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Réveil Communiste

Discours de Bernard Giusti Secrétaire Général CGT de l’hôpital Saint-Vincent de Paul pour la Journée Militante du 27 septembre 2011

30 Septembre 2011 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #Luttes 2008-2011

Chers camarades,

Mesdames, Messieurs,

 

C’est aujourd’hui la dernière fois que nous nous réunissons dans notre hôpital à l’occasion de la Saint Vincent de Paul, puisque comme vous le savez Saint-Vincent de Paul fermera ses portes en décembre 2011.

Pour la dernière « fête de Saint-Vincent » il ne s’agissait pas de faire la fête, car nous estimons que la BG 27-09-11 Webfermeture d’un hôpital n’a rien de réjouissant. Nous laissons cela à certains qui ont organisé un rendez-vous festif le 30 septembre. Pour notre part, nous avons souhaité faire de cette journée une « journée militante », une journée qui soit à la fois une occasion de rencontre, de partage et de solidarité, mais aussi une journée pour continuer à exprimer notre refus de la politique menée par un gouvernement scélérat et de ses conséquences toujours néfastes et souvent dramatiques pour l’immense majorité des citoyens, et en l’occurrence  pour les personnels de nos hôpitaux et pour les patients et leurs familles. Une politique relayée et appliquée par la Direction Générale de l’Assistance Publique et par les directions locales. Ma camarade et amie Marise Dantin, secrétaire générale CGT de Cochin, vous parlera tout à l’heure plus précisément de la casse organisée de l’AP-HP et de notre système de santé.

 

Depuis l'arrivée de Sarkozy au pouvoir, les citoyens ont considérablement vu grandir leurs difficultés quotidiennes, en même temps que les plus riches du pays ont vu leurs privilèges s'accroître au fil des ans. Ce gouvernement a réussi à appauvrir la population française dans des proportions que l'on n'avait plus connues en France depuis la fin de la dernière guerre mondiale. C’est vrai dans pratiquement toute l’Europe, et c’est le moment qu’a choisi l’Union Européenne pour quasiment supprimer l’aide aux plus démunis. A Cochin, des mères de famille à la rue viennent avec leurs enfants trouver refuge aux urgences, et les infirmières tentent de grappiller quelques restes de repas çà et là afin de les nourrir…

En même temps que ce gouvernement rend de plus en plus difficile la vie quotidienne, il s'attaque à notre avenir, avenir proche pour certains (ceux qui doivent partir en retraite, trop souvent avec des retraites misérables), avenir à plus ou moins long terme pour les autres (les plus jeunes notamment) : précarité accrue de l'emploi, chômage savamment entretenu afin de maintenir la pression sur les salaires et d'avoir une main d'oeuvre taillable et corvéable à merci, endettement encouragé afin de faire taire toute velléité de révolte, remise en cause des retraites - non seulement de l'âge de départ, mais aussi du montant des retraites - etc., sans oublier un lavage de cerveau à longueur de médias aux ordres, afin de justifier une politique injustifiable.

On nous parle beaucoup de crise, ces temps-ci. Il paraîtrait même que c’est la pire crise depuis celle de 1929. Pour faire face à cette crise, nous explique-t-on, il faudrait que nous fassions encore plus de sacrifices. Nous devrions nous serrer toujours plus la ceinture. Sans doute Sarkozy et ses banksters appliquent-ils là, à la lettre, la fameuse recommandation d’Alphonse Allais, selon laquelle il faut prendre l’argent où il est, c’est-à-dire chez les pauvres puisqu’ils sont beaucoup plus nombreux que les riches.

Bref, la crise nous est aujourd’hui proposée comme explication rationnelle de tous les maux que nous avons à subir, et au nom de la crise on prétend justifier n’importe quoi. Rappelons simplement que cette politique de casse des services publics et de désintégration du tissu industriel, cette politique de mépris à l’égard des institutions démocratiques et de mépris de la volonté populaire (qu’on se souvienne par exemple du référendum sur le Traité Constitutionnel Européen et du grand cas qui a été fait du résultat), que cette politique libérale, ultralibérale, c’est-à-dire capitaliste, a été mise en place bien avant la crise. Elle vient de loin, cette politique, elle ne date pas d’hier, et comme le dit mon ami Pierre Meige qui est venu nous soutenir aujourd’hui, pour nous autres c’est la crise tous les mois et depuis longtemps. Annie Lacroix-Riz, que d’aucuns connaissent déjà notamment à travers ses écrits, nous fera tout à l’heure l’honneur d’une conférence qui se rapporte à cette politique mise en place par un système. Car n’oublions pas que cette crise dont on nous rebat les oreilles n’est rien d’autre que la crise d’un système, le système capitaliste, c’est-à-dire un système qui place l’argent et le profit bien au-dessus de la vie humaine.

Le candidat Sarkozy avait annoncé son intention de concourir à l’édification de « l’Euramérique ». Cette Euramérique, c’est l’uniformisation des économies et des systèmes politiques et sociaux dans tous les pays industrialisés, c’est-à-dire majoritairement ceux de l’hémisphère nord. C‘est exactement ce qui se passe sous nos yeux. L’uniformisation politique, nous sommes en train de la vivre, avec un système politique à l’anglo-saxonne qui tente de se mettre en place, un système où seuls subsisteraient deux grands partis, l’un de la droite dure, et l’autre au centre. L’uniformisation économique est en place depuis un certain temps, notamment par le biais du FMI, lequel n’hésite pas à ruiner des pays (la Grèce par exemple) pour mieux les reconstruire ensuite selon le modèle voulu par le patronat et la finance. L’uniformisation sociale, nous la vivons aussi directement, à travers la destruction progressive de ce qui faisait l’ossature de la République issue de 1789, à savoir les institutions et les services publics lesquels, quoi qu’on puisse en penser, étaient malgré tout organisés pour offrir, au moins a minima, une certaine « égalité » de traitement entre les citoyens. On sait très bien que ce n’est plus le cas aujourd’hui, et que par exemple dans la Santé on est de plus en plus soignés selon ses moyens et non selon ses besoins.

L’Union Européenne est le fer de lance de cette Euramérique voulue par les multinationales et les financiers. Je l’ai dit, cette destruction des services publics au profit du grand patronat et de la finance touche toutes les institutions de la République, puisque ces institutions républicaines et ces services publics chargés d’assurer l’égalité des soins, des transports, de l’enseignement, etc., sont incompatibles avec une Europe mise en place précisément par le grand patronat et la finance. Certains, de tous bords, se laissent entraîner par la dynamique actuelle de cette Europe du grand capital. Ils sont comme fascinés et prêts à y collaborer. Mais depuis sa création, cette Europe-là est source de plus d’inégalités et d’injustices pour tous les citoyens, alors qu’elle est source de profits pour les actionnaires, les grands patrons et les financiers. Des dirigeants syndicaux ont choisi, ouvertement ou tacitement, la voie de la collaboration avec l’Europe, c’est-à-dire avec le capitalisme. Ils nous présentent certaines réformes, dont celle des retraites ou celle de la Santé, comme inéluctables. Il conviendrait donc en quelque sorte de négocier afin d’en limiter les dégâts. Pour notre part, nous nous souvenons de ces paroles d’Henri Krasucki, paroles qui servent d’exergue à nos camarades du Front Syndical de Classe ici présents pour nous soutenir : « Rien ne fait plus de mal aux travailleurs que la collaboration de classes. Elle les désarme dans la défense de leurs intérêts et provoque la division. La lutte de classes, au contraire, est la base de l’unité, son motif le plus puissant. C’est pour la mener avec succès en rassemblant l’ensemble des travailleurs que fut fondée la CGT. Or la lutte de classes n’est pas une invention, c’est un fait. Il ne suffit pas de la nier pour qu’elle cesse : renoncer à la mener équivaut pour la classe ouvrière à se livrer pieds et poings liés à l’exploitation et à l’écrasement»

Non, la lutte des classes n’est pas une invention, ni un concept suranné pour marxistes attardés. La fermeture de notre hôpital, celles en cours d’autres hôpitaux, tous les effets néfastes que j’ai cités dans ce discours, les difficultés et les souffrances que nous vivons chaque jour, dans nos familles et sur nos lieux de travail, bref tout cela ce sont précisément les effets qu’entraîne le renoncement de certains dirigeants à mener cette lutte des classes.

Nous, à Saint-Vincent, à Cochin, à l’Hôtel Dieu, à la Salpétrière, à l’HEGP, et dans bien d’autres hôpitaux et entreprises, nous ne renonçons pas. La lutte de notre hôpital a été longue, initiée et continuée par mes prédécesseurs à la CGT de Saint-Vincent. Malgré cette lutte de près de quinze ans, Saint-Vincent de Paul fermera bientôt définitivement ses portes, sacrifié comme d’autres hôpitaux sur l’autel du libéralisme. En s’attaquant ainsi à un hôpital performant qui pratiquait une médecine de pointe reconnue sur le plan international, les gouvernements libéraux n’ont pas seulement voulu s’attaquer au service public. Ils ont aussi voulu s’attaquer à un symbole historique, celui de Saint Vincent de Paul, qui fut l’un des premiers en France à œuvrer pour les plus pauvres. La disparition de l’hôpital Saint-Vincent de Paul c’est aussi la volonté de sonner le glas de l’entraide et de la solidarité dans notre pays. C’est un crève-cœur pour le personnel qui a tant contribué à son excellence en matière de maternité et de soins pédiatriques. C’est un avenir professionnel incertain pour un certain nombre d’entre nous, et c’est aussi pour d’autres la certitude d’être affectés à des postes où ils auront à « travailler plus pour gagner moins ». C’est le désarroi de nombreuses familles qui devront, pour faire soigner leurs enfants, parcourir les différents hôpitaux qui n’ont pas encore disparu. C’est un savoir-faire et un esprit qui disparaissent définitivement. C’est la mort d’un hôpital à taille humaine. Loin de nous décourager, la fermeture de Saint-Vincent de Paul restera bien présente dans nos mémoires afin de nous rappeler sans cesse à quelle point la lutte est difficile, voire féroce, et à quel point il est nécessaire de ne jamais déposer les armes.

L’an prochain auront lieu les élections présidentielles et législatives. Le Sénat vient de virer à gauche, ce qui laisse présager la défaite très probable de Nicolas Sarkozy, et qui d’autre part mettra un frein à ses réformes d’ici son départ. Mais nous ne nous faisons pas d’illusion, car nous connaissons déjà la couleur de la future politique : ce sera toujours celle du libéralisme…

Alors à chacune et chacun d'entre nous de se demander s'il convient de continuer à courber l'échine en espérant des lendemains libéraux qui chantent – et de grever ainsi lourdement non seulement son propre avenir mais aussi celui des générations futures – ou bien s'il est temps de relever la tête et de refuser un système politique qui n'a rien d'inéluctable. Pour notre part, nous avons choisi : nous ne voulons pas de ce système. Si elle ne s’appuie pas sur un projet de société qui prône la solidarité et le partage des richesses, la lutte syndicale ne saurait être féconde. Sans un tel projet auquel ils puissent s’adosser, les syndicats ne peuvent devenir que des syndicats d’accompagnement. Nous, nous ne voulons pas devenir un syndicat d’accompagnement, parce que nous sommes au service de tous et que nous défendons l’intérêt général contre les intérêts privés, parce que nous devons rester sans cesse à l’offensive, et parce que l’espoir est toujours tendu vers l’avenir : il nous appartient de briser cette dynamique libérale qui fait que nous vivons un présent chaque jour plus difficile et que nous craignons un avenir inquiétant.

Enfin, pour terminer, je tiens à remercier tous les camarades et collègues ici présents, les camarades de Saint-Vincent de Paul qui ont avec moi permis que la CGT se batte jusqu’au bout sur place pour défendre les personnels, ceux de Cochin qui nous ont soutenu sans faille, ceux de tous les autres hôpitaux présents aujourd’hui et dont la solidarité est précieuse, les usagers et tous les autres camarades syndicaux ou politiques, les associations et les artistes, tous ceux qui sont venus nous apporter leur soutien ou l’ont manifesté par des messages.

Merci à tous.

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