Compte rendu de l'Humanité : Staline. Histoire et critique d'une légende noire, de Domenico Losurdo.
8 Avril 2011 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #Publications
Tribunes - le 7 Avril 2011
Histoire
Le stalinisme au-delà de la démonologie
Pour le philosophe italien Domenico Losurdo, la construction d'une analogie entre Staline et Hitler vise à escamoter le rôle des régimes capitalistes dans la montée du nazisme.
Staline. Histoire et critique d'une légende noire, de Domenico Losurdo. Éditions Aden, 2011, 531 pages, 30 euros.
Domenico Losurdo, fort de ses recherches et de ses réflexions antérieures sur la pensée libérale et sur le révisionnisme en histoire, entame une nouvelle étape dans sa démystification des constructions idéologiques dominantes. Sans avoir la moindre mansuétude pour les diverses répressions que Staline a menées de longues années durant, Losurdo, à travers ce Staline. Histoire et critique d'une légende noire, s'intéresse à la figure historique du dirigeant soviétique en tant que cette dernière est organisatrice de tout un discours sur le XXe siècle et l'expérience de construction du socialisme. Un discours hégémonique qui, bien que se voulant « historique » et « critique », relève plus de la démonologie selon la démonstration de Losurdo.
Toute démonologie a nécessairement besoin d'un mal suprême et, en Occident, ce rôle est tenu depuis la Seconde Guerre mondiale par le nazisme et par Hitler. La construction d'une démonologie autour de la figure de Staline doit donc passer par la mise au point d'un système d'analogie entre stalinisme et nazisme, soit entre Staline et Hitler, ce que Losurdo appelle une reductio ad hitlerum. En revenant sur la famine en Ukraine durant la collectivisation forcée - qualifiée trompeusement de « génocide » -, sur la politique de Staline envers les juifs et Israël ou sur la réalité sociale et politique du goulag, l'auteur démontre le fossé qui sépare les politiques stalinienne et hitlérienne. Plutôt que de chercher une éventuelle gémellité entre les camps d'extermination nazis et le goulag soviétique, il semble plus fécond de rapporter le racisme impérialiste et antisémite du nazisme à ses antécédents occidentaux. Du lynchage des Noirs afro-américains à la destruction des Herrero par les troupes du Kaiser en 1904, c'est auprès des régimes capitalistes libéraux que le nazisme a emprunté toute une palette de pratiques répressives, voire exterminatrices. Or la reductio ad hitlerum pratiquée aujourd'hui vise justement à escamoter le rôle historique de l'Occident libéral, réduit au rôle du « tiers absent ».
Le livre est moins convaincant lorsqu'il propose une relecture de l'histoire du socialisme en l'URSS sous Staline comme « processus d'apprentissage laborieux et inachevé », même si l'on conviendra que cette clé interprétative semble plus pertinente que celle de « trahison ». Par ailleurs certains des développements historiques du livre sur l'opposition au sein du parti bolchevique sont très contestables. Quoi qu'il en soit, ils participent à la richesse d'un livre dont l'une des qualités est assurément d'inciter à la réflexion sur une question dont il est toujours nécessaire de dénouer l'écheveau.
Baptiste Eychart
Partager cet article
Vous aimerez aussi :
Réveil Communiste :
Réveil Communiste est animé depuis 2010 par Gilles Questiaux (GQ), né en 1958 à Neuilly sur Seine, professeur d'histoire de l'enseignement secondaire en Seine Saint-Denis de 1990 à 2020, membre du PCF et du SNES. Les opinions exprimées dans le blog n'engagent pas ces deux organisations.
Le blog reproduit des documents pertinents, cela ne signifie pas forcément une approbation de leur contenu.
Le blog est communiste, non-repenti, et orthodoxe (comme ils disent). Il défend l'honneur du mouvement ouvrier et communiste issu de la Révolution d'Octobre, historiquement lié à l'URSS quand elle était gouvernée par Lénine et par Staline, mais sans fétichisme ni sectarisme. Sa ligne politique est de travailler à la création et à l'unité du parti du prolétariat moderne, et de lutter contre l'impérialisme (contre le seul qui importe, l'impérialisme occidental, dirigé par les États-Unis).
Les textes originaux, écrits par l'animateur seul ou en collaboration et dont il endosse pleine et entière responsabilité sont publiés dans la catégorie GQ, accessible directement dans la barre de menu. Ils sont reproductibles, sans modification, à condition d'en mentionner l'origine.
Les commentaires sont publiés après validation, mais ne sont pas censurés, sauf abus (insultes, diffamation, mythomanie, publicité, non-pertinence, ou bêtise manifeste).
Newsletter
Abonnez-vous pour être averti des nouveaux articles publiés.
Catégories
- 4017 Impérialisme
- 2697 Ce que dit la presse
- 2302 Economie
- 2049 Journal des luttes
- 1907 Front historique
- 1899 Répression
- 1584 l'Europe impérialiste et capitaliste
- 1418 lutte contre l'impérialisme
- 1319 Initatives et rendez-vous
- 1283 L'Internationale
- 1265 Cuba
- 1252 États-Unis
- 1207 Qu'est-ce que la "gauche"
- 1100 loi travail
- 1087 Syndicalisme en débat
- 1055 A gerber !
- 1031 Théorie immédiate
- 900 Positions
- 884 Réseaux communistes
- 852 élection 17
- 851 Venezuela
- 827 Chine
- 804 Russie
- 788 classe ouvrière
- 728 Ukraine
- 699 Amérique latine
- 586 Publications
- 575 Congrès du PCF depuis 2008
- 517 Asie
- 484 Élections
- 469 Syrie
- 468 Articles les plus lus archivés chaque semaine
- 419 Art et culture révolutionnaires
- 408 Afrique
- 405 Euroboycott
- 390 Europe de l'Est
- 368 Corée
- 350 Luttes 2008-2011
- 340 Grèce
- 293 Royaume-Uni
- 288 la bonne nouvelle du jour
- 273 GQ
- 242 Ce qui ne peut plus durer au PCF
- 236 Brésil
- 217 Colombie
- 212 Bolivie
- 212 Communistes en Italie
- 176 Mexique
- 169 Turquie
- 143 CN du PCF
Commenter cet article