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Réveil Communiste

Quand Karl Marx dénonce les effets dévastateurs de l'immigration sur la classe ouvrière britannique (1870)

13 Août 2024 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #GQ, #Théorie immédiate, #Royaume-Uni, #Economie, #Positions, #classe ouvrière, #Réseaux communistes

 

Extrait de la lettre de Karl Marx à Siegfried Meyer et August Vogt, du 9 avril 1870. L'intention de la lettre est de chercher à convaincre les membres de l'Internationale de lutter pour l'indépendance de l'Irlande. Mais on y trouve aussi ce passage particulièrement clairvoyant sur le rôle que les classes dirigeantes anglaises font jouer à l'immigration irlandaise en Angleterre pour appauvrir et diviser la classe ouvrière, qu'elle soit britannique ou irlandaise.

Et aujourd'hui, en France, également. Lien pertinent : la nouvelle cause des grands patrons

(...)

Mais la bourgeoisie anglaise a encore d’autres intérêts, bien plus considérables, au maintien de l’économie irlandaise dans son état actuel.

En raison de la concentration toujours plus grande des exploitations agricoles, l’Irlande fournit sans cesse un excédent de main-d’œuvre au marché du travail anglais et exerce, de la sorte, une pression sur les salaires dans le sens d’une dégradation des conditions matérielles et intellectuelles de la classe ouvrière anglaise.

Ce qui est primordial, c’est que chaque centre industriel et commercial d’Angleterre possède maintenant une classe ouvrière divisée en deux camps hostiles : les prolétaires anglais et les prolétaires irlandais. L’ouvrier anglais moyen déteste l’ouvrier irlandais en qui il voit un concurrent qui dégrade son niveau de vie. Par rapport à l’ouvrier irlandais, il se sent membre de la nation dominante et devient ainsi un instrument que les aristocrates et capitalistes de son pays utilisent contre l’Irlande. Ce faisant, il renforce leur domination sur lui-même. Il se berce de préjugés religieux, sociaux et nationaux contre les travailleurs irlandais. Il se comporte à peu près comme les blancs pauvres vis-à-vis des nègres dans les anciens États esclavagistes des États-Unis. L’Irlandais lui rend avec intérêt la monnaie de sa pièce. Il voit dans l’ouvrier anglais à la fois un complice et un instrument stupide de la domination anglaise en Irlande.

Cet antagonisme est artificiellement entretenu et développé par la presse, le clergé et les revues satiriques, bref par tous les moyens dont disposent les classes dominantes. Cet antagonisme est le secret de l’impuissance de la classe ouvrière anglaise, malgré son organisation. C’est le secret du maintien au pouvoir de la classe capitaliste, et celle-ci en est parfaitement consciente.

(...)

Tout y est, même "les revues satiriques"! Le fait de constater que l'antagonisme entre prolétaires provoqué par l'immigration est une carte maitresse de la bourgeoisie et même "le secret du maintien au pouvoir de la classe capitaliste" ne signifie pas qu'il faille encourager les préjugés contre les immigrants (ou leurs préjugés contre les autochtones) ou prêcher leur renvoi dans leur pays d'origine, bien au contraire, mais signifie bel et bien qu'il faut au minimum revendiquer le contrôle et le ralentissement de l'immigration si l'on veut être entendu de la classe ouvrière dans son ensemble, y compris de celle qui est issue de l'immigration, parce qu'on a vu le même jeu reprendre dans la suite de l'histoire britannique avec les Antillais, les Pakistanais, les Polonais, etc., les immigrants d'hier devenant les autochtones d'aujourd'hui. Par ailleurs on voit clairement dans ce texte que Marx considère que les effets négatifs de l'immigration ne sont pas un fantasme irrationnel de la classe ouvrière, dont il faudrait la purger, mais une menace bien réelle pour le niveau des salaires et pour sa "condition matérielle et intellectuelle". Il n'en argumente pas pour demander l'expulsion des immigrés irlandais, ce que Marx préconise, à tort ou à raison, c'est l'indépendance de l'Irlande pour faire cesser les migrations vers l'Angleterre.

Aujourd'hui comme hier, la bourgeoisie travaille à diviser les classes populaires en deux camps hostiles qui s'expriment aux deux extrêmes de l'échiquier politique. Les forces qui prétendent les représenter doivent demander la limitation de toute nouvelle immigration, non pour exclure les immigrés déjà présents, mais justement pour les intégrer réellement là où ils sont "accueillis"  dans le prolétariat.

Sinon, on se confrontera de plus en plus à des mouvements populaires xénophobes attisés par l'extrême-droite raciste comme ceux qui agitent à nouveau le Royaume-Uni en août 2024 !

ndgq, 30 novembre 2018, revu le 9 août 2024

Ci-dessous, un message irrité d'Alain Badiou, contestant le bien fondé de cette citation de Marx (évidemment fort gênante pour le genre de "marxisme" qu'il représente !)

 

Sujet
Désabonnement motivé

Message

J'ai lu attentivement vos interventions opportunistes et nationalistes sur l'immigration, dans lesquelles vos citations de Marx ne tiennent aucun compte de ce que, depuis, il y a eu internationalisation du marché de la force de travail (faute de paysans pauvres dans le territoire national), en sorte que ce que vous appelez (comme le fait l'idéologie dominante) des "migrants", et la "question de l'immigration" désigne le fait qu'aujourd'hui tout prolétaire viendra plutôt, en France, du Bangladesh ou du Mali que de l'Auvergne ou de la Bretagne. Tout communiste doit appeler "prolétaire nomade" celui nommé par l'idéologie dominante un "migrant". Vous traitez ces prolétaires, sous les noms de "migrants", comme on faisait en Angleterre, au XIXe siècle, des prétendus "vagabonds", passibles de la peine de mort, qui n'étaient rien d'autre que des gens qui fuyaient la misère rurale pour devenir ouvriers à Liverpool ou Londres ! L'exode rural est aujourdhui à échelle du monde entier.
Entre ça et votre défense acharnée de prétendus Etats socialistes, comme la Chine actuelle, ou certains Etats d'Amérique Latine, qui ne sont rien d'autre, au mieux, que des capitalismes monopolistes d'Etat, comme était encore largement la France des années cinquante et soixante, vous reprenez tous les vices, notamment ceux du PCF, qui ont entraîné dans notre pays la disparition de l'hypothèse communiste au vrai sens du terme, celui pour lequel "sans mouvement communiste, pas de communisme".
JE VOUS PRIE DE ME DESABONNER IMMEDIATEMENT DE VOTRE BLOG REVISIONNISTE.
Alain BADIOU.
 
Dont acte. Il semble que depuis l'envoi de ce message Alain Badiou ait réussi à se désabonner tout seul.
 
Sur le fond, je ne dirai qu'un mot : si c'est ainsi, qu'est ce que le philosophe attend pour prendre son bâton de pèlerin pour aller dans la classe ouvrière pour lui expliquer que les migrations sont une bonne chose pour elle?
 
GQ, 18 novembre 2020

 

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M
Les conditions objectives d'accueil des migrants ne sont pas comparables dans le temps car la realite du capital occidental a changé. Aussi appuyer une critique de l'immigration sur un texte de Marx a-t-il, me semble-t-il bien des limites, cela n'empe he pas la validitè de l'argument de fond selon leqel l'immigration et son cortege de malheurs est blrn une consequence du mode de production capitaliste (maintenant parvenu en sa phase globalisée post-democratique). Ainsi, il apparait qu'une politique coherente consisterait a assurer en meme temps d'une part un controle national du phénomène afin de proteger l'economie du pays d'accueil (et tout particulierement si des mesures d'appropriation collective et de planification y sont prises) et d'autre part une politique de solidarité inter-etatique entre les pays d'accueil et ceux d'emigration. Ce dernier point passant par une renegociation des traités bl-nationaux sur des bases excluant les clauses leonines etpar le rejet des traités dits de libre-echange.
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B
Je suis enfin d'accord avec le traitement fait par GQ de la question migratoire.<br /> Je précise que depuis environ 2000 (ma retraite en fait) je ne fréquente plus que des immigrés maghrébins et africains noirs. Cela est du au fait, que me retrouvant seul et en mauvaise santé, j'ai souvent affaire à des aidants et surtout aidantes, et que les africains sont largement majoritaires dans cette catégorie (employés d'associations ou au black, par petites annonces)<br /> Aussi, je ne supporte pas tout discours présentant les immigrés comme "venant manger le pain des français", (c'est ce qu'on comprenait des positions du député Gérin).. <br /> En l'occurrence, ils occupent en France ces fonctions d'aide parce que dans leur culture, l'aide aux vieux (de la famille ou de la tribu), est une obligation morale et religieuse. Et pour cette raison, ils font excellemment , mais pour un salaire (certes modeste : la branche de l'aide à domicile n'est pas payeuse), et les employeurs et les "clients", les apprécient.<br /> Donc que faire ? Comme pour les irlandais, supérieurs en employabilité aux travailleurs agricoles anglais, faut-il les renvoyer chez eux ? <br /> J'ai toujours été opposé à cette politique, inhumaine et stupide économiquement (puisque personne parmi les français de souche ne voudra les remplacer).<br /> L'avantage mutuel entre les pays maghrébins et africains, et les pays européens importateurs de cette md'o, ne peut consister qu'en des accords d'échange, reposant sur une bonne connaissance des besoins et des flux réels, en amont.<br /> Une bonne partie des émigrés africains, sont jeunes, et assez bien formés : il est naturel que leurs pays cherchent à les conserver (surtout ceux qui récemment se sont affranchis de la colonisation et de la françafrique).<br /> Les pays d'accueil, notamment la France, est assez riche et équipée pour accueillir plus dignement qu'aujourd'hui, ces immigrés de travail (logement, formation (dont linguistique, et professionnelle, en vue de leur retour).<br /> La planification gaulliste, a su inventer le "10% du 1% logement" pour obliger les organismes HLM à construire des logements en nombre suffisant pour les immigrés. Sous les présidences suivantes, c'est la volonté qui a le plus manqué. Et la montée du RN montre que la classe ouvrière est largement responsable de cette absence de volonté politique.
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R
D'accord avec cet article même si les conditions sociales sont un différentes de l'époque de Marx :<br /> un prolétaire blanc britannique a moins de chance d'accéder à des études supérieures qu'un enfant d'immigré (statistiques très sérieuses)<br /> - la social-démocratie britannique endosse le rôle historique de la S-D depuis les assassinats de R. Luxembourg et K. Liebknecht qui est de frapper fort sur la classe ouvrière (voir le dispositif répressif mis en place suite aux émeutes)<br /> - C'est le coeur historique du prolétariat anglais qui a été frappé par les meurtres et les émeutes s'en suivant<br /> - Les anti-racistes de salon, histrions de l'extrême gauche du capital n'ont pas fait autant de bruit lors de l'abomination de l'enlèvement de centaines d'enfants par une bande d'indo-pakistanais, qui les ont livrés à des tortures et à la prostitution (toujours dans cette région du prolétariat anglais écrasé par la misère)<br /> - Pourquoi devrait-on accepter le morcellement de la société en communautés noyautées par des mafieux islamo-fascistes? Pourquoi se taire face à leur pratique et leur idéologie rétrogade<br /> - Pourquoi ne pas dire que la manipulation des émeutiers dont la colère est légitime (où sont les paroles de compassion à l'égard des enfants suplliciés?) est largement pilotée par des sionistes fascistes (pléonasme)? S'il existait des révolutionnaires, ils iraient au contact du prolétariat britannique pour combattre la misère à ses côtés au lieu de parader au milieu du carnaval de la gogauche.<br /> - Qui aura le courage d'affronter aussi bien l'oligarchie britanniqueet son alter ego sioniste que les milices mafieuses islamo-fascistes?
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O
Sur le fond, je partage l'avis d'Alain BADIOU
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R
Sur le fond on ne peut pas être d'accord à la fois avec Marx et avec Badiou !
O
Je suis entièrement d'accord avec Marx.<br /> Toutefois, il y a trois remarques à faire.<br /> 1. Nous ne sommes plus à son époque où les pays occidentaux regorgeaient de mains d'œuvre disponibles pour fournir aux entreprises des postes de travail peu qualifié. Aujourd'hui les occidentaux ne veulent pas travailler dans des postes sous leur qualification. Ce sont les migrants qui assurent pour l'essentiel l'approvisionnement de ces postes de travail.<br /> 2. Aujourd'hui la concurrence est internationale et non plus limitée aux frontières. Que les migrants travail à bas prix ici ou là d'où ils viennent ne change pas grand-chose (à la limite c'est même favorable au pays d'exode, car souvent les revenus en devises fortes de ces derniers sont largement alimentés par les contributions du migrant aux besoins de la famille).<br /> 3. Les flux migratoires sont aujourd'hui alimentés par les actions coloniales (l'exploitation des étrangers chez-eux) ou impérialistes (les guerres pour y imposer sa domination). L'insécurité et l'extrême pauvreté dues exclusivement à ces actions occidentales poussent les migrants à l'exode, le plus souvent au plus grand péril de leur vie.<br /> Certes, d'un point de vue Marxien, les phénomènes de domination restent les mêmes. Mais, qu'il y ait ou pas migrations n'y change rien.
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