Vers une rencontre nationale des communistes des quartiers populaires
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Rencontre des communistes de France à Marseille les 27 et 28 août.
Introduction de Marie-Christine Burricand à la discussion sur le thème : Luttes et action politique dans les quartiers populaires.
A l’issue de la réunion, une rencontre nationales des communistes des quartiers populaires a été décidée par les participants.
Quelles luttes, quelle action dans les quartiers populaires pour que les habitants se réapproprient la politique ? Nous proposons d’aborder ce matin, ce thème à partir de nos expériences respectives, avec l’objectif de construire du commun et de décider ensemble d’actions futures.
De quoi et de qui parle-t-on derrière l’expression "quartiers populaires" ? Chacun d’entre nous le sait pour la ville où il vit : les Minguettes, les quartiers nords, les 4000...
Plus globalement, 4,4 millions de personnes vivent dans les ZUS, 7% de la population française. Les 2 plus grandes ZUS : Centre-nord à Marseille et Roubaix-nord dans le Nord.
Les 4 régions qui concentrent le plus de ZUS : Ile-de-France, Nord-Pas-de-Calais, Rhône-Alpes, PACA.
Nous savons et les statistiques confirment que vivent dans ces quartiers les plus pauvres, les plus précaires, les plus au chômage, les moins diplômés, les étrangers, immigrés et enfants d’immigrés, les plus jeunes aussi.
Au final vivent dans ces quartiers les femmes et les hommes les plus exploités et les plus exploitables pour le capitalisme, ceux dont les conditions de vie sont les plus difficiles.
Il ne faut jamais perdre de vue que même si les taux de chômage sont très élevés dans ces quartiers, majoritairement, la population de ces quartiers travaille : ouvriers du nettoyage et du bâtiment, femmes de service et aides-soignantes des hôpitaux et maisons de retraite, caissières des grandes surfaces, femmes de ménage des entreprises privées et publiques...
C’est une grande partie de la classe ouvrière d’aujourd’hui qui vit dans ces quartiers.
Pourquoi se préoccuper des quartiers populaires et en débattre aujourd’hui ?
Ces habitants sont les nôtres au sens de classe, au sens d’un parti qui se vivrait comme le parti de la classe ouvrière d’aujourd’hui : les plus exploités, ceux qui ont le plus intérêt à la lutte pour le changement de société, au socialisme.
Historiquement, les quartiers populaires ont longtemps été dans le prolongement de l’entreprise le lieu d’ancrage essentiel du PCF. Il y jouait un rôle primordial d’organisation de la vie sociale, d’éducation politique, de défenseur des habitants. Des associations diverses y apportaient aussi leur touche.
Cela se retrouve encore aujourd’hui et a transcendé les générations et nationalités.
Dire qu’on a grandi aux Minguettes, aux 4000, à Vaulx-en-Velin, c’est dire qu’on a grandi d’un certain côté de la société et de la barrière. Beaucoup y mettent une certaine forme de fierté. Mais force est de constater que l’écart entre les habitants de ces quartiers et la représentation politique, les partis politiques, ne cesse de grandir et que cela nous touche tous. Cela se remarque notamment au travers de l’abstention élevée aux élections, de formes d’organisation qui ne dépassent pas les contours des quartiers ou de l’origine, la religion ou l’histoire personnelle.
Chacun connaît ce type d’associations, souvent utiles au vivre ensemble, qui permettent parfois l’engagement dans la vie de la commune, mais ne dépassent jamais ce cadre.
Les moments de colère et de révolte émaillent la vie de ces quartiers : été chaud de 1981 aux Minguettes et marche pour l’égalité quelques temps plus tard... 400 quartiers populaires vont vivre des émeutes ou des révoltes ou des violences en 2005. J’y reviendrai car nous avions vu l’an dernier que nous n’en faisions pas tous la même analyse.
Mais nous pouvons être d’accord sur deux choses :
Le terreau de ces évènements, c’est la misère, l’injustice, la crise.
La forme et le contenu de ces mouvements sont bien liés à la faiblesse de l’organisation politique et notamment du PCF dans ces quartiers.
Peut on imaginer une transformation de la société sans l’engagement de ces populations, sans qu’elles en soient une force motrice essentielle ?
Pour mémoire, c’est la théorie de ceux qui entourent le défunt candidat socialiste à la présidentielle (DSK). Et le PCF a depuis longtemps délaissé la population de ces quartiers pour se recentrer sur des catégories moyennes qu’il espère reprendre au PS ; est-ce qu’on relève le gant de l’organisation communiste dans ces quartiers ?
Nous sommes confrontés à de vraies questions politiques car ces quartiers sont un laboratoire pour le pouvoir et le capital. Ils stigmatisent ces quartiers : quartiers difficiles, violence... Ces quartiers sont désignés comme difficiles, en dehors de la vie normale. Y vivre c’est peut-être s’exclure un peu, voire beaucoup, prendre des risques, ceux qui y restent, c’est parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement… Une mise à l’index difficile à supporter et qui accentue encore la guetthoïsation. Elle empêche d’entrer dans les quartiers, elle empêche d’en sortir. Elle accentue la division du peuple qui aurait au contraire intérêt à s’unir.
La division du peuple est bien en effet la question essentielle à laquelle nous sommes confrontés.
Au travers des thèmes de l’immigration, de la religion, de l’insécurité, le capitalisme mène bataille pour empêcher le peuple de s’unir et de le combattre efficacement.
La perversité est extrême. Le capital et le patronat ont créé des ghettos de la pauvreté. Faute de moyens, d’emplois, de services publics, les conditions de vie se dégradent et sur ce terreau se développent les incivilités et la délinquance avec leur cortège de petits chefs mafieux aux pouvoirs occultes. Le jeune, l’étranger, l’immigré est désigné comme bouc émissaire. Ainsi Chirac peut en 1995 avec le bruit et l’odeur stigmatiser ceux qui ne seraient pas comme nous… Le problème essentiel du peuple ne serait pas l’exploitation, le profit, la baisse du coût du travail mais les difficultés quotidiennes qui seraient liées à l’immigration dans les cités.
En même temps, le pouvoir annonce son intention de sortir ces quartiers de leurs difficultés car il faut bien apporter des réponses à la colère et au ras-le-bol des habitants. C’est notamment la politique de la ville par laquelle il faut en passer si on veut des moyens pour agir. Nous n’allons pas mégoter sur les moyens mis dans les réhabilitations des quartiers, les actions sociales et culturelles, les services publics.
Dans certaines villes, élus et habitants mènent de vraies batailles pour obtenir les moyens d’une ville à part entière, faire reculer le ghetto. Mais cela ne doit pas masquer ce qui domine : le désengagement de l’État dans l’école, la santé, le logement, le social ; l’aggravation des conditions de vie des habitants.
Je disais en introduction que nous avons un certain nombre de points qui font débat entre nous. Comment aborder les questions de laïcité, d’insécurité, de violence.
On voit bien qu’on ne réagit pas de la même manière si on pense que les émeutes de 2005 expriment une révolte contre les conditions de vie ou si on pense qu’elles sont le fait de bandes qui ont intérêt à semer la terreur. Les débats sont nécessaires sur ces questions pour appréhender au mieux la réalité.
Ils ne doivent pas nous empêcher d’avancer ensemble avec une préoccupation centrale : créer les conditions de l’unité populaire en mettant en échec les tentatives de division notamment à partir des questions de l’immigration et du racisme. C’est aussi comme cela qu’on peut battre le FN et ses idées alors que nous sentons tous qu’il n’y a plus, y compris dans les populations issues de l’immigration de tabou du vote FN.
Les préoccupations populaires, nous les connaissons. Comment fait-on pour unir dans des batailles :
pour l’emploi et pour faire reculer la discrimination à l’embauche
pour le logement et pour interdire les saisies, expulsions , coupures d’eau et d’électricité
pour le pouvoir d’achat, la hausse des salaires, des minima sociaux
pour le refus de payer la dette, la sortie de l’euro
les transports
la santé
l’école
Nous voulons gagner en combativité en capacité de rassemblement.
Nous voulons gagner aussi en conscience de classe.
Est-ce qu’on attaque ensemble ces questions ? Chacun ressent un grand besoin de les traiter collectivement et en communistes.
Décidons pour continuer à travailler d’organiser tous ensemble une réunion nationale des militants des quartiers populaires.
Marie-Christine Burricand, conseillère général de Vénissieux