Médiator : le loup Servier. DÉCLARATION DE PRESSE d'André Gerin
4 Février 2011 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #Economie
L’affaire du Mediator constitue une nouvelle démonstration –et à quel prix ! entre 500 et 2000 morts- des méfaits d’une logique capitaliste qui tend à envahir tous les rouages de la société. En l’espèce, la marchandisation et sa finalité, le profit, ont pris le pas sur la priorité sanitaire et thérapeutique.
Au terme du code de la santé publique, l’autorisation de mise sur le marché (AMM) d’un médicament est prise par le directeur général de l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) sur proposition de la commission d’AMM de l’agence. Pour tout nouveau médicament, le laboratoire producteur dépose à l’agence un dossier sur les caractéristiques du produit, les posologies recommandées et les résultats des essais chimiques menés. Le dossier est ensuite évalué par les experts internes de l’agence, qui ont souvent recours à des spécialistes externes, puis soumis à la commission d’AMM. Pour qu’ensuite le médicament autorisé soit pris en charge par la sécurité sociale, il doit être inscrit sur une liste fixée par un arrêté du ministre chargé de la santé. Auparavant diverses instances interviennent : la Haute autorité de santé (HAS), le comité économique des produits de santé (CEPS) et l’union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM).
Dans un rapport de la commission des affaires sociales du Sénat (n°382 – médicaments : restaurer la confiance), en 2006, il était noté que l’autorisation de mise sur le marché était fondée sur l’évaluation du rapport bénéfice / risque, c’est-à-dire efficacité, innocuité et qualité. Il ne s’agit donc pas d’une évaluation comparative des médicaments d’une même classe thérapeutique (qu’apporte le nouveau produit au regard de ceux qui existent déjà ?) mais d’une absence d’interdiction de commercialisation.
Le rapport de l’IGAS sur le Mediator est plus clair encore : « la chaine du médicament fonctionne aujourd’hui de manière à ce que le doute bénéficie non aux patients et à la santé publique mais aux firmes. Il en va ainsi de l’autorisation de mise sur le marché qui est conçue comme une sorte de droit qu’aurait l’industrie pharmaceutique à commercialiser des produits, quel que soit l’état du marché et quel que soit l’intérêt de santé publique des produits en question ». A de nombreuses reprises, le principe de précaution a été invoqué. Comment pourrait-il l’être, comme c’est le cas en l’occurrence, quand il s’agit de santé publique ? Et d’autant plus que le Mediator n’est pas un cas isolé. Le ministère de la santé vient de rendre publique une lettre de 77 médicaments placés sous surveillance.
Ce même rapport de l’IGAS détaille le déroulement des évènements montrant l’intervention, pendant 35 ans, sans relâche, des laboratoires Servier auprès des acteurs de la chaine du médicament afin que soit poursuivie la commercialisation du Mediator en qualité de médicament anti-diabétique.
Plusieurs témoignages recueillis par la mission établissent que les laboratoires Servier ont «anesthésiés » les acteurs de la chaine du médicament et même, selon deux anciens présidents de la commission de l’AMM, ils les ont « roulés dans la farine ».
Ainsi, nous découvrons que l’autorisation de mise sur le marché en 1974 n’aurait jamais dû être délivrée et qu’à quatre reprises, le Mediator, aurait dû être retiré (1995, 1999, 2003 et 2007). En 1999, alors que tous les anorexigènes (coupe faim) sont interdits, le Mediator passe entre les mailles du filet.
En réalité, à tous les niveaux de décision, les représentants des firmes, ceux qui leur sont liés ou l’ont été sont présents, jusqu’au ministre en charge de la santé et au sein même du cabinet du ministre. Nora Berra est, elle-même, issue de l’industrie pharmaceutique. Nicolas Sarkozy est l’ancien avocat du groupe Servier dont il a décoré le PDG de la légion d’honneur.
Ils sont y compris présents au cœur de l’organisation mondiale de la santé (OMS), comme nous l’avons vu lors de l’affaire des vaccins contre le virus H1N1. Le poids des liens d’intérêts des experts est patent. A cette omniprésence en amont et dans les décisions mêmes s’ajoute l’aval, c'est-à-dire le démarchage par les firmes des médecins. La visite médicale constitue le premier moyen de promotion des médicaments pour l’industrie pharmaceutique. Elle y consacre en moyenne 80% de ses dépenses de marketing, soit l’équivalent de 8500 € par médecin.
La France compte 24000 VRP pharmaceutiques soit une densité d’un visiteur pour 8 médecins. Les laboratoires rémunèrent leurs visiteurs principalement au pourcentage du chiffre d’affaires produits par les médecins dont ils ont la charge.
Nous sommes donc dans une logique purement commerciale. Nous comprenons bien que, dans ce cadre, les visiteurs médicaux, rémunérés au volume, vantent les avantages des médicaments sans insister sur les effets secondaires ou les précautions indispensables d’emploi. Précédemment, le ministre de la santé évoquait une liste de 59 médicaments contenant des molécules aux effets potentiellement dangereux.
Si nous voulons assainir une telle situation, il est clair qu’il faut en changer les règles de fonctionnement.
La priorité sanitaire et thérapeutique doit primer sur l’exigence et la rapacité commerciales.
La question d’une industrie nationale du médicament est immanquablement posée.
A tout le moins, il s’agit de se fixer deux objectifs :
- Une clarification et une simplification des instances décisionnelles (AMM, AFSSAPS), la garantie de leur indépendance à l’égard des firmes, le recours à des experts internes à l’agence et non liés à l’industrie pharmaceutique.
- Une modification des critères d’autorisation de mise sur le marché. Il s’agit de déterminer l’apport thérapeutique du nouveau produit au regard de ceux existant dans la même classe. Si le moindre facteur risque existe, il doit protéger le patient et non bénéficier aux firmes, selon l’application du principe de précaution.
A cela, il convient d’ajouter
- La mise en place d’une taxation des profits de l’industrie pharmaceutique destinée à financer une information indépendante des médecins, leur formation continue et l’agence de contrôle des produits de santé.
- La systématisation des délégués de l’assurance maladie ou des délégués d’agences médicales, qui démarchent les médecins avec une information sur les médicaments dans l’intérêt des patients et non des firmes.
André GERIN
Réveil Communiste :
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