Les Municipales à Paris: quelques arguments pour des listes communistes autonomes
PREAMBULE : PAS DE POSITION DE PRINCIPE
Pour un communiste, le choix d’une stratégie n’est jamais chose facile. Pas d’automatismes, de positions de principe. Nous savons combien il peut être utile de participer au pouvoir – au niveau local comme au niveau national – pour défendre les intérêts des travailleurs. Nous savons aussi combien cela peut être dangereux.
Nous ne sommes pas des gauchistes. Nous ne cherchons pas à tout prix à garder les mains propres. Nous savons ce qu’est le Parti socialiste, notre partenaire principal, mais nous savons aussi qu’il peut être nécessaire et utile de travailler avec lui. Nous savons que ce choix ne peut dépendre que des circonstances, de la situation historique, du rapport de force. Il nous semble tout aussi absurde de rechercher l’alliance socialiste par principe que de la refuser par principe. Pour les communistes, la stratégie est un choix qui se discute.
Dans le cas des élections municipales, il est en outre nécessaire de prendre en compte la diversité des situations locales. Il ne me semble ni possible ni souhaitable de tenter de construire une position nationale, quelle qu’elle soit. Le rapport de force n’est pas partout le même, les alliances nécessaires ici peuvent être piégées ailleurs.
Ces quelques positions réaffirmées, pour éviter toute confusion, j’en viens à mon propos : il me semble nécessaire, étant donné l’état du rapport des forces et la situation politique, de présenter des listes communistes autonomes au premier tour des élections municipales à Paris. Pour l’instant, cette position est très minoritaire dans les instances dirigeantes parisiennes. Elle l’est bien moins parmi les militants. J’espère que le temps nous sera donné de débattre, et que les quelques arguments avancés ici nourriront la réflexion collective.
LES ENJEUX DU CHOIX STRATEGIQUE DES MUNICIPALES
Un contexte politique complexe
La situation nationale comme la situation du Parti font de ces élections municipales un moment particulièrement important. La droite au pouvoir enchaîne les réformes et multiplie les interventions dans les médias. Face à cette déferlante, nous allons bénéficier de quelques semaines de campagne pendant lesquelles les Parisiens seront prêts à entendre un autre discours, à consacrer un peu de temps à la discussion politique. Ne ratons pas cette occasion de faire avancer nos idées, et de construire une riposte efficace à la politique de Nicolas Sarkozy !
La proximité des élections présidentielles – marquées par un échec cuisant de notre candidate et par la victoire de la droite – pèsera sur ces élections. Comment nous adresserons-nous aux nombreux électeurs qui ont choisi, contre leur intérêt, Nicolas Sarkozy ? Que dirons-nous à ceux qui ont voté « utile » ? À ceux qui se sont abstenus au second tour ?
Et comment parviendrons-nous à faire la preuve de l’utilité du PCF, aussi bien auprès des électeurs sceptiques que des militants désabusés ? Car il ne sera pas facile de mobiliser les militants communistes, entre deux Congrès qui posent la question de l’existence même du Parti. Il faudra pour cela les convaincre de l’utilité de la campagne à mener.
Union de la gauche et mode de scrutin
Les partisans d’un accord avec les socialistes ne cessent de le répéter : après la victoire de la droite aux présidentielles, les électeurs attendent de la gauche qu’elle soit capable de s’unir. C’est au nom de cette union de la gauche que nous devrions renoncer à présenter des listes communistes au premier tour.
Cet argument ne tient pas. Le mode de scrutin des municipales ne permet pas de craindre que le PS ne soit pas présent au second tour : il lui suffira en effet d’obtenir 10% des suffrages pour pouvoir se maintenir. La situation est à peu de choses près la même que lors des élections législatives, où nous avons présenté des candidats communistes. Face à la droite, la gauche doit être unie, cela ne fait aucun doute. Mais pourquoi au premier tour ? Il suffit d’affirmer clairement que nous nous rassemblerons au second tour derrière le candidat de gauche arrivé en tête.
D’ailleurs, un ralliement du PCF aux socialistes dès le premier tour ne suffit pas à faire l’union de la gauche. Les Verts comme la LCR ont déjà déclaré qu’ils présenteraient des listes autonomes au premier tour des municipales. Dans ce contexte, les listes PS-PC-PRG-MRC ne seront pas perçues comme des listes d’union de la gauche, mais comme des listes socialistes. Laisserons-nous le terrain de la critique de gauche des politiques socialistes aux écologistes et aux gauchistes ?
Faut-il avoir des élus ?
La question n’est donc pas de choisir entre union et division. Elle est de savoir si nous aurons, ou non, des élus. Nous avons actuellement 11 conseillers de Paris, et de nombreux conseillers d’arrondissements, élus sur des listes d’union en 2001. Si nous nous présentons seuls au premier tour en 2008, nous pourrons toujours appeler à voter socialiste au second tour. Mais nous ne pourrons fusionner avec les listes socialistes que dans les arrondissements où nous aurons réalisé plus de 5% des voix. Aux législatives, nous n’avons dépassé cette barre fatidique que dans deux arrondissements. Partir seuls au premier tour signifierait donc perdre la plus grande partie de nos élus.
Mener la bataille des idées : visibilité du projet communiste
Nous l’avons dit au lendemain des présidentielles : la victoire de Sarkozy est une victoire largement idéologique. Il est urgent pour les communistes de réinvestir le terrain de la bataille des idées. Les municipales nous offrent une occasion importante de mener cette bataille, une opportunité de donner à notre projet de la visibilité. Mais comment pourrons-nous être visibles et porter un projet lisible si nous sommes sur les listes socialistes ?
Ne soyons pas dupes. Tenir ensemble une campagne communiste autonome et un accord de premier tour avec le PS est chose impossible. Pouvons-nous raisonnablement penser que les médias nous offrirons des tribunes pour faire avancer nos idées, si nous n’avons pas de liste autonome ? Ils auront bien trop à faire avec les candidats à la mairie de Paris. Pouvons-nous supposer que les militants communistes s’investiront à plein dans une campagne sans candidat ?
Le choix est clair, mais il n'est pas facile : mènerons-nous la bataille des idées, et perdrons-nous nos élus ? Ou sauverons-nous nos élus en renonçant à notre visibilité ?
DONNER A VOIR UN PROJET COMMUNISTE LISIBLE ET PORTEUR D’ESPOIR
Les élus contribuent-ils à la visibilité du parti ?
Les partisans de l’alliance socialiste au premier tour, lorsqu’ils acceptent la discussion, répondent bien souvent à cette question que nos élus sont justement un élément fondamental de notre visibilité tout au long de l’année. Ils évoquent l’investissement de nos conseillers d’arrondissement dans les luttes pour le logement, pour les sans-papiers…
Certes. Pourtant, le bilan de nos conseillers de Paris, lui, est largement inconnu de nos militants. Sans parler de la population. Malheureusement, la municipalité parisienne de gauche ressemble trop souvent à feue la gauche plurielle : des élus communistes invisibles « pèsent à gauche ». Ils obtiennent quelques logements de plus, quelques mesures par-ci par-là. Ce n’est pas négligeable, mais est-ce suffisant ? Pouvons-nous nous contenter d’être un « plus » de gauche dans la majorité socialiste, à l’heure où plus que jamais la nécessité d’affirmer un projet communiste est pressante ?
Et pouvons-nous faire autrement – mener une politique communiste, visible et lisible, tenir un discours politique fort, à la fois critique et constructif, entretenir le lien entre les élus, le parti et la population – au sein d’accords de premier tour avec les socialistes ? Je ne le crois pas.
Une stratégie cohérente et lisible
Il est évident qu’une liste commune avec le PS au premier tour des municipales nuirait à notre crédibilité – crédibilité qui nous a tant manqué pendant la campagne des présidentielles. Comment en effet susciter la confiance des électeurs quand nous semblons changer de stratégie comme de chemise ? Aux présidentielles, nous construisions la gauche antilibérale dans les collectifs. Il ne fallait pas nous parler d’alliance avec le PS ou de retour à la gauche plurielle. Quand la LCR nous accusait de vouloir y revenir, nous poussions les hauts cris. Aux législatives, nous affirmions l’utilité du vote communiste au premier tour, pour faire gagner la gauche. Et aujourd’hui, comment expliquerons-nous ce revirement aux électeurs ? Leur dirons-nous que nous ne voulons pas affronter le suffrage universel de peur d’y perdre nos élus ?
Pas d’élus sans électeurs !
C’est une question de dignité. Nous devons accepter de nous soumettre au suffrage universel. C’est une question de pédagogie aussi : le peuple français commence à croire qu’il y aura toujours des communistes, qu’il n’est pas nécessaire de voter pour nous pour nous trouver quand ils en auront besoin…
C’est une question de politique. Que peut faire un élu sans électeur ? Sur qui peut-il s’appuyer pour défendre son projet, ses propositions ? Nous l’avons dit au lendemain de l’échec de la gauche plurielle : nous ne pouvons participer au pouvoir qu’à la condition de nous appuyer sur un mouvement populaire. Comment construirons-nous ce mouvement populaire sans présenter de liste autonome ? Sur quel rapport de forces au sein de la majorité nos élus pourront-ils s’appuyer ? Comment ne seraient-ils pas de simples instruments au service de la politique socialiste ?
C’est une question d’organisation. Nous nous sommes suffisamment plaints ces derniers temps de l’absence de contrôle militant sur nos élus pour chercher à résoudre ce problème. Mais comment les militants communistes pourraient-ils peser sur le comportement d’élus communistes qui ne leur doivent rien ? Nos élus doivent leur poste et leur pouvoir au Parti Socialiste, à l’électorat socialiste. Tant que ce sera le cas, les militants communistes ne pourront pas entretenir avec eux des relations saines. Nous voulons que nos élus aient des comptes à rendre aux militants communistes, et à l’électorat du PCF.
Des militants fiers, une campagne de terrain
C’est enfin une question de respect de nous même et de l’ensemble des militants. Quelle image voulons-nous donner du Parti Communiste à Paris ? Qui sommes-nous ?
Sommes-nous ce parti moribond, maintenu en vie par la générosité du PS ?
Ou bien sommes-nous un parti jeune, présent sur le terrain, actif et batailleur, présent dans les luttes, prêt à conquérir pied à pied son électorat ? Je me laisse parfois aller à évoquer ce que serait une campagne communiste aux municipales. Des candidats jeunes, divers, aux côtés d’élus expérimentés. Un parti à l’image de la ville. Une présence massive sur le terrain. Des communistes à l’offensive, défendant le droit de vivre et de travailler à Paris, rêvant d’un Paris populaire, prouvant leur utilité en actes, défendant un projet à la fois révolutionnaire et réalisable. Quand je parle de ce que pourrait être cette campagne autour de moi, aux amis, aux camarades, je vois leur enthousiasme.
L’enthousiasme ne fait pas un choix, c’est vrai. Mais prenons garde, si nous perdons l’envie et la fierté d’être communiste, nous sauverons peut-être quelques élus, mais nous y perdrons nos militants et notre parti. Dans les sections parisiennes, l’essentiel des militants actifs a adhéré après la gauche plurielle. Nous sommes nombreux à avoir rejoint le PCF, convaincus que s’en était fini des compromissions inutiles. Si nous ne faisons pas la campagne des municipales, qui la fera ? Si nous sommes déçus, qui nous remplacera ?
C’est pourquoi le choix de la stratégie des municipales ne doit pas être fait à la légère. Aujourd’hui plus que jamais, soyons à l’écoute de tous les militants du parti, de leurs espoirs et de leurs envies. C’est nous, les militants, qui ferons cette campagne. Peut-être avons-nous, autant que les élus et les collaborateurs d’élus qui forment l’essentiel du Conseil Départemental, notre mot à dire…
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