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Réveil Communiste

Yves Dimicoli sans coupures

12 Novembre 2007 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #Positions

Voici l'intervention d'Yves Dimicoli au débat couvert par l'Huma de samedi, sans les coupes de l'Huma.                                

Nous nous permettrons en passant d'exprimer notre désaccord avec son utilisation du concept confusionniste de "totalitarisme". GQ.


Yves DIMICOLI: 

Intervention débat d’Argenteuil (07/11/2007)

La gauche est confrontée à une crise d'une exceptionnelle gravité face à une droite refondée qui, avec Sarkozy, cherche à imposer une « révolution conservatrice ». En son sein, le P C. F. connaît lui-même une crise existentielle.

Alors la solution consisterait-elle à rechercher une simple recomposition organisationnelle entraînant la dissolution du PCF par sa dilution dans une nouvelle force politique ?

Je pense qu'il s'agit là d'une hypothèse qui n'est guère à la hauteur des défis posés par la crise de civilisation du capitalisme et du libéralisme et par l'impératif de re-fondation de toute la gauche. Une tout autre ambition est nécessaire et possible

I. Nous avons besoin de vraiment nous auto-critiquer au lieu de nous auto-dissoudre :

Je ne suis pas partisan de faire table rase. Mais n'est-ce pas, en réalité, ce que l'on risque de faire en prétendant que nous avons définitivement échoué à tenter de nous transformer, que nous aurions tout à inventer, quitte à persister à méconnaître, voire discréditer ce qu'il y a de bon, de fort, de neuf en nous et, en réalité, d'indispensable à une oeuvre de transformation sociale radicale ?

Je ne partage pas l'idée que nos problèmes tiendraient au fait que « le communisme politique a échoué », car c'est pour moi une fuite en avant devant les vrais problèmes.

En réalité, il y a la responsabilité pleinement engagée des directions nationales successives, de leurs pratiques politiques et organisationnelles, de leur rapport à l’élaboration théorique, aux luttes pratiques et aux institutions en France, en Europe et dans le monde. Des directions qui n'ont pas su, pas pu ou pas voulu se saisir de la novation marxiste et qui, finalement, ont fini, malgré elles, par céder au courant dominant.

Ça a été d'abord, au nom de l'union et du rassemblement l'effacement du PCF derrière le PS, puis son effacement derrière l'extrême gauche.

À chaque fois, on a refoulé notre originalité d'apport et, face à l'effondrement de nos anciens repères, on n'a pas cherché à en construire de nouveaux. Au bout du compte notre déclin n'a cessé de s'accentuer contribuant à la crise de toute la gauche, au lieu de la pousser à se refonder au service des luttes et aspirations sociales et sociétales.

Dire en vrac « le communisme politique a échoué » c'est s’interdire d'engager un vrai travail d'autocritique de dépassement des biais qui ont prédominé dans notre façon d'essayer de nous renouveler.

Dire qu'on va faire tout autre chose par la seule vertu d'une dissolution – dilution du PCF c'est, pour moi, reculer devant la novation, devant les difficultés, devant les responsabilités, devant les vrais problèmes. Et cela peut conduire à l'aventurisme.

Cherchons, au contraire, à nous ressaisir en nous saisissons autrement de nos points forts, de nos idées les plus neuves, de nos richesses humaines pour les développer, en liaison avec les luttes et les rassemblements de riposte à Sarkozy.

II. Un dépassement du capitalisme est nécessaire :

Notre civilisation est en crise radicale. Avec  la mondialisation d'un capitalisme devenu  financier et l'ultra libéralisme, toute l'humanité est frappée par l'exacerbation des difficultés.

Mais ne perdons jamais de vue qu'elle est aussi le théâtre de nouveautés extraordinaires et voit surgir en son propre sein des potentiels inédits de transformation.

Ce sont ces ambivalences-mêmes qui appellent et rendent possibles des changements très profonds, de portée systémique.

Et, derrière elles, il y a les antagonismes engendrés par les tentatives de réponse capitaliste au défi de mutations technologiques, sociales, démographiques, écologiques.

La révolution informationnelle, notamment, fait surgir des exigences sans précédent de partage des coûts, des recherches, des savoirs, des pouvoirs, de toutes les informations. Mais dans la société actuelle, dominée par la rentabilité financière, l'exigence de ces partages entraîne, dans le sillage des multinationales, l'exacerbation de leurs monopoles, la dictature du marché financier, avec des rejets sociaux ravageurs, une concurrence coupe-gorge.

D'où le besoin de lutter pour un renversement des buts et de la prédominance, avec des processus de dépassement, par l'avancée d'un projet qui, désormais, ne saurait être seulement national, mais aussi européen et aller jusqu'à l’échelle du monde.

C'est ce niveau d'ambition qu'il faut oser tenir, me semble-t-il, car Sarkozy a fait le choix de l'alliance avec Bush et pousse, de façon populiste, les feux « d'une  révolution conservatrice ». Il veut supprimer brutalement les droits acquis et engager des transformations sociales et politiques très profondes, effectivement, mais pour renforcer les dominations existantes et casser l'opposition démocratique avec une concentration des pouvoirs de l'État dans l'hyper présidentialisme.

III- Le défi principal c'est la construction d'un dépassement de la civilisation actuelle.

C'est à l'appui de cette ambition qu'il nous faut tirer les leçons des transformations échouées du siècle précédent.

-- les tentatives social-démocrates sont passées de l'affirmation affichée du besoin d'une autre société, sans jamais toucher aux principes fondamentaux du système capitaliste, à la conciliation avec  l'ordre établi, jusqu'aux dérives actuelles du social libéralisme et à l'affirmation que le marché ne pourra jamais être dépassé.

-- la tentative soviétique, elle, a été marquée par les conditions initiales d'arriération d'un capitalisme peu développé, dans un pays aux traditions despotiques, et par des conceptions idéologiques biaisées. La révolution d'octobre, prolétarienne et surtout paysanne, malgré ses conquêtes et son impact sur l'évolution mondiale, a accouché d'une construction étatiste hyper autoritaire, fusionnelle au lieu de permettre le développement des capacités et le partage des pouvoirs et des rôles jusqu’à chacun-e, avec une négation du marché et du libéralisme, au lieu de leur dépassement. D'où son effondrement catastrophique.

Ce n'est pas le communisme qui a échoué. Pour moi, il reste à construire !

Mais cela exige un dépassement du capitalisme, c'est-à-dire son abolition réussie en conservant les forces du mouvement et de la liberté individuelle, mais sans les destructions sociales. Dans la foulée des travaux de Paul Boccara et de ce qui monte dans les luttes concrètes, je vois quatre axes de dépassement :

Premier axe : la construction d'un système de sécurité d'emploi ou de formation, avec une sécurité pour chacun-e qui n'empêcherait pas le mouvement de suppression des emplois devenus invivables pour ceux qui y sont, obsolètes ou inefficaces, mais le remplacerait par la formation choisie pour chacun et chacune, bien rémunérée, afin de revenir, ensuite, à un meilleur emploi lui-même choisi.

Loin de parquer les chômeurs dans des formations plus ou moins bidons, avec un revenu garanti misérable et des droits rabougris, il  s'agirait, au contraire, de créer les conditions d'un renouvellement très expansif des emplois et des activités en coopération. Grâce à la rotation de chacun entre emploi et formation pour un meilleur emploi et pour progresser, on pourrait arriver à maîtriser les progrès technologiques fulgurants à venir, au lieu de chercher à les contenir, avec un essor très amplifié du niveau culturel de chacun. Cela ouvrirait la voie d'un dépassement du marché du travail par l'éradication progressive du chômage, une diminution continue du temps passé par chacun-e à fournir un travail prescrit, au contenu lui-même sans cesse enrichi, et une augmentation soutenue du temps passé à se former, s’informer, se cultiver, créer et décider.

Tout de suite cette visée éclaire les moyens de relever le défi de la flexi- sécurité » partagée par les ultra et sociaux libéraux avec des contre-propositions précises sur la réforme du contrat de travail, la sécurisation des parcours professionnels, la promotion d'un service public et social de l'emploi et de la formation, avec des moyens financiers et des pouvoirs nécessaires. Si l'on s'en saisit, ces propositions permettraient un apport politique original du PCF à gauche nécessaire pour une riposte rassemblée à Sarkozy, aidant à consolider le front syndical d'opposition.

Deuxième axe : la nécessité d'un développement sans précédent des services publics et de leur coopération.

Troisième axe : la transformation des gestions des entreprises faisant avancer la recherche de l'efficacité sociale contre la rentabilité financière avec  la promotion de nouveaux types d'entreprises publiques coopérant entre elles, en France, en Europe, dans le monde, notamment dans l'énergie, l'alimentation, les transports, l'écologie, la santé, la formation, la culture, la communication... Véritable « biens communs à toute l'humanité ».

Quatrième axe : de nouvelles formes de pouvoirs et d'institutions avec  l'avancée vers une nouvelle République, la réorientation de la BCE, la transformation radicale du Système monétaire et commercial  international.

Tout cela renverrait à l'essor d'une démocratie participative et d'intervention, au lieu de la perpétuation et du pourrissement des délégations étatistes et des monopoles gestionnaires. Cela renverrait aussi à un nouvel humanisme.

Quels rassemblements viser pour cette construction ?

-- il  s'agit d'abord d'une union à construire de tous les salariés dans leur diversité (92 % de la population active) à partir de leurs intérêts communs, opposés à ceux du capital financier avec le refus de la précarisation et l'aspiration à pouvoir se former, se cultiver toute sa vie.

-- il  s'agit simultanément d’œuvrer au rapprochement de trois grandes bases sociales dominées par les monopolisations capitalistes.

-- le mouvement des femmes contre les discriminations de genre ;

-- le mouvement des jeunes, mais aussi des personnes âgées contre les dominations d’âge ;

-- le mouvement des personnes issues de l'immigration.

La convergence à construire de toutes ces revendications et aspirations, voilà ce qui devrait être visée par une construction politique nouvelle vraiment alternative.

Un mot pour finir à propos de la référence au communisme et du PCF lui-même.

L'expression de « communisme » permet d'insister sur la radicalité de la visée de dépassement de toutes les monopolisations par la mise en commun.

Mais, c'est vrai, il y a aussi le discrédit attaché à l'expérience totalitaire de l'URSS qui, pour le moment, se confond avec elle.

Cependant, soyons attentifs à l'émergence d'expression comme celle de bien commun de l'humanité qui indique une nouvelle attractivité possible.

Mais, sur le fond, je pense que c'est en mettant l'accent sur le dépassement du capitalisme et du libéralisme, par des transformations pacifiques et démocratiques, l’essor des libertés, pour des partages des pouvoirs et de toutes les informations jusqu’à chacun-e, que l'on mettra en cause cette confusion dont nous souffrons tous, en donnant à voir, en pratique, l'image possible d'un communisme de liberté et d'épanouissement de la personne pour toute l'humanité.

Pour cela, je suis de ceux qui plaident pour une novation du PCF  nécessaire pour l'efficacité des luttes et pour une autre construction à gauche, un PCF  qui permette l'intervention créatrice de chaque communiste, depuis les sections jusqu'au niveau national, un PCF qui cherche à articuler en permanence lutte politique/élaboration théorique/élections. Un PCF ayant une grande ambition de formation de ses militants et d’éducation populaire. Un PCF qui pourrait, pour cela-même, et en liaison aux besoins concrets de riposte à Sarkozy et de re-fondation à gauche, participer à la création d'un grand front pour une alternative dont les forces politiques constitutives seraient indépendantes.

Et pour avancer, sans attendre, dans cette construction politique nouvelle, je suis pour l'ouverture d'espaces permanents de débats, de concertations, et d'action en toute indépendance.

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