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Réveil Communiste

La fin du traité international sur les forces conventionnelles en Europe

1 Juin 2023 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #Front historique, #L'Europe impérialiste et capitaliste, #Impérialisme, #Europe de l'Est, #Russie, #Ukraine

La fin du traité international sur les forces conventionnelles en Europe
Bulletin Comaguer 519
01 juin 2023
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FIN DU TRAITE INTERNATIONAL SUR LES FORCES CONVENTIONNELLES EN EUROPE (FCE)

 
Le traité CFE (Conventionnal forces in Europe) ou FCE (Forces conventionnelles en Europe) est le traité négocié entre Reagan et Gorbatchev à partir de 1987 pour « mettre un terme à la guerre froide ». C’est au moins la façon dont il a été présenté au grand public qui s’en est accommodé.
La signature du traité n’intervient qu’en 1991. Bush père a remplacé Reagan à la maison Blanche et a suivi attentivement l’évolution de la crise finale de l’URSS. Il en a tiré une conclusion simple : « Nous avons gagné (voir notre bulletin 511 du 22 mars 2023) » ce qui en clair veut dire : « nous n’avons plus d’adversaire, nous sommes les maitres du monde ».
Concrètement il s’agissait de réduire les importants arsenaux mis en place en Europe à l’Ouest par l’OTAN et surtout à l’Est par les pays du pacte de Varsovie y compris l’URSS avec des inspections réciproques pour vérifier la réalité du désarmement.
Quand elle signe L’URSS accepte simplement que l’OTAN englobe la RDA qui a été absorbée par la RFA ce qui ne serait d’un très faible déplacement vers l’Est du tracé du rideau de fer aboli.
Sont signataires 16 membres de l’OTAN : États-Unis Canada, Royaume Uni France, Allemagne Italie, Grèce, Pays bas, Belgique, Norvège, Espagne et Portugal et 6 pays du Pacte de Varsovie : Urss, Pologne, Bulgarie, Roumanie, Tchécoslovaquie et Hongrie
Les principales catégories d'équipements couvertes sont les chars, l'artillerie, les véhicules blindés de combat, les avions de combat et les hélicoptères d'attaque. Les limites fixées par le traité ont entraîné des réductions spectaculaires mais principalement du côté russe. Ainsi au cours des trois premières années (1992-1995) de la mise en œuvre du Traité, qui sont les véritables années de fonctionnement du traité environ 58.000 matériels d'armement et équipements conventionnels ont été éliminés, et quelque 2.500 inspections ont eu lieu.
Quelle est alors la situation politique en Russie ? Le pays traité à la hache par les fanatiques de la privatisation Tchoubaïs, Gaïdar et quelques autres s’enfonce dans une crise démographique, économique, sociale et morale profonde. Les entreprises publiques sont rachetées à vil prix par des aventuriers qui font du bizness à la Al Capone, le pistolet à la main et déménagement leurs sièges sociaux à Londres à Chypre ou à Gibraltar... non sans avoir fait rentrer dans leur Conseil d’administration quelques grosses banques occidentales. Au niveau du pouvoir politique Eltsine considère assez longtemps que les États-Unis où il est encensé sont ses amis et il ne reste que quelques rares personnages à l’exemple d’Evgueni Primakov qui sera brièvement Premier Ministre pour continuer à penser que la Russie a un avenir en tant qu’état unifié. Ce diplomate de haut niveau va finir par admettre que les États-Unis se comportent déjà comme si la Russie était moribonde et les deux mandats de Clinton viendront illustrer cette cruelle réalité déjà entrevue au moment de la guerre du Golfe, guerre qui eut été inimaginable du temps de l’URSS. Clinton organise avec la complicité allemande l’éclatement de la Yougoslavie et prépare l’extension de l’OTAN vers l’Est.
Avec succès puisque en 1999 quatre anciens pays membres du pacte de Varsovie Pologne, République Tchèque, Slovaquie et Hongrie adhèrent à l’OTAN. Tous les propos rassurants tenus au moment de la signature du CFE par James Baker, Helmut Kohl et Mitterrand ne valaient rien, la machine impérialiste gagne du terrain.
Dés 1994 Clinton vient à Varsovie la déclarer que la question n’est pas de savoir si l’OTAN s’étendra à l’Est mais quand et comment.
Effectivement les préparatifs diplomatiques à ces adhésions entamés dés 1992 se sont poursuivis activement et très officiellement pendant toute la période.
Lire le traité FCE comme instituant une sorte de zone neutre entre la frontière Est de l’Allemagne et la frontière ouest de la Fédération de Russie était une erreur de jugement dramatique des dirigeants russes de Gorbatchev à Eltsine. Pire, la zone d’application de l’accord allait explicitement jusqu’à l’Oural ce qui permettait aux inspections otaniennes de se déployer sur toute la partie occidentale de la Russie et du Kazakhstan. Les inspections russes pouvaient avoir lieu dans les anciens pays du pacte de Varsovie où une partie les anciens matériels soviétiques était maintenue en service et ne présentait pas d’intérêt.
Le traité doit donc être revu. Pour ne pas effrayer la Russie, l’OTAN, les États-Unis et les nouveaux membres vont éviter d’annoncer l’arrivée de troupes (Otano) étasuniennes permanentes sur leur sol où n’auront lieu que des manœuvres otaniennes et éviter l’achat de nouveaux armements étasuniens qui viendrait remettre en question l’équilibre des forces conventionnelles convenu au traité initial.
Mais l’important est la transformation des stratégies : désormais à Varsovie, à Bucarest, à Prague les états-majors pensent OTAN et organisent la participation de leurs troupes à des manœuvres otaniennes qui se poursuivent à un rythme soutenu et où se nouent des liens avec les armées italienne, française, néerlandaise, allemande. Le moment où il faudra remplacer les matériels soviétiques vieillissants viendra plus tard
La Russie menacée à l’intérieur par un conflit tchétchène qui était conçu comme une réitération de la défaite soviétique en Afghanistan minimise cet aspect et se satisfait de ces annonces. Le traité amendé signé par tous les signataires initiaux est renouvelé. Il précise que la limitation des armements ne se fait plus par blocs comme en 1992 (OTAN d’un côté et Pacte de Varsovie de l’autre) mais pays par pays La Russie a même fait deux concessions supplémentaires : retirer ses troupes de Moldavie et diminuer leur effectif en Géorgie.
Mais curieusement le traité modifié signé en Novembre 1999 à Istanbul ne sera ratifié que par le Belarus, le Kazakhstan et la Russie. L’Ukraine qui sous la présidence de Koutchma n’a pas encore complètement basculé dans le camp étasunien, ce qui sera acquis par la révolution orange de 2004 et confirmé par Maidan 2 en 2014, jouera un jeu trouble ratifiant mais ne déposant pas les instruments de sa ratification auprès de Pays Bas qui assurent le secrétariat du Traité ce qui équivaut à ne pas ratifier et aucun des autres signataires initiaux ne ratifie. Sur le papier le traité initial continue d’exister mais ses effets se limitent à des droits d’inspection.
Quand en 2000 Eltsine est remplacé par Poutine à la tête de la Russie la situation peut être caractérisée ainsi : La Pologne, la Hongrie, la République tchèque et la Slovaque ont rallié politiquement et militairement le camp occidental mais n’ont pas encore procédé en raison du traité CFE à une remilitarisation avec du matériel moderne importé des États-Unis Mais la machine impériale poursuit sa route et bien que jusqu’à l’automne 2021 la Russie ait maintenu une représentation diplomatique au siège de l’OTAN à Bruxelles où elle prend connaissance de tous les projets de l’alliance cela n’empêche pas qu’en 2004 adhèrent à l’OTAN les pays baltes, la Croatie la Slovaquie, la Roumanie et la Bulgarie.
Déjà alertée par la révolution orange à Kiev qui amène au pouvoir Yuschenko, un agent étasunien, la Russie voit le pourtour de la mer Noire passer majoritairement aux mains de l’OTAN (Turquie, Bulgarie et Roumanie) sans oublier la Géorgie courtisée par l’Otan et il ne lui reste qu’environ 500 km de littoral entre Sotchi et Kertch (la Crimée est ukrainienne depuis son transfert sans justification par Khrouchtchev en 1954).
Plus aucun doute n’est permis : l’encerclement se poursuit et début 2007 à la conférence de Munich Poutine demande dans un discours qui fera date que cet encerclement cesse car la Russie se sent menacée et elle en tire la conséquence : suspendre sa participation au traité CFE qui sous les apparences apaisantes d’un traité de limitation des armements qui a surtout affecté le camp soviétique a masqué un basculement complet de l’équilibre géopolitique européen en faveur des intérêts stratégiques étasuniens.
Cette mise en garde n’est pas entendue et Obama revêtu du lin blanc (sans probité candide) d’un prix Nobel de la Paix attribué sur sa bonne mine va poursuivre avec son vice président Biden la même politique d’encerclement en concentrant désormais ses efforts sur l’ultime pièce mais la plus grosse : l’Ukraine.
Quand le parlement russe a voté en Février 2023 le retrait de la Russie du traité CFE, il a tiré les leçons d’une période où les États-Unis ont méthodiquement resserré leur étreinte et ont fini par orchestrer en Ukraine même une guerre contre la Russie. « Guerre non provoquée » disent-ils sans rire.
Ce retrait vient d’être officialisé par un décret présidentiel du 29 Mai qui entérine la décision du parlement russe de se retirer d’un traité international.
Il est assez étonnant que ce traité et son évolution qui est une histoire concrète de la poursuite de la guerre froide n’ait pas suscité beaucoup de curiosité en dehors des cercles militaires et des ministères concernés. En fait il en disait trop long sur la politique impériale et tant que la Russie ne se fâchait pas vraiment l’OTAN pouvait progresser sans grand bruit vers l’Est. La suspension russe de 2007 , qui permettait la suspension des inspections occidentales en Russie, a cependant permis à Moscou d’organiser la surprise de l’été 2008 à savoir l’intervention armée victorieuse en Abkhazie et en Ossétie du Sud.
En vérité l’attention des opinions publiques européennes a été détournée des armes conventionnelles puisque « l’Europe était en paix », belle opération d’occultation de masse. Or les guerres actuelles se font avec des armes conventionnelles, Belgrade et la Serbie sont en Europe mais : voir la note du parlement européen sur le traité qui précise en 1992 :
               « En conclusion, si l'on considère que la finalité de l'accord est l'élimination des disparités dans la  dotation d'armes conventionnelles en Europe, préjudiciables à la stabilité et à la sécurité du continent, l'objectif a été, généralement, atteint. En effet aucun État n'est aujourd'hui en mesure de lancer une attaque armée par surprise. Malheureusement le Traité sur les armes conventionnelles ne s'applique pas à la (Ex)-Yougoslavie, ce pays  n'ayant participé ni à son élaboration ni à sa conclusion en tant que pays non-aligné. »
Donc le Parlement européen annonce les bombardements de la Serbie par l’OTAN en 1999.
Ce bref récit permet de remettre en mémoire la permanence de l’énorme effort otano-occidental pour affaiblir le camp soviétique et pour ensuite limiter les capacités conventionnelles restantes de l’armée russe. Mais ce récit n’a volontairement pas été fait au grand public européen.
Il est tellement plus facile de faire peur en parlant de guerre nucléaire en agitant le grand frisson de la destruction de masse instantanée et de ne pas voir que les États-Unis qui , grâce au lâche assassinat instantané de 200 000 civils japonais ont cru terroriser pour longtemps tous les autres états de la planète – mais n’y ont pas réussi complètement puisqu’ils n’ont pas terrorisé l’URSS – n’ont jamais arrêté de développer et de moderniser leurs forces conventionnelles et de les répartir de façon permanente presque partout sur la planète.
Le budget du nucléaire militaire étasunien représente moins de 10% de l’énorme budget militaire US mais il permet de terroriser de nombreux états qui craignant de disparaitre sous le feu nucléaire n’osent s’opposer au diktat du maitre et se laissent bombarder (par des bombes, des obus ou des missiles tout ce qu’il y a de conventionnel)  ou envahir.
La phase suprême du capitalisme ne peut pas être atteinte sur des territoires ravagés par des bombes H et inhabitables pour des décennies. Le capitalisme a besoin pour survivre de populations à exploiter, la plus value ne s’extrait pas sur des cadavres et un petit seigneur local bien choisi et bien choyé assure l’encadrement à moindre coût de ses serfs

 

 

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