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Réveil Communiste

Qu'est ce que la "gauche"?

19 Avril 2015 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #Qu'est-ce que la "gauche"

Lu sur PCF Bassin

Note de RC en passant : les dirigeants communistes qui suffoquent d'indignation parce que Hollande a comparé le discours de Marine Le Pen à un tract communiste des années 1970 feraient mieux de remarquer que c'est précisément pour ça qu'elle fait 25%.

Publié le 19 Avril 2015 par Descartes [ au fait, qui es-tu?]

Pourquoi les idées se meurent...

Entre les deux tours de l’élection départementale, « Libération » a publié un étrange éditorial, sur lequel les éditorialistes sont passés un peu vite (1). D’autant plus que, quelques jours plus tard, Laurent Joffrin – qui signait cet éditorial – récidivait dans une tribune publiée par le journal « Le Monde ». Et que disait cet éditorial ? Et bien, permettez-moi de reproduire le passage le plus significatif :

« Mais la leçon du scrutin est sans appel : unie, la gauche peut gagner ; divisée, elle a déjà perdu ; unie, elle est au second tour ; divisée, elle disparaît. Les esprits chagrins diront que cette gauche en morceaux n’a aucune chance de retrouver un début de concorde. Ils se trompent. Si elle met de côté les postures rhétoriques et les calculs personnels, la gauche peut se retrouver, même si certaines fractures, sur l’austérité ou sur l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, ont laissé des traces. Sa division idéologique, quand on y regarde de plus près, est moins profonde qu’on ne le croit. Tous ses courants ou presque acceptent le principe de l’économie de marché. Ils se divisent sur le degré de régulation écologique et sociale qu’il convient d’imposer. Il n’y a plus à gauche, aujourd’hui, que des réformistes, plus ou moins audacieux. Alors peut-on comprendre, à la gauche de la gauche, que l’aide aux entreprises dans le but de relancer l’emploi en période de perte de compétitivité n’est pas forcément de droite ? On rappellera à cet égard que les «frondeurs», dont on a tant parlé, ne discutaient que des modalités de cette aide et non de son principe. Quant aux socialistes, ils ont assez de souvenirs - de conscience ? - pour savoir que le retour de la croissance n’a de sens que si les plus modestes en profitent et que l’aspiration à un autre mode de vie est élémentaire à gauche. Ils peuvent, dans la culture politique de l’altermondialisme, distinguer les réformes possibles et les mettre en œuvre. »

En d’autres termes, Joffrin nous explique que, paraphrasant un célèbre président américain, « nous sommes tous des libéraux maintenant ». Que les désaccords à gauche sont finalement cosmétiques, des pures « postures rhétoriques » - ou pire, des « calculs personnels » alors qu’en fait tout le monde ou « presque » se sont ralliés à l’économie de marché. Leurs différences finalement ne portent que sur « le degré ». Sur « l’audace » plus ou moins grande des « réformes ». La « gauche de la gauche » devrait pouvoir comprendre que les travailleurs doivent se sacrifier pour que leur entreprise soit « compétitive » - car il est hors de question que le capitaliste sacrifie quoi que ce soit dans ce but. Les socialistes – qu’on n’appelle pas « la droite de la gauche », malgré le parallélisme évident des formes – devraient savoir que la gestion de l’économie n’a de sens que si « les plus modestes en profitent » - qui a dit que la « modestie » n’est pas une qualité ? – et si l’on satisfait « l’aspiration à un autre mode de vie »…

Mais la démonstration de Joffrin contient un non dit : Si les différences entre les courants de la gauche sont simplement sur l’étendue des réformes à engager, sur le fait d’aller plus ou moins loin dans telle ou telle direction, et non sur la nature profonde des réformes en question, c’est donc qu’elles partagent la même analyse, la même interprétation de la réalité. En d’autres termes, qu’il n’y a plus à gauche de différences quand aux outils historiques, sociologiques, anthropologiques, politiques qui servent à comprendre le réel et lui donner un sens. Qu’il existe un corpus d’analyse unique, à partir duquel on ne peut que tomber d’accord pourvu qu’on abandonne « postures rhétoriques » et « combats personnels ».

Admettons un instant que Joffrin ait raison – et je pense que c’est le cas même si, comme on le verra, ce n’est pas tout à fait pour la raison qu’il évoque. La question qui se pose immédiatement est :

Mais comment en est-on arrivé là ?

Comment la diversité de la pensée de gauche, la créativité foisonnante des idées nouvelles, a-t-elle pu laisser la place à une véritable « pensée unique » partagée par tous ?

Comment une grille d’analyse commune a pu s’imposer aux écologistes comme aux « sociaux libéraux », aux communistes comme aux radicaux de gauche ?

Qu’est ce qui réunit Pierre Laurent et Manuel Valls, Mélenchon et Duflot ?

La réponse est tellement simple qu’elle semble triviale : c’est l’envie de gagner ou conserver des sièges, de gagner des voix. [on peut aussi appeler ça "le bifsteack" ndrc] C’est là la grille d’analyse « universelle » qui a fini par se substituer à toutes les autres. Les maîtres à penser de la gauche ne sont plus Louis Althusser ou Jean-Paul Sartre, Pierre Bourdieu ou Jacques Lacan, c’est Jacques Séguéla. Les élites politico-médiatiques ne pensent plus en termes d’idées, mais en termes de communication.

Vous trouvez que j’exagère ? Et bien, regardons un autre exemple. Il y a maintenant quelques semaines, « Le Monde » consacrait deux pleines pages au Front National, sous le titre « Le FN piégé par son programme économique ». Ceux des lecteurs du « quotidien de référence » - interdit de rigoler – qui s’attendaient à une analyse de la pertinence du programme économique du FN auront été pour leurs frais. Ce que l’article analysait, c’était dans quelle mesure les choix programmatiques des dirigeants du Front – et notamment la sortie de l’Euro – pouvaient le gêner ou l’avantager dans la chasse aux voix. Et la conclusion était sans appel : proposer la sortie de l’Euro, c’est s’aliéner les électeurs plus âgés, qui ont peur pour leur capital et leurs retraites. Si le FN veut arriver au pouvoir, il est donc impératif de se défaire de ce « marqueur » médiatique trop encombrant. En d’autres termes, peu importe qu’une proposition, une mesure, un projet soient cohérents ou qu’ils soient dans l’intérêt du pays. Le seul critère pour le juger, c’est l’adéquation avec les préjugés de telle ou telle cible électorale. Un parti politique n’est pas là pour convaincre ses électeurs, mais pour profiter de leurs idées préconçues en adaptant son discours.

Un autre exemple, peut-être ? Et bien, prenez les discours de la « gauche radicale » qui se réfèrent à une alliance générale qui irait du NPA aux écologistes, en passant par le PCF, le PG et toute la galaxie des groupuscules divers et variés. Et sur quoi, je vous le demande, repose ce projet ? Sur une négociation qui servirait à confronter les analyses et les idées et à construire un projet et un programme de compromis acceptable par tous ? Bien sur que non. Cela repose exclusivement sur l’affirmation – exemples à l’appui – que « lorsque la gauche de la gauche se présente unie, elle peut l’emporter ». Exactement l’argument de Joffrin. Ce n’est pas la peine de discuter des idées, des analyses, des projets parce que ceux-là n’ont aucune importance. Si on laisse de côté les « postures rhétoriques » et les « combats personnels », on peut unir Duflot et Laurent, Mélenchon et Hamon sur un objectif commun : gagner des sièges.

Faut-il pousser le raisonnement jusqu’au bout ? Joffrin ne s’y risque pas. Après avoir montré que la gauche peut s’unir, il conclut avec la formule suivante : « Question de volonté, de part et d’autre. On ne le veut pas ? Dans ce cas, l’avenir s’appelle Sarkozy. Ou Le Pen. ». Admettons. Mais au fond, est-ce si grave ?

Après tout, si la gauche dans son ensemble accepte « le principe de l’économie de marché » ; si la « gauche de la gauche » admet, comme le lui conseille Joffrin, d’accepter qu’il faut aider les patrons – pardon, pardon, « les entreprises » - au nom du Graal de la compétitivité ; en quoi la gauche est-elle finalement si différente de la droite ? Finalement, la logique de Joffrin conduit à une conclusion qui semble être l’inverse de celle qu’il nous propose.

Maintenant, mes chers lecteurs, vous comprenez pourquoi les débats politiques sont aussi creux, pourquoi les « forums populaires », les « assises du renouveau », les « remue méninges » et autres « conférences nationales » organisées ostensiblement pour « réfléchir » deviennent rapidement des exercices sans le moindre intérêt, qui servent souvent de prétexte à une intervention de clôture du « dirigeant suprême » devant les militants et la presse assemblés.

Pourquoi les appareils d’éducation et de formation des militants sont devenus squelettiques là où ils existaient, et pourquoi le débat théorique, qui était caractéristique de la gauche française, a totalement disparu. Normal: avoir des idées peut devenir un "piège" qui vous empêchera de faire preuve de la flexibilité nécessaire pour atteindre telle ou telle cible électorale. Le monde politique ne pense plus. Il ne fait que communiquer.

Descartes

(1) http://www.liberation.fr/politiques/2015/03/23/question-de-volonte_1227009

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