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Réveil Communiste

L'Occident face à la Russie (avec une note de GQ, traducteur)

19 Juillet 2021 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #Impérialisme, #Front historique, #Théorie immédiate, #Russie, #États-Unis, #Ce que dit la presse, #Mille raisons de regretter l'URSS, #GQ

L'Occident face à la Russie (avec une note de GQ, traducteur)

Dimitris Konstantakopoulos

texte anglais ici

Traduction GQ pour Réveil Communiste, 23 mars 2021

La récente déclaration de Biden présentant Poutine comme “un tueur sans âme” ne nous apprend pas grand chose sur la Russie. Elle nous en dit bien davantage sur l’Amérique elle-même. A sa manière, elle confirme le déclin profond des États-Unis en particulier et du capitalisme en général, et particulièrement en ses formes extrémistes et néolibérales.

La classe politique occidentale et “l’élite” on réussi à laver le cerveau de l'opinion publique d’une manière très efficace, et même à se le laver elles-mêmes. Ils considèrent vraiment Poutine comme un criminel. Le véritable crime du président russe étant, à leurs yeux, de leur avoir volé la toute puissance mondiale qu’ils avaient obtenue par l’effondrement soviétique dans les années 1989- 1991. Elles ont toujours espéré et elles espèrent encore que le gouvernement de Poutine n’est rien d’autre qu’un “accident” incompréhensible. Avec leur manière de voir, l’histoire un jour ou l’autre, d’une manière ou d’une autre, va leur rendre ce qu’ils ont perdu, et ramener la Russie à l’état de république bananière qui était le sien sous la présidence de Eltsine - une fois débarrassé de Poutine.

Aussi longtemps que l’Occident pensera de cette manière, ses initiatives internationales seront vouées à l’échec les unes après les autres. Mais il prendra aussi le risque s'il dépasse la mesure de conduire le monde à une catastrophe planétaire. La Russie demeure, que ça plaise ou non aux Américains, une superpuissance nucléaire. Qui plus est, sa coopération et la coopération de la Chine sont absolument nécessaires pour faire face aux menaces majeures et existentielles qui résultent du développement des forces productives et des technologies depuis 1945. Ces menaces, si elles ne sont pas jugulées sont susceptibles de mettre fin à la vie sur terre dans un délai de quelques années ou de quelques décennies.

Les réformistes occidentaux désiraient la détente et la coopération avec Moscou

Ce n’est donc pas par hasard que non seulement les révolutionnaires, mais presque tous les grands réformateurs sociaux de l’Occident ont suivi une politique de détente et de coopération avec Moscou, ou au moins tenté de le faire. On peut prendre comme exemples Roosevelt, Kennedy, le parti travailliste britannique, De Gaulle, Brandt, Palme, Andreas Papandreou.

Ce sont bien sûr des choses du passé, et nous doutons que l’actuelle "élite" et classe politique occidentale et américaine en ait même conservé le souvenir. Ils ont interprété, et ils voudraient pouvoir continuer à interpréter l’effondrement soviétique comme la preuve absolue de la puissance et de la supériorité du capitalisme occidental et étasunien, et de la faillite du système soviétique. Il est sans doute exact que l’effondrement soviétique aurait été impossible si le “socialisme” soviétique n’avait pas été en crise profonde et depuis longtemps. Mais il est vrai aussi que l’effondrement ne se serait jamais produit (ou, s’il s’était produit, qu’il n’aurait pas imprimé à l’évolution de l’ancienne URSS la direction qu’elle a finalement prise) si la nomenklatura soviétique elle-même ne l’avait pas décidé, si elle ne s'était pas soudain fiée à l'Occident et ralliée au capitalisme occidental, à ses valeurs et à ses agents, tels Thatcher, Reagan, Busch père, Jeffrey Sachs, ou Lawrence Summer. Il faut se souvenir que les deux derniers de la liste ont fait leur fortune personnelle grâce à cette destruction qu’ils ont eux-même provoqué.

La preuve formelle de ce que nous avançons est fournie par le non-effondrement d’un pays socialiste minuscule face à d’énormes pressions, Cuba, et bien entendu, par l’exemple de la Chine, qui est toujours dirigée par son parti communiste.

D’où viennent Poutine, et sa politique?

La Russie était, en 1989, le pays le plus pro-occidental et le plus pro-américain du monde. Il l’était même plus que les États-Unis eux-mêmes. Le parti communiste avait inauguré “l'ère nouvelle” en bâtissant son temple, en l'espèce du plus grand restaurant Mac Donald du monde, en plein sur la place Pouchkine, qui porte le nom d'un poète qui n’est pas seulement grand pour la Russie, mais pour l'humanité entière.

Nous tendons à penser que ce Mac Donald place Pouchkine est un des meilleurs symboles possibles de notre descente collective dans le Moyen-Âge post-moderne. On pourrait en dire autant du centre commercial Sony construit par les Allemands en plein cœur de leur capitale réunifiée, Berlin.

Encore aujourd’hui, et en dépit de tout ce qui est tombé sur leur pays, les Russes et surtout les Russes de “l’élite” et de la classe moyenne restent dans une grande mesure des admirateurs de l’Amérique, au plus profond de leur âme. Une des raisons de la grande popularité de Trump parmi elles était probablement leur croyance intime d’avoir trouvé en sa personne la reconnaissance qu'ils méritent, de la part d’un président américain, pour eux et pour leur pays.

Si la Russie est devenue “anti-américaine”, et dans la mesure où elle l'est vraiment devenue, ce n’est pas par la volonté d’un Poutine considéré comme un sombre “criminel” et un conspirateur. Si elle l’est devenue et dans la mesure où elle l’est devenue, c’est parce que l’Occident ne lui a pas laissé d'autre choix. C’est l’Occident qui a façonné cette nouvelle Russie. Elle l’a fait par l’introduction de rapports de production et de distribution (la thérapie de choc) qui ont désintégré le pays et les autres pays de l’Union, en provoquant la plus grande catastrophe sociale, démographique et cultuelle de tout l’âge industriel (avec l’exception, et encore, des deux guerres mondiales). Elle l’a fait en encourageant avec enthousiasme Boris Eltsine à bombarder son parlement en octobre 1993, causant la mort d’au moins 1500 personnes. Voilà qui a pavé la route aux privatisations russes, le plus grand pillage de l’histoire. Elle l’a fait par le bombardement féroce de la Yougoslavie et par l’expansion de l’OTAN, qui avait promis de ne pas s’étendre hors de ses limites et qui s’approche maintenant des environs de Moscou. Elle l’a fait par les guerres du Moyen-Orient, par l’abolition des accords de contrôle des armes nucléaires, par le coup d’État organisé à Kiev par les services secrets US, dans le berceau symbolique et idéologique de la nation russe, et par le déchainement de la nouvelle guerre froide.

Il faudrait aux politiciens occidentaux d’aujourd’hui pour reconnaitre ces réalités bien davantage de courage qu'il n'en fallait à Roosevelt ou à Kennedy. Non seulement ils en manquent cruellement, mais ils semblent être devenus les simples employés de la superpuissance émergente, l'Empire du capitalisme financier global et de ses diverses factions, qui sait les manipuler avec habilité. Ils ne pensent pas, ils exécutent et ils sont souvent complètement ignorants des conséquences de leurs actions, et de leurs implications stratégiques à long terme.

Le déclin occidental et la gauche occidentale

C’est pour toutes ces raisons que nous disons que leur attitude envers la Russie ne prouve rien d‘autre que leur propre déclin. Prenons par exemple le journal français “le Monde”, qui fut autrefois un fleuron de la civilisation occidentale, et qui n'est plus que l’ombre de lui même. Autrefois, il publiait Soljenitsyne pour combattre le communisme; aujourd’hui, il en est réduit à publier des articles d’un oligarque comme Khodorkovsky pour contrer la Russie de Poutine. Le New York Times et le Washington Post, les deux journaux qui sauvèrent l’État américain de lui-même en publiant la vérité sur le Viet Nam sont devenus maintenant des officines expertes en propagande grossière. Des milliers d’”intellectuels” professionnels, de professeurs, de journalistes, de figures de la télévision sont payés pour ne pas penser et pour faire en sorte que les autres ne pensent pas non plus.

La gauche occidentale est de même l’ombre d’elle-même, à supposer que l’on puise encore la considérer comme une "gauche” et elle a presque complètement oublié qu’en soutenant sous divers prétextes les politiques impérialistes des gouvernements occidentaux, elle est en réalité en train de creuser sa tombe, et celle des forces sociales qu’elle prétend représenter.

En 1914, le Parti social-démocrate allemand justifia son soutien à la guerre du Kaiser, en violations des décisions de l’Internationale socialiste, en invoquant l' argument “de la barbarie russe”; leurs congénères français soutinrent la guerre sur la base de la nécessité d’affronter "la barbarie prussienne”; ces choix conduisirent vingt ans plus tard, à la montée de Hitler et à la Seconde Guerre Mondiale.

En sens inverse, la mobilisation des peuples européens pendant et après la Seconde Guerre Mondiale, l’influence de la gauche communiste dans les principaux mouvements de résistance en Europe et le rayonnement de l’URSS dû à sa victoire sur le fascisme, et aussi à la promesse qu’elle comportait d’une société plus juste, ont rendu politiquement impossibles la réalisation des plans de Dulles et de cercles de pouvoir britanniques pour renverser les alliances et pour déchaîner la Troisième Guerre Mondiale contre l’URSS.

L’histoire a montré que la seule alliance crédible qui peut barrer la route du capitalisme vers la désintégration sociale et vers la guerre consiste en la coopération et en la convergence des classes populaires de l’Occident et des victimes de l’impérialisme hors de l’Occident. Mais il ne s'agit que d’une possibilité objective. Si des sujets politiques prêts à la mettre en œuvre n’apparaissent pas au bon moment, alors la plongée dans la barbarie (ou pire encore) semble certaine.

Il est vrai que l’Occident capitaliste ne semble plus avoir les moyens aujourd’hui d’enrayer son déclin et d’exercer sa domination et son hégémonie sur toute la planète, comme il a pu le faire dans le passé. Mais il a les moyens, en tentant d’empêcher sa chute, de nous entraîner tous avec lui. Un ours blessé est un animal très dangereux. Pour faire face à ce danger, il n’est pas suffisant d’écrire de longs traités sur la décadence occidentale. On doit travailler de manière concrète pour l’émergence en temps utile d’alternatives nationales, régionales et globales à cette civilisation agonisante.

Publié sur uwidata.com

Note du traducteur :

J'adhère largement à ce texte, puisque je l'ai traduit, mais je pense que la lamentable classe politique actuelle de l'Occident nous en apprend aussi sur l'action réelle de cette classe dans le passé, quand elle était capable de construire des récits de propagande plus convaincants et mieux communiqués. Kennedy, par exemple, n'est qu'un Biden costumé en play boy, De Gaulle et le travaillisme britannique sont plus que surévalués, ainsi que les grands médias de référence de la bourgeoisie transatlantique. Sans parler de l'affabulateur fasciste Soljenitsyne.

Un exemple parmi tant d'autres de ces puissantes opérations de manipulation de l'opinion mondiale visant l'hégémonie à long terme, d'autant plus efficaces qu'elle passaient complètement inaperçues : l'édition en Occident, le succès mondial et le prix Nobel décerné à Pasternak pour le "Docteur Jivago", en 1957, à la suite d'un lobbying bien organisé par les fondations culturelles américaines et la CIA.

Les mensonges actuels peuvent servir à déchiffrer ceux de l'histoire passée. Les calomnies absurdes contre le Venezuela qui envahissent les médias globaux doivent nous donner la clef pour comprendre les fake-news que nous avaient habitués à avaller sans nous en rendre compte les agences de propagande occidentales les plus réputées, contre l'URSS et le socialisme, pendant la Guerre Froide, et qui se sont depuis déposés dans les manuels d'histoire destinés aux lycéens du monde entier. Ndgq, 26 mars 2021

 

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