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Réveil Communiste

Drogue et dope : la Guerre Civile par Michel Clouscard * 2004

8 Août 2009 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #Théorie immédiate


* présélectionné olympique sur 100 mètres en 1948.

 

 

 

Repiqué sur le Blog de Stoni, communiste caustique et drôle

Le dopage, faute de l’ange ou crapuleuse hypocrisie ?
La drogue, consommation transgressive ou dégoût du système ?
Le sport réserve toujours des surprises. Pourquoi des héros alors que l’intelligentsia n’en veut plus ? Espèce de drogué, espèce de dopé ! Même papi qui s’en mêle, avec le Prozac. La pilule contraceptive est devenue une culture de masse. Le succès d’Astérix est le triomphe de la potion magique. Que ce soit licite ou illicite, réalité ou imaginaire, la pharmacopée s’étale partout. L’humain est devenu médicamenteux. On ne peut plus vivre qu’avec sa pharmacie.
N’est-ce pas la preuve évidente d’une pathologie sociale ? L’industrie pharmaceutique est devenue elle aussi culture de masse. Le remède s’avère pire que le mal. Cette pathologie peut maintenant s’apprécier selon des modalités objectives. Ce n’est plus suspicion de névrose. C’est l’ordonnance médicale. Nous vivons la guerre civile des pharmacopées. La drogue et la dope sont les emblèmes et les symptômes de l’antagonisme majeur, constitutif, de la société française.
Fracture il y a, mais ce n’est pas celle que l’on dit. Comment se fait-il que cette dualité culturelle et même organique ne soit même pas soupçonnée de l’intelligentsia ? Encore un camouflage idéologique ? Pourtant il y a bien deux France, un antagonisme farouche et irréductible.



La dope est une aberration du principe de réalité, du productivisme, du travail. Il faut être performant, faire mieux et plus vite que l’autre. C’est une reprise de la sélection naturelle.
Tout au contraire, la drogue est une dérive du principe de plaisir, un consumérisme, une consommation transgressive.
Le libéralisme libertaire a su créer tout un marché parallèle et clandestin, qui peut être désigné comme marché du désir.
Trois parrains ont fait sa promotion et veillent à son bon fonctionnement :
  • le maffieux
  • le publicitaire
  • le maître à penser.
Quatre essentielles marchandises vénéneuses ont créé une nouvelle source de profit :
  • la drogue
  • la prostitution
  • l’alcool
  • le jeu
Le libéralisme libertaire a imposé le modèle d’usage de ce marché du désir : la consommation transgressive.
" Le Capitalisme de la Séduction " reconstitue les modalités de l’initiation mondaine à la civilisation capitaliste. Comment les jeunes et les femmes sont devenus les cibles du marché du désir ? Comment une " élite " du management et de l’animation dispose d’un surplus de salaire qui permet d’acheter la jouissance ? Et comment les nouvelles couches moyennes interviennent pour dépasser - paraît-il - la lutte des classes ?
Face à la proclamation culturelle de cette consommation transgressive et à son triomphe mondain, le champion, ce héros. Le sport élitiste - le sport de compétition - est l’esthétique de la praxis. Traduction de cette terminologie emphatique : le beau du travail. Mais alors réduction du sens et confusion possible. Nous ne prônons pas un néoréalisme socialiste. La praxis est bien plus que le travail. C’est le devoir faire qui incombe à l’espèce et l’impératif catégorique qui dirige l’individu. C’est Platon lui-même qui ratifie notre formulation. Les JO sont le lieu de l’apparition de la " beauté vivante ", celle qui est même au-dessus de la musique et de la poésie. Pauvre Béjart ! Mettez Marilyn Monroe en finale olympique du saut en hauteur : un cul bas parmi des gazelles.
Le sport appartient au monde du travail pour la bonne et simple raison qu’il en est la résultante. Le corps libéré du travail par le travail est le corps qui peut courir, sauter, lancer pour constituer l’univers spatio-temporel. Les éléments originels sont détachés de leur contexte pour constituer l’espace social. C’est que l’homme est l’athlète complet de la nature. Il a su créer les trois dimensions qui permettent l’acte créateur, la maîtrise de la nature. Ce que les animaux ne peuvent faire. Ils ne disposent pas des trois fonctions, seulement de deux, au mieux, alors hypertrophiées pour compenser le manque.
Le sport de compétition est la célébration symbolique de l’effort humain qui a produit l’homme. Il peut être interprété comme un eugénisme positif, le service, la redevance que l’individu doit au genre. L’individu ne doit pas consommer les acquis du genre. " L’amélioration de l’espèce " doit se réaliser par la concurrence entre les individus. Il faut rappeler aussi qu’on arrête la guerre pendant les jeux Olympiques. Quelle pacification ! Le vainqueur ne tue pas le vaincu ou ne le met pas en esclavage. Il le renvoie à la deuxième ou troisième marche du podium. Le sport se propose comme une symbolique de la mort vaincue. Quelle école ! Par ailleurs, l’effort n’est plus une peine. Il devient l’investissement qui permet la mise en forme du beau. C’est la leçon du champion au consumérisme transgressif. Le dopage alors ? On a toujours ressenti que l’exploit athlétique des compétiteurs renvoyait à cet universel dont nous venons de suggérer des éléments constitutifs.
C’est le peuple, celui qui n’est pas populiste, qui est le " mainteneur " de ces valeurs (comme il y eut les mainteneurs des arts floraux).
Très vite aussi s’est mis à rôder autour de quelques champions et de leurs performances le spectre du dopage. Mais cette pratique restreinte dans l’esprit des gens à des breuvages de potion magique, le plus souvent vitaminés à l’alcool était admise comme un coup de pouce amusant et folklorique et non comme une tricherie.
Aujourd’hui qu’il n’est plus possible de dissimuler l’ampleur du dopage, on voit le peuple répugner au règne des tricheurs. Le marché prenant conscience qu’il ne vendra plus, en produits estampillés, l’image d’un champion malhonnête, a décidé d’assainir le marché sportif. Les marchands du temple en ayatollahs de la morale, voilà qui réjouit.


2004
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