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Réveil Communiste

De certains événements du mois de juin 2015 et d'autres mois subséquents

3 Octobre 2015 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #Front historique, #Grèce, #l'Europe impérialiste et capitaliste

De certains événements du mois de juin 2015 et d'autres mois subséquents

Envoyé par Jacques Lambalais

(ce parallèle présente une faiblesse : les années trente se caractérisent par la présence généralisée de la violence fasciste dans la rue et dans les allées du pouvoir, alors qu'elle n'est pour le moment qu'un épouvantail destiné à faire bien voter le bon peuple européen ndgq)

Chers tous,

L'idée des ces remarques m'est venue de deux numéros du numéro du Monde diplomatique

A. D'abord celui du présent mois d'octobre, et, plus précisément, dans celui-ci, de l'article sur les Carnets d'Ivan Maïsky, ambassadeur soviétique à Londres de 1932 à 1943. Dans ces carnets, Maïsky évoquait les accords de Munich, du 30 septembre 1938, qui virent l'Allemagne, l'Italie, la France et le Royaume-Uni régler la crise des Sudètes au détriment de la Tchécoslovaquie, prélude au dépècement de ce pays par l'Allemagne.

B. Ensuite du numéro d'octobre 2001, où, dans son éditorial, Ignacio Ramonet, à rebours de la presse dominante, tentait un rapprochement audacieux (et d'autant moins "politiquement correct") entre les attentats du 11 septembre précédent contre le World Trade Center à New York et le Pentagone à Washington, d'une part, et le coup d'Etat du général Pinochet contre Salvador Allende, le 11 septembre... 1973, d'autre part.

Le rapprochement que j'envisage ici est celui de l'accord imposé à la Grèce, le 13 juillet 2015, avec plusieurs événements de l'année 1938 : non seulement les susdits accords de Munich, mais aussi l'Anschluss (annexion de l'Autriche par l'Allemagne, le 12 mars 1938, six mois avant Munich).

Certes, ces rapprochements - comme toute comparaison historique - sont hasardeux : les pays ne sont pas les mêmes, les régimes ne sont pas les mêmes, les idéologies ne sont pas les mêmes, les finalités ne sont pas les mêmes, et, surtout, les moyens envisagés (la force armée, notamment), sont présents dans un cas (en 1938), et ne le sont plus en 2015.

Néanmoins, les intérêts (la domination des uns sur les autres) sont les mêmes et, si l'on considère les comportements et les résultats, on ne voit pas de grandes différences, à 80 ans de distance, entre les uns et les autres.

Je précise aussi, même si je vais beaucoup parler de l'Allemagne (et pas en bien...) que les propos qui suivent n'entament en rien ma dilection pour le monde germanique, ses habitants, sa langue, sa culture, ses moeurs, son histoire, ses paysages, et ne me font pas douter un instant du caractère démocratique de ses institutions. On peut aimer l'Allemagne sans aimer Angela Merkel et Wolfgang Schäuble. On peut aimer la France sans aimer Nicolas Sarkozy, Bernard Arnault ou Vincent Bolloré...

1. Comme en 1938, un impressionnant groupe de pays (les uns actifs, les autres passifs), impose des mesures terribles et humiliantes à un petit pays isolé.

2. Comme en 1938, l'Europe et le monde sont plongés dans une grave crise économique, qui n'est justement pas sans rapport avec les accords imposés : la crise de 1929 a amené au pouvoir Hitler et un parti nazi avides de venger la défaite de 1918, et la crise de 2008 (où les Etats ont repris à leur compte les dettes des banques), ont, entre autres, amené, et, la plupart du temps, aggravé, l'endettement des pays européens, dont, précisément, la Grèce.

3. Comme en 1938, l'Allemagne est un acteur majeur de la crise. Certes, en 2015, elle n'est plus seule, et, officiellement, n'apparaît même pas au premier plan, puisque, en théorie, ce sont les dirigeants de l'Eurogroupe qui ont imposé à la Grèce l'accord léonin du 13 juillet 2015.

Néanmoins, tout le monde sait le rôle prépondérant joué par l'Allemagne dans la création de l'euro, rôle confirmé par ces deux décisions symboliques que furent la fixation du taux de de change des monnaies, facile pour le deutschmark (en gros deux deutschmark pour un euro), compliqué pour d'autres, par exemple, pour nous Français, qui avions à faire une multiplication par 6,5, c'est-à-dire par un sous-multiple de 13 !), et l'installation de la Banque Centrale européenne à Francfort, c'est-à-dire dans le pays du deutschmark. Tout le monde sait aussi l'inflexibilité de l'Allemagne concernant la "règle d'or" (pas de présentation de budget en déficit dans les Etats de la zone euro), et la lutte contre l'inflation, imposée à la BCE comme mission primordiale, si ce n'est unique.

4. Comme en 1938, mais cette fois-ci par comparaison avec l'Autriche, le dirigeant du petit pays menacé (le chancelier Kurt von Schuschnigg dans le cas de l'Autriche, le premier ministre Alexis Tsipras dans celui de la Grèce) a annoncé un référendum pour savoir si ses concitoyens acceptaient les exigences du plus fort.

Dans les deux cas, la réaction du plus fort (ou des plus forts) fut violente. En Autriche, en mars 1938, le chancelier Schuschnigg fut renversé par un coup d'Etat des nazis autrichiens, téléguidé d'Allemagne. En Grèce, Alexis Tsipras, en juillet de cette année, ne connut pas ce funeste sort, mais subit néanmoins un violent "tir de barrage" de la part des médias dominants, qui présentèrent ce référendum comme un "coup de poker", un "piètre chantage", une "mascarade", un "coup d'Etat constitutionnel", une "irresponsabilité", une "prise en otage", un "leurre", une "provocation", un "braquage", médias qui reflètèrent en cela l'opinion des gouvernements européens, lesquels parlèrent de "triste décision", et firent part de leur sentiment de "colère" (pour les ministres des finances).

L'Europe, à cet égard, n'en était pas à son coup d'essai, puisque ce fut à son instigation que, le 4 novembre 2011, le premier ministre d'alors, Georges Papandréou, qui avait déjà voulu organiser un référendum sur le même sujet, avait dû démissionner et remettre le pouvoir à Loukas Papadimos.

5. Comme en 1938, le représentant du pays victime ne fut pas invité à participer aux discussions. En 1938, le président tchécoslovaque, Edouard Benès, fut exclu des discussions de Munich, tout comme Yanis Varoufakis, ministre des finances grec, fut, le 27 juin 2015, exclu des discussions de l'Eurogroupe (alors qu'il était le premier concerné !).

6. Comme en 1938, de petits pays, alliés déclarés ou complices objectifs, de la grande puissance prédatrice, profitèrent de ce que le pays proie était tenu à la gorge par la grande puissance, pour mordre les jarrets de la victime. En 1938, la Pologne profita des malheurs de la Tchécoslovaquie pour annexer la région de Teschen, au nord-est du quadrilatère bohémien. La Hongrie, quant à elle, annexa le sud de la Slovaquie. [Ce qui, d'ailleurs, n'allait porter bonheur ni à l'une ni à l'autre]. En 2015, de petits pays comme la Finlande, la Slovaquie, la Slovénie et les pays Baltes ont été les plus remontés contre la Grèce, et les plus déterminés à ne pas lui faire cadeau d'un seul centime. Et ce sont ces pays (largement instrumentalisés, notamment par les médias), qui poussèrent l'Eurogroupe à l'intransigeance.

7. Comme en 1938, la France se présenta comme un allié (ou un protecteur) du petit pays victime... mais un allié, un protecteur, qui ne lui évita rien du tout ! La France, en effet, était l'alliée de la Petite Entente (Tchécoslovaquie, Yougoslavie, Roumanie), constituée initialement contre les projets de reconstitution d'une Autriche-Hongrie (ou contre les revendications de la Hongrie), et, plus tard, éventuellement, contre l'Allemagne hitlérienne. Or, en septembre 1938, la France, trop heureuse de trouver une occasion d'échapper à la guerre (croyait-elle), laissa tomber la Tchécoslovaquie.

- De même, en juillet 2015, la France se présenta-t-elle comme le pays qui plaidait pour un allègement de la dette grecque (comme le "gentil", face à la "méchante" Allemagne). Résultat : le 13 juillet 2015, fut signé un nouvel accord qui ne fit grâce à la Grèce (si je puis me permettre cette allitération) d'aucun centime de sa dette. Les "bons" sentiments de la France ne pesèrent pas lourd face à la détermination de l'Allemagne...

8. Comme en 1938, les accords se traduisirent par une perte de souveraineté du pays victime sur de nombreux points de son territoire. En 1938, la Tchécoslovaquie perdit les Sudètes, la région de Teschen et le sud de la Slovaquie, en attendant d'être totalement occupée l'année suivante (comme l'Autriche avait été occupée puis annexée en mars). En juillet 2015, la Grèce doit privatiser des pans entier de son économie et soumettre son budget aux vérifications humiliantes de la "Troïka". Si la Grèce garde son drapeau et son hymne national, elle perd sa souveraineté de fait, comme l'Autriche l'avait perdue en mars 1938 et la Tchécoslovaquie six mois plus tard. [Et ce, conformément au mot cynique - ou inconscient ? - de Jean-Claude Juncker, disant qu'il ne pouvait y avoir de choix démocratique contre les traités européens]. Et certains journaux allemands évoquent même la vente d'îles grecques pour solder la dette...

9. Comme en 1938, le sort réservé aux pays écrasés préfigure celui d'autres pays. En 1938, le sort de l'Autriche puis de la Tchécoslovaquie ne faisait que précéder celui de la Pologne, puis du Danemark, de la Norvège, de la France et, bientôt, de l'Europe presque entière. En 2015, le sort réservé à la Grèce est un avertissement lancé à l'Espagne (si elle s'avise de voter Podemos), et, au-delà d'elle, au Portugal, à l'Italie et, surtout, à la France, trop rétive à se "réformer". Comme en 1938, pour reprendre le mot de Julien Gracq, peu à peu s'allonge sur nous l'ombre du mancenillier...

Je vous saurais gré de vos remarques, compléments, rectifications et critiques.
Bien à vous
Philippe Arnaud, AMD Tours

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