OGM et communisme
Un camarade a récemment publié ici un article à propos des OGM. Puisque le débat est ouvert, je me propose de lui apporter la contradiction, histoire de montrer que ce qui nous rassemble sur Réveil Communiste n'empêche pas la diversité des opinions... (texte original cité en italique)
Chers amis et camarades,
je trouve navrant que le Parti Communiste prête le flanc aux manifestations irrationalistes qui sévissent actuellement sur le sujet des Organismes Génétiquement Modifiés. C'est une illusion de croire à la "pureté" et à l'absence de modifications, génétiques en l'occurrence, de la nature et des espèces naturelles. La théorie de l'évolution nous appris, il y a plusieurs siècles déjà, que les espèces se transforment et évoluent. La génétique moléculaire nous a montré que ces modifications, on-ne-peut-plus naturelles, touchent d'abord les génomes. C'est en se mélangeant que les espèces s'améliorent (ou se dégradent, auquel cas elles disparaissent, en raison de la sélection naturelle). Il n'y a donc aucune raison que les OGM, en tant que modifications génétiques provoquées, soient plus nocifs que n'importe quelle autre espèce.
Oui, effectivement, le vivant évolue par mutations génétiques. Mais de quelle façon ? De légères mutations apparaissent parfois, aléatoirement, et si elles améliorent la survie des individus concernés, dans un climat et un écosystème précis, ces mutations peuvent devenir dominantes. Ceci n'a absolument rien à voir avec une mutation forcée et choisie, appliquée à tous les individus d'une même espèce cultivés sur des centaines de milliers d'hectares sur tous les continents. Si le mécanisme unitaire est identique, il y a une légère différence d'intensité dont les conséquences sont incalculables et imprévisibles.
Prenons une soupe fade. Ajoutons-y une pincée de sel : c'est bien meilleur. Donc le sel est bon. Versons tout le pot de sel dans la soupe... c'est toujours bon ? Dans le vivant les notions d'équilibre et de mesure sont essentielles. Ou alors, il faut considérer que l'accident de Tchernobyl est une chance, qu'il a fait un bien fou aux Ukrainiens en accélérant leurs mutations génétiques. Je propose alors d'ajouter au programme communiste de faire sauter tous les 10 ans une centrale nucléaire sur chaque continent pour améliorer plus vite le sort de l'humanité : l'avenir radieux, c'est l'avenir irradié !
Ajoutons également qu'il y a une confusion dans le discours anti-OGM : on reproche à Monsanto d'être une entreprise capitaliste cherchant à maximiser son profit en empêchant les espèces modifiées de produire des semences. Pourquoi alors condamner la technique OGM ? C'est plutôt le modèle économique en place qu'il faut condamner !
Mais c'est bien ce que l'on fait ! A part quelques illuminés dont il n'est pas ici question (sauf à vouloir faire un amalgame un peu facile), le mouvement d'opposition aux OGM ne combat pas une découverte scientifique, mais bien l'utilisation très particulière qui en est faite par quelques industriels de l'agrochimie et des semences, qui prétextent vouloir faire le bien de l'humanité (nous y reviendrons), mais cherchent en fait à renforcer leur hégémonie en imposant une agriculture industrialisée, uniformisée et centralisée, dans laquelle le paysan devient un exécutant totalement dépendant.
Je suis convaincu que les principes d'autonomie et de diversité sont essentiels pour l'avenir du communisme, beaucoup plus que la centralisation et l'uniformisation staliniennes que les grands semenciers cherchent à imposer par les OGM.
On ne peut d'ailleurs pas se plaindre d'un côté, par exemple, que les ressources en eau s'amenuisent et, de l'autre, refuser que la recherche s'attèle à modifier les plantes de façon à ce qu'elles en consomment moins, l'agriculture étant une grosse consommatrice d'eau, tout en nécessitant de nourrir toujours plus d'humains. Les pays chauds connaissant de plus en plus de sécheresses apprécieront cette marque de solidarité...
Nous y voilà. Les OGM sont la solution au problème de la faim dans le monde. Et de la soif pendant que l'on y est ! Alors ça, on en attend toujours la démonstration "scientifique". En attendant, on sait que le développement de "l'agriculture OGM" se fait toujours au détriment des agricultures paysannes et vivrières, et qu'elle réduit considérablement l'indépendance alimentaire, en particulier dans les pays pauvres, justement.
Les solutions existent, mais elles sont d'une toute autre nature : agriculture d'autonomie, diversité des semences, couverture des sols, permaculture et agriculture naturelle... autant d'approches qui donnent d'excellents résultats, validés par des expérimentations grandeur nature, sur plusieurs continents...mais qui ne rapportent rien aux semenciers ni aux agrochimistes. Donc c'est la chape de plomb. Pourtant, même l'ONU (dont on ne peut pas dire qu'il s'agisse d'un repaire de révolutionnaires enflammés ni d'écolo-dingues illuminés) a affirmé récemment que l'agriculture biologique pouvait nourrir la planète... Et le problème ne serait-il pas plutôt dans la répartition et le partage des richesses ?
encore une fois, s'il y a problème en matière d'OGM, c'est sur le terrain économique. Il est inacceptable qu'une entreprise accapare le progrès technique pour faire seulement du profit. Cela est vrai pour les OGM, mais aussi pour l'informatique, l'acier, le BTP, etc. Cela nous conduit-il à condamner les ordinateurs, internet, les rails de chemin de fer, les ponts, etc. ? Non, car en tant que communistes, nous devons faire en sorte que ces progrès soient partagés pour le bien commun.
D'accord, sauf qu'en matière d'agriculture, les OGM ne constituent pas un progrès ! La science permet le progrès, mais tout ce qui est scientifique n'est pas forcément un progrès...
Et en tant que communiste, je crois que le problème de la faim dans le monde ne se résoudra pas en assurant la promotion des OGM et la défense des grands semenciers, mais plutôt... en abattant le capitalisme, dans les campagnes autant que dans les villes !
Le communisme, c'est l'appropriation sociale des moyens de production, dont la terre et les semences font partie. A l'inverse, les grands groupes semenciers pratiquent l'expropriation sociale et la privatisation du vivant, notamment grâce aux OGM.
J'ajoute que, politiquement, le refus du progrès technique est une marque de régression idéologique très grave, rappelant l'anarcho-syndicalisme du début du 19e siècle, qui incitait les ouvriers à détruire les machines car celles-ci supprimaient de l'emploi.
Ah, encre ce fameux retour à la bougie ! Toute contestation citoyenne d'une activité scientifique serait de l'irrationalité et de la régression, entravant la marche majestueuse du Progrès... De quel progrès parle-t-on ? Les semences OGM utilisées dans l'agriculture industrialisée s'accompagnent de protocoles très précis prévoyant de multiples traitements chimiques phytosanitaires, qui tuent les sols, détruisent la biodiversité, intoxiquent les populations locales... c'est pas magnifique tout ce progrès ?!
Les images de José Bové détruisant un laboratoire de recherche de l'INRA m'ont profondément choquées, et je ne conçois pas qu'un parti œuvrant pour le progrès humain donne caution à une telle manifestation d'irrationalité et de régression. Maltraitant ainsi la recherche publique, seule garantie de transparence et d'indépendance dans les travaux réalisés, comment, ensuite, déplorer que la recherche privée accapare le sujet des OGM ? Il y a là une incompatibilité qu'il s'agit de lever.
De quelle recherche publique parle-t-on ? Sur quoi travaille-t-elle ? Quelles sont les relations de dépendance et de connivence existant avec les gros industriels de la chimie et des semences ? Et quels moyens sont consacrés par ailleurs pour explorer les pistes alternatives citées plus haut ?
Les méthodes de Bové sont parfois contestables, et ses incursions dans le domaine politique se sont avérées plus que scabreuses, mais pour ce qui est de l'agriculture, il est au moins parvenu à faire émerger au premier plan des enjeux dont il est essentiel que les populations se saisissent.
Je vous envoie ci-dessous les documents publiés par l'Union rationaliste, dont je suis membre, sur le sujet des OGM :
http://www.union-rationaliste.org/index.php/Les-rationalistes-reagissent/OGM-une-responsabilite-envers-les-generations-futures.html
http://www.union-rationaliste.org/index.php/Les-rationalistes-reagissent/Lettre-ouverte-sur-les-OGM.html
http://www.union-rationaliste.org/index.php/Argumentaires/Argumentaire-de-l-Union-Rationaliste-sur-les-OGM.html
Recevez, chers camarades, mes salutations communistes.
J'ai parcouru ce site, qui me laisse perplexe... On y trouve sur ce sujet des raccourcis hâtifs, des affirmations péremptoires et même quelles belles âneries, souvent bien loin d'une démarche objective et scientifique dont il se réclame pourtant. Prenons un seule exemple, parmi les arguments invoqués en faveur des OGM dans l'agriculture :
"95% des agriculteurs qui utilisent des OGM sont dans les pays pauvres, et ce mouvement s'accentue d'année en année." Mais alors, les "programmes d'ajustement structurels" du FMI sont également un bienfait pour ces pays pauvres, puisqu'eux aussi ont été appliqués à 95% chez eux !! Allons, réfléchissons un peu... ne serait-ce pas plutôt parce que les industriels ont là-bas les coudées franches ? Parce que les rares opposants à ces bienfaiteurs de l'humanité y sont l'objet d'une répression féroce, qui ne se limite pas au harcèlement juridique que connaissent en France des organismes tels que Kokopelli ?
Une précision pour conclure : je suis de formation et de culture scientifiques, ingénieur en électronique et informatique. Moi aussi je suis "rationaliste", c'est même ce qui m'a amené au communisme !
Et j'ose espérer que la passion pour les OGM dans l'agriculture est un sentiment fort peu partagé chez mes camarades !
Fraternellement,
Philippe.