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Réveil Communiste

George Orwell, surtout pas une référence. Un auteur anticommuniste et rien de plus.

16 Février 2023 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #Front historique, #Théorie immédiate, #GQ, #Qu'est-ce que la "gauche", #Royaume-Uni

Depuis que Gérard Lébovici a republié toute l'œuvre d'Orwell aux éditions Champ Libre, dans les années 1980, cet auteur passe pour une icône révolutionnaire, d'abord chez les situationnistes de Guy Debord, et ensuite parmi la foule de ceux qui ont été influencé par eux, le plus souvent sans le savoir.

Alors qu'il s'agit d'un romancier anticommuniste banal de la Guerre Froide (voir ses célèbres romans 1984 et la Ferme des Animaux, publiés en 1948) dont la promotion scolaire mondiale s'explique uniquement par son message politique sans ambiguïté. En terme de littérature d'anticipation, 1984 est un roman beaucoup plus faible pour dire l'avenir menaçant que son contemporain Meilleur des Mondes de Aldous Huxley.

Je ne trouve pas, pour ma part, qu'il s'agisse d'un grand penseur, ni d'un grand écrivain. C'est un journaliste qui écrit des livres (d'où sa popularité dans la confrérie). Il avait produit avant la guerre des reportages biographiques-politiques : Dans la Dèche à Londres et Paris, Le Quai de Wigan, Hommage à la Catalogne, Souvenirs de Birmanie, où il s'engageait physiquement pour crédibiliser un message populiste sentimental et gauchiste, anti-intellectuel, et déjà, anticommuniste.

La common decency tant vantée par Orwell et dont Jean Claude Michéa espère former la substance éthique du peuple révolutionnaire ne conduit à nulle prise de conscience. Il ne s’agit ni plus ni moins que de la morale populaire commune, qui subsiste un peu partout, et qui si elle a un fond solide de maximes simples et saines pour vivre ensemble avec ses voisins et ses cousins, est volontiers traditionaliste, sexiste, xénophobe et homophobe ; il suffit de lire Orwell lui-même pour s’en convaincre. Le prolétariat, quelques soient les préjugés qu'il véhicule, est constitué dans la lutte qui transcende ces oppositions et produira à son issue des valeurs nouvelles qui lui seront propres, qui ne relèveront ni de la tradition, ni de la consommation aliénée des marchandises modernes ou de l'individualisme de masse.

Orwell manqua singulièrement lui-même de cette décence commune, qui déteste les informateurs, le jour où il établit une liste d'intellectuels communistes pour les signaler aux services secrets britanniques, en 1949.

Orwell produit une critique émotionnelle et paradoxale des injustices qui accablent le peuple décent et qu’il supporte avec constance, pour mieux discréditer toutes les tentatives crédibles mais indécentes et outrageantes de secouer cette société injuste. En Birmanie il donne longuement la parole aux birmans pro-colonisateurs qui raillent le manque d’authenticité des nationalistes. La théorie historique d'Orwell (formulée dans 1984) est d'une faiblesse à pleurer : de tous temps il y aurait eu trois groupes sociaux : les privilégiés, les "moyens" et les pauvres. Les "moyens" qui sont jaloux des privilégiés fomentent des révolutions en trompant les pauvres avec de fausses promesses, pauvres qui se révoltent mais restent pauvres comme avant. Lorsque les "moyens" deviennent à leur tour privilégiés en renversant les précédents, une nouveau groupe de "moyens" se forme. Qui fomente des révolutions. Et ainsi de suite.

C’est bien un tory, un conservateur paternaliste anglais. La symbolique grossière de Animal Farm est là pour le dire : le fond de sa pensée, c’est que les communistes sont des porcs. Faire la révolution, c’est se donner aux porcs. Orwell est un conservateur populiste en ce que comme Dostoïevski (mais sans le génie du romancier russe) et comme les slavophiles russes du début du XIXème siècle, il dote le peuple de qualités imaginaires pour l'opposer aux avant-gardes révolutionnaires chargées de toutes les tares. Il plonge bravement dans la Guerre d'Espagne ou dans le peuple anglais des mineurs, ou des prolétaires laissés pour compte du Quai de Wigan, pour pouvoir dire "j'y étais" quand il calomnie les vrais révolutionnaires, il va explorer ces marges comme on allait dans son milieu social à l'époque chasser le tigre en Inde, ou comme un sportif de l’extrême ou un humanitaire d’aujourd’hui. Comme Kouchner au Biafra qui faisait servir la compassion aux intérêts pétroliers. Toujours la même histoire. Lorsqu'Orwell se met à vitupérer le capitalisme, c'est qu'il lui reproche en fait, en convergence avec la pensée ultra-libérale de Von Hayek, d'être plus qu'à moitié socialiste. Le Welfare State, voilà l'ennemi. Quant à l'État bourgeois et à ses gouvernements, Il s'en fait une idée complètement complotiste, comme on dit aujourd'hui.

PPS : En réaction à des réactions colériques gauchistes sur Facebook :

Orwell aurait-il été à en croire certains un critique du stalinisme, et non du communisme proprement dit? Le stalinisme est un concept développé par des auteurs hostiles au communisme, qui décrit ses aspects négatifs apparus en contexte d'agression contre-révolutionnaire, comme si ce contexte n'existait pas, et qui se fonde sur des bilans et des témoignages exagérés ou fallacieux.

Il faut partir du principe méthodologique qu'à peu près rien de ce que la bourgeoisie a diffusé sur le socialisme réel n'est fiable. Le rôle d'intellectuels de gauche comme Orwell a été crucial pour créer le consensus autour de ce qui n'était au départ qu'un mauvais discours de propagande.

On voudrait bien qu'il ait existé un communisme "gentil" qui n'aurait jamais endossé la responsabilité d'aucun abus, mais il n'a pas eu lieu. Les staliniens avec leurs défauts et leurs limites ont réellement combattu le capitalisme, et la plupart des autres qui se gargarisent de révolution n'ont rien fait du tout, à part, comme Orwell, combattre ... le stalinisme.

La critique des "staliniens" est une chose facile, il suffit de reproduire tous les clichés idéologiques scolaires et médiatiques dont on a été abreuvé depuis l'enfance. Il n'empêche que pour l'essentiel ce sont ceux que l'on qualifie ainsi aujourd'hui avec mépris qui ont réellement agis. Aujourd'hui la politique "stalinienne" des partis du Komintern n'étant plus une option politique, il faudrait se décoincer un peu et en reprendre la critique à nouveaux frais en sortant des ornières du discours bourgeois qui ne peut évidemment pas nous servir à grand chose pour préparer une nouvelle révolution prolétarienne (même et surtout le discours bourgeois d'extrême gauche). On ne va tout de même pas conserver pour l'éternité le système actuel, non?
 
GQ, décembre 2015, revu en novembre 2018

 

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J
Hallucinant ces propos staliniens contre Orwell qui nient à la fois son engagement politique et son talent d'écrivain.<br /> Orwell était contre tous les totalitarismes qu'ils soient fascistes, communistes ou capitalistes.<br /> Et effectivement il préférait le moindre mal, c'est à dire les "démocraties" occidentales où il est tout de même possible de s'exprimer relativement librement que les régimes fascistes fussent-ils rouges...
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R
Typique du maccarthysme de l'époque ce réflexe de trouver "hallucinant" qu'on ne partage pas ses idées et partis-pris !
R
La théorie du totalitarisme a été popularisée pour la propagande guerre froide après 1945 pour assimiler le communisme au nazisme (pas l'inverse). En pratique, il est contre le communisme exclusivement. Pour lui les communistes sont des porcs. C'est d'ailleurs un informateur de la chasse aux sorcières. C'est un tory déguisé en grand mère de gauche. Comme écrivain, les goût et le couleurs ça se discute, moi je le trouve mauvais. Pourtant, il y a des écrivains anticommunistes qui sont bons, Boulgakov ou Pasternak par exemple. Enfin sa dystopie célèbre est complètement à coté de la plaque.
M
Deux mots : Société Fabienne
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J
Il y a un fait saisissant, c'est la date de parution de la Ferme des Animaux : août 1945 !<br /> Autrement,dit, Orwell après des années de crimes nazis, et au moment où l'URSS est la principale force ayant permis de triompher du fascisme et le pays dont la destruction fut le principal but de guerre des Nazis, Orwell, donc, "attaque" l'URSS en rédigeant un bouquin qui ne vise qu'à dénoncer le "totalitarisme" qu'Orwell ne dénonce d'ailleurs que du côté antifasciste.<br /> C'est très troublant : Orwell a donc passé les derniers mois de la 2ème GM à vitupérer contre Staline qui incarnait alors la Victoire antifasciste...<br /> Orwell semble donc se venger de l'Histoire par son pamphlet, dont la parution a d'ailleurs été retardée en GB étant inopportune.<br /> De quel côté est donc Orwell? <br /> <br /> Quant à la Guerre d'Espagne, les Communistes n'ont jamais voulu renoncer dans le combat antifranquiste y compris après la 2de GM : qui a donc cédé à Franco ?<br /> Orwell, fait partie des "Romantiques" qui sont allés en Espagne, peu appréciés des combattants espagnols.Il aurait dû lire Stendhal ...<br /> Petite précision : la France avait l'Or de la République espagnole et ne l'a rendu que le jour où Franco prit le pouvoir ...<br /> Les manipulations, Orwell ne les a guère vues à Münich ...
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Y
Je pense que les anarchistes qui ont été poursuivis par les communistes lors de la guerre d'Espagne, considèrent les communistes comme de vulgaires fascistes réactionnaire et bourreau de la liberté. Tout est une question d'angle.
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R
une fiche du MI5 sur Orwell a été publiée en 2007, où l'on voit que les service britanniques le considéraient d'un œil bienveillant, Orwell a fourni au gouvernement une liste d'intellectuels qu'ils considérait comme staliniens, ce qu est conhérent avec l'essentiel de son action réelle, mais 'ignore s'il était effectivement un agent d'influence. Wikileaks n'existait pas encore !
D
Les choses sont bien plus compliquées historiquement parlant. D"abord, Orwelle ne s'est jamais réclamé de l'anarcho-syndicalisme ni de l'anarchisme, mais du trotskysme, c'est à dire les mencheviks, la droite du mouvement ouvrier révolutionnaire.<br /> Pour ce qui est des "anarchistes", Durruti, le leader de la CNT est mort en défendant Madrid aux côtés des Communistes.<br /> Il y a eu des affrontements entre les Communistes et la FAI, mais après la 2ème bataille de l'Ebre que les colonnes de la FAI avaient quittée et elles sont restées limitées.<br /> Reste le POUM, probablement infiltré par les franquistes et dont certains dirigeants étaient anars mais beaucoup d'autres, comme Orwell, trotskystes. Là oui, il y a eu affrontement armé important. Ca ne correspond pas tout à fait à la vision des faits erronée qui est montrée partout.<br /> Pour ce qui est d'Orwell, c'était un agent britannique ; il est évoqué par Diana Johnstone dans son livre sur la CIA et les intellectuels européens dans les années 50 et 60.
R
Cela étant dit on ne peut pas nier que la plupart étaient d'authentiques révolutionnaires. Mais ce n'était pas le cas d'Orwell, qui comme d'autres (la philosophe Simone Weil par exemple) n'y ont pas aimé la révolution dès qu'ils l'ont vue de près.
R
Les anarchistes de la guerre d'Espagne ne sont pas des petits saints, ils ont largement contribué à jeter la petite bourgeoisie dans les bras de Franco par un grand nombre d'excès inutiles, voire d'atrocités, et qui seraient stigmatisés si on n'avait pas besoin de leur mythe pour nourrir l'anticommunisme "de gauche", celui d'Orwell.
R
mais certains ont besoin de lunettes.
T
Curieux que ce réactionnaire soit allé combattre les armées de Franco, pendant la guerre civile espagnole, dans les Brigades internationales. En vous lisant, on serait persuadé qu'Orwell aurait du rejoindre les volontaires nationalistes pour combattre dans les armées du futur Caudillo.
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D
Orwell a fini comme agent du MI5 ou MI6, je les confonds toujours dans les années 50 ; lire ce qu'écrit Diana Johnstone à ce sujet.