Unhappy birthday, Miss Jeanne d’Arc ! un appel pour la défense du français contre le "globish"
Unhappy birthday, Miss Jeanne d’Arc !
Il y a 600 ans, naissait Jeanne Darc (sans particule), la jeune patriote qui symbolise universellement la fierté des peuples qui s’insurgent contre l’occupation étrangère.
Depuis que cette héroïne populaire, - livrée aux flammes anglaises à l’âge de 19 ans par l’évêque « français » Cauchon -, est devenue une figure du « roman national » français, elle a souvent été récupérée par l’extrême droite ; mais la libératrice d’Orléans n’en fut pas moins célébrée par des révolutionnaires, de Dimitrov à B. Brecht ; dans le Procès de Jeanne d’Arc écrit avec A. Seghers, Brecht pointe ainsi la signification populaire des « voix » qui ordonnaient à la cette fille de laboureur de faire sacrer un roi français pour mieux chasser l’occupant ; et la pièce se conclut par cet appel qui vaut pour tous ceux qui, aujourd’hui vivent sur un territoire occupé : « Français, libérez votre terre, vous qui la cultivez ! ».
Il n’en est que plus consternant de constater que politiquement et linguistiquement, ce n’est pas la jeune patriote martyrisée qui triomphe aujourd’hui sur notre sol, mais les héritiers de Cauchon et du cruel duc de Bedford. Car nos « élites » ne savent plus que faire pour aligner nos acquis issus du CNR sur les anti-modèles allemand ou anglo-saxon ; cauchonnant nos services publics, nos industries et notre souveraineté, elles rampent devant A. Merkel et s’acharnent sur le français auquel elles substituent le tout-anglais patronal porté par le capital euro-mondialisé. Et les « élites » de Suisse romande, de Wallonie et du Québec ont la même obsession : promouvoir en « globish » la mondialisation néo-libérale.
Et c’est le philosophe M. Serres qui observe qu’ « il y a plus de mots anglais désormais sur les murs de Paris qu’il n’y avait de mots allemands à l’époque de l’Occupation ». C’est le linguiste C. Hagège qui classe le français parmi les langues menacées. Ce pronostic n’a rien d’alarmiste. Il ne s’agit plus seulement aujourd’hui d’une industrie du spectacle qui marginalise la chanson francophone, ni même du franglais dénoncé par Etiemble ; désormais, une majorité de politiciens « branchés », de pubards sans imagination et de grands patrons substituent en masse des tournures anglaises aux mots de la langue de Molière. Ce linguicide est encouragé par l’U.E. qui, violant ses propres traités, officialise peu à peu l’anglais comme l’unique langue véhiculaire de l’Union. Cet arrachement linguistique est favorisé par certains « bons Franceuropéens » : ex-patron du MEDEF, le Baron Seillières n’a-t-il pas inauguré ses fonctions à la tête du syndicat patronal européen en déclarant: je ne vous parlerai plus qu’en anglais, la langue de l’entreprise… Sir Trichet, n’a-t-il pas pris ses fonctions à la BCE en s’exclamant : I’m not a Frenchman !… Un anti-patriotisme que Madame Parisot assume désormais au nom du MEDEF dans une récente tribune du Monde : elle y somme les Français d’abandonner leur République si ringarde au profit d’une « nouvelle patrie » : les « Etats-Unis d’Europe », nouvel El Dorado des chasseurs de profit !
Les choses en sont au point que le pouvoir actuel, si soucieux de défendre l’ « identité nationale » menacée (sic) par le terrassier sénégalais et la puéricultrice « musulmane », n’a plus ni langue ni oreilles pour faire respecter la loi française. Pendant que nos supermarchés se rebaptisent Simply Market, Carrefour City, nos services publics promeuvent leurs « produits » Speed, TGV Family, Rail Team, Flying Blue, Everywhere Ajustable, …sans que jamais les ministres de tutelle rappellent ces contrebandiers de l’Oncle Sam au respect de la loi Toubon votée en 94 par le parlement unanime ! Mais comment compter pour cela sur Lady Lagarde, qui pilotait son ministère en anglais, ou sur Chatel qui veut soumettre « step by step » les enfants de maternelle à un « bain linguistique » permanent en anglais, alors qu’à cet âge, les structures de notre langue ne sont pas acquises ? Le comble est atteint par Copé : mariant l’islamophobie et l’autophobie nationale, le patron de l’UMP exige que la télé publique projette chaque soir des films américains sous-titrés pour forcer nos compatriotes à ingurgiter l’idiome de l’American Way of Life pendant que, dans les mosquées, le français serait substitué à l’arabe liturgique ! Faut-il citer aussi V. Pécresse, dont la politique universitaire conduit à privilégier les publications dans des revues anglophones comme critère majeur de promotion des chercheurs ! Quant à M. Mitterrand, il n’a pas eu un mot pour fustiger les « Francofolies » (sic) qui ont cyniquement privilégié un programme anglophone le… 14 juillet 2011 !
Que devient l’Etat de droit quand des ministres « français » s’assoient à ce point sur la Constitution qui stipule que la langue de la République est le français ? Où est la démocratie quand cette politique d’arrachage linguistique est soustraite au débat public et quand les résistants au tout-anglais sont exclus des médias ? Et à quel rôle le PS s’abaisse-t-quand Mme Aubry remporte le Prix de la Carpette anglaise 2010 pour son effort acharné visant à substituer le bien-pensant Care anglo-saxon aux notions révolutionnaires de droits sociaux et de fraternité républicaine ?
L’arrachage en cours du français et des autres langues nationales n’a donc rien d’une « mode » anodine : il s’agit d’une guerre d’extermination culturelle portée par l’oligarchie : en France et en Europe, il s’agit d’établir le monopole du business globish. Et la fonction totalitaire de cette langue unique est de consolider la pensée, le marché, la monnaie, l’économie, la politique et la sous-culture uniques dont rêve le « monde des affaires ».
Les effets de cet arrachage linguistique sont prévisibles : effacement programmé des nations comme espaces publics d’une possible souveraineté populaire, arasement de la diversité culturelle mondiale[1], promotion d’une élite mondialisée de locuteurs mother tongue english régnant sur les milliards d’individus non anglophones ou semi-anglophones qui hanteront les bas-fonds de la planète… Que deviendront alors les ouvriers, employés, paysans, ingénieurs et enseignants de France, sinon des étrangers sur leur propre sol ? Cette discrimination linguistique frappera en priorité les immigrés issus de l’espace africain francophone (dont nos lycées n’enseignent toujours pas les langues d’origine…). Ils subiront la double peine linguistique ; eux dont le français n’était déjà pas toujours la langue maternelle, devront apprendre à reléguer au second plan la langue de Césaire s’ils veulent travailler en « France », cet étrange pays chaque jour plus semblable au fameux « couteau sans manche dont on a perdu la lame »… Bref, on ne combattra pas l’indigne « préférence nationale » du FN, en instaurant en douce une préférence nationale à l’envers au profit du « natifs » anglophones, que promeuvent nombre de firmes « françaises » : les deux indignités, - la xénophobe et l’ « autophobe » s’additionneront pour exclure les classes populaires en favorisant l’ « élite » euro- et américano-formatée…
Quant aux objections qu’on oppose d’ordinaire aux résistants au tout-anglais, elles font figure de contrefeux douteux. Que le français, l’espagnol, etc. aient longtemps été utilisés pour discriminer les peuples colonisés ou, en France même, pour marginaliser les « patois » (sic), nul n’en disconvient. Mais pas plus qu’il n’était décent en 40 d’alléguer les massacres de la Grande Guerre pour accueillir Hitler, il ne serait aujourd’hui loyal d’invoquer l’oppression francophone d’hier pour collaborer au néocolonialisme anti-francophone d’aujourd’hui. Refusons que le français, ce premier service public de France grâce auquel l’Occitan, la Bretonne et le fils d’immigré peuvent faire république, soit pris en tenailles entre le business Globish et ceux qui s’arment de prétextes linguistiques pour brancher nos « territoires » sur Bruxelles et Francfort. Ne laissons pas instrumenter les langues régionales, patrimoine de la nation, pour casser la république indivisible, ethniciser le monde du travail et re-féodaliser le territoire national. Du reste, si la langue de la francophonie était finalement marginalisée sur son sol natif, quelle autre langue de France ou du monde n’y « passerait »-elle pas encore plus vite ? Face au Ramina-Globish exterminateur, la « belette » francophone et les « petits lapins » basque, corse, etc. doivent résister de concert ; car il en va des langues comme des luttes sociales : soit elles résistent ensemble soit elles sont écrasées séparément.
C’est pourquoi, que l’on se reconnaisse ou pas dans une fille de 19 ans morte pour ses idées, les résistants à l’ogre néolibéral doivent s’emparer de la résistance linguistique. Désobéisseurs et indignés, crions dans le français frondeur de Tunis et du Caire : dégagez ! à tous les destructeurs de peuples. Car si demain nos revendications devaient s’ânonner dans la non-langue mondiale des maîtres, ceux-ci auraient atteint leur but final : forcer les peuples à clamer leur résistance dans la novlangue humiliée et soumise de la new collaboration !
SIGNATAIRES :
Georges Hage, député honoraire du nord, co-président d’honneur du COURRIEL ; Léon Landini, a. officier des Francs-Tireurs et Partisans de la Main-d’œuvre Immigrée, Médaille de la Résistance , co-président d’honneur du COURRIEL; Georges Gastaud, président du COURRIEL, philosophe ; Matthieu Varnier, chercheur en robotique, secrétaire général du COURRIEL ;
Gilles Bachelier, animateur du Comité Républicain des Gaullistes de Gauche ;
Claude Beaulieu, animateur du Comité Valmy ;
Danielle Bleitrach, sociologue, militante communiste ;
Michèle Chopard, artiste en photomontage, Belgique ;
Aurélien Djament, chercheur en mathématiques ; Olivier Denhez, agrégé d’histoire ;
François Eychart, rédacteur en chef de « Faites entrer l’infini » ;
Barbara Y. Flamand, écrivain, Belgique ;
Vincent Flament, professeur de français ;
Cyrille Ferro-Steyaert, fonctionnaire ;
Sylvie Guduk, institutrice, militante du PRCF-Nord ;
Jean-Pierre Hemmen, fils de Fusillé de la Résistance, vice-président du Pôle de Renaissance Communiste en France ;
Patrick Kaplanian, ethnologue ;
Annie Lacroix-Riz, professeur émérite d’histoire contemporaine ;
Maurice Le Lous, vice-président du Cercle Littéraire des Ecrivains Cheminots ;
Pierre Lévy, journaliste, directeur de Bastille-République-Nations ;
Elisabeth Loubet-Gauthier, professeur de philosophie retraitée ;
Laurent Nardi, professeur de lettres (74) ;
Jacques Nikonoff, universitaire, président du M’PEP ;
Pierre Pranchère, a. maquisard FTPF, a. député de Corrèze ;
Lakis Proguidis, écrivain ; Jean-Luc Pujo, président des Clubs Penser la France ;
Pierre Roche, historien (Paris) ; Pascale Tillier, syndicaliste et militante (62),
Michel Tortey, secrétaire de la section « Gard Rhodanien » du PCF;
Yves Vargas, philosophe ;