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Réveil Communiste

Une question, mais enfin des réponses!

26 Novembre 2007 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #Positions

Un parti communiste pour quoi faire ?

 

Le questionnaire proposé aux adhérents du PCF pour ouvrir le débat sur le prochain congrès extraordinaire évoque une posture offensive des communistes pour « imaginer une alternative crédible au capitalisme du 21ème siècle » !

Soit, mais la formulation en elle-même est déjà porteuse d’ambiguïtés car si le capitalisme d’aujourd’hui a évolué dans ses formes par rapport à ce qu’était sa réalité au 19ème siècle, les raisons de fond qui amènent les peuples à le contester et les communistes, et pas seulement eux bien sûr, à lutter pour y mettre fin restent pour l’essentiel identiques à celles qui ont amené le mouvement ouvrier tout d’abord à se structurer pour lutter contre l’exploitation du genre humain.

Ceci dit pour affirmer ma conviction que la référence au communisme est plus que jamais d’actualité quand bien même il nous faut ensemble réfléchir à comment mettre en œuvre ce projet politique et son ambition sociale.

Je me permettrais d’ailleurs de remarquer que beaucoup de ceux qui aujourd’hui professent l’idée que cette référence serait dépassée pour ne pas dire constituerait un repoussoir ont exercé des responsabilités importantes à une période où, c’est le moins que l’on puisse dire, la visibilité et la lisibilité du projet politique du PCF dans la société française n’ont pas vraiment progressées et où la pertinence de son rôle vis-à-vis de cette société s’en est trouvée d’autant questionnée.

Le plus problématique, à mon égard, est que cette affirmation masque le plus souvent un manque de consistance idéologique quant à la nature du projet politique proposé.

Le premier problème consiste déjà à définir quand on utilise le terme « communisme » à quoi fait-on référence. Si l’on se fonde sur les référents idéologiques qui sont les nôtres et que l’on parle de communisme en tant qu’objectif, que parcours, qu’ambition humaine, que mouvement et processus d’émancipation, il me semble, au regard de la situation de notre planète aujourd’hui, qu’il est en effet plus que jamais d’actualité. D’aucuns objecteront, non sans raison, que pour bien des gens, ce mot fait référence à des expériences historiques passées, que la pensée dominante s’est acharnée à associer à ses échecs et à ses drames. Mais quelle était donc la dimension communiste de ces expériences, quand bien même elles se soient menées en son nom ? Nous faut-il pour autant nous enfermer dans le cadre du débat tel qu’il est posé par la pensée dominante, ou alors lutter pour faire valoir notre analyse propre de la nature de ces expériences, avec leurs échecs et leurs drames certes, mais aussi avec leurs acquis, leurs avancées et les bouleversements qu’elles ont pu induire, bien au-delà des seuls pays où elles ses sont déroulées ?

Lorsque l’on constate aujourd’hui la difficulté pour des mouvements sociaux pourtant puissants de déboucher sur des solutions politiques, on peut mesurer rétrospectivement la peur que la menace sans précédent de l’existence d’une réalité contestant sa toute puissance a pu engendrer chez le capitalisme, ce qui l’a obligé à faire des concessions dont il est aujourd’hui bien plus avare. Ces fameuses conquêtes sociales qui restent un référent puissant en France par exemple, mais pas seulement, auraient-elles eu l’ampleur qu’elles ont eue sans l’existence de cette menace historique pour le capital ?

N’y avait-il pas là une bataille idéologique à mener plutôt que nous jeter à corps perdu dans des abjurations expiatoires destinées à donner des gages de bonne conduite à la pensée dominante ? Car pourtant des travaux et des analyses de qualité, avec un point de vue marxiste, ne manquent pas mais ce qui nous a peut-être le plus manqué, c’est le courage politique de les porter dans l’espace public.

Cela est aussi valable pour la question du concept de « modèle ». Si cette notion a pu durablement obérer les capacités créatives et d’initiative du mouvement communiste, la question des référents reste elle posée avec encore plus d’acuité dans le monde actuel.

L’écroulement de réalités qui ont, à  tort ou à raison, servi de référents pendant des décennies allié à la diabolisation de toutes ces expériences associées abusivement au communisme pèse aujourd’hui sur la crédibilité politique de l’émergence d’une alternative.

Il ne me semble pas fortuit qu’aujourd’hui dans le monde, ce soit en Amérique Latine que cette perspective alternative gagne en crédibilité et pour l’avoir entendu affirmer par de nombreux intervenants de divers pays dans différents débats, l’existence pour les peuples d’un référent comme Cuba aura constitué un encouragement en leur montrant au fil des années qu’il était possible de résister à l’Empire, sans pour autant abdiquer de leur spécificité. Car, comme me le disait à sa façon un camarade du Venezuela, la diversité des réalités et des expériences ne s’oppose pas à la communauté d’objectifs puisque l’ennemi reste le même. J’ai d’ailleurs aussi pu le vérifier lors de plusieurs séjours dans ces pays.

Pourquoi cette frilosité ? Parce que notre politique d’alliances et de rassemblement restait conditionnée par notre rapport aux institutions et sa logique « majoritaire » ?  Par peur de remettre en question des alliances électorales qui nous avaient permis d’asseoir des positions significatives sur le plan institutionnel ? Pourquoi, alors que nous avions combattu avec raison les ferments antidémocratiques de la constitution de la Vème République, nous sommes nous résignés à enfermer tous nos projets politiques depuis près de 40 ans dans cette logique de « majorité présidentielle » si néfaste à la vie démocratique et au débat politique ?

C’est au long de ce processus que notre visibilité politique s’est diluée sous la notion de « gauche » dont a si bien su tirer profit MITTERAND et que la pertinence de notre utilité par rapport au peuple de ce pays s’est amenuisée  !  

Et ces questions politiques n’ont évidemment pas été sans conséquences sur nos choix d’organisation. 

Car la réflexion porte aussi sur la notion de parti, avec tout ce qu’on lui attribue en fonction des expériences passées. Mais là encore les modes de pensée métaphysique font rage comme il a été possible de le constater lors du débat sur le centralisme démocratique auquel on a attribué les défauts de démocratie dans l’existence du parti. Or, et on peut le constater aujourd’hui, cela n’est assurément pas l’exorcisme auquel on s’est livré alors qui nous a délivrés des maux du centralisme, le problème du manque de démocratie dans le fonctionnement de l’organisation demeurant récurrent. C’est bien parce que le centralisme fonctionnait d’abord sur le principe de la verticalité, telle que peut l’évoquer Lucien Sève, avec bien peu de démocratie qu’il a produit une forme de militantisme vécue de plus en plus comme une sujétion. Mais chacun peut constater aujourd’hui les dommages causés à la lisibilité de la politique du PCF par une expression trop souvent cacophonique où chacun entend jouer sa propre partition, qui plus est sans le moindre respect pour la souveraineté des adhérents. Comment s’étonner dès lors que tous les beaux discours sur la démocratie participative passent pour des discours de circonstances et que de plus en plus de militants se sentent dépossédés de leur capacité d’intervention et d’élaboration ?

Je ne cultive pas pour autant un attachement fétichiste à la notion de parti mais il ne me semble pas que les défauts évoqués plus haut lui soient inhérents, mais qu’il faille réfléchir à faire vivre en son sein des dimensions comme la transversalité et la proximité tout en développant des pratiques militantes qui ne se limitent pas à distribuer les tâches et à relever les compteurs.

La bataille des mots a aussi son importance et chacun pourra constater comme le capitalisme a toujours travaillé avec attention cette question et comment trop souvent nous avons, même inconsciemment, subi cette offensive. Comment le patronat, mot ayant acquis une connotation négative par la lutte des peuples, s’est transformé en « entrepreneurs » pour aboutir aujourd’hui au comble de parler de « l’entreprise » pour évoquer non pas ceux qui la font vivre mais son patron et son actionnariat ! Combien de couleuvres avons-nous avalé entre « ouverture au capital » ou « partenariat public-privé » avant de dernièrement sembler redécouvrir qu’un Parti Communiste qui fait l’impasse sur la question de l’appropriation sociale des moyens de productions évacue toute sa dimension transformatrice ?  

Cette bataille vaut pour le mot « communisme » comme aussi pour le « capitalisme » !

Si donc la nature profonde du capitalisme perdure, les formes d’exploitation ont sans conteste évoluées par l’effet conjugué de plusieurs phénomènes.

Sans prétendre me livrer à une analyse exhaustive du capitalisme je pointerais quelques aspects qui me semblent essentiels : sans pour autant vouloir les situer dans une chronologie précise ni simultanée :

Tout d’abord, la capacité d’adaptation du capitalisme face à la montée d’une contestation sociale croissante, son évolution et son travail idéologique, y compris au moyen du langage.

Le capitalisme a compris que l’émergence de cette contestation sociale s’est construite sur des unités de lieu, de temps et d’action qui ont permis à la conscience de classe des opprimés de se structurer en appréhendant la globalité des rapports de domination induit par son organisation socio-économique.

Il a donc travaillé à déstructurer tous les périmètres ayant permis l’émergence de cette conscience de classe. Que ce soit par la parcellisation des tâches, l’usage des évolutions technologiques visant à isoler chaque travailleur dans son vécu social, par une précarisation accrue de la main d’œuvre, par la mise en concurrence des salariés et des peuples. Par aussi un travail idéologique à l’intérieur des entreprises, par le biais des multinationales, sous couvert de cultiver une « culture d’entreprise » !.

Il suffit de voir comment dans ces entreprises en premier lieu et dans la plupart des pays industrialisés, l’évolution s’est faite d’un contrat social collectif entre les salariés et l’entreprise, dans un cadre législatif fixé par la puissance publique à la notion de contrat commercial individuel entre un travailleur et l’entreprise. Par ce biais, c’est toute la culture anglo-saxonne forgée dans le capitalisme le plus débridé qui s’est progressivement imposée dans les consciences jusqu’à faire de l’entreprise un espace en dehors de la société où les citoyens ne jouissent pas des mêmes droits qu’en dehors et l’on notera sur cette question la répression de plus en plus brutale de toute expression politique dans les entreprises. Avec là encore des répercussions sur les modes de fonctionnement du Parti qui auront conduit à l’affaiblissement des cellules en entreprises et souvent à leur disparition ou mise en sommeil.

Ce travail de délitement social et d’aliénation s’est aussi répercuté sur l’ensemble des rapports sociaux..

Le travail idéologique ensuite visant à exalter les libertés individuelles pour mieux évacuer tout le champ des droits sociaux et collectifs, comme s’ils étaient antinomiques. En même temps, de vanter l’approche individuelle, sous prétexte de mieux valoriser la contribution de chaque salarié, en matière de salaire, d’évolution professionnelle et d’évaluation.

Mais alors qu’il était important de mettre l’accent sur leur cohérence en soulignant que c’est précisément le niveau des garanties sociales et collectives qui peut permettre aux libertés individuelles d’être pleinement exercées, nous sommes tombés dans le piège tendu par le capitalisme en ne mettant trop souvent l’accent que sur les droits sociaux et collectifs accréditant ainsi l’idée fausse que l’on négligerait les libertés individuelles.

L’aliénation aussi par la marchandisation de l’ensemble des activités humaines dont la consommation n’est qu’un des corollaires, d’abord dans les grands pays industriels puis servant ensuite de mirage pour les peuples du sud en proie à une exploitation et une misère plus marquée. Je pourrais évoquer tout autant les impacts écologiques, les gâchis humains, les discriminations de toutes sortes et la mise en compétition systématique de tous les peuples et de leurs activités.

Là aussi, tant dans nos pratiques syndicales que politiques, nous nous sommes trop souvent cantonnés au terrain choisi par le capitalisme, dans des revendications et des démarches quantitatives sans pour autant remettre en question les modes d’exploitation globale. Nous en sommes trop souvent restés à la question du combien, certes nécessaire, sans l’allier à la question du comment indispensable pourtant pour mettre en exergue la nature profondément inégalitaire du capitalisme, quand bien même elle puisse ponctuellement, tant dans l’espace que dans le temps, induire une progression du niveau de vie des travailleurs.

Et face à ce travail de déstructuration sociale en profondeur, la réponse la plus pertinente en terme d’organisation peut-elle consister à supprimer les premiers pôles de proximité que constituent les cellules plutôt que d’interpeller nos pratiques politiques et militantes en travaillant à retisser autant que faire se peut du lien social et en nous inscrivant à contre-courant de cette entreprise de destruction ?

Une autre caractéristique qui s’est fortement accrue ces dernières décennies réside dans la financiarisation de l’économie avec des conséquences sociales désastreuses sur l’ensemble de la planète. Là encore, une posture trop défensive nous a enfermé dans une dichotomie artificielle abondamment propagée par la pensée dominante :

Nous aurions d’un côté les tenants du « social », pleins de bonnes intentions mais peu au fait des réalités et de l’autre les tenants de « l’économique », sévères certes mais en prise avec les contraintes du réel.

Or lorsque l’on mesure les dégâts sociaux, économiques, écologiques ainsi que les innombrables gâchis induits par cette évolution du capitalisme, il est aisé de constater que cette thèse relève de la fable et qu’aujourd’hui l’opposition qui existe est celle entre une vision financière et une vison économique et sociale, l’exemple d’Airbus en est une des dernières illustrations les plus criantes ; sans parler de la comparaison entre services publics et soumission aux intérêts financiers par la dérégulation dans des secteurs comme le transport ou l’énergie par exemple.

Il me semble donc plus que jamais nécessaire de porter cette identité communiste en travaillant à mettre en cohérence nos pratiques, nos choix d’organisation et de stratégies et nos valeurs afin de recouvrer une ambition sociale et idéologique indispensable pour faire face aux combats qui nous attendent.

S’il me semble essentiel que nous soyons force de propositions, elles ne peuvent prendre toute leur mesure que dans la clarté des idées et des objectifs.

Une grande partie de la crédibilité du mouvement communiste s’est construite dans sa capacité à pouvoir construire une contre-culture et un contre-système face aux ravages du capitalisme. Et aussi dans son ambition formatrice d’éducation populaire.

Sans glorifier une histoire non dénuée d’errements mais aussi riche de combien d’avancées humaines et sans cultiver un passéisme sans issue, je ne vois pas pour quelle raison il nous faudrait la mettre à l’encan et avec elle tous les enseignements que nous pouvons en tirer, sous prétexte de continuer à exister. C’est à mon sens le plus sûr moyen de disparaître ou de nous fondre dans les délices empoisonnés des jeux de pouvoir institutionnels.

Si nous nourrissons l’ambition de faire grandir ce combat vital pour la planète et tous ses peuples contre le capitalisme, cela n’est assurément pas en baissant la barre idéologiquement que nous y parviendrons, ni en conditionnant le contenu de notre projet à une stratégie d’alliances électorales ou politiques.

C’est plutôt de la nature du projet dans une perspective clairement anticapitaliste que doivent naître des rassemblements et en luttant pour que chaque citoyen se réapproprie sa capacité d’élaboration et d’intervention dans le combat politique!

 

Pedro DA NOBREGA

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