Les médias, armes des guerres de l'impérialisme
Texte posté en septembre 2013 après la médiatisation mondiale d'attaques au gaz attribuées en Occident quasi-unanimement au gouvernement syrien, mais sans qu'aucune preuve indépendante ne soit jamais fournie, et peu avant que l'EI et ses attentats du Bataclan et de Nice sorte de la pochette surprise de l'impérialisme. Plus de dix années plus tard le gouvernement légal syrien a gagné la guerre avec l'aide de la Russie et de l'Iran, mais l'Occident continue d'occuper une partie du pays et à l'étouffer économiquement pour punir la population de n'avoir pas déféré aux injonctions de l'impérialisme...
En 2013 les idiots utiles de la campagne médiatique impérialiste étaient recrutés chez les altermondialistes et les gauchistes philo-islamistes, aujourd'hui ils le sont chez les gauchistes sociétaux ultra-féministes et pro-LGTB qui détestent la Russie de Poutine - mais pas la pornocratie fasciste ukrainienne - mais le principe est toujours le même : donner l'impression que la campagne belliciste russophobe est légitime parce que même ceux qui d'habitude vocifèrent leur opposition radicale à la société - et on voit bien là que ce n'est qu'une apparence d'opposition - y contribuent. Note de GQ 7 août 2024.
Depuis le début de la guerre contre la Syrie, les rebelles ont systématiquement mis en scène des massacres attribués aussitôt au gouvernement par les médias globaux. Les médias occidentaux sont donc une des principales armes de terreur utilisée en Syrie. Ce rôle monstrueux est tellement perturbant que la plupart de leurs lecteurs et spectateurs préfèrent fermer les yeux, préfèrent ne pas croire à ce qui est pourtant de l'ordre de l'évidence (comme l'est l'attribution aux rebelles de l'attaque au gaz du 21 août 2013 qui ne fait aucun doute pour ceux utilisent leur bon sens).
Il n'y a pas besoin de preuves formelles, d’ailleurs presque impossible à réunir en temps utile, pour arriver à une conviction certaine : les épisodes atroces dont celui du 21 août 2013 ont été médiatisés systématiquement à des moments-clefs des discussions diplomatiques, de manière à affaiblir la position du gouvernement syrien, en faisant pression sur ses alliés russes et chinois qui ne désiraient pas (en tout cas pas au début) assumer le coût d'une mise au ban internationale. L'attaque au gaz était certaine à partir du moment où les Américains avaient prévenu publiquement, et de manière répétée, qu'il s'agissait du prétexte qu'ils attendaient pour intervenir, la fameuse "ligne rouge" à (ne pas) franchir !
Mais reste à expliquer aux sceptiques, pour qui « si tout le monde le dit, ça doit être vrai », un tel alignement de médias. Car si les journalistes « mainstream » sont en général incapables de raisonner en profondeur, ils tiennent beaucoup à leur image narcissique de démocrates libéraux, et ne se voient pas en criminels cyniques. Et c’est un narcissisme du même ordre qui tient lieu de conscience pour la classe moyenne de "gauche" qui se laisse mener par le bout du nez dans toutes les campagnes soi-disant humanitaires qui ont pour finalité de désigner des adversaires de l'impérialisme à l'opinion publique en les faisant passer pour des ennemis du genre humain. Pourtant, ce qui devrait leur mettre la puce à l'oreille, c'est ce fait que Hitler, constamment choisi comme paradigme de l'atrocité des adversaires de l'Occident, n'a jamais en son temps subi ce traitement de diabolisation de la part de la presse occidentale, en tout cas pas avant 1939.
Et puisqu'on en est arrivé tout de suite au « point de Godwin », c'est à dire à l'utilisation de la comparaison des situations actuelles aux épisodes de l’histoire du fascisme, pour intimider les critiques, la comparaison de la guerre de Syrie avec la guerre d'Espagne laisse un goût amer : loin d’être une réédition de la République antifasciste, la rébellion portée à bout de bras par l'Occident et le Golfe ne cède en rien par son abjection et sa cruauté à la rébellion franquiste, tout comme elle alimentée de l'extérieur.
Le gouvernement syrien, comme Khadhafi avant lui, est très isolé dans les médias, parce qu'il y a contre lui la collusion conjoncturelle du mainstream pro-sioniste et libéral, qui représente facilement 90% de l'expression destinée au grand public en Occident, et d'une minorité des médias, propalestinienne en théorie, liées à feu l'altermondialisme qui mène une opposition petite bourgeoise de façade, également globalisée, et d'une efficacité manifestement nulle. En effet, les réseaux des islamistes soi-disant "modérés", via al Jazzera et par l'intermédiaire de leur influence sur des médias autrefois respectés comme le "Monde diplomatique", ont entravé et stérilisé l'opposition à la campagne de presse mondiale et unilatérale antisyrienne (1).
Le but de la campagne médiatique commune aux atlantistes, aux sionistes, et aux islamistes est de faire tomber le régime syrien, afin de satelliser voire de disloquer complètement ce pays. Ils disposent pour ce faire d'un pouvoir de corruption, via les pétromonarchie et d'un pouvoir d'intimidation directe, via le terrorisme, qui est considérable dans le monde musulman et au delà, et qui agit manifestement sur les autorités françaises.
Il est étonnant que les militants politiques de gauche n'aient pas dès le commencement des troubles en Syrie perçu leur caractère artificiel. Le mécontentement populaire et les revendications démocratiques authentiques n'ont pas été véritablement exprimés par la tentative de "révolution colorée" de mars 2011, encouragée de l'extérieur et gonflée et alimentée par les dépêches d'agence. Contrairement aux cas de la Tunisie ou de l'Égypte il n'y avait pas en Syrie de puissant mouvement social, avec grèves, agitation ouvrière, etc., seule l'imitation des événements extérieurs semblait les stimuler, et l'annonce de la révolution a largement anticipé sur sa réalité.
Les prophéties autoréalisatrices de nos médias suivaient manifestement l'agenda antisyrien commun des réseaux islamistes de toute nuance, dont le pouvoir syrien est un adversaire inexpiable de longue date, et des réseaux sionistes occidentaux, dont l'État syrien est la bête noire depuis plus de cinquante ans.
Lorsque, suivant le scénario rodé des "révolutions colorées" le pouvoir syrien, poussé à la faute, a commis des abus dans la répression de manifestations dont le caractère subversif et violent était dissimulé par nos médias, les rebelles ont pu lancer d'autres provocations, de plus en plus graves, systématiquement aux moments les mieux choisis pour mettre en difficulté le gouvernement. Les rebelles en Syrie, non contents de massacrer des civils, enfants compris, pour montrer les cadavres à la télévision, d'exterminer leurs adversaires politiques, à la manière de Pinochet, n'ont pas hésité à s'appuyer sur des puissances étrangères pour attaquer leur propre pays, et utiliser les pays voisins, avec l'accord de leur gouvernement, comme sanctuaire, ce qui est dans les faits une agression internationale. L'ONU, si elle faisait son travail, devrait avoir condamné et imposé des sanctions à la Turquie et à la Jordanie depuis longtemps, et mis en demeure les États-Unis, la France, le Royaume Uni, le Qatar, l'Arabie Saoudite et Israël, de cesser leur ingérence in-humanitaire en Syrie, où ils sont en définitive les donneurs d'ordre des massacres (suivant le vieux schéma de Sabra et Chatila, de sous-traiter la boucherie à des collaborateurs locaux) et les responsables de plus de 300 000 morts.
L'action concertée contre la Syrie, au demeurant, n'est pas une nouveauté de la panoplie stratégique de l'impérialisme occidental. Il s'agit d'une réédition de la guérilla terroriste des "contras" contre le Nicaragua, ou de la guérilla al-Quaida en Afghanistan, qui empêchèrent par des moyens ignobles l'enracinement du socialisme dans ces pays. Maintenant la chair à canon est largement fournie par les réseaux islamistes, qui contiennent une grande quantité de délinquants de droit commun tout fraichement extraits des prisons du Golfe, qui recherchent la rédemption par l'escalade dans le meurtre, et un pardon ou une réduction de peine en échange du sale boulot. Il est notoire que ces mercenaires sont bien mieux armés et rémunérés que les soldats de l'armée nationale syrienne. A la différence des années 1980, les réseaux communistes qui plaidaient devant l'opinion la cause des autorités des États ainsi attaqués par les États-Unis et leurs alliés patibulaires ont disparu, ou sont devenus inaudibles à force de prétention à la respectabilité.
Il n'y a plus que deux camps en Syrie: les mercenaires étrangers et les terroristes manipulés par la CIA d'un coté, et le gouvernement national légitime de l'autre, quelques soient ses défauts qui lutte contre une agression internationale néocoloniale, à laquelle participe d'enthousiasme notre gouvernement "socialiste". Ça peut ne pas plaire, mais c'est la dure réalité.
(1) C'est ainsi que "Acrimed", site internet remarquable, spécialisé dans la critique des campagnes médiatiques unilatérales au service de la classe dominante globalisée, ne se relèvera pas de son silence assourdissant sur le pire cas d'école des abus de propagande médiatique qu'il s'était donné pour vocation de démasquer. Lié par l'intermédiaire du "Diplo" et d'Alain Gresh aux réseaux des "Frères", il a préféré se taire honteusement, et il fait partie des victimes collatérales de la guerre de Syrie.
GQ, 10 septembre 2013 revu le 7 août 2024