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Réveil Communiste

Journalistes scientifiques ou marchands de rêves ? ou le mépris des médias pour la science

24 Décembre 2013 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #Ce que dit la presse

Sur le blog de Jo :

 

 

Ou : pourquoi les journalistes scientifiques n'ont-ils aucune formation scientifique ?

 

Ingénieur et diplômé d'un DEA de Dynamique des Systèmes Gravitationnels, travaillant dans le domaine du spatial, j'ose croire avoir quelque compétences dans mon domaine et connaître la méthode scientifique. Me viendrait-il à l'idée de m'orienter professionnellement vers, je ne sais pas, la critique littéraire, les éxpositions d'art, ou mieux, le journalisme touchant à ces domaines ? Bien sûr que non, et l'idée en paraîtrait ridicule, nous sommes d'accord.

 

Pourtant, il est un domaine qui voit ses journalistes issus de tous autres domaines, et c'est la science. Ceci dénote le mépris de la société pour celle-ci. Alors qu'aucun domaine n'a avancé dans l'histoire comme la science, c'est pourtant celle-ci qui se trouve maltraitée dans les médias, avec une place négligeable, et quand elle est présente, traitée par des journalistes qui, même avec de l'expérience, ne l'ont jamais étudiée. Quant aux lieux de pouvoir, ils sont trop cyniques pour être occupés par des gens de sciences, à quelques exceptions près. Mais revenons aux journalistes dits scientifiques. Cela fait plusieurs fois que, écoutant telle émission scientifique à la radio, lisant tel article sur le net, ou regardant à la télé telle émission, je vois avec pitié des journalistes, dits scientifiques, essayer de se substituer aux scientifiques eux-mêmes pour expliquer telle découverte, tel concept, tel projet, en dire n'importe quoi, et ne trouver personne pour les contredire. Ceci trouve son origine dans la formation, très souvent littéraire, des journalistes scientifiques. Autrement dit, quand moi, en classes préparatoires, mes professeurs me demandaient de résoudre des équations différentielles du deuxième ordre avec second membre, nos braves journalistes dits scientifiques étudiaient Erasme, Malraux et tout un tas d'autres choses, certes passionnantes, mais sur lesquelles moi je n'oserais pas m'aventurer.

 

Quelques exemples :

Sylvestre Huet, qui est loin d'être le plus mauvais des journalistes dits scientifiques, et qui travaille à Libération, écrit sur son site internet qu'il a étudié "l'histoire à Paris-1". Fort bien.

Pierre Barthélémy, qui tient un blog lié au Monde, explique : "J'ai fait des études de journalisme et pas de science mais j'ai toujours été passionné par ce domaine. D'abord parce qu'il me permettait de voir des mondes invisibles : je suis devenu propriétaire d'un microscope à l'âge de onze ans et quelques années plus tard d'une petite lunette astronomique. Ensuite parce que les histoires de science sont magnifiques à raconter." Autrement dit : c'est un folklore amusant que la science.

Mathieu Vidard, qui anime "La tête au carré" chaque jour sur France Inter a fait, selon Wikipédia "des études littéraires". Florence Porcel, une de ses chroniqueuses, au milieu du galimatia égocentrique de son blog, écrit : "J’ai eu mon bac L en 2002 et j’ai pleuré pendant trois jours parce qu’un putain de 6 en philo (coeff 7) m’a fait louper la mention Bien de quelques points seulement. Je voulais très fort être comédienne parce que je rêvais de cinéma, alors je suis partie m’installer à Paris. Malheureusement, le cours que je devais intégrer n’a pas eu lieu. Je me suis donc inscrite en première année de DEUG LLCE Anglais à la Sorbonne (Paris-IV) que j’ai validée haut la main en n’en foutant pas lourd (mais j’en ai noircies, des pages centrales de cahiers, pfiou !…)

Et à la rentrée suivante, j’ai intégré l’Ecole de Comédie Musicale des 3 Arts."

Philippe Henarejos, rédacteur en chef de "Ciel et espace", enseigne à l'unité de formation "Cinéma, communication, information" à Paris 7 ; à ce titre, son parcours est décrit comme suit : "Après un bac littéraire qui lui procure une bonne culture générale, il entre à Sciences Po Toulouse puis obtient une licence d’administration publique, juste par précaution. Arrivé à Paris il y a onze ans, il échoue aux écrits de deux écoles de journalisme, mais décroche finalement le diplôme de l’Institut Français de Presse puis le DESS Techniques de l’Information et de la Communication." Et, entre parenthèses, le bac littéraire est le moins général de tous les bacs ; on ne voit pas comment il pourrait donner à son titulaire une "bonne culture générale".

 

Je pourrais multiplier les exemples. Il ne s'agit pas d'incriminer les personnes en question, mais de comprendre ce fait que, pour ce qui est de la science, le tout-venant journalistique est toléré alors que, dans d'autres domaines, ça n'est certainement pas le cas. Cette "anti-sélection" tient à mon avis à plusieurs facteurs.

 

D'abord, et c'est quelque chose que l'on retrouve chez nombre des journalistes blogueurs : journalistes scientifique, ça ouvre des portes particulièrement intéressantes : stations scientifiques polaires, vols paraboliques en impesanteur, stations de contrôle des sondes de la NASA, etc. En clair : c'est une niche très profitable qui permet de vivre bien des expériences qu'un "vrai" parcours scientifique rend très difficiles d'accès.

 

Ensuite, les chefs de médias ont bien conscience que la science est aujourd'hui incontournable, et qu'en plus elle intéresse le grand public. Le problème, c'est qu'ils n'y connaissent rien, et qu'en plus ça ne les intéresse pas. Ils ne seront donc pas aussi exigeants sur le choix de leurs collaborateurs dans ces rubriques que dans d'autres. On attendra, à mon avis, très longtemps, avant de trouver l'équivalent scientifique de ce qu'est Frédéric Lodéon pour la musique...

 

Enfin, et plus grave, cela traduit l'image qu'a la science auprès du grand public, un peu contradictoire : de l'intérêt, de la passion (et nos journalistes n'en manquent pas), mais sans en connaître la réalité, et notamment l'exigence de rigueur et de rationalité. En regardant les unes de magazines scientifiques, on a de plus en plus l'impression que ce sont des "Voici" de la science : il ne se passe pas un mois sans qu'on annonce une expérience qui infirmerait Einstein... Autant la vérification des sources est le b.a.ba des journalistes politiques, des reporters de terrain, autant les journalistes scientifiques, incapables de lire une équation, comme la plupart des quidams, sont obligés de s'en remettre aux scientifiques eux-mêmes, remisant au placard l'esprit critique que la science doit porter par essence. Si bien que leur métier consiste à vendre du rêve, à ne s'intéresser qu'à ce qu'il y a de plus spéculatif, sans intérêt pour la vraie science, qui est souvent bien loin des unes et titres tapageurs que les journalistes dits scientifiques essaient de vendre.

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G
<br /> Jo est trop modeste, en fait tout le monde peut se révéler spécialiste en matière de liittérature ou d'art, à condition de se passionner pour son sujet, et même les contributions farfelues ne<br /> manquent pas d'intérêt à cette condition. Par contre, pour disposer d'une vraie culture scientifique, c'est une autre paire de manches, et il faut en avoir acquis les éléments dès l'adolescence.<br /> A ce titre l'échec de l'éducation scolaire est patent. Où est donc passée l'éducation polytechnique dont Marx rêvait pour tous?<br /> <br /> <br /> Ce qui caractérise ces journalistes scientifique, c'est qu'ils sont à l'origine des étudiants moyens issus de la bourgeoisie.<br /> <br /> <br /> Peut être la faute en est à l'utilisation des mathématiques de manière dogmatique, comme pur critère d'évaluation pour la sélection des cadres ... mais c'est aussi dû au fait qu'il faut bien<br /> vérifier les compétences acquises par les élèves, dans le climat général de démission démagogique.<br /> <br /> <br /> Je suis favorable à une première éducation comportant une part importante d'acrivité artistique et pratique, mais évaluée réellement, et une sélection démocratique, liée à la possibilité de<br /> reprendre ses études au cours de la vie active. Et pour un retour massif de l'enseignement de la grammaire et de la logique. Le vernis culturel du secondaire n'a réussi qu'à dégoûter les jeunes<br /> de la lecture.<br />
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