Extraits de la contribution de la section de Castres, sur l'attitude à observer vis-à-vis de l'histoire communiste
La totalité de la contribution est publiée sur le blog ANR. Nous reproduisons ici les passages pertinents par rapport à la démarche du Réveil Communiste en ce qui concerne notre histoire. Copié sur RC le 17 novembre 2007.
Contribution au débat de l’Exécutif de la Section CASTRES-LABRUGUIERE ( Tarn)
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B : LES RAISONS D’ÊTRE DU PARTI COMMUNISTE
1-Aspects historiques
Le mouvement révolutionnaire a toujours eu un rapport singulier à l’histoire : c’est tout particulièrement le cas en France. Cela s’explique aisément : la France est le premier pays au monde à avoir connu une révolution « bourgeoise », celle qui a mis à bas en 1789 les institutions féodales puis la monarchie et c’est aussi le pays qui a connu la première tentative de révolution socialiste, avec la Commune de Paris en 1871.
Le mouvement communiste s’est construit en France à partir d’une double filiation :
d’une part celle consécutive à la Révolution d’Octobre 1917 et au rejet des trahisons de la social-démocratie lors de la grande guerre qui a vu les dirigeants des différents partis socialistes se ranger derrière leurs bourgeoisies nationales dans des gouvernements « d’union sacrée » alors que leurs peuples se faisait massacrer dans les tranchées) ; d’autre part celle issue du riche héritage révolutionnaire français – tout particulièrement 1789 et les révolutions du XIXe siècle.
Le Parti né à Tours en décembre 1920 est le fruit de cette histoire, de ce double héritage, ce qui peut expliquer, après les tâtonnements des premières années, pourquoi le PCF a aussi bien réussi à s’implanter dans la société française, d’abord et surtout dans la classe ouvrière mais aussi dans toutes les couches de la société, à l’exception –compréhensible- de la bourgeoisie : petite paysannerie (métayers comme petits propriétaires), artisans et petits commerçants, professions intellectuelles …
Il n’est pas question ici, dans ce cadre restreint, de reprendre dans le détail un historique détaillé du PCF, il existe sur le sujet des travaux solides, sérieux et honnêtes. Ce n’est, hélas, pas le cas de toutes les publications qui se succèdent, avec un rythme toujours aussi élevé, depuis une quinzaine d’années dont le but avoué –revendiqué même- est de faire la peau au communisme et au PCF. Or, en histoire (comme en économie, en sociologie ou en philosophie d’ailleurs) le problème est de savoir : qui écrit et pourquoi (dans quel but) ?
Cette question élémentaire, certains camarades depuis la période de la mutation (avec Robert Hue et Pierre Blotin notamment) ont renoncé à se la poser. Au fond, pour eux, déjà, le mot « communisme » était trop lourd à porter et il fallait rompre avec le funeste héritage léniniste d’Octobre. C’est dans ce contexte qu’ont été abandonnés successivement le centralisme démocratique (au 28e congrès), la perspective du socialisme, la référence à l’appropriation collective des moyens de production, les nationalisations …
Sans multiplier les références, on peut rappeler, en 1997, une émission spéciale de « la Marche du siècle » consacrée au pamphlet de Stéphane Courtois (« le livre noir du communisme ») où le secrétaire national du PCF de l’époque avait fait acte de contrition tout au long du débat devant Stéphane Courtois, sans l’affronter ou même contester ses arguments, ce qu’avait fait, courageusement, Jean Ferrat, qui n’avait pas versé, lui, dans l’autoflagellation. Faut-il rappeler ici combien les propos et les écrits de Courtois et des historiens les plus anticommunistes trouvent un relai complaisant dans la presse d’extrême-droite, qui ouvre d’ailleurs régulièrement ses colonnes à S. Courtois.
Plus récemment, il fut largement question, en décembre dernier, de la publication très médiatisée de deux historiens (Besse et Pennetier) sur Juin 1940 et la demande de reparution de « l’Humanité » effectuée par M. Tréand, membre du Comité Central du PCF, J. Duclos étant alors informé de cette démarche. Ce livre ne s’appuie sur aucune archive nouvelle, il alimente seulement les thèses anticommunistes sur le pseudo-attentisme du PCF entre septembre 1939 et juin 1941. Il ignore le contexte politique d’ensemble de la France de mai-juin 1940 pour ne s’intéresser qu’aux atermoiements et aux hésitations de la ligne du PCF et de l’IC de l’époque. A partir de ce livre, qui reçoit une publicité considérable, certains vont encore plus loin en développant la thèse infâme dune collusion entre le PCF et les nazis. Le journal « le monde » et d’autres médias, à la suite du livre de Besse et Pennetier se sont livrés à cette basse besogne. On doit répéter ici que cette thèse est infirmée et démentie de la manière la plus catégorique qui soit par les archives et les travaux des historiens sérieux et honnêtes.
Cette thèse a trouvé hélas crédit auprès de la direction du PCF qui s’est alors livrée à une déclaration étonnante , un mea culpa de plus, où elle n’en finit pas de s’accuser de toutes les turpitudes passées – fussent-elles inexactes- commises au nom du communisme. Une attitude courageuse et responsable aurait été de dénoncer une énième tentative de criminalisation du communisme, de relever les faiblesses de l’argumentation de Besse et de Pennetier, de dénoncer une campagne de presse indigne et calomniatrice, de donner la parole à nos camarades historiens qui ne s’alignent pas sur la doxa néo-conservatrice et réactionnaire, aujourd’hui quasiment hégémonique à l’Université et dans les manuels scolaires, dès qu’il s’agit de communisme et de lutte des classes.
Au lieu de cela, la déclaration de l’Exécutif a fini par accréditer l’idée que les thèses défendues par nos adversaires (de Stéphane Courtois à Pennetier) sont crédibles, fondées, puisqu’on s’incline en acceptant les arguments assénés par l’adversaire –sans se défendre- en faisant assaut de mea culpa et de contritions.
C’est par ce détour que nous en venons au long entretien accordé à Patrice Cohen-Séat, membre de l’Exécutif national du PCF, dans « l’Humanité » du 12 septembre dernier.
Quelle est la thèse développée par Cohen-Séat ? Il indique vouloir tirer « toutes les conséquences » des échecs subis lors du printemps 2007 et des élections précédentes –la conséquence majeure étant la nécessité de changer le nom du PCF, responsable de tous les maux et du déclin continu de notre parti . Il insiste, complaisamment relayé par le journaliste, sur la thèse du « déclin continu » du PCF, oubliant au passage que nombre de dirigeants du PCF ont milité pour que l’étiquette communiste n’apparaisse pas lors de la campagne de Marie-George Buffet, labellisée candidate de la « gauche populaire et antilibérale ».
Pour P. Cohen-Séat, le changement de société et le projet dont nous devons être porteurs, c’est « notre ambition d’émancipation humaine » … on a connu des formules plus claires et explicites.
Il indique par ailleurs, dans la situation critique dans laquelle se trouve la gauche que « nous devons donner le signal fort que nous sommes prêts à nous révolutionner pour contribuer à ce que la gauche elle-même se révolutionne et se hisse à la hauteur de ses responsabilités historiques ». Comprenne qui pourra…
Cohen-Séat manie aussi le paradoxe : il affirme que « nous sommes arrivés au bout du cycle politique qui s’est ouvert en 1920 (…) il faut inventer du neuf dans l’organisation du combat politique » et dans le même temps il indique qu’ « écrire une nouvelle page de notre histoire est nécessaire. Mais on n’y arrivera pas en déchirant les précédentes ». Il ajoute être favorable à un changement de nom du PCF : « le communisme s’est historiquement assimilé à des crimes et à l’échec. Au mieux, il renvoie à une époque révolue. » Cohen-Séat assène enfin le coup de grâce : Pour faire vivre notre engagement, il faut le « libérer des valises de plomb que nous traînons encore aujourd’hui. (…) Seul un acte symbolique fort peut le permettre. Y a-t-il une autre façon que de changer de mot ? Ce débat doit s’ouvrir et il faudra le trancher » … Le camarade Cohen-Séat a lui déjà tranché, manifestement.
Ou comment faire mine d’ouvrir un débat « sans tabous », affirmer que « personne ne peut dire : j’ai la solution » et dans le même temps asséner, de façon définitive, des opinions pour le moins tranchées et définitives. Certains manient décidément mieux le paradoxe que la dialectique !
Et dans tout cela, où est donc passé l’histoire du communisme français ? Disparue, étouffée, enfouie.
Les clichés succèdent aux affirmations péremptoires et voilà comment on tente de liquider un parti : « Les valises de plomb, les crimes, l’échec, le parti-Etat, l’économie administrée, la supériorité du capitalisme sur le socialisme » … encore un effort, on dirait du Sardou, camarade Cohen-Séat ! Si l’enjeu n’était pas crucial pour notre peuple, pour le devenir des idées révolutionnaires on pourrait ironiser sur les propos d’un des principaux dirigeants du PCF depuis plusieurs décennies. Un dirigeant qui mène son organisation à plusieurs catastrophes électorales successives devrait pour le moins s’interroger sur la pertinence et l’efficacité de ses qualités de dirigeant. Pourquoi des équipes dirigeantes ayant échoué de manière aussi flagrante n’ont-elles pas le courage de se remettre en cause au lieu de casser le Parti qui est à l’origine des plus belles pages du mouvement ouvrier et progressiste français au XXe siècle ? Il est en effet nécessaire de se poser des vraies questions sur le sens de ces déconvenues électorales – au lieu de poser comme préalable qui exonère un peu trop facilement les dirigeants - un « déclin continu de l’influence du PCF », forcément structurel, alors que nous pensons que ces raisons-là sont en réalité conjoncturelles.
Un certain nombre de nos dirigeants actuels ont manifestement un problème avec l’histoire du communisme français : ils ne l’assument pas, soit parce qu’ils ne la connaissent pas, soit parce qu’ils ont renoncé à mener sur ce terrain-là aussi la bataille idéologique avec nos adversaires de classe, laissant de fait le champ libre aux Stéphane Courtois et consorts, historiens superficiels mais vrais idéologues de la bourgeoisie. Ces derniers ont totalement conquis, au cours de ces vingt-cinq dernières années le terrain de la bataille idéologique à propos de l’histoire du communisme et plus largement de l’histoire économique et sociale. Celles et ceux qui résistent au déferlement des idées dominantes sont sommés de se soumettre ou sont l’objet de cabales infâmes, dans lesquelles l’extrême-droite n’est jamais loin (voir les attaques des milieux fascisants contre l’historienne marxiste Annie Lacroix-Riz).
Dans un petit livre tout à fait remarquable Fuir l’Histoire ? Essai sur l’autophobie des communistes , l’historien et philosophe Domenico Losurdo souligne combien certains communistes ou se revendiquant encore comme tels peuvent être sujets à cette « self-hate ». Il écrit : « Malheureusement, l’autophobie se manifeste aussi dans les rangs de ceux qui, tout en continuant à se déclarer communistes, se révèlent obsédés par le souci de réaffirmer leur totale étrangeté à un passé qui est tout simplement, pour eux-mêmes comme pour leurs adversaires politiques, synonyme d’abjection. Au narcissisme hautain des vainqueurs, qui transfigurent leur propre histoire, correspond l’auto-flagellation des vaincus ».
A cette « autophobie » que Losurdo définit comme une « fuite lâche devant cette histoire et devant la réalité de la lutte idéologique et culturelle toujours brûlante » – nous avons, je crois, l’impérieuse nécessité d’opérer un bilan critique du moment historique commencé en octobre 1917, et en décembre 1920 pour le PCF. Encore faut-il y procéder avec la rigueur et la méthode nécessaires au travail historique, tout en faisant preuve d’esprit critique.
C’est le sens du testament de Georges Politzer, philosophe et résistant, mort en héros sous les balles nazies en mai 1942 : « l’indépendance intellectuelle, l’esprit critique ne consiste pas à céder à la réaction, mais au contraire à ne pas lui céder ».
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L'exécutif de la section, 9 octobre 2007