Comprendre le capitalisme avec Sylvain Orsi
(ce dernier livre plus intéressant pour comprendre les politiques économiques que le fonctionnement réel de l’économie)
“capitalisme”, terme actuellement politiquement incorrect, mais il existe bel et bien un système capitaliste, depuis 200 ans environ, c’est la première fois dans l’histoire qu’il y a un système économique qui produit ainsi une croissance soutenue, continue ou presque depuis le boum de la révolution industrielle, qui s’appuie sur le progrès technique, et c’est aussi la première fois que l’économie soumet l’ensemble du fonctionnement social.
la sphère économique autonome n’émerge véritablement qu’à la fin du XVème siècle. En grec “oikos” signifie “foyer”, signifier le “ménage”, la maison, il n’y a pas de pensée économique en tant que telle dans l’antiquité, même s’il y a de nombreux aperçus qui s’en rapprochent, notamment chez Aristote. On s’est en effet toujours posé la question des moyens. Actuellement, au contraire, depuis les années 1960, on peut considérer que l’évolution des sociétés et la politique est entièrement pilotée par les exigences de l’économie. La question des moyens de survie a pris le pas sur le reste.
Avant l’apparition d’un domaine autonome pour la pensée économique, ceux qui produisent et celles qui reproduisent sont hors de la cité et donc hors de l’histoire (esclaves, serfs, travailleurs manuels, femmes)
Voyons Braudel, pour qui le capitalisme remonte au Moyen Age (XIème)
Il y trouve des marchands avec une pensée comptable, entrepreneuriale, échangeant des capitaux, utilisant des chèques et des lettres de change, un grand commerce, des marchés, mais qui restent à la périphérie des sociétés (le marché ne concerne qu’un surplus relativement faible du produit principal qui est autoconsommé, un au delà exceptionnel des moyens de subsistance). Venise et ses marchands sont déjà capitalistes, mais le but des stratégies à long terme de ces marchands est tout de même l’achat de terre et l’insertion dans les hiérarchies seigneuriales. Les profits sont donc investis dans la terre (je remarque que les stratégies réelles de la bourgeoisie à ce niveau n’ont guerre changé).
Au niveau des mentalités, ces capitalistes du Moyen âge et de la Renaissance ne recherchent pas encore la richesse pour la richesse. Donc pour Sylvain, le capitalisme spécifique commence avec la généralisation du salariat et de la production industrielle, quand le marché d’écoulement des surplus est remplacé par un marché généralisé qui est l’objet même de la production (observation fondamentale de Marx, qui fait le lien entre marché et capitalisme, alors que les économistes ont tendance à envisager ces deux notions toujours séparément).
Avant la Révolution industrielle de la fin du XVIIIème siècle, les marchés sont ultra réglementés, et les producteurs ultra protégés, en particulier par les autorités religieuses.. La production restait dans le cadre familial et il n’y avait pas de marché du travail, il y avait par contre un fort contrôle corporatif et communautaire. La production était donc encadrée par la famille, le village, la paroisse, la corporation de métier. Il faut pour sortir de ce monde fermé un changement de mentalité, un changement philosophique pour frayer la voie au capitalisme: la naissance de l’individualisme.
L’individualisme: l’individu est placé au centre des préoccupations, il devient une valeur positive (à la base des droits de l’homme et des idées de liberté et d’égalisé), et négative ( égoïsme, repli sur soi, etc).
Max Weber se pose la question de “pourquoi le capitalisme paraît-il en Occident et non, par exemple en Chine, où le niveau d’avance technologique à l’époque moderne est au moins équivalent? Il cherche une raison sur le plan des idées et des mentalités.
la valeur-travail : en Chine manque l’idée du travail comme valeur, l’idée que le travail est la source de la richesse. dans cette idée, Weber voit des affinités avec la pensée protestante (dans Éthique protestante et esprit du capitalisme) en ce qu’elle encourage le travail, produit de l’épargne par ascétisme modéré, limitation de la consommation. L’épargne ainsi crée est réinvestit en faveur de la communauté (?). Cette culture du travail est sans doute liée à l’idée de prédestination qui provoque une sorte de prédisposition psychologique au travail personnel et à l’accumulation: la réussite due au dur travail serait une preuve d’élection divine. En effet, la morale calviniste est tellement rigide que le sujet est porté à recherché dans la réussite un signe d’élection qui rend la vie moins lourde à porter, et dans le labeur quotidien un dérivatif au souci obsédant de son salut. Cette idée contribue aussi à la légitimation de la domination, inversement à l’élu laborieux, le paresseux, le réprouvé, le dissolu, l’ivrogne courent manifestement à leur perte. Weber reprend à Marx l’idée que les idées sont des forces matérielles, une fois qu’elles sont mises en pratique par des masses anonymes. Il s’en inspire tout en le critiquant: ces idées ne sont pas en effet des reflets déformés des intérêts matériels, mais des conceptions du monde valables en elles-mêmes.
Weber ne propose d’ailleurs pas un système : ses idées sont des outils d’explication, qui ne visent pas à se substituer à toutes les explications possibles du capitalisme.
Ce changement de mentalité peut être aussi retracé aux Lumières, et au delà, à Machiavel, depuis qu’on étudie non le devoir être moral des individus mais leur comportement social effectif. Les Lumières poussent en avant le processus de laïcisation, qui est déjà engagé par le protestantisme qui avait promu une relation individuelle, personnelle avec Dieu
Économiste et sociologue américain contemporain, critique de Weber. pour lui le changement de mentalité est plutôt celui là; l’intérêt est une passion bénigne, à promouvoir au dépens des passions nobles, plus dangereuses, si le considère que le problème moral fondamental dans l’Europe du XVIIème siècle est la passion. L’intérêt est donc une passion pacifique ou qui en tous cas engendre moins de maux que l’honneur. Il s’agit du “doux commerce” de Montesquieu dont la philosophie est sans doute au principe de la construction européenne. C’est aussi une réponse à Hobbes à l’homme loup pour l’homme qui nécessite l’État absolutiste pour réfréner sa violence.
En Angleterre, à la fin du XVIIIème siècle. Le décollage fin XVIIIème est produit d’abord par les effets d’une révolution agricole antérieure, par la clôture des champs, les améliorations culturales, les techniques d’assolement, les nouvelles cultures, etc. On peut nourrir plus de monde et la démographie progresse.
Puis la révolution industrielle, qui ne vient pas seulement d’un changement de mentalité vis à vis du travail et de l’épargne mais aussi par des inventions concrètes. La pensée technologique est occidentale, en ce qu’elle pose la nature comme objet à maîtriser. Pourtant les inventions importantes comme la machine à vapeur ou la machine à filer le coton sont assez peu liées à l’époque aux progrès de sciences, qu’elles anticipent parfois. Elles provoquent des gains de productivité énorme et des effets d’entraînement d’un secteur à l’autre, le textile provoquant le décollage de la mécanique, puis les développements induits des mines et de la chimie; Notez aussi le rôle important de la construction des chemins de fer (à partir de 1830, et surtout 1850) dans la structuration de la société industrielle.
Le développement des transports et la fin des péages (canaux, routes d’abord) a été décisif pour l’unification du marché. Les marchés locaux ont été mis en concurrence avec les marchés plus lointains, et les artisans à domicile avec les produits de la grande industrie. Le putting out système (travail à domicile) est remplacé eu à peu par le développement du salariat d’usine, et aussi du salariat dans l’agriculture.
Des réactions sociales contre cette évolution existent; la révolte des “luddites”, bris de machine par de ouvriers qualifiés anglais, de 1811 à 1817, qui craignent la dépossession de leur savoir faire.. d’une manière générale, et en France aussi, les “sublimes”, les ouvriers qualifiés qui revendiquent leur “saint lundi” et qui résistent bec et ongle contre l’évolution vers la déqualification provoquée par le machinisme. Pour les capitalistes du XIXème, il s’agit de fixer et d’encadrer la main d’œuvre ouvrière en baissant le salaire, en immobilisant dans la misère (et pas du tout en la fidélisant par de bons salaires). Il y a donc un gros effort de formatage de la main d’œuvre à ces conditions nouvelles et défavorables et d’adaptation forcé à des conditions de travail plus dures et plus intenses, et le résultat de cette acculturation est aussi une composante constitutive de la culture ouvrière résultant de l’industrie moderne.
La maxime du libéralisme, c’est “laissez faire, laissez passer”, mais la polémique contre l’État et les règlements ne reflète pas la réalité. Le rôle de l’État est indispensable; sans lui les chemins de fer, et les réseaux en général n’auraient pas été construits, il est indispensable dans le maintien de la paix, et aussi la répression antiouvrière. Il est aussi l’enjeu de la rivalité entre bourgeoisie industrielle et aristocratie terrienne, dont l’expression victorieuse pour la première est l’agitation libre-échangiste et le vote des Corn Laws en 1846 en Angleterre qui imposent le libre échange (ou au moins sa philosophie) au détriment des intérêts ruraux anglais.
L’économiste classique Ricardo, qui inspirera Marx, joue un rôle important sur le plan idéologique dans cette lutte contre l’aristocratie de rentiers de la terre. Officiellement, sa théorie célèbre des avantages comparatifs calcule que chaque nation a intérêt à se spécialiser pour échanger (le porto portugais contre le drap anglais), d’où bénéfice pour tous du libre-échange. Officieusement, les taxes à l’importation de blé favorisent l’aristocratie en augmentant la rente, et font monter les salaires qui, selon lui, tendent naturellement au niveau minimum compatible avec la subsistance. Les importations moins chères vont permettre aux capitalistes de baisser les salaires, de manière à obtenir une part plus importante pour les profits dans le partage avec les salaires de la richesse produite (la valeur ajoutée).
Régulation : l’économie politique classique, fondée par Adam Smith est fondamentalement optimiste sur le fonctionnement du capitalisme, au moins à court terme. Il y a des crises périodiques, et une prolétarisation des couches populaires, mais bientôt il y aura un enrichissement général. Vers la fin du XIXème siècle le discours bourgeois change. Les hygiénistes mènent l’enquête, et mettent en relief les déficiences physiques dues à la pauvreté, la baisse de la taille de conscrits, ils se posent aussi la question de l’origine de la pauvreté, et du chômage: sont-ils dus au manque structurel d’emploi ou à la paresse des pauvres?
Il faut en arriver au point de penser que le système ne produit pas que de la richesse mais aussi de la misère.. Or le libéralisme suppose l’existence de l’inégalité, parce qu’un aiguillon pour pousser l’humain rétif au travail est nécessaire, ainsi que l’existence d’une classe épargnante pour investir. En tout cas, le capitalisme, pour cette idéologie, est autorégulateur, en particulier sans intervention de l’État. La grande désillusion, à ce titre, est la crise mondiale des années 1930, dont le capitalisme ne sortira pas sans intervention de l’État.
D’où l’apparition d’un nouvelle école d’économiste (Keynes et Beeveridge) pour qui l’économie capitaliste est instable par nature, et qu’il faut le réguler de l’extérieur par l’intervention de l’État et des lois sociales; il faut la mise en place de statistiques précises pour permettre un fin pilotage économique, et la redistribution des revenus pour éviter l’effondrement de la demande solvable en cas de crise (principalement par l’instauration du Welfare State, qui est fondé sur l’assurance sociale des trois risques; maladie, chômage, vieillesse).
Le but du Welfare (ou “État Providence”) est d’intégrer les classes populaires dans le fonctionnement du capitalisme (dans le contexte de la guerre froide longue du capitalisme avec l’URSS et la tentative socialiste qui y eut lieu (1917/1991).
Les politiques keynésiennes de redistribution rencontrent un franc succès pendant les trente glorieuses (1945/1975), c’est à dire quelle produisent une croissance spectaculaire et régulière, mais elles dysfonctionnent après les crises du pétrole des années 1970, et le retour aux conceptions libérales néoclassiques. D’abord dans les pays anglo-saxons (Friedman et l’école de Chicago, conseiller de Reagan en 1980/1988 (puis de Pinochet, 1973/1990), Thatcher en Angleterre (1979/1990). C’est la revanche de Von Hayek, le rival libéral de Keynes. Les monétaristes comme Friedman sont les maîtres à penser de la Banque centrale européenne (BCE). Ils forment un club influent (société du Mont Pèlerin), sorte de Davos avant la lettre, qui détermine une bonne part du recrutement des universités et des médias économiques et des décisions de l’OMC, du FMI, de la Commission européenne, etc. Ils préconisent une politique antikeynésienne radicale: privatisations, dérégulation, internationalisation de l’économie
Le monétarisme qui soutent leur libéralisme est la théorie selon laquelle l’inflation (qui ruine les patrimoines) doit être jugulée à tout prix (c’est le cas de le dire) par le contrôle restrictif de la monnaie et du crédit.
4 Retour sur la productivité, et d’autres concepts clef
Parlons un peu de Taylor, l’ingénieur américain au service de Ford au début du XXème siècle qui met la productivité au centre des préoccupations des économistes en rationalisant le travail par décomposition des tâches et analyse scientifique du processus technique. Il parcellise le travail au maximum pour supprimer la “flânerie ouvrière”, et river le travailleur à son poste. Toute l’organisation technique est placée entre les mains du bureau des méthodes, y compris le chronométrage. La mise en pratique à grande échelle de cette théorie c’est la chaîne de montage, chez Ford. Taylor voulait aussi la mise en place d’un salaire à la pièce mais il s’est heurté là aux syndicats.
source fondamentale de la croissance, les gains de productivité du travail, du moins de la croissance en intensité (par augmentation de la part de capital fixe, machines, investissements lourds à amortir, par rapport au travail).
Les choix économiques sont en grande partie les problèmes de répartition des gains de productivité entre salaires, profits, ou utilisation directe par baisse des horaires, ou baisse des prix). Le débat souvent consiste de nos jour simplement à montrer qu’il y a un choix et que les modèles économiques, y compris libéraux, ne sont pas des normes. Par exemple le raisonnement de fondation Copernic pour démontrer que le vieillissement de la population n’impose pas l’allongement de la durée des cotisations.
Braudel avec son concept d’économie-monde montre que la mondialisation est originelle dans le capitalisme, l’échange et la circulation mondiaux sont là dès le début, le capitalisme commence par un développement extensif géographique, par le colonialisme, dès Christophe Colomb..
La montée du capitalisme au plan historique est l’extension et l’approfondissement du marché. Ce qui explique le rôle crucial des transports et des communications et des innovations qui concernent ces secteurs ainsi que le secteur de l’énergie, car transports et communication rendent possible le marché le plus vaste possible.
Schumpeter, inspiré de Marx, mais libéral, produit une théorie dynamique et cyclique du capitalisme. Le moteur du progrès pour lui, ce sont les innovations. Le Capitalisme fonctionne par une “destruction créatrice” permanente, avec un coût social permanent.
Le libre marché où la vraie valeur des marchandises serait trouvée par le jeu naturel de l’offre et la demande repose sur l’hypothèse de la concurrence “libre et non faussée” mais en pratique tous les marchés réels évoluent pour finir en oligopole, après élimination des concurrents les plus faibles, c’est à dire marché sectoriels mondiaux avec une dizaine d’entreprises seulement qui se partagent le marché (parfois bien moins). D’ailleurs aux Etats-Unis la loi antitrust a pour but d’empêcher les monopoles par destruction de la concurrence des plus faibles. Son application récente laisse à désirer (voir le cas de Microsoft).
a) Cette question revient à en poser une autre, la question de l’accumulation: d’où viennent les investissements? Pour Keynes, ils sont déterminés en fonction d’anticipation par rapport à la demande. Il y a trois sortes d’investissements; remplacement, capacité, productivité, le choix entre les trois est décisif pour l’emploi. On sort donc de la notion de marché du travail, conception libérale.
En effet pour un libéral, le chômage ne devrait pas exister, s’il y a un travailleur au chômage c’est soit que l’État est intervenu de manière intempestive, par exemple en fixant un salaire minimum, trop haut pour la demande effective de travail, soit que les ouvriers refusent le travail au prix du marché pour des raisons inavouables. Pour les libéraux, sur le marché du travail l’offre de travail et la demande de travail s’équilibrent au salaire juste, tandis que pour Keynes, les entreprises embauchent, quelque soit le prix payé, si elles ont besoin de produire. S’il n’y pas de production il n’y a pas de demande de travail, et donc pas de salaires versés, ni de production...
Les revenus de transfert (comme les allocations par exemple) servent donc à maintenir la demande solvable et donc la production. Au contraire dans le modèle libéral, tout se passe comme si le chômage était une pression à la hausse des salaires(!) une sorte de grève, et non ce qu’il est effectivement, une pression à la baisse; par peur du chômage les travailleurs employés acceptent la modération salariale. Aujourd’hui (Parisot) comme hier (à l’époque du Front Populaire) le patronat raisonne toujours en partant du principe qu’en baissant les salaires, on va retrouver le juste équilibre et le chômage va disparaître.
L’idées d’une application généralisée de la théorie (“loi”) de l’offre et la demande aux salaires comme la seule manière d’en fixer justement le prix (dans la pratique, rien à voir; ils sont fixés par le rapport de force entre ouvrier et patrons) remonte à la “révolution marginaliste” qui à partir de 1871 change fondamentalement les problématiques en économie. On l’associe aux recherches convergentes et sans doute indépendantes entre elles de Jevons, Menger, et Walras. Il s’agit essentiellement d’une tentative de mathématisation de l’économie, qui d’ailleurs échoue (le programme de recherche de mathématisation économique est un échec). Mais tout porte à croire que la complexité et la technicité de cette démarche est aussi un des buts recherchés: ça ne doit pas être à la porté du premier venu. Il s’agit peut-être aussi d’une tentative de contournement de la critique marxiste de l’économie politique.
Selon la théorie marginaliste, ou “néoclassique”, les salaires sont rémunérés à partir de leur productivité marginale: la quantité produite supplémentaire (Dp) divisée par quantité de travail supplémentaire (Dw), c’est la productivité à la marge. Si une embauche me rapporte moins qu’elle me coûte, j’embauche pas. Et tous les autres sont payés au prix marginal, puisque si j’embauche pas, le salarié marginal devient, en théorie, n’importe quel salarié déjà employé.
donc Dp/Dw, formalise le raisonnement attribué aux décideurs de l’économie; “si j’embauche un ouvrier, ça va me rapporter quelle quantité supplémentaire de production? (en réalité les questions ne se posent jamais comme ça).
Une des conséquences de ce changement de point de vue, c’est la disparition comme par enchantement de l’exploitation et de la plus-value marxiennes (Le Capital: 1867) Pour Clark (néo marginaliste américain) les facteurs de production sont tous rémunérés correctement à leur productivité marginale. La valeur travail est remplacée par une théorie subjectiviste de l’utilité marginale (chacun est seul juge de la valeur pour lui et il calcule si l’utilité obtenue par un bien est supérieure à la “désutilité” nécessaire pour l’obtenir (par exemple: travailler). Ce que Smith voyait bien, que certain sont obligés de travailler et d’autres non, est escamoté.
La valeur travail donc abandonnée dans la théorie économique dominante à la fin du XIXème siècle. Elle pose certes des problèmes théoriques, il est difficile de calculer le taux de profit en partant de cette hypothèse, et d’une manière générale l’adéquation entre valeur et prix est problématique. Mais elle présente aussi l’inconvénient idéologique, même dans ses variantes bourgeoises (Smith et Ricardo) de donner une base théorique aux revendications ouvrières.
Par ailleurs, dans le cadre de pensée marginaliste, on peut montrer que la productivité marginale du capital accumulé est décroissante; et qu’on risque donc d’arriver à une situation suraccumulation capitalistique qui provoque une crise des débouchés (en fait, c’est la situation de 1929). C’est à dire que l’on retrouve la thèse marxiste fondamentale de la baisse tendancielle du taux de profit, la contradiction majuere du capitalisme.
A ce moment là une question demande la mise en relation de ces concepts avec ceux de Marx, et de mieux situer la place de plus value dans ce schéma. Et en fait, on découvre que pour les libéraux, il n’y a pas d’exploitation, pas plus-value, et même pas de profit!
La productivité décroissante du capital ressemble à la théorie marxiste d’ailleurs en partie démentie par l’évolution historique, de baisse tendancielle du taux de profit. Mais il y a pas mal de problèmes pour faire coïncider les concepts de deux théories qui se contredisent explicitement.
Chez Marx, le capital se divise en deux, capital constant et capital variable. Le capital variable consiste essentiellement en une avance de salaires aux producteurs, il est dit “variable” parce qu’il comprend. 1) la valeur du travail effectué en prix de la reconstitution de la force de travail (valeur quotidienne des besoins de l’ouvrier et de sa famille) 2) la plus value, c’est à dire le travail gratuit effectué pour le patron. Autrement dit la “variation” du capital “variable”, c’est la plus-value obtenue en surplus de la valeur du travail, déterminé par celle des marchandises nécessaires pour reproduire la force de travail de l’ouvier (aliments, logements, vêtements, etc) Enfin le capital constant 3) qui contient le capital fixe 4) (ex; immeuble, machines) et 5) du capital circulant (fournitures, matières premières, énergie, etc)
toutes ces mises de fond et la plus value additionnées donnent la valeur de la marchandise produite.
Les économistes non marxistes, de leur coté se contentent de diviser la “valeur ajoutée” (c’est à dire la soustraction du prix de la marchandise produite et du prix des marchandises capitalistiques de toute nature achetées pour la produire) en salaires, profits, et impôts., un profit qu’ils préfèrent d’ailleurs déguiser sous l’appellation plus neutre d’excédent brut d’exploitation (EBE).
Marx distingue aussi le Plus value absolue (PVA) et la plus value relative (PVR) la PVA est calculée en soustrayant à la durée de travail effective la durée du travail socialement nécessaire pour assurer la reproduction de la force de travail (la vie de l’ouvrier et da sa famille). Il s’agit de la valeur produite par le surtravail.
la PVR est la fraction déterminée par la division du surtravail par le travail nécessaire. Marx montre que la PVR s’accroît proportionnellement à une autre fraction, la fraction capital constant/capital variable. Donc le progrès technique permet d’exploiter le travail de plus en plus! (et non de moins en moins comme on pourrait penser).
La croissance historique de la productivité est donc le résultat d’un accroissement de l’exploitation par accroissement de l’intensité de travail., dans le but de contrecarrer la baisse tendancielle du taux de profit.
Marx partage ce pessimisme paradoxal à long terme de Ricardo et de Smith : le taux de profit doit inexorablement baisser à long terme, sauf qu’il y voit une contradiction du capitalisme surmontable nécessairement par la révolution, et non une fatalité inscrite dans les lois de l’économie.
Rosa Luxembourg pense que le rôle des colonies est d’ouvrir des débouchés qui permettent d’annuler une partie de la baisse des taux de profit, et donc de repousser la date fatidique de la révolution.
Cela dit, on observe que l’efficacité du capital est de plus en plus faible, ou pour Keynes, dans son langage, la rentabilité des investissements baisse. Cela jusqu’au tournant de la fin des années 1970.