Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Réveil Communiste

Ce qui manque aux statuts, aux pratiques formelles du PCF, contrib GQ

15 Novembre 2008 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #Ce qui ne peut plus durer au PCF

Pourquoi nous autres communistes sommes si naïfs ! Pour modifier les statuts pour le prochain congrès, et en finir avec la cooptation des responsables dans le PCF.


Je ne suis pas juriste et je ne propose pas ici des amendements rédigés aux statuts. Je précise aussi avant de commencer, pour lever toute ambigüité, ou toute exploitation de ce texte au rebours de mes intentions, que les statuts modifiés par un congrès doivent s'appliquer au congrès suivant.

Mais je pense, avec le philosophe communiste italien Domenico Losurdo (Fuir L'histoire, éditions Delga), que les catégories du droit sont négligées dans le marxisme et dans sa mise en pratique révolutionnaire. On peut analyser les déboires de l'URSS et du socialisme réel aussi comme ça : dans la faiblesse de la théorisation juridique du socialisme.  J'ai toujours trouvé qu'il manquait chez Marx (lacune déjà moins marquante chez Lénine) une réflexion sur la nature de l'État censé régner pendant la période de transition, entre la révolution et le communisme. C'est là que prennent racine la dérive autoritaire du socialisme et l'état d'exception permanent qui caractérisent la période stalinienne, qui n'était autre que celle de l'application fidèle et résolue du programme marxiste de dictature du prolétariat, dans ce cadre juridique à peine embryonnaire où la répression se déchaine à intervalle régulier contre la bureaucratie faute de pouvoir en contrôler autrement la prolifération. La thèse trotskyste d'une confiscation violente du pouvoir prolétarien par la bureaucratie est le contraire de la réalité de l'URSS. La violence stalinienne est une continuation de la violence révolutionnaire, renforcée par les moyens de l'État, dans une configuration très semblable à celle de la période de la Terreur, pendant la Révolution Française, et pour des raisons comparables. Si la thèse de la Révolution confisquée était juste, elle le serait dès 1917, et il n'y aurait jamais eu de société socialiste en URSS. On comprend d'ailleurs  avec ce type de raisonnement qui caractérise les milieux ultragauchistes, on dérive rapidement vers le révisionnisme historique sous toutes ses formes.

Ma thèse est que le « stalinisme » ainsi défini par une incapacité à stabiliser juridiquement l'État socialiste, et ces « quasi-États » que sont les partis puissants comme le PCF ou le PCI, ne consiste pas en une série de prises de positions pour la personnalité de Staline, pour la défense inconditionnelle de l'URSS,  d'évaluations positives des réalisations socialistes, et inversement la « déstalinisation » ne consiste pas en l'inversion de ces positions, souvent de manière intempestive (voir le suivisme derrière le Dalaï Lama), en condamnations vertueuses, morales ou pragmatiques des excès de la dictature, en conversion aux règles de la démocratie libérale ; le stalinisme était (et il survit partiellement en cela) un mode de fonctionnement des partis communistes où les règles sont perpétuellement modifiables par le sommet. C'est la pratique stalinienne, qui s'est développée durant les Années Trente dans le but d'empêcher artificiellement la droitisation que devait produire forcément la période de rattrapage des forces productives (comme c'est le cas en Chine depuis 1976) qui a produit ces habitudes de gestion du pouvoir par en haut.  Mais avec une modification de taille : lorsque l'état d'esprit révolutionnaire s'affaiblit, l'appareil utilise ces pratiques pour se mettre lui même à l'abri de toute remise en cause trop pressante. Toutes les déstalinisations idéologiques laissent intact ce noyau d'arbitraire. L'exemple le plus connu dans l'histoire du PCF fut l'abandon de la dictature du prolétariat en 1976, au moment du 22ème congrès, ce dont les participants furent informés par la radio. La liquidation du PCI en Italie en est un autre.

Venons en au fait : dans notre parti il subsiste bien quelques restes très atténués de « stalinisme » mais ils ne sont pas du tout situés où un observateur naïf, par exemple un lecteur de la presse bourgeoise aimerait les trouver, chez ceux qui sont caricaturés comme "orthodoxes". Ils se trouvent dans les habitudes qui permettent aux directions à tous les niveaux de se désigner elles-mêmes et dans certains cas de fuir leurs responsabilités. Il y a deux manières de désigner les dirigeants d'une organisation politique : par en bas ou par en haut, élection ou cooptation, avec toute une série de cas intermédiaires entre ces deux logiques, chez nous c'est 90% de cooptation et 10% d'élection où le recours au suffrage ne sert en fait qu'à la légitimation a posteriori des choix d'appareil. Notez que l'appareil, c'est pas mal de monde, d'une certaine manière les membres de bureaux de section, de comités de section c'est déjà de l'appareil, et vu comme ça, c'est presque la moitié du parti actif. Ce qui signifie que la cooptation est souvent vécue par « la base », qui est en fait la base de l'appareil, comme un système harmonieux qui permet de tenir compte des différences et de laisser leurs places à des « sensibilités » voire à des minorités. Dans les faits ce n'est pas très convainquant. En effet, quelque soit la qualité du panachage et la sensibilité des secrétaires dans l'évaluation du rapport de force, les responsables ont toute latitude pour esquiver la nécessité de rendre des comptes. Et ce mode de fonctionnement est loin d'avoir empêché l'éloignement du parti des classes populaires et des quartiers. Le « parti réel » doit pouvoir s'élargir potentiellement à toute l'étendue des classes exploitées, et non représenter ceux qui sont en place.

La cooptation, c'est ce qui convient à un parti d'avant garde, à un parti de lutte armée, d'action clandestine, de résistance. Mais dans une organisation de masse c'est le suffrage universel qui  est nécessaire. Le maintien de la cooptation y aboutit à des effets pervers dont le moins étonnant n'est pas que l'appareil impose des choix contrerévolutionnaire à l'ensemble des communistes, voire le postcommunisme, comme en Italie en 1991. Il faut remarquer que le vote secret n'est pas suffisant pour créer de conditions équitables (et il n'est pas toujours la condition nécessaire). Bien plus important, il faut pouvoir faire campagne, les débats ne doivent pas être canalisés par une « base commune » officielle, les options doivent être présentées sur un pied d'égalité, et les candidats doivent se déclarer eux-mêmes (ne pas être parrainés).

En conséquence, je propose de simplifier et d'éclaircir radicalement le mode de désignation des directions, et d'adopter le système de l'élection avec choix entre plusieurs listes qui ont fait campagne interne sur leurs options, qui ont bénéficié d'un droit d'accès égal à la presse communiste (il faut d'ailleurs que l'Huma abandonne son statut ambigu de journal « à moitié communiste »), avec liste de candidats déposés longtemps à l'avance. Le mode exact d'élection,  les propositions doivent également être déposés par avance. Il ne s'agit pas d'un système de tendances, puisque dans le cas d'existence de tendances, il se forme de manière permanente des « partis dans le parti » avec leurs propres directions, recrutements, financements (et cela existe d'ailleurs déjà dans le PCF, mais c'est un autre problème). Recourir à l'élection pluraliste systématiquement permet d'exprimer la contradiction sans qu'elle se développe de manière antagonique, sans qu'elle soit vécue comme souffrance psychologique comme c'est encore trop souvent le cas.  De plus la fixation d'une règle du jeu connue de tous, simple, évite les manœuvres et le gâchis d'énergie militante qui caractérise les congrès. Pour le moment nos dirigeants sont en train de se prendre les cheveux pour savoir non pas seulement qui sera à l'exécutif, mais quelle sera la règle pour le former. Le choc des ambitions est une réalité de la politique qu'aucune disposition statutaire ne saura empêcher, mais la manipulation permanente des règles du jeu, ce n'est pas normal. A ceux qui pensent qu'on irait se perdre dans des querelles de personnes avec ce système, je répondrais qu'il n'y pas de différence entre choisir des hommes et choisir des idées parce que les idées sont mises en pratique par des hommes. Pas de mannequins dans le parti, disait Maurice Thorez.

Je sais que le système que je préconise a des inconvénients. Mais celui que nous avons maintenant est très mauvais, complètement inefficace, et il ne remplit plus sa fonction minimale, avec la disparition de la formation marxiste, et le changement de la société française : il ne sait plus former une direction d'origine populaire pour un parti qui représente effectivement les classes populaires.

 

GQ, 19 octobre 2008


Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
G
Je ne sais pas si le centralisme démocratique a jamais été démocratique, mais ce qui est sûr c'est que le centralisme est resté. Comme le dit Karman dans la video mise en ligne hier, tout est fait pour favoriser la reproductiion de la direction. Par dessus le marché ça produit les situations psychologiques dites de "double contraintes" parce que les camarades sont sommé de participer aux débats et de "bouillonner" d'idées alors que chacun sait que tout est décidé ailleurs.
Répondre
G
merci camarade d'avoir soulevé cette question qui est pour moi au fond le principal boulet que traine le communisme (sous sa forme organisée) depuis toujours: l'auto reproduction de ses élites en interne et l'incapacité a gérer ses contradictions de façon sereine. La capacité des communiste a prendre et gérer le pouvoir dépendra de leur crédibilité en cette matiere et donc celà doit se voir dans le fonctionement interne du parti. J'espère pouvoir porter ces question à la discution dans notre prochain congrès
Répondre