Internationalisme et politique nationale, quand Antonio Gramsci choisit Staline contre Trotsky
3 Avril 2022 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #Antonio Gramsci, #Front historique, #Communistes en Italie, #Russie, #Qu'est-ce que la "gauche", #Mille raisons de regretter l'URSS
Prison de Turi (Pouilles) où Gramsci a écrit une bonne part des Cahiers
Les trotskystes ont toujours fait grand cas du prétendu "nationalisme" des communistes de la IIIème Internationale, et l'actuel NPA continue la tradition. Voilà ce qu'en pensait Gramsci (ndgq).
Extrait du Cahier de Prison 14, § 48 [entre crochet, ndrc]
Ce qu'a écrit Giuseppe Bessarione [Staline] [1] (sous forme de questions et réponses) en septembre 1927 sur quelques points essentiels de science et d'art politiques. Le point qui me semble devoir être développé est le suivant : comment, d'après la philosophie de la praxis [le marxisme] (dans sa manifestation politique), soit dans la formulation de son fondateur [Marx], soit et surtout en tenant compte des précisions apportées par son plus récent grand théoricien [Lénine], la situation internationale doit-elle être considérée dans son aspect national?
En réalité, le rapport « national » est le résultat d'une combinaison « originale » unique (en un certain sens) et c'est dans le contexte de cette originalité et de cette unicité que la combinaison doit être comprise et conçue, si on veut la dominer et la diriger. Il est certain que le développement se fait en direction de l'internationalisme, mais le point de départ est « national », et c'est de là qu'il faut partir. Mais la perspective est internationale et ne peut être qu'internationale. Aussi faut-il étudier de très près la combinaison de forces nationales que la classe internationale [le prolétariat] devra diriger et développer en fonction de la perspective et des directives internationales. La classe dirigeante mérite ce nom à la seule condition qu'elle interprète exactement cette combinaison, dont elle est elle-même composante, ce qui lui permet, en tant que telle, de donner au mouvement une certaine orientation, dans certaines perspectives. C'est sur ce point que me parait s'établir la divergence fondamentale de Léon Davidovitch [Trotsky] [2] et de Bessarione, pour l'interprétation du mouvement majoritaire [bolchevik]. [3]
Les accusations de nationalisme sont ineptes, si elles se réfèrent au fond du problème. Quand on étudie l'effort accompli de 1902 à 1917 par les majoritaires, on voit que son originalité consiste à épurer l'internationalisme de tout élément vague et purement idéologique (au sens défavorable du terme) pour lui donner un contenu de politique réaliste. Le concept d'hégémonie est celui où se nouent les exigences de caractère national, et on comprend pourquoi certaines tendances ne partent pas de ce concept, ou se contentent de l'effleurer. Une classe de caractère international, dans la mesure où elle guide des couches sociales étroitement nationales (intellectuels), et même souvent moins encore que nationales, particularistes et municipalistes (les paysans), doit se « nationaliser », en un certain sens, et ce sens n'est d'ailleurs pas très étroit, car, avant que se forment les conditions d'une économie planifiée à l'échelle mondiale [du socialisme], il est nécessaire de traverser des phases multiples où les combinaisons régionales (de groupes de nations) peuvent être variées. D'autre part, il ne faut jamais oublier que le développement historique suit les lois de la nécessité tant que l'initiative n'est pas nettement passée du côté des forces qui tendent à construire suivant un plan de division du travail fondé sur la paix et la solidarité.
Que les concepts non nationaux [trotskystes, bordiguistes] (c'est-à-dire qui ne se réfèrent pas à chaque pays particulier) soient erronés, on le voit clairement par l'absurde : ils ont conduit à la passivité et à l'inertie dans deux phases bien distinctes : 1. dans la première phase, personne ne croyait devoir commencer, autrement dit chacun pensait qu'en prenant l'initiative, il allait se trouver isolé; dans l'attente d'un mouvement d'ensemble, personne ne bougeait, personne n'organisait le mouvement; 2. la seconde phase est peut-être pire, car on attend une forme de « napoléonisme » anachronique et antinaturel (en effet, toutes les phases historiques ne se répètent pas dans la même forme). Les faiblesses théoriques de cette forme moderne de l'ancien mécanisme sont masquées par la théorie générale de la révolution permanente qui n'est rien d'autre qu'une prévision générique qu'on présente comme un dogme et qui se détruit d'elle-même, par le fait qu'elle ne se manifeste pas dans les faits.
[ Les "décodages" entre crochet visent à restituer ce que Gramsci aurait probablement écrit s'il n'avait pas été assujetti à la surveillance carcérale]
(Mach., pp. 114-115 et G.q. 14, § 68, pp. 1728-1730.)
Réveil Communiste :
Réveil Communiste est animé depuis 2010 par Gilles Questiaux (GQ), né en 1958 à Neuilly sur Seine, professeur d'histoire de l'enseignement secondaire en Seine Saint-Denis de 1990 à 2020, membre du PCF et du SNES. Les opinions exprimées dans le blog n'engagent pas ces deux organisations.
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Le blog est communiste, non-repenti, et orthodoxe (comme ils disent). Il défend l'honneur du mouvement ouvrier et communiste issu de la Révolution d'Octobre, historiquement lié à l'URSS quand elle était gouvernée par Lénine et par Staline, mais sans fétichisme ni sectarisme. Sa ligne politique est de travailler à la création et à l'unité du parti du prolétariat moderne, et de lutter contre l'impérialisme (contre le seul qui importe, l'impérialisme occidental, dirigé par les États-Unis).
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