"Comment osent-ils?" parution de la version française du livre de Peter Mertens, président du PTB
Qui aurait cru que le livre de Peter Mertens, Hoe durven ze ? (Comment osent-ils ?), deviendrait en quelques semaines un best-seller en Flandre, suscitant une attention médiatique considérable ? Alors que L’Humanité Dimanche prépare une interview du président du PTB et que Peter Mertens donne des interviews radio aux Pays-Bas, la version française de son ouvrage sort ce 1er mars à la Foire du Livre de Bruxelles, et sera présentée par son auteur le 22 mars au Théâtre National.
Dès sa parution, à la fin du mois de décembre, les exemplaires de l’opus de Peter Mertens se vendaient comme des petits pains... Dans le Nord du pays, l’ouvrage se classe actuellement à la quatrième place du top 100 des meilleures ventes de livres toutes catégories.
L’énorme succès de la soirée inaugurale de présentation du livre en néerlandais à Anvers le 18 décembre annonçait déjà cet impressionnant décollage. Lors de l’événement, c’est un Peter Mertens stupéfait qui recevait des louanges des diverses personnalités présentes. « Mais, confesse-t-il, j’étais presque gêné de tous ces compliments de la part de ces personnes pour qui j’ai tant de respect. » Le président du PTB n’était pas au bout de ses surprises : Hoe durven ze? De euro, de crisis en de grote hold-up (Comment osent-ils? L’euro, la crise et le grand hold-up) en est à sa sixième réédition, et plus de 10 000 exemplaires ont déjà été achetés. Un chiffre impressionnant pour le marché limité des publications dans la langue de Vondel.
Peter Mertens. (Sourire.) Je ne m’attendais vraiment pas à un tel succès... C’est donc la preuve que les gens recherchent une explication cohérente de la crise, ce que les médias dominants n’apportent pas ou de manière très fragmentaire, abordant des éléments par-ci par-là. Ou alors, c’est en chœur avec les politiques qu’ils serinent le même refrain : tout le monde doit se serrer la ceinture. Mais les gens sentent bien qu’il y a quelque chose qui ne va pas. J’ai aussi écrit Comment osent-ils ? lorsque l’establishment belge dansait sur la musique allemande : une partie encense ce « modèle », celui de la pauvreté et du dumping salarial; une autre, avec le PS, participe au même ballet, mais en silence. Si, aujourd’hui, l’accueil de ce modèle est plus critique au Nord du pays, c’est aussi un peu grâce au livre. Le livre en tant qu’arme ? Certainement, toute résistance commence par l’information. Se poser des questions sur ce qui se passe est le premier signe de la révolte. Et ce livre veut y contribuer.
Et, évidemment, je traite de la Grèce. Lorsque j’ai entamé la rédaction de cet ouvrage, ce pays n’était pas encore au devant de la scène médiatique. Ce qui est pourtant étrange : 2011 a été une année dramatique, qui a vu pas moins de 18 grèves générales et durant laquelle la résistance s’est très fortement manifestée. Comment osent-ils ? est le premier livre qui développe largement la situation grecque. J’y consacre tout un chapitre, que le site d’information alternative DeWereldMorgen.be a mis intégralement sur son site : il a été lu 40 000 fois, aux Pays-Bas également. Certaines personnes m’ont spontanément proposé de le traduire en anglais. Une dame grecque habitant en Hollande m’a signalé qu’elle voulait diffuser au moins le chapitre sur la Grèce dans son pays.
Peter Mertens. Evidemment non. Je suis le président d’un parti national, nous n’avons pas d’aile flamande, wallonne ou bruxelloise. J’aime ma langue, mais mon livre ne s’arrête pas à la frontière linguistique. Dans la version néerlandaise, je fais d’ailleurs pas mal de références à la Belgique francophone. Et je traite bien sûr de l’Allemagne, de la Grèce et de toute l’Europe.
Peter Mertens. C’est un livre sur un système qui est dans une totale impasse et sur la crise économique et celle de l’euro, indissociablement imbriquées. Il ne s’agit pas d’une question belgo-belge, même pas européenne, mais mondiale.
Peter Mertens. Dans une traduction littérale, un certain nombre d’exemples et d’anecdotes auraient exigé de trop longues explications, le pays étant déjà divisé au plan des médias autant qu’au plan politique. Dans le premier chapitre, par exemple, je mentionne ma participation à l’émission Interne Keuken où je suis invité pour parler des impôts de 0,00005 % des multinationales. Il est clair que la toute grande majorité des francophones ne connaissent pas cette émission de Radio 1, au contraire de Mise au Point où Marco Van Hees et Raoul Hedebouw sont régulièrement invités. C’est donc bien plus logique de les mentionner davantage dans la version française, et de privilégier des références francophones. Mais, en aucun cas, il ne s’agit de changements fondamentaux.
Les chapitres sur l’idéologie et le nationalisme ont dû être assez bien adaptés. En néerlandais, j’évoque Theodore Dalrymple, un des idéologues de droite qui inspire De Wever. En français, j’analyse Sarkozy. Le chapitre en néerlandais sur le nationalisme est écrit sur mesure pour les gens réceptifs au message de la N-VA. En Wallonie, la situation est tout autre. Le PS y est toujours le plus grand parti, et il pratique le grand écart. D’un côté, il est au pouvoir depuis vingt ans, vend dans la pratique toutes les réformes néolibérales et embrasse en outre un nouveau régionalisme wallon qui n’est pas sans dangers. De l’autre côté, il existe un PS qui tient un langage de gauche et a toujours un lien relativement important avec la FGTB.
Alors que je parcourais déjà la Flandre pour présenter mon livre en néerlandais, David Pestieau, le rédacteur en chef de Solidaire et chef du service d’études du PTB, travaillait d’arrache-pied à ces adaptations. C’est totalement justifié que son nom figure sur la couverture. Je dois aussi remercier et féliciter d’autres personnes, dont celles des éditions Aden et celles qui ont traduit le livre : ce n’est pas une sinécure de traduire et adapter un tel livre en deux mois ! Mon style d’écriture a causé des insomnies aux traducteurs. Ils ont mouillé leur chemise et, pour eux, c’était aussi un engagement.
Peter Mertens. Je pense que oui. Même si c’est quelque peu étrange de retrouver sa prose dans une autre langue. Mais, en tout cas, je suis très heureux de la qualité de la traduction. La version française de mon livre précédent, Priorités de gauche, reflétait un peu moins mon style et mon rythme.
Peter Mertens. L’objectif que j’espère atteindre est le même qu’en Flandre : que l’ouvrage décolle en flèche. Et que la soirée, avec discussions et intermèdes culturels, soit enthousiasmante. Quant au lieu, le Théâtre National, il est simplement fantastique.
Peter Mertens. Oui. Cependant, en Flandre, il n’existe qu’un seul autre livre sur le sujet : De val van de euro (la chute de l’euro) du rédacteur en chef de l’hebdomadaire Trends Johan Van Overtveldt, un livre qui part d’un tout autre point de vue de classes. Dans le monde francophone, la concurrence est bien plus importante. Il existe quantité de livres sur la crise et la crise européenne. Mais, à ma connaissance il n’y a pas encore de livre qui part du point de vue de l’Europe d’en bas, qui n’éclaire pas seulement les faits et gestes de la Deutsche Bank, de BNP Paribas, de la Commission européenne, des autres institutions européennes, mais évoque aussi la situation, entre autres, d’Angela, nettoyeuse en Allemagne, ou d’un petit tenancier de café en Grèce.
Peter Mertens. Dans le livre, j’évoque la catastrophe humanitaire en Grèce. Mais, désormais, sous le chantage de nouveaux prêts – qui servent uniquement à payer les intérêts des banques –, la situation empire encore: le salaire minimum diminue une énième fois pour atteindre 450 euros, et les pensions sont à nouveau rabotées de 5 à 10 %. Ce que commet l’Europe est un scandale incroyable ! Et on lit dans un éditorial d’un quotidien financier belge que la Grèce n’a pas d’autre choix que de renoncer à la démocratie et de remettre son économie dans les mains de l’Allemagne. Nous ne sommes plus très loin d’une « Neue Europa » qui engloutit le peu qui reste de la souveraineté démocratique. C’est le thème de mon dernier chapitre, où je décris comment Mario Monti, le golden boy de Goldman Sachs, applique cette recette en Italie. Mais qu’est-ce alors que la démocratie ? Et comment se fait-il que tout un peuple soit sacrifié sur l’autel du profit maximal ? C’est tout le débat actuel, et cela le restera encore dans les prochaines années.
Peter Mertens. Heist-op-den-Berg, Geel, Willebroek, Saint-Nicolas, Bruxelles (à l’école Karl Marx de Comac, le mouvement de jeunes du PTB, NdlR), Malines... Je vois partout venir assister aux présentations le double du nombre de personnes attendues, en général une centaine. A Saint-Nicolas, il y avait même quelque 200 personnes, dans une salle paroissiale comble. J’ai le sentiment que beaucoup de progressistes attendaient un tel moment. Ces présentations informatives suscitent beaucoup de questions et discussions dans la salle. Et ce sont aussi des soirées où les gens se rencontrent.
Peter Mertens. C’est une chose que j’ai simplement ressentie. A Heist-op-den-Berg, par exemple, j’étais fortement grippé, et c’était difficile de m’y mettre. Mais je suis devenu euphorique quand j’ai vu que la quasi-totalité de la délégation syndicale de Van Hool, tant de la CSC que la FGTB, était présente. Même chose à Geel, avec DAF. A la réception de Nouvel-An à Anvers, par exemple, un docker à la taille impressionnante est venu vers moi, suite à sa lecture d’une interview dans P-magazine (un magazine people très populaire en Flandre). Avec une poignée de main plus que vigoureuse, il m’a lancé : « Allez mon gars, tu fais du bon boulot. Et te laisse pas faire, hein ! » Ces réactions font chaud au cœur. J’ai reçu tant de commentaires et de témoignages de soutien qu’à un certain moment je ne parvenais plus à suivre. Heureusement, depuis cette semaine, j’ai un collaborateur, Ivo Flachet, qui me donne un coup de main. Ainsi nous pourrons répondre à tout le monde, c’est bien la moindre des choses.
Peter Mertens. Je suis poussé par l’adrénaline, et mon énergie est nourrie par ceux au nom de qui je peux parler. Notre parti est dans une phase d’accélération, il y a une place à prendre à gauche de la social-démocratie. Les gens en ont assez de la pensée unique. Le PTB est en croissance. Lors de la dernière grève générale, des centaines de gens sont devenus membres. C’est le moment de passer à la vitesse supérieure. Et il n’y a pas que l’effet du livre. Knack a qualifié notre service d’études – sous la direction de David Pestieau – de « plus assidu du pays » ; notre porte-parole Raoul Hedebouw a l’an passé été primé comme meilleur espoir de la communication politique côté francophone ; Tom De Meester est reconnu comme spécialiste de l’énergie, et Marco Van Hees comme expert fiscal. Nous avons une large palette de thèmes et de personnalités qui font connaître le PTB.
Quant à l’attention médiatique, je n’ai pas à me plaindre. Cela a commencé par une interview de trois pages dans le Standaard. Après, j’ai été interviewé avec Dimitri Verhulst à De Zevende Dag (émission télévisée d’actualité politique de la VRT), ce qui a suscité beaucoup de réactions. A partir de là, tout s’est accéléré et tous les journaux ont traité de mon livre. L’écrivain néerlandophone Jeroen Olyslaegers m’a récemment envoyé un mail : « Vous êtes devenu une voix qui compte dans le débat en Flandre. » Un contre-courant dans des thèmes comme la fiscalité, les banques, l’Allemagne et la Grèce est nécessaire et important dans le débat démocratique. Lorsque, la semaine dernière, Terzake (émission télévisée de débats de la VRT) m’a interviewé en même temps que le professeur d’économie de l’université de Gand Koen Schoors, l’émission s’est ouverte par un petit film sur un village espagnol qui a rejeté le capitalisme. Cela confirme bien qu’il existe une autre voix en Europe. Qu’il s’agisse d’un village espagnol ou de la résistance en Grèce. En Belgique, c’est le PTB qui exprime cette voix.
Côté francophone, Le Soir a tout récemment titré une page sur le livre par « Un best-seller aux idées marxistes ».
Peter Mertens. Nous sommes très conscients de notre « problème positif ». Partout, des gens prennent une carte de membre du PTB et veulent poursuivre la construction de ce parti afin que celui-ci soit une structure solide – et pas un parti où affluent les opportunistes qui partent tout aussi vite quand le vent tourne. Nous ne considérons pas les gens comme un bétail d’électeurs, mais comme une force de changement dans la société. Le PTB est là pour organiser cette force mais, à cet effet, il faut développer des groupes de base forts, ce qui demande beaucoup de travail. Nous cherchons encore pas mal de responsables pour ces groupes de base, pour lesquels nous avons mis au point des formations. Mais ne vous en faites pas : nous y travaillons.
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