises en place par tous les partis qui servent le capitalisme de l'UMP aux socialistes. Cela ne se fera pas sans les luttes quotidiennes : manifestations, pétitions, blocages des entreprises qui refusent les vraies réformes anticapitalistes, occupation des lieux de travail etc...autant d'actions, de mobilisation générale, comme en 1936 ou 1968, sans lesquelles aucun gouvernement serait-il majoritairement communiste avec quelques alliés socialistes ou d'autres partis de gauche ne pourrait retirer au capital le pouvoir absolu qu'il a sur l'économie de notre pays et sur la plus grande partie de la planète.
Ce n'est pas défendre les exploités, que de continuer à abandonner le terrain concret des luttes (disparition des cellules et sections d'entreprises).
En dehors des alliances traditionnelles avec les militants du PS pour les municipales ou le désistement au deuxième tour avec le PS pour les élections législatives, il est inconcevable qu'un PCF minoritaire participe à l'exécutif. Il ne peut alors qu'être la caution la plus précieuse pour la bourgeoisie qui peut ainsi faire avaliser sa politique réactionnaire en anesthésiant toute riposte ouvrière puisque les représentants des travailleurs soutiennent cette politique par le fait même de leur présence au gouvernement. On a vu le résultat de cette stratégie de collaboration de classe en France en 1981 puis en 1997 et plus récemment avec la gauche « arc en ciel » soutenant le gouvernement pro-capitaliste, Prodi en Italie.
On ne défend donc pas les travailleurs, en s'alliant avec des politiciens qui font uniquement des carrières personnelles. Ces gens là pullulent au parti socialiste et dans tous les partis capitalistes. Ils n'ont pour tout discours que de développer des querelles de personnes ou de clans, au lieu de travailler à élaborer des programmes sérieux, tendant à organiser la production dans l'intérêt général et au profit de toute la population et non de certains privilégiés.
Les adhérents du PCF ne sont pas contrairement à ceux du parti socialiste un rassemblement de braves gens qui viennent écouter autour d'une tasse de thé, les discours creux de leurs leaders et trouver un réconfort dans une sorte de thérapie de groupe, comme dans les sectes ou les organisations religieuses.
Le PCF est un mouvement révolutionnaire, nous sommes les héritiers de la Commune de Paris dont le mouvement a commencé le 18 mars 1871 et qui se termina fin mai avec la semaine sanglante qui montre au mur des fédérés l'acharnement sanguinaire de la bourgeoisie capitaliste pour conserver ses privilèges de classe.
Le PCF depuis sa création en 1920 a montré partout qu'il était à la pointe du combat pour défendre les travailleurs. Maurice Thorez et Jacques Duclos ont été emprisonnés, tous les députés communistes déportés dans les bagnes d'Algérie en 1939.
Le PCF contrairement au parti socialiste qui organisait la répression a mené le combat incessant contre le statut des indigènes dans nos colonies. Saluons Henri Martin, Maurice Audin exécuté en Algérie, Henri Alleg torturé.
Tout le monde reconnaît le rôle du parti des fusillés qui nous a valu les grandes avancées du CNR en 1945 et que les gouvernements capitalistes de droite ou de gauche détruisent chaque jour.
Une question donc fondamentale se pose : comment Marie Georges Buffet a-t-elle pu obtenir 1,9% aux présidentielles, moins que Robert Hue.
Il ne s'agit ici d'accuser aucun camarade, mais de réfléchir ensemble à cet effacement provisoire du PCF dont certains prévoyaient la disparition.
Voici quelques éléments d'analyse personnelle que je n'aurai sans doute pas le temps de développer durant l'assemblée générale.
En fait tout remonte à 1920.
A juste titre dans le monde entier, les communistes considèrent devant l'attaque violente et implacable de toutes les forces capitalistes du monde, qu'il faut par tous les moyens protéger la jeune république des soviets née en 1917.
Le 70ème jour Lénine danse sur la neige : la révolution des prolétaires avait tenu plus de temps que la Commune de Paris.
L'URSS tiendra 70 ans sous les coups de butoirs d'une agression permanente de toutes les forces et pays capitalistes du monde. Hitler dont la seule mission est d'abattre définitivement le communisme pas seulement en Allemagne mais dans le monde entier et spécialement dans sa mère patrie l'URSS, est financé par le capitalisme international spécialement américain. Le général Von Paulus capitulera à Stalingrad.
Durant la seconde guerre mondiale on compte 20 millions de mort en URSS et seulement 300.000 américains y compris leurs pertes dans le Pacifique. L'URSS encore plus que toute l'Europe est dévastée. Jamais le territoire américain n'a été, lui, bombardé. Au contraire les usines tournent à plein régime depuis 1917.
L'URSS est obligée de se surarmer pour répondre aux menaces nucléaires américaines, cf l'épisode des fusées US pointées sur Moscou depuis la Turquie et la riposte à Cuba qui obligea Kennedy à reculer.
Et malgré toutes ces difficultés l'URSS en 1959 envoie le premier spoutnik, puis Gagarine, le premier homme dans l'espace.
Mais la chute du modèle soviétique vient d'avantage du fait que ce pays d'origine féodale, très arriéré et semi-colonial comme la Chine n'a pas su sortir du modèle léniniste devenu avec le temps obsolète. Chavez explore une autre voie au Vénézuela.
La Chine, elle, essaye de jouer le jeu du développement économique, sans se couper de la libre circulation des techniques modernes. La République Populaire de Chine se refuse à confier le contrôle des richesses nationales à des individus privés qui les gèreraient dans des intérêts strictement personnels sans aucune considération du bien commun de leur pays ou de la planète ce qui est la définition même du capitalisme.
L'essai actuel de remettre au pouvoir l'homme de la CIA, le Dalaï lama, dans un pays où le pouvoir absolu des moines était une dictature féodale la plus arriérée, montre ce combat constant des USA qui « libèrent » l'Irak en massacrant sa population et en s'appropriant sans scrupule les richesses pétrolières de ce pays.
L'URSS comme la Commune de Paris ont vécu. Mais il n'en reste pas moins que ce furent d'authentiques révolutions ouvrières avec leurs faiblesses et leurs erreurs. Ce sont des enseignements précieux, un processus d'apprentissage à méditer pour vaincre définitivement le capitalisme.
Cependant le capitalisme international qui a osé utiliser des bombes atomiques sur des populations civiles à Nagasaki et Hiroshima pour éviter que ce pays exsangue en 1945 soit libéré par les soviétiques, le capitalisme international qui a soutenu jusqu'au bout le nazisme, l'a mis au pouvoir (« plutôt Hitler que le front populaire ») n'a aucune leçon à donner au mouvement communiste, qui peut être fier des résultats déjà enregistrés et qui a fait de lui-même la sévère critique des dérives staliniennes.
N'oublions pas que c'est seulement après Stalingrad que les USA se sont impliqués dans la guerre et que ce débarquement de Normandie a été fait dans la plus grande précipitation, car c'est l'armée soviétique qui a libéré Berlin et les USA ont eu peur qu'après avoir dépassé Berlin de 300 km à l'ouest, libéré du nazisme la Pologne, la Hongrie, la Tchécoslovaquie, les soviétiques libèrent aussi Paris.
Un problème grave pour Le PCF va se poser en 1956 avec Budapest. C'est l'armée soviétique qui intervient pour sauver le communisme, de même en Tchécoslovaque en 1968.
Les communistes occidentaux comprennent que ce modèle du parti unique, glorieux contre Hitler, n'est plus adapté. N'oublions pas que les permanents du PCF sont formés jusqu'en 1972 à Moscou.
Bien qu'en France et aussi dans les autres pays occidentaux les partis communistes ont toujours respecté scrupuleusement le cadre de la démocratie bourgeoise, gagnant des sièges de députés, de nombreuses municipalités, des grandes avancées sociales comme en 1936, 1944 et 1968, le PCF et les autres partis n'ont pas véritablement élaboré un projet politique structuré adapté à des pays industriellement développés avec les fortes traditions de la démocratie bourgeoise.
Ainsi le PCF découvre en 1968, alors que durant les grandes grèves le peuple exigeait de profondes réformes politiques, qu'il n'a rien à proposer, sinon de se cantonner aux luttes exclusivement syndicales. Le PCF laisse la place aux idéologies permissives des petits bourgeois : le « marché du désir », « le capitalisme de la séduction » sur une base de mépris, d'hostilité totale à la classe ouvrière qui doit continuer à produire au profit des fils à papa, Cohn Bendit et compagnie.
En juin 1968 les électeurs ont compris ce vide dans le projet du PCF d'autant plus que 10 millions de grévistes et les accords de Grenelles montraient la combativité et le désir de changement profond des structures de notre système économique.
Pas de révolution sans un vrai parti révolutionnaire en phase avec les exigence de son temps.
Les électeurs déçus par l'absence de perspective du PCF laissent les capitalistes avec De Gaulle reprendre le pouvoir.
Désormais, notre peuple a besoin d'un parti communiste maîtrisant parfaitement un projet anti-capitaliste de passage démocratique au socialisme. Ce qui effectivement est à construire et n'existe nulle part au monde. La vocation du PCF n'est plus d'être le fidèle allié de l'URSS. Nous ne sommes plus en 1917.
Ainsi en 1968 le PCF se trouve devant cette incapacité à élaborer ce projet et à le mettre en œuvre. Or le Parti le comprend très bien, c'est une nécessité absolue pour abattre le capitalisme.
Il faut en réalité réaliser en liaison constante avec les travailleurs, le même travail qu'a fait Lénine avec les bolcheviques pour bâtir un authentique parti révolutionnaire adapté aux conditions de son époque et de son pays et qui a tenu compte des erreurs des communards.
Tout ce que trouve le PCF comme alternative, car il n'a rien à proposer, s'est de se jeter dans les bras de la gestion capitaliste par le biais de l'alliance avec un parti fondamentalement opportuniste, spécialiste de toutes les collaborations, le parti socialiste en signant avec lui en 1972 le Programme Commun de gouvernement .
A l'époque nous avions « Changer de Cap » très bon programme de gouvernement élaboré à la suite de l'excellente analyse de la section économique du Parti sur « le Capitalisme Monopoliste d'Etat » qui montrait bien l'impasse et le désordre économique qu'engendraient ces monopoles qui dirigeaient maintenant notre pays et la nécessité que la gestion de ces entreprises à dimension nationale revienne à la collectivité dans un cadre démocratique de gestion en faveur de celle-ci.
Et ce programme « changer de Cap », petit livre orange, porté par les militants communistes avait un immense succès parmi les travailleurs et nous offrait la possibilité de rallier l'immense majorité des travailleurs de notre pays.
Rien n'empêchait ensuite après les élections portant un parti communiste majoritaire au pouvoir de concéder quelques ministères à des socialistes, des chrétiens sincères, qui sans être communistes considèrent que cette voie démocratique de gestion des entreprises peut seule assurer le bien être de tout notre peuple comme pendant la résistance, l'alliance s'est fait tout naturellement avec des hommes sincères, non communistes mais qui refusaient l'odieuse collaboration avec l'occupant nazi : « Quand les blés sont sous la grêle, fou qui fait le délicat. »
Mais non, il semble que le PCF refuse toujours de devenir adulte. Le grand frère ne peut plus être l'URSS, eh bien, par le biais des socialistes on accepte une gestion sincère « humaine » du capitalisme. On a vu les résultats en 1981 et en 1997 avec la gauche plurielle. Comment s'étonner alors que les électeurs des couches populaires se détournent de nous, que les militants quittent en masse le parti ?
Les travailleurs qui ont une profonde confiance dans la générosité et la clairvoyance de leur parti, le parti communiste, lui faisant toute confiance, ont vu avec sincérité dans cette signature du programme commun, un parti socialiste converti à la lutte de classe. Comment en douter puisque le parti des fusillés, le parti qui ne les avait jamais trompés dans les luttes menées contre le capitalisme, redonnait une virginité à ce vieux parti opportuniste spécialiste de toutes les trahisons.
Les travailleurs, avec confiance, voient là désormais dans cette signature, l'annonce assurée de la fin du capitalisme.
Comme si un PCF minoritaire, était capable de faire front à la puissance de conservatisme et d'opportunisme de cette masse mouvante du PS, conglomérat de couches moyennes ou de travailleurs très peu politisés.
Le mal est fait. Dès le premier tour, pour voter utile, les électeurs communistes votent pour le PS.
Impossible pour le PCF de faire marche arrière. Il a beau crier à la trahison du PS, essayer de « réactualiser » le programme commun, il est pris dans le naufrage qu'il a lui-même déclenché.
Et ce sera les participations catastrophiques aux gouvernements en 1981 et 1997 où le PCF avalise allégrement le bradage de tous les acquis du CNR, du code du travail etc...
A juste titre les travailleurs se détournent de lui. Les camarades les moins expérimentés font l'erreur énorme de ne plus prendre leur carte et laissent le bateau partir à la dérive.
Il semblerait que les communistes français, courageux dans tous les combats, ont délaissé l'effort théorique et pratique qui consistait à poursuive, sur un modèle bien français, la lutte contre le capitalisme, reconnaissant enfin que le modèle soviétique de parti unique et de contraintes des libertés était devenu tout à fait obsolète et inapplicable avec les traditions de notre peuple. En fait le vrai communisme se conjugue parfaitement avec la démocratie, mais pas avec le capitalisme qui lui ne respecte la démocratie que si elle lui est imposée sur la base de rapports des forces qui sont le résultat des luttes.
Il est temps que les communistes français deviennent adultes, fassent sans complexe leur autocritique et que mus par leurs riches traditions d'héroïsme, de luttes et de réflexions redonnent à notre pays ce grand parti dont il a besoin. C'est une urgence pour stopper le carnage que le loup capitaliste fait actuellement dans la bergerie dont on lui a donné les clefs.