Poutine a-t-il trahi les insurgés du Donbass? par Danielle Bleitrach
26 Juin 2014 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #Ukraine
Sur son blog :
Ici et là, on entend des critiques sur le fait que Poutine auraît "lâché" les insurgés du Donbass en demandant à la Douma de remettre en cause l’autorisation d’intervention en Ukraine des troupes russes.
Ce geste de Poutine de retrait est, me semble-t-il, une "bonne manière" essentiellement destinée aux Européens chez qui il était en visite, en particulier en Autriche. Le fait est que Poutine l’a dit depuis le début, il ne souhaitait pas intervenir dans le territoire ukrainien, considérant que dans ce cas là il aurait contre lui tous les Ukrainiens.
La question de la Crimée est totalement différente, non seulement elle est russe avec une population qui majoritairement se définit comme telle, mais il s’agissait d’une République autonome dont le statut d’autonomie avait justement été remis en cause par un pouvoir putschiste. Et dont les autorités ont donc estimé que leur statut devait être soumis à référendum, ce qui fut fait. Le Donbass présentait un problème différent, les habitants souhaitaient un statut fédéral avec des régions présentant un degré d’autonomie en matière économique et culturel, statut assez comparable à celui actuel de l’Allemagne. Le référendum portait là-dessus. Mais les Etats-Unis ont imposé une intervention armée contre ces gens, la venue de Joe Biden, du plus haut dirigeant de la CIA également a chaque fois coïncidé avec des interventions meurtrières appuyées par les troupes mercenaires de oligarques. Le caractère d’aide à la répression, à la formation de forces armées et policières qu’il s’agisse des Etats-Unis ou de l’Europe en leur nom témoigne d’un choix.
La situation s’est envenimée avec cette réponse et ce qui a alors été au centre des revendications des Républiques autonomes autoproclamées a été le changement de système, la fin des oligarques pilleurs.
La Russie pouvait fournir une aide qu’elle n’a pas manqué d’apporter en matière d’accueil aux populations civiles, convois humanitaires… L’afflux de combattants relève beaucoup plus d’un effet proche des brigades internationales que d’une intervention quelconque du gouvernement russe. Et le gouvernement russe a tenu bon sur une ligne qui est encore la sienne: nous ne laisserons pas massacrer les populations russes et nous réclamons un retour aux négociations, la fin de l’intervention militaire.
La stratégie de Poutine partait d’une analyse: les Américains tiraient les ficelles, après la manière dont les Russes avaient bloqué leur intervention en Syrie et en général vers l’Iran, les Etats-Unis avec les conseillers néo-conservateurs qui entourent Obama ont poursuivi deux stratégies: la première était de priver Poutine d’un accès à la Méditerranée en créant la crise en Crimée ce qui aurait permis au pouvoir putschiste de prétendre les chasser de leur base. La seconde était de ne pas laisser l’Europe participer à un espace eurasiatique et donc d’isoler l’Europe de la Russie et de sa dépendance énergétique.
Donc Poutine a bien pris garde d’adopter une stratégie de partenariat à l’égard de l’Europe, en développant le dialogue. Il était de bonne guerre de sa part de profiter du contexte, les Etats-Unis empêtrés en Irak et la proposition de Porochenko de cessez le feu, même si celui-ci ne comptait pas ou n’était pas en état de le faire respecter, d’un voyage en Europe pour marquer la différence d’intérêts entre les Américains et les différents pays européens. Donc il lui importe de les détacher des Etats-Unis, l’UE a refusé de voter de nouvelles sanctions, sanctions qui ne gênent pas réellement les Russes alors même qu’Obama menace… Poutine joue sur cette contradiction en donnant des gages de bonne foi, qui sur le fond ne changent pas grand chose, vu qu’il y a eu viol des frontières russes et que Poutine dans ce cas est habilité à intervenir sans vote de la Douma.
Le cessez le feu est plus que fragile et les incidents se multiplient… Tiendra-t-il, ne tiendra pas, tout dépend de ce qu’auront décidé les Américains, est-ce qu’il peuvent maitriser tous les feux qu’ils ont allumés ? Est-ce que l’Europe continuera à les soutenir, l’Allemagne et d’autres en ont assez de pratiquer une politique gouvernée par les seuls intérêts de Etats-Unis.
C’est une partie d’échecs où il s’agit de ne pas faire ce que veut l’adversaire… De nombreux points ont été marqués, mais les problèmes sont bien réels. Il y a la situation de l’Ukraine qui se dégrade de jour en jour… Une course du pouvoir de Kiev contre la montre parce que la colère gronde dans toute l’Ukraine… A la limite, tout pouvoir en place dans le contexte actuel est menacé d’un nouveau maïdan et qu’il agisse ou n’agisse pas en menant l’assaut contre sa propre population il ne tient que par la seule volonté des Etats-Unis, avec un enthousiasme de moins en moins évident des pays européens. Personne n’a la clé d’une action idéale dans une situation qui est un vrai bourbier, mais pour le moment Poutine est le moins mal placé.
J’ajouterai qu’il a été obtenu de fait une négociation avec les insurgés que ne voulaient ni Kiev, ni les Américains (on ne négocie pas avec les terroristes est le mythe américain, quand on pense que les Etats-Unis les sponsorise), Au départ, dans le plan de Porochenko, il était question des "mercenaires russes" à qui on laissait le temps de partir, avec un refus total d’entamer la négociation avec les autorités des Républiques autoproclamées, très rapidement de fait il y a eu négociation avec eux. On peut déduire de cela que la position du gouvernement de Kiev et de leurs maîtres américains n’est pas favorable, elle sera pire encore à l’automne. Quand le gaz sera épuisé, que les mesures d’austérité pèseront encore plus lourd et qu’ira se développant un mouvement antiguerre qui prend de l’essor, avec en particulier les mères qui réclament le retour de leurs enfants. De surcroit tout le monde a noté la décomposition de l’armée ukrainienne qui bénéficie seulement d’une logistique aérienne avec des bombardements massifs touchant en priorité la population civile. Et sur ce plan l’aide des Russes reste forte et marque leur rôle humanitaire…
Il faut suivre tout cela d’une manière très fine parce que la situation de l’Ukraine est catastrophique, les gens s’aperçoivent qu’on les a dupés avec l’idée de l’Europe, ils ne voient plus d’issue, la guerre civile est totalement impopulaire, d’où le recours aux bandes fascistes et à la répression dans le Donbass comme à l’interdiction du parti communiste….
C’est pour cela que désormais, l’aspect le plus vital pour le peuple ukrainien comme pour le peuple français est la lutte pour la paix, d’abord pour sauver les enfants du Donbass, ensuite contre l’aventurisme géostratégique qui ne sert que les intérêts capitalistes. Nous n’avons pas à juger des choix politiques des peuples mais nous avons à leur manifester notre solidarité… Je ne sais pas si le Donbass a ou non besoin de l’intervention de Poutine, mais il a un besoin urgent de notre intervention à nous Français comme à tous les peuples d’Europe. Ne serait-ce que parce que ceux qui provoquent partout ce chaos sont d’abord nos propres gouvernants.
Danielle Bleitrach
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Réveil Communiste est animé depuis 2010 par Gilles Questiaux (GQ), né en 1958 à Neuilly sur Seine, professeur d'histoire de l'enseignement secondaire en Seine Saint-Denis de 1990 à 2020, membre du PCF et du SNES. Les opinions exprimées dans le blog n'engagent pas ces deux organisations.
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Le blog est communiste, non-repenti, et orthodoxe (comme ils disent). Il défend l'honneur du mouvement ouvrier et communiste issu de la Révolution d'Octobre, historiquement lié à l'URSS quand elle était gouvernée par Lénine et par Staline, mais sans fétichisme ni sectarisme. Sa ligne politique est de travailler à la création et à l'unité du parti du prolétariat moderne, et de lutter contre l'impérialisme (contre le seul qui importe, l'impérialisme occidental, dirigé par les États-Unis).
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