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Réveil Communiste

La gauche perd toutes les élections à cause de l'insécurité, et on dirait qu'elle s'en glorifie

18 Avril 2024 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #GQ, #Théorie immédiate, #Élections, #Qu'est-ce que la "gauche", #Positions, #classe ouvrière

Ravachol

Ravachol

A propos de la "barbarisation" et de l'ultra-violence, qui reviennent périodiquement sur le devant de la scène méditique ...

La droite libérale, qui contient aussi la plus grande partie de ce qu’on appelle encore la gauche ne s’intéresse à la criminalité et à la délinquance violentes que lorsqu’elles violent les frontières invisibles des ghettos qui protègent sa vie quotidienne, elle est tolérante à la criminalité en col blanc à laquelle d'ailleurs elle participe activement (tout comme la droite conservatrice) et considère que l’insécurité, comme l’éducation ou tout autre service peut très bien se traiter par la privatisation.

N’est immoral au fond pour les libéraux que la remise en question de la propriété, et ils tendent à considérer le délinquant avec indulgence, comme une sorte d'approximation encore grossière de l’entrepreneur, son idéal humain, et qui apporte du piquant dans son salon (c’est d’ailleurs pour cela que les sanguinaires Viking ont remplacé les sympathiques Gaulois dans le rôle du mythe du barbare originel enseigné à l'école primaire).

La gauche "de gauche" (au sens réel du terme, c’est à dire le courant politique qui prétend représenter les intérêts des travailleurs et des classes populaires), considère quant à elle avec détachement que la délinquance est un fait social objectif qui relève de sociologues, de psychologues et de statisticiens et qui ne doit pas être traité sur le plan moral, et que la répression aurait tendance à aggraver. Les délinquants sont des victimes (ce qui est absolument exact, mais ce sont des victimes d’un genre particulier, qui créent d’autres victimes). Ces postulats avaient toutes les apparences de la réalité il y a un siècle, ou plus dans le monde des Jean Valjean ou des Ravachol, dans une société qui était encore orientée vers la satisfaction (ou la privation) des besoins de base, mais dans le contexte de la loi du désir (et donc de la perversion) qui prévaut dans la société libérale de consommation de masse, ils sont très contestables.

La gauche en restant sur cette position idéologique construite sur des analyses dépassées s’éloigne du vécu des classes populaires, et se coupe de leur soutien. Il semble en fait que les cadres et les milieux actifs du militantisme de gauche sous-estiment complètement l’insécurité, voire en nient l’existence, pour le réduire à un problème de perception (en fait tout va très bien, bien mieux qu’au temps de Jean Valjean, et les prolos sont stupides et hystériques) et éthique (les prolos sont des primitifs alcoolisés, assoiffés de lynchages et de vengeance, racistes, autoritaires ou fascistes et il faut les contrôler moralement). Les délinquants seraient des rebelles primitifs plus proches de Robin des Bois que de Michel Fourniret, et on les admire secrètement.

Du coup les classes populaires ne se sentent pas du tout représentées sur cette question, et lorsqu’elle devient décisive pour elles, elles votent , quand elles votent, pour l’extrême droite - laquelle vient d'obtenir le résultat ahurissant de 87% des voix au Salvador en revendiquant une victoire dans la guerre contre les gangs.

Elles y sont aidées par le monde des médias qui lui tient à peu près ce langage : « tu ne nous crois pas, tu ne veux pas admettre que tu vis dans le meilleur des mondes possibles ? et bien tu n’as qu’à voter Marine Le Pen si tu n'es pas content ! ». Le vote lepéniste est le vote proposé par le spectacle capitaliste et marchand à ceux qui n’aiment pas le spectacle capitaliste et marchand. Et comme par hasard, peu avant chaque élection importante, l’actualité est envahie de crimes odieux et de faits-divers abominables …

Pourtant l’extrême droite n’offre pour y remédier que des éléments de langage autoritaires qui ne font que balayer le problème sous le tapis, ou alors l’accroissement de la répression, jusqu’à l’usage spectaculaire de la contre violence qui après quelques succès initiaux finit par aggraver tout, comme on a pu en voir les effets épouvantables au Mexique. Le succès de son discours s’explique donc moins par sa substance interne, que par la grande faiblesse des propositions de gauche sur la question, qui se répercute aussi dans les syndicats.

Parce que pour lutter contre la peur insidieuse qui envahit petit à petit la vie quotidienne des gens ordinaires, il faut au moins avoir le courage de l’exprimer.

L’insécurité dans la rue et la vie quotidienne est un des principaux fléaux qui afflige les classes populaires de toute origine. On peut dire qu’elle leur gâche littéralement la vie. Le probabilité d’être la victime d’une incivilité, d’un délit ou d’un crime s’accroît vertigineusement en raison inverse des revenus et du patrimoine. Les services publics sont affectés, le droit à la santé est remis en question, les biens péniblement acquis à crédit sont constamment volés ou détériorés, les femmes en sont réduites à raser les murs et à baisser les yeux, et ne peuvent pas sortir de chez elles après la tombée de la nuit, les enfants sont détournés par le mauvais exemple des délinquants qui affichent ostensiblement leurs activités lucratives, et tombent sous l'emprise de la drogue ou sous l'influence des caïds et des violeurs dont le rap commercial fait l’éloge permanent.

Elle aggrave tous les autres problèmes : emploi, logement, santé, éducation, elle alimente le racisme et pousse les prolétaires à l’exil périphérique dans le non-lieu géographique des ronds-points, des parkings et des lotissements où ils vont hériter des emplacement les plus enclavés. La géographie du pays a été entièrement remodelée en alvéoles cloisonnées, peuplées de « voisins vigilants » plus ou moins pauvres qui se regardent en chiens de faïence, et qui évoluent en ghettos. Les gens ne se rencontrent plus que dans les centres commerciaux, ou plutôt ne font que s’y croiser. Cette nouvelle organisation de l’espace en fait autant et plus pour l’isolement et la perte de conscience du prolétariat que toutes les transformations des techniques industrielles.

La délinquance quand elle se généralise dans un pays rend la répression directe presque inutile. Dans une situation de colombianisation des relations sociales, qui oserait se syndiquer, si le prix à payer est devenir la cible des bandes organisées qui se mettent au service du patronat, comme de Coca-Cola en Colombie ? Quelle organisation prendra le risque de défendre la cause des milliers (sic) d'ouvrières mexicaines violées et massacrées depuis plus de vingt ans par les hommes de main des patrons de Juarez et de toute la zone-frontière étatsunienne ?

Dans ce contexte avec une superbe hauteur l'industrie du divertissement et l'art contemporain font l’éloge direct ou indirect du vice pur et simple (violence, pornographie, argent facile, drogue, justice privée, serial killers) au nom de la liberté de création.

Proposer des solutions concrètes , matérielles et crédibles pour arrêter cette spirale de barbarisation est une priorité.

L’action de la gauche morale porte alors complètement à faux et ne sert les intérêts de personne. Elle donne souvent l’impression d’excuser les délinquants, non pas en examinant à fond les circonstances au cas par cas, pour voir si des excuses existent, mais en minimisant de manière générale la gravité morale des actes criminels, voire en niant l’existence même d’une morale (ce qui ne l’empêche pourtant pas de faire perpétuellement la morale à tout le monde !).

Un exemple de son incongruité : elle se fait remarquer par son opposition à la construction de prisons ; on peut ergoter à l’infini sur le bien fondé de la prison pour réhabiliter les délinquants, mais une telle démarche aboutit dans les faits non à diminuer le nombre de détenus, mais à augmenter la surpopulation carcérale, à favoriser la récidive, et à laisser en liberté des individus dangereux pour leur communauté.

Autre exemple : la gauche n’a cessé de vitupérer inutilement contre les caméras de surveillance, dont le seul effet tangible sur les libertés publiques a été au final de limiter les bavures policières, et contre les fichiers génétiques qui ont permis d’interrompre la carrière de nombreux prédateurs sexuels.

Une vraie politique urbaine de gauche se donnerait pour but de faire disparaître les tags et d’empêcher les dégradations du mobilier urbain qui défigurent les quartiers populaires sans jamais atteindre les quartiers riches et de lutter contre le vandalisme des métros, des bus, des écoles, et des cages d’escalier. Ce vandalisme généralisé ayant des effets appauvrissant bien concrets et avérés pour les habitants des quartiers concernés. Or il semble bien au contraire que ces « expressions » soient élevées par la gens intelligente de gauche au rang d’une esthétique bien caractéristique de cette époque informe.

Les mouvements contre les violences faites aux femmes et contre les violences policières sont en réalité à placer dans ce contexte, ce sont des aspects de la lutte nécessaire et universelle contre l’insécurité, qui nécessite le renforcement de l’État et l’embauche de fonctionnaires, et ils ne peuvent pas être traité avec succès autrement, et certainement pas par la communication, ni par des campagnes de délation.

Ayant vécu et travaillé toute ma vie adulte dans des quartiers populaires, j’ai pu constater avec tristesse qu’ils étaient profondément divisés, entre des micro-centres bien desservis et proches des principaux services publics, relativement agréables à vivre où habitent les élus municipaux et les fonctionnaires (enseignants, etc) et les cités des périphéries dans la périphérie, où si on se trouve toujours en France parce que les habitants n’ont pas ou n’ont plus de place nulle part ailleurs, on se trouve dans une France nouvelle où l’État est en voie de disparition, où personne n’a envie de vivre (notamment les militants communistes qui en étaient les résidents historiques) et qui évolue vers la tiers-mondialisation, l’économie informelle, où Uber (profit über alles) est le principal employeur légal.

La ghettoïsation des villes met en panne le logement social en bloquant la rotation de l’habitat, en créant des zones de sous-éducation et de sous-urbanisme, de non-droit et de non-service où ne viennent ni les plombiers ni les médecins. Des zones où personne ne va plus à part la police, et uniquement pour faire du bruit et frapper au hasard ; et ce sont justement dans ces ghettos qu’aboutissent les migrants illégaux qui font l’objet de tant d’hypocrite sollicitude et qui deviennent les victimes désignées pour les mafias.

Si la gauche était de gauche, elle agirait sans faiblesse pour résoudre ces problèmes, et couper l’herbe sous les pieds des fascistes qui les utilisent pour avancer tranquillement leur agenda antisocial, antidémocratique et suprématiste - qui n'a au fond rien à voir avec la lutte contre la déliquance.

Mais de toute manière, un gouvernement de gauche populaire et souverain par sa simple existence contribuerait puissamment à les résoudre. S’il mettait vraiment en œuvre son programme économique, il créerait presque immédiatement et sans même le vouloir des conditions subjectives défavorables à la criminalité en s’attaquant à l’argent facile, aux zones grises de l’économie, et aux échanges dérégulés qui lui sont si favorables. A plus long terme, il contribuerait aussi à modifier les mentalités en remettant en cause l'individualisme de masse qui sert de morale à la société libérale.

Dans ces conditions, qu’un candidat de gauche cherchant à mobiliser l’électorat populaire ne mette pas avant cette priorité est carrément incompréhensible, voire suspect. On dirait bien que ce que redoute le plus un politicien étiqueté « à gauche de la gauche » de nos jours, c’est de gagner.

A moins qu’il ne soit lui-même intimidé par l’insécurité globale crée par l’action des États-Voyous-Unis ! Si on se souvient du sort d’Allende, ou même du suédois Olaf Palme, ou bien sans aller jusque là, aux déboires judiciaires de Lula et l’assassinat moral de Corbyn, on comprend un peu mieux l’origine de cette « peur de gagner » des Poulidor de la gauche de la gauche !

Toi-même, préférerais-tu vivre une vie facile et gratifiante et te flatter de passer à la télé de temps en temps pour vitupérer contre la Chine ou la Russie, enfoncer des portes ouvertes contre le racisme et l’homophobie comme si on vivait encore en 1967, bavasser philosophiquement pour ou contre l’identité et la différence, pour ou contre le voile ou le mariage pour tous, ou bien finir prématurément assassiné physiquement ou moralement ?

Ne le laisse pas tomber, il est si fragile, être un homme libéré, c’est pas si facile !

GQ, 8 mai 2021, relu le 11 avril 2024

PS : Il faut distinguer les policiers de leur commandement, et distinguer la police ordinaire du maintien de l'ordre (lequel est largement tributaire de la doctrine gouvernementale. Le slogan "tout le monde déteste la police" est l'un des plus idiots qui ait été produit par des gauchistes, depuis "CRS-SS"). Et franchement, si on peut reprocher quelque chose à la police, c'est d'en faire pas assez, et non d'en faire trop.

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R
Je me permets une correction sur la dernière ligne de GQ : je dirais que la police en fait trop hors du cadre républicain et pas assez pour faire respecter les lois de la république. Certes la responsabilité en incombe au pouvoir et à la hiérarchie mais il y a trop de policiers de base contaminés par les idées du RN qui n' attendent pas les ordres pour utiliser la violence sans motifs valables et en tout impunité
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R
Sans doute.
M
Parlons-nous du savoir-faire ou du faire-savoir? Pour les deux votre analyse des approches, propositions et discours de la "Gauche radicale" me semble excessive. Pour le premier, que ce soit les Insoumis et l'AEC ou les communistes et les Jours Heureux, la compréhension du réel et sa prise en compte existent. Il faut lire les programmes sans a priori. Pour le second, il est vrai que l'énoncé de la différence entre la realité et la peur entretenue d'une part et les solutions de fond économiques et politiques est plus compliquée à faire entendre que l'agitation des peurs et du tout repressif (qui, par ailleurs est prévu dans une dimension qui ne tient pas de la panacée universelle) d'autre part. Il faut un peu de mauvaise foi ou de méconnaissance des travaux sur ces sujets pour surenchérir sur les bienfaits de la vidéo-surveillance (et je ne suis pas contre, mais faut-il expliquer aux classes populaires -qui sont aptes à le comprendre- le vrai intérêt et les illusions voire les dangers) ou l'emprisonnement systematique.
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Z
Le slogan CRS-SS avait une réelle signification quand les CRS dirigés par des ministres socialistes rétablissaient l'ordre patronal et réactionnaire contre les grévistes animés et dirigés par des militants communistes, c'était entre 1944-1947. Il ne faut pas l'oublier, même si les socialistes resteront toujours discrets sur leur rôle dans la répression anticommuniste.<br /> Pas sûr que cela ait beaucoup changé depuis 1981 quand les socialistes occupaient le ministère de l'intérieur, que ce soit avec Valls ou Cazeneuve...
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R
Lorsque j étais encore membre du PCF j ai souvent tenu des bureaux de vote dans des quartiers populaires et élections après élections j ai pu constater la progression du FN devenu RN mais lorsque je rapportais cette progression les responsables du PCF la niait car selon eux, la classe ouvrière ne pouvait être fasciste, raccourcit qui visait également à exonérer le PCF de ses responsabilités puisque il prétendait " tenir" ces quartiers... Combien de municipalités communistes perdues à cause de cet aveuglement ???
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A
C'est une très bon article. Merci.<br /> En effet, les gauches ont la fascination du lumpen et des "minoritismes" en en tout genre. <br /> C'est snob et exotique même si cela ne paie pas vraiment électoralement. <br /> Ce qui compte c'est la posture d'être dans le camp du bien même s'ils ont abandonné 70% de leur électorat à abstentionnisme et au FN. Ni veau, ni fasciste ! Nous sommes purs!<br /> Putride est plutôt le "maux" qui convient.<br /> Un rien les effarouche quand il s'agit d'autorité, de règle ou de nation. Les vierges crient au fascisme et à l'abomination. Cachez nous ce peuple que je saurais voir ! Nos 20% de votant nous suffisse à bien vivre dans l'hyper-centre des grandes villes métropolitaines.<br /> Notre petite entreprise ne connait pas la crise...
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