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Réveil Communiste

Qualités et limites de l'ouvrage de Losurdo sur Staline

30 Mai 2009 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #Théorie immédiate

 

Réflexion de GQ (lire aussi :Note de lecture d'un nouveau livre de Losurdo) :


Je comprends ainsi l'entreprise de D. Losurdo : la figure historique de Staline a été investie par une mythologie et considérablement déformée. La mythologie stalinienne d'origine, construite par la propagande officielle du parti communiste soviétique et relayée dans le monde par les partis issus de la Troisième Internationale a été remplacée par une mythologie antistalinienne de différentes origines (partis communistes ayant révisé leurs discours après 1956, trotskystes et gauchistes divers, officines de propagande de la guerre froide et historiens, journalistes, transfuges et renégats à leur service, propagande hitlérienne et ses héritiers d'extrême droite, etc.) qui correspond à une conception tératologique de l'histoire comme collection de monstres. Losurdo est donc préoccupé de vérité historique. Mais aussi comme communiste, il s'agit pour lui de contre-attaquer sur un terrain où l'adversaire semble très fort : car le mythe monstrueux sert en définitive à discréditer le mouvement communiste, ouvrier et révolutionnaire dans son ensemble. La reconsidération de la Révolution française au cours du XIXème siècle s'est faite aussi en cassant l'image sanguinaire et monstrueuse qui collait aux protagonistes le plus radicaux de la Montagne, Danton, Robespierre, Marat, Hébert, etc. A y regarder de près, certains traits de personnalité de ces héros révolutionnaires ne sont guère sympathiques, mais nul historien sérieux ne s'égarerait dans un jugement moralisant sur ces acteurs historiques pour essayer de comprendre la Révolution, même en partant d'une prise de parti carrément hostile. Ce n'est pas le cas pour la Révolution russe, et surtout pour l'État qu'elle a créé.

 

Et il nous reste à comprendre en tant que communistes pourquoi notre histoire a connu ces dérives brutales. Nous sommes mieux placés pour ça que ceux qui ont toujours  évité de se mouiller dans la pratique du pouvoir d'État. Et Losurdo, en éliminant les scories de la mythologie contre-révolutionnaire nous aide à comprendre le réel et à nous comprendre nous mêmes.  Ces scories représentent 90% du dossier (et du bilan). Reste un résidu de violence irrationnel qu'il faut assumer rationnellement. Nous ne serons définitivement plus « staliniens » le jour où nous auront assumé le fait que Staline n'était pas le pire d'entre nous mais au contraire l'un des meilleurs praticiens de la théorie marxiste. Et qu'il nous faut donc inventer maintenant suite à cette expérience une nouvelle forme de démocratie  dans la lutte des classes qui n'existe encore qu'entre les lignes, chez Lénine, et certainement pas dans la régression vers la psychologie de l'analyse trotskyste. Et comme Althusser l'avait compris, Freud est aussi notre allié dans cette recherche.

 

Les lois de la connaissance historique développées dans le matérialisme historique, qui restent valides, rendent plus que probable, si le capitalisme ne détruit pas l'humanité auparavant, le passage au socialisme, et ce passage devra bien commencer quelque part dans le monde, et donc le problème crucial de la coexistence interne et internationale avec le capitalisme se posera dans les mêmes termes qu'au XXème siècle il s'est posé en URSS (et se pose déjà, en Chine, à Cuba). Notre tâche à nous communistes au XXIème siècle est donc d'inventer le socialisme démocratique, vraiment socialiste et vraiment démocratique, qui sera la forme de stabilisation de la société post-capitaliste que l'URSS n'a pu atteindre. Ce socialisme démocratique sera comme toute démocratie réellement existante dotée de médias indépendants, d'organes représentatifs qui ne seront plus l'expression des fractions de la bourgeoisie mais des fractions autonomes du prolétariat.

 

La gauche communiste  anarchisante a pu involontairement renforcer les tendances autoritaires du sommet en dirigeant surtout sa critique sur les dirigeants intermédiaires susceptible d'opposition efficace et les « bureaucrates » (qui forment, soit dit en passant, le groupe qui a proportionnellement sans doute le plus souffert de la répression stalinienne), il n'empêche que la plupart des critiques de l'autoritarisme de l'appareil d'État soviétique provenant de ce coté là étaient justifiées. Lénine et Trotski se sont lourdement trompés en subordonnant les syndicats au parti, et en empêchant ainsi l'existence de contre-pouvoirs et la formation d'une légalité socialiste.

 

Le socialisme doit être construit comme un mode de production et d'organisation de la société durable (peut être séculaire) et non comme une courte transition vers le communisme.  Mais il ne faut lâcher l'utopie à aucun prix, et c'est certainement son abandon qui est au cœur des contradictions réelles qui ont ruiné le socialisme réel, pas seulement en URSS mais aussi sous sa forme platement redistributive « d'État providence » dont Mélenchon est un représentant attardé. Sans l'utopie pourrait-on dire que « la mort n'éblouit pas les yeux des partisans » ? A ce titre là malgré leur méconnaissance ridicule du socialisme et des partis communistes, et du réel pratique en général, les situationnistes d'avant 1968, implacables avec les autres gauchistes, tenaient fermement l'autre bout de la chaine, et ce sont leurs idées (non les nôtres) qui ébranlèrent le monde capitaliste développé, dans sa métropole,  entre 1950 et 1980 (et qui connurent elles aussi, à l'échelle de ces groupuscules, une dérive violente et autodestructrice où de nombreux camarades de la jeunesse restèrent sur le carreau, à ce sujet : United Red Army : un film à voir ).

 

Cette démocratie socialiste à inventer, et en cours d'invention timide dans les pays socialistes actuels, ne peut pas être le résultat d'une transition à rebours comme celle qui à eu lieu en URSS de 1985 à 1993, ni se développer dans la continuité de la pseudo-démocratie de marché actuelle des métropoles. Il y a donc une part d'inconnu et de risque historique à prendre.

 

GQ 28 avril 2009

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G
<br /> En relisant ce texte un an après l'avoir écrit, je m'aperçois qu'on ne voit pas très bien la "limite" que je critique chez Losurdo. C'est de ne guère laisser de place à l'autonomie du prolétariat.<br /> La révolution ne peut être seulement par le haut.<br /> <br /> <br />
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E
Les juges lisent-ils ce blog ?Sitôt qu'y est donné un conseil salutaire à Coupat pour occuper sa captivité, prenant conscience du danger, ils le libèrent. 
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C
c'est rigolo concernant coupat, je me disais un peu la même chose en lisant son galimatia théorique exposé dan sl'article du Monde...
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G
A propos de révolutionnaristes délirants, Julien Coupat ferait bien d'utiliser ses loisirs forcés à lire Losurdo.
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G
Sur l'avant dernier paragraphe, l'autodestruction des groupes gauchistes soixanthuitards, voir United Red Army. Le groupe étudiant dont les membres de cette organisation japonaise étaient issus, le Zengakuren, avait été reconnu par l'Internationale situationniste de Debord. Il existe bel et bien un "stalinisme" libertaire au sens teratologique du terme. D'ailleur la seule victime politique des purges de URA est accusée de stalinisme au sens politique du terme justement!
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