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Réveil Communiste

Le point sur les négociations FARC-gouvernement en Colombie

24 Septembre 2012 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #L'Internationale, #Colombie

sur LGS

 

De nouvelles négociations, sous tension, sont annoncées entre Bogota et la guérilla afin de mettre un terme au conflit
Les FARC le fusil à l’épaule
Loic RAMIREZ

« Le conflit repose toujours sur le même problème : la répartition des terres. Lorsque le gouvernement fera une réforme agraire alors celui-ci terminera » m’explique Rocío Peña, enseignante en droit à l’Université del Rosario, dans un restaurant de Bogota. Tout en finissant la salade qu’elle a commandée elle ajoute, réaliste : « mais les grands propriétaires terriens ne l’accepteront pas » (1).

Plus d’un an après cette rencontre s’ouvre une perspective de pourparlers entre les Farc et le gouvernement de Juan Manuel Santos. Révélées par l’hystérique Alvaro Uribe quelques semaines auparavant (2), des rencontres entre les représentants de l’état colombien et ceux de la guérilla se sont réalisées à la Havane. Rendu publique par les deux parties le 4 septembre 2012, un accord a été conclu et débouchera sur des négociations à partir du 8 octobre en Norvège et à Cuba. Comme le veut la situation, c’est à celui qui se présentera comme ayant l’avantage dans le conflit qui pourra peser le plus autour de la table des négociations. Dès lors a débuté une guerre de communication dans laquelle chaque camp tente de qualifier ce processus de paix comme une preuve de faiblesse pour l’un ou au contraire un signe de force pour l’autre. « Ceux qui pensent que la négociation est une marque de faiblesse se trompent (...) Si l’on peut parler de paix aujourd’hui en Colombie c’est parce que les Forces Militaires ont affaiblit les structures des Farc » tient à souligner le ministre de la Défense, Juan Carlos Pinzon (3). Tout en affirmant que les opérations militaires se poursuivront, le ministre a ajouté que les Forces Armées « garantiront aux colombiens que ce groupe terroriste n’utilisera pas ce processus comme un temps mort pour se réarmer » (4). Figure historique de l’armée colombienne (ayant participé à la guerre de Corée en 1950) le général Alvaro Valencia Tovar présente son analyse sur le site internet du quotidien El Tiempo : « Nous pouvons dégager deux hypothèses. La première : c’est un nouveau piège des Farc pour reprendre leur souffle et relancer la lutte armée après une trêve salvatrice. La seconde : les coups dévastateurs des Forces Armées et l’affaiblissement en parallèle avec l’accroissement du pouvoir de l’état a amené les dirigeants des Farc à négocier maintenant qu’ils conservent encore suffisamment de capacités pour commettre des actes de terrorisme sélectifs contre des cibles sensibles de l’état » (5).

En réponse, le commandant en chef de la guérilla, Timoleon Jimenez dit “Timochenko”, explique dans un entretien réalisé par le journaliste Carlos Lozano que « ceux qui affirment que la pression militaire a été primordiale pour nous amener à une négociation politique oublient que cette décennie de guerre s’est déclenchée lorsque Pastrana a mis fin de façon unilatérale au processus de paix qui se déroulait dans le Caguan. C’est l’état qui revient à la table des négociations avec les Farc, sans doute après avoir fait ses propres analyses. L’une d’entre elle, bien qu’elle ne soit pas dite publiquement, doit être le constat que l’énorme effort déployé pour nous anéantir a été inutile. Les Farc sommes encore là, nous combattons, nous résistons, nous avançons. » (6)

Avant même que ne débute les discussions les relations se sont tendues. Le président Juan Manuel Santos à d’ores et déjà annoncé un ultimatum pour convenir d’une paix. Selon le premier mandataire du pays si aucune avancée n’est réalisée avant les mois d’avril ou juin de l’année 2013, les conversations avec la guérilla seraient suspendues (7). De son côté la guérilla a présenté la liste des 5 membres qu’elles souhaitent déléguer pour mener les négociations, parmi eux le médiatique Ivan Marquez. Les médias n’ont pas tardé à rappeler que ce dernier avait à son encontre 132 ordres de capture qui venaient s’ajouter à celles des autres représentants (8). Dans les 5 noms rendus publics par les Farc ont retrouve également celui de Simon Trinidad (Ricardo Palmera de son vrai nom) emprisonné aux Etats Unis depuis 2004 (9). La guérilla a d’ailleurs fait savoir qu’il serait bénéfique que Washington puisse permettre à ce dernier de se rendre aux négociations, un « geste, après tout le mal que le gouvernement des Etats Unis a causé au peuple colombien » (10). Une demande qui n’est pas une condition pour la tenu des discussions a précisé le groupe armé, tout en se déclarant prêt à mener « la bataille » pour amener Simon Trinidad autour de la table (11). Autre sujet de discorde le refus de la part du gouvernement d’un cessez-le-feu bilatérale demandé par les insurgés.

Six point ont été annoncés comme socle sur lequel a reposé l’accord :

- La politique de développement agraire intégral
- La participation politique
- Fin du conflit
- Solution au conflit des drogues illicites
- Victimes et réparation
- Vérification et validation

« Sur le sujet des terres, le gouvernement apporte une série de petites réformes sur le développement agraire, mais nous, nous pensons que ce n’est pas si simple (...) il faut le voir du point de vue de toutes les régions, et donc il faudra mettre en place cinq réformes agraires différentes » a affirmé Mauricio Jaramillo, commandant des Farc, au micro de RNV (la Radio national vénézuélienne) (12).

L’autre perspective, non moins importante, est la participation politique de la guérilla. La dernière tentative sérieuse de reconversion en mouvement politique légal a laissé au groupe armé (et la gauche colombienne dans son ensemble) un bien sombre souvenir. Victime d’un génocide politique à son égard, l’Union Patriotique (création politique des Farc née en 1985) a souffert de l’élimination physique de milliers de ses militants et dirigeants. Aujourd’hui les débats se centreront sur l’exigence de dissoudre les structures armées avant toute participation démocratique, ce qui n’avait pas été le cas lors du cessez-le-feu de 1984. De son côté l’état devra assurer des garanties aux insurgés pour que ceux-ci déposent les armes (13).

Nombreux sont les obstacles qui attendent la guérilla durant les négociations. Outre un gouvernement qui défendra bec et ongles les intérêts de l’oligarchie malgré le constat d’une impasse au niveau militaire, l’extrême droite colombienne ne se montrera pas timide à l’heure d’attiser les tensions en vue de saboter toute possibilité de paix. A noter dans ce sens les agitations de l’ancien président Alvaro Uribe qui a averti du « danger de signer un accord, avec les terroristes des Farc, qui ouvrira la voie en Colombie au castro-chavisme » (14).

Loïc Ramirez

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