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Réveil Communiste

Sur les accusations d'islamophobie ou d'antisémitisme

29 Décembre 2023 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #GQ, #Théorie immédiate, #Impérialisme, #Front historique, #Positions, #Qu'est-ce que la "gauche", #Mille raisons de regretter l'URSS

Finkelkraut

Finkelkraut

Judaïsme et Islam sont des religions. Leurs fidèles forment des communautés concrètes et organisées dont les actes ne sont pas au-dessus de la critique.

Des militants progressistes bien intentionnés participent à la tentative de diabolisation de ce qu’ils appellent improprement « islamophobie », et d’autres dans le camp d'en face lancent des accusations d'antisémitisme et des campagnes de dénigrement dignes du Juge Lynch ou de Mac Carthy.

Or il serait étonnant que les seules personnes affranchies de la critique soient les adeptes d'idées religieuses qui datent respectivement de 1400 et 3200 ans.

A ce propos je ne vois pas pourquoi un non-juif verrait avec sympathie l’idée qu’il existe un peuple élu et qu’il n’en fait pas partie, ou pourquoi un non-musulman devrait renoncer à la liberté d’expression sur l’Islam, le  Coran, Mahomet, quand il accepte la critique de ses propres croyances. 

Juifs et musulmans peuvent accepter ce que la plupart des chrétiens de diverses obédiences ont fini par accepter bon gré mal gré, depuis l’époque des Lumières :  que leurs croyances, leurs rituels, leurs interdits et leurs règles vestimentaires et alimentaires que les autres considèrent comme fausses ou inutiles n’ont droit à aucun respect particulier. Il n'est pas souhaitable de les tourner en ridicule pour des raisons d'ordre public - et de savoir vivre élémentaire -  mais il n'est pas non plus immoral de le faire.

Le respect dû aux personnes ne s’étend pas au contenu de leur cerveau.

La montée d’une méfiance populaire contre l’Islam provient non seulement de l’image déplorable que les terroristes qui s’en réclament donnent à cette religion, mais aussi de l’impression, fortement étayée par l’actualité depuis plus de trente ans (affaires Rushdie, ou des caricatures de Mahomet) que la plupart de ses fidèles n’acceptent pas facilement la critique, ni externe ni interne. L'oppression colonialiste subie par les pays musulmans explique peut-être ces dérives mais ne les justifie pas.

Le retour de la pratique religieuse, et la restructuration conservatrice des communautés juives ont produit un phénomène similaire. Les juifs sont massivement enrôlés par le biais d’associations communautaristes dans la défense inconditionnelle d’Israël. Les milieux sionistes et fondamentalistes tentent de faire passer pour antisémite toute critique d’Israël, et invoquent de manière déplacée la mémoire de la Shoah pour sanctuariser la politique israélienne. Les persécutions et les atrocités subies par les juifs dans le passé ne peuvent pas être invoquées, elles non plus, pour expliquer et justifier l'occupation la politique d'oppression et de massacre des Palestiniens.

L’amalgame est systématique : ceux qui refusent l'introduction du voile islamique à l’école passent pour racistes, et que ceux qui défendent les Palestiniens passent pour antisémites. Le fait que des racistes anti-arabes et des antisémites endossent aussi respectivement ces positions pour avancer masqués ne change rien à l'affaire, leur expression reste parfaitement légitime, et qu'on les approuve ou non, les assimiler au racisme est un amalgame malhonnête.

Les Occidentaux chrétiens ou athées et les Français parmi eux ne sont certainement pas au-dessus des critiques, mais la plupart de celles qui circulent portent à faux, et sont loin de s’en prendre aux responsables actuels de crimes actuels, par exemple aux politiciens français "socialistes", "républicains" , ou  macronistes qui ont soutenu politiquement et armé le terrorisme en Syrie et en Libye.

Elles consistent à imputer à tous les contemporains une sorte de péché originel en tant que descendants supposés des esclavagistes, des colonisateurs, des nazis et autres collabos, alors qu’ils n'en peuvent mais. La transmission de la culpabilité de génération en génération, mais aussi par association des individus aux groupes dont ils sont issus, à tous les cousins et à tous les voisins, est devenue une forme contemporaine de racisme bien tranquille, conservée bien au chaud dans le narcissisme moral gauchiste, ou, à l'autre bord, sioniste. Et à ce titre le « racisme anti-blanc » n’est pas une invention du RN, et il n'est pas pratiqué seulement par des voyous mais aussi par des blancs riches qui se pensent « de gauche » contre des blancs pauvres dépolitisés qui se trouvent ainsi repoussés vers l'extrême droite.

Les amalgames stupides et politiquement suicidaires de la gauche politique signifient que leurs auteurs se complaisent dans la contestation inefficace où ils jouent un rôle qui leur permet d'exister, de passer à la télévision, et parfois de se rémunérer sans trop se fatiguer.

Les juifs et les musulmans ne sont plus des opprimés, et ce sont les soldats de l’Armée Rouge et des guerres d’indépendance qui ont obtenu ce grand résultat historique.

Les révolutionnaires d'aujourd'hui n’ont littéralement rien à gagner à flatter les tendances islamiques  obscurantistes qui croissent sur le terrain de la crise du capitalisme. Il n’y a rien à gagner à ménager ici en France des mouvements qui sont organiquement liés aux groupes qui ont été armés par la CIA pour détruire la Syrie, l'Afghanistan, la Libye, l'Irak, l'Iran.

Il n’y a rien à gagner non plus à relayer les accusations d’antisémitisme instrumentalisées contre la gauche radicale, qui cherchent à délégitimer la critique d’Israël, et du sionisme en les faisant passer pour antisémites, et toute critique sociale par dessus le marché. Le terme "sioniste" ne signifie aujourd'hui rien d'autre que "pro-israélien". Et je ne vois pourquoi on ne pourrait pas être contre la politique israélienne et contre les pro-israéliens, juifs ou non. On se demanderait même qui peut encore les soutenir après le massacre impitoyable de 20 000 habitants à Gaza en octobre et novembre 2023 !

Il est significatif que le mouvement sioniste a cherché à faire interdire la campagne internationale de boycott d'Israël pour empêcher toute forme de lutte non-violente contre l'occupation en Palestine. Il estime - calcul risqué - qu'il luttera plus facilement contre un terrorisme désespéré égaré dans l'antisémitisme que contre un mouvement de masse pacifique.

Quant à la France, le capitalisme moderne travaille à  y communautariser et racialiser la lutte des classes - les juifs se sont embourgeoisés, et les musulmans sont surreprésentés dans le prolétariat des travailleurs manuels. et rien ne lui est plus agréable que de voir ses protagonistes apparaître dans l'espace public costumés en religieux.

Cela dit, il serait vain de s'engager dans un combat anti-religieux anachronique. La marchandise s'en chargera toute seule. Le véritable "opium du peuple" d'aujourd'hui n'est pas le discours religieux, mais le spectacle marchand. La pensée religieuse politisée et hystérique n'est pas vraiment religieuse, c'est un complément de l’esprit de la publicité, du marketing et de la névrose individualiste de masse qu'ils implantent dans les cerveaux. Le Dieu de nos contemporains, c'est Ikéa. Au titre de la critique de l'aliénation à la marchandise, les communistes peuvent souvent se trouver en accord avec des représentants progressistes des trois religions monothéistes.

Enfin, sur les « théories du complot », il est clair la théorie de la théorie du complot est, elle aussi, une théorie du complot : cette théorie qu'un complot antisémite universel emprunte le masque de la critique du capitalisme.

GQ, août 2013 - novembre 2019, relu le 30 novembre 2023

PS : Ancien titre : "Juifs et musulmans ne sont plus des opprimés ! ". Les passages destinés à justifier cette thèse ont été supprimés pour alléger le texte. Tout le monde le sait !  inutile d'enfoncer des portes ouvertes.

 

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P
L'islamophobie n'est pas un racisme. Tous les arabes ne sont pas musulmans. La christianophobie n'est pas du racisme non plus. L'antisionisme est dans ce cas également. Ce n'est pas parce que je déteste la politique actuelle d'Israël que je suis antisémite. Cessons de tout mélanger. On a le droit de critiquer des idéologies, des croyances, dès lors qu'on ne les confond pas avec un peuple, une ethnie, un groupe.
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L
Bonjour. <br /> Texte parfait que je partage sur les réseaux de 1P6R.<br /> Cordialement.<br /> Luc Laforets
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D
Entièrement d’accord avec la ligne générale de l’article. On doit aussi prendre compte le fait que, globalement, pour des raisons de classe et de positionnement dans le contexte géopolitique de classe international, les populations musulmanes ou « issues » de l’islam, restent globalement défavorisées. Un enfant « arabe » ou « noir » (donc globalement « musulman ») d’Aubervilliers n’a pas les mêmes possibilités de promotion qu’un enfant de Neuilly mais peut-être aussi d’un « non arabe » d'Aubervilliers, un Palestinien de Gaza n’a pas la même vie qu’un Israélien juif, un musulman de n’importe quel pays a plus de chance de voir son pays envahi, attaqué ou poussé à la guerre civile etc que la plupart des autres nations dans le monde. Ce qui ne peut pas, mémoire coloniale en plus, ne pas entraîner un sentiment de prolétarisation ou de précarisation ou de lumpenisation selon les cas, avec toutes les conséquences historiques que nous connaissons de ces réalités. En plus, l’islam s’appuie sur des textes qui font plus clairement que dans les autres religions la promotion de la science et de la raison et aussi de la justice, ce qui explique que cette religion puisse être porteuse d'idéal révolutionnaire aux yeux de ses fidèles (houthis yéménites, kadhafisme, bassidj iraniens, hezbollah libanais, Hamas/Djihad à Gaza, FLN 1954 nasserisme, etc. ), ce qui du coup, contrebalance la vision de l’islam réactionnaire, monarchiste, sectaire que nous pouvons de notre côté facilement avoir en Occident. Bref, une analyse concrète de la situation concrète impose une analyse approfondie des messages sociaux issus du « logiciel islam » que l’on a trop tendance en France à réduire à ce qu’on a connu, le « logiciel catholique chrétien ».
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J
Je partage complètement la position que vous développez dans ce texte. Je ne vois rien à y retirer (à l'exception peut-être de l'avant-dernier paragraphe). Un commentaire laudatif (tel le mien) est généralement superflu car il n'apporte rien au débat mais il peut être utile en tant que manifestation de soutien.<br /> Ici , vous donnez un nouveau coup de pied dans la bienpensance d'une gauche radicale qui avale goulûment les appâts lancés par le capitalisme et se coupe du peuple. Or cette démarche est courageuse et nécessaire et, à mes yeux, exige le soutien.<br /> - Courageuse car minoritaire à gauche et propre à déclencher la fureur de nombreux bienpensants qui croient (sincèrement?) avoir trouvé dans 'l'anti-racisme' le nouveau point focal politique et revendicatif.<br /> <br /> - Nécessaire car tant que la gauche sera en divorce avec le réel, tant qu'elle repoussera le prolétariat à l'extrême droite, toute perspective politique sera bouchée et toute resistance syndicale vouée à l'échec.
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R
Il est exact que les bien-pensants en question font le coup de poing quand ils se trouvent à court d'arguments (Djorge Kumarovic en a fait les frais).
M
" Et à ce titre le « racisme anti-blanc » n’est pas une invention du RN même s’il n'est pas pratiqué seulement par des voyous incultes mais aussi par des blancs riches qui se pensent « de gauche » contre des blancs pauvres dépolitisés qui se trouvent ainsi repoussés vers l'extrême droite."<br /> Hé bé, fichtre et mille sabords, et vains dieux pour faire bonne mesure ! Bon, je ne suis pas sûre que ma pendule perso soit remise à l'heure après cette lecture.... C'est sans doute ma malice (qui mal N'y pense) naturelle qui me fait choisir, dans une bourriche bien remplie, cette huitre perlière là, mais elle me semble trop belle pour ne pas commencer le collier... Si je comprends bien le paralogisme (moi aussi je suis polie, c'est de ma génération, je ne présume pas le sophisme), et si je développe un tantinet, Des blancs riches sont racistes anti "blancs pauvres dépolitisés", ce qui, contre-proposition, induit que les mêmes blancs riches racistes anti blancs adorent les pauvres dépolitisés basanés voire carrément foncés-foncés. Heureusement que vous m'avez informée, moi qui bêtement, et de manière incontestablement primaire, pensais tout droit à la Lutte des Classes....
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