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Réveil Communiste

Comment les Arabes voient les Juifs - adressse aux américains par le roi Abdallah de Jordanie, 1947

2 Janvier 2024 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #Asie occidentale, #Théorie immédiate, #Ce que dit la presse, #Impérialisme

Comment les Arabes voient les Juifs - adressse aux américains par le roi Abdallah de Jordanie, 1947

Bulletin Comaguer 540

29 décembre 2023

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Comment les arabes voient les juifs

Nous avons choisi de traduire de diffuser et de commenter l’article publié sous ce titre dans la presse des Etats-Unis en Novembre 1947 par le Roi Abdallah 1er de Jordanie au moment même où l’Assemblée générale des Nations Unies est saisie du dossier palestinien .

Ce personnage occupe une place importante dans l’histoire de cette région du monde. Pour la Grande Bretagne, principale puissance économique et politique mondiale au moment où débute la première guerre mondiale, cette guerre va être l’occasion d’en finir avec l’empire ottoman, le fameux « homme malade du 19° siècle ». Les appétits de la Grande Bretagne se concentrent sur le monde arabe qui, de la Syrie au Yémen, en passant par l’Arabie et l’Egypte permet le contrôle de la route des Indes et assure la sécurité de l’accès à la perle de l’empire. La Grande Bretagne va donc prendre le parti des monarchies arabes encore sous tutelle ottomane et soutenir leur aspiration à l’indépendance. Elle rend cette position officielle par un échange de lettres entre le gouverneur d’Egypte Mac Mahon et Hussein ben Ali le Cherif de La Mecque et roi du Hedjaz en lui promettant la création d’u royaume arabe unique qui s’étendrait du Yémen à la Syrie. Cette promesse entérinée en Mars 1916 déclenche l’engagement des troupes arabes aux côtés des troupes britanniques contre l’armée ottomane qui est défaite.

Cette promesse ne sera pas tenue et après diverse péripéties trois royaumes sont constitués dans les années 1923-1924 dirigés par les trois fils du chérif de la Mecque : l’émirat de Jordanie, le royaume du Hedjaz et le royaume d’Irak. Le premier est dirigé par Abdallah 1°er, le second par Ali Ben Hussein, le troisième par Fayçal 1°er . Ainsi se crée la dynastie hachémite.

En raison des accords secrets Sykes Picot (1917) la Syrie a échappé à ce partage et a été placée sous mandat français par la Société des Nations, Fayçal a reçu des mains britanniques l’Irak comme lot de consolation, Ali Ben Hussein a obtenu le Hedjaz mais sera renversé en 1925 par Ibn Saoud qui installe sa dynastie à la tête de l’Arabie ainsi devenue saoudite.

Abdallah 1er émir de Jordanie va évidemment suivre de très près l’évolution de la situation en Palestine mais sa soumission aux intérêts britanniques est totale. Il gère les affaires intérieures de l’émirat , son armée est dirigée par des officiers britanniques et sa politique étrangère est conduite par le Foreign Office. Dès 1946 la Grande Bretagne émancipe l’émirat qui devient le royaume de Jordanie et le pays est aujourd’hui encore dirigé par ses descendants. Pour autant son adhésion à l’ONU est refusée en raison du veto de l’URSS qui considère que le pays encore dominé par la Grande Bretagne est faussement indépendant.

Quand donc il s’exprime sur la question palestinienne en 1947 il le fait dans ce contexte.
 

Traduction Comaguer

Note technique au sujet de la traduction  : Nous avons choisi d’éliminer l’adjectif américain utilisé dans la version anglaise de ce texte pour qualifier les citoyens des Etats-Unis et l’avons remplacé par étasunien. En 1947 cette option n’avait pas cours mais elle a du sens car elle souligne l’hubris sémantique impérialiste visant à faire d’un continent entier qui s’étend de l’Alaska à la Terre de Feu un seul pays propriété d’un seul état:  Les Etats-Unis d’Amérique. Cet hubris sémantique s’est également répandu chez les sionistes : l’Etat d’Israël ne se reconnait pas de frontières et les deux bandes bleues horizontales sur son drapeau représentent l’une l’Euphrate, l’autre le Nil.

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Comme les Arabes voient les Juifs, par Sa Majesté le Roi Abdallah

Par Sa Majesté le Roi Abdallah

The American Magazine Novembre 1947

Résumé

Cet appel au peuple des Etats-Unis, écrit par le roi Abdallah, fils du chérif Hussein et grand-père de l'actuel roi de Jordanie, est apparu aux États-Unis six mois avant la guerre israélo-arabe de 1948. Dans l’article, le roi Abdallah conteste l’idée erronée selon laquelle l’opposition arabe au sionisme (et plus tard à l’État d’Israël) serait due à une haine religieuse ou ethnique de longue date. Il note que les juifs et les musulmans ont connu une longue histoire de coexistence pacifique au Moyen-Orient et que les juifs ont historiquement beaucoup plus souffert aux mains de l’Europe chrétienne. Invoquant la tragédie de l’holocauste subi par les Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, le monarque se demande pourquoi l’Amérique et l’Europe refusent d’accepter plus qu’une poignée symbolique d’immigrants et de réfugiés juifs. Il est injuste, affirme-t-il, de faire payer à la Palestine, qui est innocente d’antisémitisme, les crimes de l’Europe. Le roi Abdallah se demande également comment les Juifs peuvent revendiquer un droit historique sur la Palestine, alors que les Arabes y constituent l’écrasante majorité depuis près de 1 300 années ininterrompues ? L’essai se termine sur une note inquiétante, mettant en garde contre les conséquences désastreuses si une solution pacifique ne peut être trouvée pour protéger les droits des Arabes autochtones de Palestine.
 

« Comment les Arabes voient les Juifs »

Sa Majesté le Roi Abdallah

Je suis particulièrement heureux de m'adresser à un public étasunien, car le problème tragique de la Palestine ne sera jamais résolu sans sa compréhension, sa sympathie et son soutien

Tant de milliards de mots ont été écrits sur la Palestine – peut-être plus que sur tout autre sujet de l’histoire – que j’hésite à en ajouter. Pourtant, je suis obligé de le faire, car je suis convaincu, à contrecœur, que le monde en général, et les Etats-Unis en particulier, ne sait presque rien de la réalité des Arabes.

Nous, Arabes, suivons, peut-être bien plus que vous ne le pensez, la presse des Etats -Unis. Nous sommes franchement troublés de constater que pour chaque mot imprimé du côté arabe, un millier est imprimé du côté sioniste.

Il y a plusieurs raisons à cela. Plusieurs millions de citoyens juifs sont intéressés par cette question. Ils sont très actifs et avisés en matière de publicité. Il y a peu de citoyens arabes aux Etats-Unis et nous ne sommes pas encore experts dans les techniques de la propagande moderne.

Les résultats ont été alarmants pour nous. Dans votre presse, nous voyons une horrible caricature et on nous dit que c'est notre véritable portrait. En toute justice, nous ne pouvons pas laisser passer cela sans rien dire.

Notre cas est assez simple : depuis près de 2 000 ans, la Palestine est presque 100 % arabe. Elle est encore aujourd'hui majoritairement arabe, malgré une énorme immigration juive. Mais si cette immigration se poursuit, nous serons bientôt dépassés en nombre – nous serons une minorité chez nous.

La Palestine est un petit pays très pauvre, de la taille de votre État du Vermont. Sa population arabe ne compte qu’environ 1 200 000 habitants. Nous avons déjà été forcés, contre notre gré, d'accueillir quelque 600 000 Juifs sionistes. Nous sommes menacés par l’arrivée de plusieurs centaines de milliers d’autres.

Notre position est si simple et naturelle que nous sommes étonnés qu’elle doive même être remise en question. C’est exactement la même position que vous adoptez en Amérique à l’égard des malheureux Juifs européens. Vous regrettez leur sort , mais vous ne les voulez pas dans votre pays.

Nous n’en voulons pas non plus chez nous. Non pas parce qu’ils sont juifs, mais parce qu’ils sont étrangers. Nous ne voudrions pas de centaines de milliers d’étrangers dans notre pays, qu’il s’agisse d’Anglais, de Norvégiens, de Brésiliens ou autre.

Réfléchissez un instant : au cours des 25 dernières années, un tiers de notre population entière nous a été imposé. En Amérique, cela équivaudrait à 45 000 000 de parfaits étrangers admis dans votre pays, suite à vos violentes protestations, depuis 1921. Comment auriez-vous réagi à cela ?

En raison de notre aversion tout à fait naturelle à l’idée d’être submergés dans notre propre pays, nous sommes traités de nationalistes aveugles et d’antisémites sans cœur. Cette accusation serait ridicule si elle n'était pas si dangereuse.

Aucun peuple sur terre n’a été moins « antisémite » que les Arabes. La persécution des Juifs s'est limitée presque entièrement aux nations chrétiennes d'Occident. Les Juifs eux-mêmes admettront que jamais, depuis la Grande Dispersion, ils ne se sont développés aussi librement et n'ont atteint une telle importance qu'en Espagne, alors possession arabe. À de très légères exceptions près, les Juifs ont vécu pendant de nombreux siècles au Moyen-Orient, en toute paix et amitié avec leurs voisins arabes.

Damas, Bagdad, Beyrouth et d’autres centres arabes ont toujours abrité de vastes et prospères colonies juives. Jusqu’au début de l’invasion sioniste de la Palestine, ces Juifs recevaient le traitement le plus généreux – bien meilleur que dans l’Europe chrétienne. Malheureusement, pour la première fois dans l’histoire, ces Juifs commencent à ressentir les effets de la résistance arabe à l’assaut sioniste. La plupart d’entre eux sont aussi désireux que les Arabes d’y mettre un terme. La plupart de ces Juifs qui ont trouvé un foyer heureux parmi nous sont mécontents, comme nous, de l'arrivée de ces étrangers.

J’ai longtemps été perplexe quant à l’étrange croyance qui persiste apparemment aux Etats-Unis selon laquelle la Palestine a, d’une manière ou d’une autre, « toujours été une terre juive ». Récemment, un citoyen étasunien à qui j'ai parlé a éclairci ce mystère. Il a souligné que la plupart d’entre eux ne connaissent de la Palestine que ce qu’ils en lisent dans la Bible. C’était une terre juive à cette époque, raisonnent-ils, et ils supposent qu’elle l’est toujours restée.

Rien ne pourrait être aussi loin de la vérité. Il est absurde de remonter aussi loin dans les brumes de l’histoire pour discuter de la question de savoir à qui revient la Palestine aujourd’hui, et je m’en excuse. C’est pourtant ce que font les Juifs, et je dois répondre à leur «revendication historique ». Je me demande si le monde a déjà vu un spectacle plus étrange qu’un groupe de personnes prétendant sérieusement revendiquer une terre parce que leurs ancêtres y vivaient il y a environ 2 000 ans !

Si vous suggérez que je suis partial, je vous invite à lire toute histoire concrète de cette période et à vérifier les faits.

Des documents aussi fragmentaires que ceux dont nous disposons indiquent que les Juifs étaient des nomades errants venus d'Irak qui se sont déplacés vers le sud de la Turquie, sont venus au sud de la Palestine, y sont restés peu de temps, puis sont passés en Égypte, où ils sont restés environ 400 ans. Vers 1300 avant JC (selon votre calendrier), ils quittèrent l'Égypte et conquirent progressivement la plupart, mais pas la totalité, des habitants de la Palestine.

Il est significatif que ce soient les Philistins – et non les Juifs – qui aient donné leur nom au pays : « Palestine » n’est que la forme grecque de « Philistie ».

Une seule fois, sous l’empire de David et de Salomon, les Juifs ont contrôlé la terre qui est aujourd’hui la Palestine mais pas la totalité. Cet empire n'a duré que 70 ans et s'est terminé en 926 avant JC. Seulement 250 ans plus tard, le royaume de Juda était réduit à une petite province autour de Jérusalem, représentant à peine un quart de la Palestine moderne.

En 63 avant JC, les Juifs furent conquis par le romain Pompée et n'eurent plus jamais le moindre vestige d'indépendance. L’empereur romain Hadrien les extermina finalement vers 135 après JC. Il détruisit complètement Jérusalem, la reconstruisit sous un autre nom, et pendant des centaines d'années aucun Juif ne fut autorisé à y entrer. Une poignée de Juifs sont restés en Palestine mais la grande majorité ont été tués ou dispersés dans d’autres pays, dans la Diaspora, ou la Grande Dispersion. À partir de ce moment-là, la Palestine a cessé d’être un pays juif, dans tous les sens imaginables.

C’était il y a 1 815 ans, et pourtant les Juifs prétendent solennellement qu’ils possèdent toujours la Palestine ! Si une telle fantaisie était permise, comme la carte du monde valserait !

Les Italiens pourraient revendiquer l’Angleterre, que les Romains ont occupée si longtemps. L'Angleterre pourrait revendiquer la France, « patrie » des conquérants normands. Et les Normands français pourraient revendiquer la Norvège, d'où leurs ancêtres sont originaires. Et incidemment, nous, Arabes, pourrions revendiquer l’Espagne, que nous avons détenue pendant 700 ans.

De nombreux Mexicains pourraient revendiquer l’Espagne, la « patrie » de leurs ancêtres. Ils pourraient même revendiquer le Texas, qui était mexicain jusqu’il y a 100 ans. Et supposons que les Indiens d’Amérique revendiquent la « patrie » dont ils étaient les seuls occupants indigènes et anciens jusqu’à il y a seulement 450 ans !

Je ne suis pas facétieux. Toutes ces affirmations sont tout aussi valables – ou tout aussi fantasmatiques – que le « lien historique » juif avec la Palestine. La plupart sont plus valables.

Quoi qu’il en soit, la grande expansion musulmane vers 650 après JC a finalement réglé la situation. Elle dominait complètement la Palestine. À partir de ce jour, la Palestine était solidement arabe en termes de population, de langue et de religion. Lorsque les armées britanniques sont entrées dans le pays lors de la dernière guerre, elles ont trouvé 500 000 Arabes et seulement 65 000 Juifs.

Si une occupation arabe solide et ininterrompue depuis près de 1 300 ans ne fait pas d’un pays un pays « arabe », qu’est-ce qui le fera ?

Les Juifs disent, à juste titre, que la Palestine est le foyer de leur religion. C’est également le berceau du christianisme, mais une nation chrétienne le revendiquerait-elle pour cette raison ? En passant, permettez-moi de dire que les Arabes chrétiens – et il y en a des centaines de milliers dans le monde arabe – sont absolument d’accord avec tous les autres Arabes dans leur opposition à l’invasion sioniste de la Palestine.

Puis-je également souligner que Jérusalem est, après La Mecque et Médine, le lieu le plus saint de l'Islam. En fait, dans les premiers jours de notre religion, les musulmans priaient vers Jérusalem plutôt que vers La Mecque.

La « revendication religieuse » juive sur la Palestine est aussi absurde que la « revendication historique ». Les Lieux Saints, sacrés pour trois grandes religions, doivent être ouverts à tous, le monopole de personne. Ne confondons pas religion et politique.

On nous dit que nous sommes inhumains et sans cœur parce que nous n’acceptons pas à bras ouverts les quelque 200 000 Juifs d’Europe qui ont si terriblement souffert de la cruauté nazie et qui, même aujourd’hui – près de trois ans après la fin de la guerre – croupissent encore dans des camps froids et déprimants.

Permettez-moi de souligner plusieurs faits. La persécution inimaginable des Juifs n’a pas été perpétrée par les Arabes : elle a été perpétrée par une nation chrétienne d’Occident. La guerre qui a ruiné l’Europe et rendu presque impossible la réhabilitation de ces Juifs a été menée par les nations chrétiennes d’Occident. Les parties riches et vides de la terre n’appartiennent pas aux Arabes, mais aux nations chrétiennes d’Occident.

Et pourtant, pour apaiser leur conscience, ces nations chrétiennes d’Occident demandent à la Palestine – un petit et pauvre pays musulman de l’Est – d’accepter l’intégralité du fardeau. « Nous avons terriblement blessé ces gens », crie l’Occident à l’Est. "Veux-tu s'il te plaît prendre soin d'eux pour nous ?"

Nous ne trouvons ni logique ni justice dans cette demande. Sommes-nous donc des « nationalistes cruels et sans cœur » ?

Nous sommes un peuple généreux : nous sommes fiers que « l’hospitalité arabe » soit une expression célèbre dans le monde entier. Nous sommes un peuple humain : personne n’a été plus choqué que nous par la terreur hitlérienne. Personne ne plaint plus que nous le sort actuel des Juifs européens désespérés.

Mais on dit que la Palestine a déjà abrité 600 000 réfugiés. Nous pensons que c’est suffisant, voire trop, d’attendre de nous. Nous pensons que c’est désormais au tour du reste du monde d’en accepter certains.

Je serai tout à fait franc avec vous. Il y a une chose que le monde arabe ne peut tout simplement pas comprendre. De toutes les nations de la terre, ce sont les Etats-Unis qui insistent le plus pour que quelque chose soit fait pour ces Juifs d’Europe qui souffrent. Ce sentiment fait honneur à l’humanité reconnue des Etats-Unis, humanité affirmée dans cette glorieuse inscription sur votre Statue de la Liberté.

Et pourtant, cette même Amérique – la nation la plus riche, la plus grande et la plus puissante que le monde n’ait jamais connu – refuse elle-même d’accepter plus qu’une poignée symbolique de ces mêmes Juifs !

J'espère que vous ne penserez pas que je suis amer à ce sujet. J’ai essayé de comprendre ce mystérieux paradoxe, et j’avoue que je n’y parviens pas. Aucun autre Arabe ne le peut.

Peut-être avez-vous appris que « les Juifs d’Europe ne veulent aller nulle part ailleurs qu’en Palestine ».

Ce mythe est l’un des plus grands triomphes de la propagande de l’Agence juive pour la Palestine, l’organisation qui promeut avec un zèle fanatique l’émigration vers la Palestine. C’est une demi-vérité subtile, donc doublement dangereuse.

La vérité étonnante est que personne sur terre ne sait vraiment où ces malheureux Juifs veulent vraiment aller !

On pourrait penser que face à un problème aussi grave, les autorités américaines, britanniques et autres responsables des Juifs européens auraient mené une enquête très minutieuse, probablement par vote, pour découvrir où chaque Juif souhaite réellement aller. Étonnamment, cela n’a jamais été fait ! L’Agence juive l’a empêché.

Il y a quelque temps, lors d'une conférence de presse, on a demandé au gouverneur militaire étasunien en Allemagne pourquoi il était si certain que tous les Juifs de ce pays voulaient aller en Palestine. Sa réponse fut simple : « Mes conseillers juifs me le disent. » Il a admis qu'aucun sondage n'avait jamais été réalisé. Les préparatifs ont en effet commencé, mais l’Agence juive est intervenue pour l’arrêter.

La vérité est que les Juifs des camps allemands sont désormais soumis à une campagne de pression sioniste qui a beaucoup appris de la terreur nazie. Il est dangereux pour un Juif de dire qu’il préférerait aller dans un autre pays que la Palestine. Ces dissidents ont été sévèrement battus, et pire encore.

Il n’y a pas si longtemps, en Palestine, près de 1 000 Juifs autrichiens ont fait savoir à l’organisation internationale pour les réfugiés qu’ils aimeraient retourner en Autriche et des plans ont été élaborés pour les rapatrier.

L’Agence Juive en a eu connaissance et a exercé suffisamment de pression politique pour y mettre un terme. Ce serait une mauvaise propagande pour le sionisme que les Juifs commencent à quitter la Palestine. Les près de 1 000 Autrichiens sont toujours là, contre leur gré.

Le fait est que la plupart des Juifs européens sont occidentaux par leur culture et leurs perspectives, et entièrement urbains par leur expérience et leurs habitudes. Ils ne peuvent pas vraiment avoir à cœur de devenir des pionniers sur la terre aride, aride et exiguë qu’est la Palestine.

Une chose cependant est sans aucun doute vraie. Dans l’état actuel des choses, la plupart des Juifs réfugiés en Europe voteraient effectivement pour la Palestine, simplement parce qu’ils ne savent qu’aucun autre pays ne les accueillera.

Si vous ou moi avions le choix entre un camp proche d’une prison pour le reste de notre vie – ou la Palestine – nous choisirions tous les deux la Palestine également.

Mais ouvrez-leur toute autre alternative – donnez-leur n’importe quel autre choix et voyez ce qui se passe !

Cependant, aucun scrutin ne vaudra quoi que ce soit à moins que les nations de la terre ne soient disposées à ouvrir leurs portes – juste un peu – aux Juifs. En d’autres termes, si dans un tel sondage un Juif déclare vouloir aller en Suède, la Suède doit être prête à l’accepter. S’il vote pour les Etats-Unis, vous devez le laisser entrer.Tout autre type de sondage serait une farce. Pour le Juif désespéré, il ne s’agit pas d’un test d’opinion inutile : c’est une

grave question de vie ou de mort. A moins d'être absolument sûr que son vote signifie quelque chose, il votera toujours pour la Palestine, afin de ne pas risquer son oiseau dans la main pour un dans la brousse.

Quoi qu’il en soit, la Palestine ne peut en accepter davantage. Les 65 000 Juifs de Palestine en 1918 sont passés à 600 000 aujourd’hui. Nous, les Arabes, avons également grandi, mais pas grâce à l'immigration. Les Juifs ne représentaient alors que 11 % de notre population. Aujourd’hui, ils en représentent un tiers.

Le taux d’augmentation a été terrifiant. Dans quelques années encore – à moins d’y mettre un terme maintenant – cette situation nous submergera et nous serons une minorité importante dans notre propre pays.

Le reste du monde est sûrement assez riche et généreux pour trouver une place à 200 000 Juifs, soit environ un tiers du nombre que la petite et pauvre Palestine a déjà abrité. Pour le reste du monde, ce n’est guère qu’une goutte d’eau dans l’océan. Pour nous, cela signifie un suicide national.

On nous dit parfois que depuis l’arrivée des Juifs en Palestine, le niveau de vie des Arabes s’est amélioré. C’est une question des plus compliquées. Mais supposons même, pour l'argumentation, que cela soit vrai. Nous préférerions être un peu plus pauvres et maîtres de notre propre maison. Est-ce contre nature ?

La triste histoire de la soi-disant « Déclaration Balfour », qui a déclenché l’immigration sioniste en Palestine, est trop compliquée pour être répétée ici en détail. Elle repose sur des promesses non tenues faites aux Arabes – des promesses imprimées à froid et qui ne peuvent être niées.

Nous nions catégoriquement sa validité. Nous nions catégoriquement le droit de la Grande-Bretagne de céder des terres arabes en guise de « foyer national » pour un peuple entièrement étranger.

Même la sanction de la Société des Nations n’y change rien. À l’époque, aucun État arabe n’était membre de la Ligue. Nous n’avions pas le droit de dire un mot pour notre propre défense.

Je dois souligner, encore une fois avec une franchise amicale, que les Etats-Unis étaient presque aussi responsables que la Grande-Bretagne de cette Déclaration Balfour. Le président Wilson l'a approuvé avant sa publication et le Congrès des Etats Unis l'a adopté mot pour mot dans une résolution commune le 30 juin 1922.

Dans les années 1920, les Arabes étaient agacés et insultés par l’immigration sioniste, mais pas alarmés. Elle était stable, mais assez limitée, car même les fondateurs sionistes pensaient qu’elle perdurerait. En effet, pendant quelques années, plus de Juifs quittèrent la Palestine qu’ils n’y entraient – ​​en 1927, ils étaient presque deux fois plus nombreux.

Mais deux nouveaux facteurs, totalement imprévus par la Grande-Bretagne, la Ligue, l’Amérique ou les sionistes les plus fervents, sont apparus au début des années trente et ont porté l’immigration à des sommets insoupçonnés. L’une d’entre elles était la Dépression mondiale ; le second, la montée d’Hitler.

En 1932, l’année précédant l’arrivée au pouvoir d’Hitler, seuls 9 500 Juifs arrivèrent en Palestine. Nous ne les avons pas accueillis favorablement, mais nous n’avions pas peur qu’à ce rythme-là, notre solide majorité arabe soit un jour en danger.

Mais l’année suivante – l’année d’Hitler – ce chiffre est passé à 30 000 ! En 1934, ils étaient 42 000 ! En 1935, ils atteignaient 61 000 !

Il ne s’agissait plus de l’arrivée ordonnée de sionistes idéalistes. Au contraire, toute l’Europe déversait sur nous ses Juifs effrayés. Puis, à la fin, nous aussi avons eu peur. Nous savions que si cet énorme afflux ne s’arrêtait pas, nous étions, en tant qu’Arabes, condamnés dans notre patrie palestinienne. Et nous n’avons pas changé d’avis.

J’ai l’impression que de nombreux citoyens des Etats-Unis croient que les troubles en Palestine sont très éloignés d’eux, que l’Amérique n’y est pour rien et que votre seul intérêt est désormais celui d’un spectateur humain.

Je crois que vous ne réalisez pas à quel point vous êtes directement, en tant que nation, responsable en général de l’ensemble du mouvement sioniste et en particulier du terrorisme actuel. J'attire votre attention sur ce point car je suis certain que si vous réalisez votre responsabilité, vous agirez équitablement pour l'admettre et l'assumer.

Indépendamment du soutien officiel américain au « Foyer national » de la Déclaration Balfour, les colonies sionistes en Palestine auraient été presque impossibles, à l’échelle actuelle, sans l’argent américain. Cela a été apporté par la communauté juive américaine dans un effort idéaliste pour aider ses semblables.

Le motif était valable : le résultat fut désastreux. Les contributions provenaient de particuliers, mais il s’agissait presque exclusivement d’Américains et, en tant que nation, seule l’Amérique peut en répondre.

La catastrophe actuelle peut vous être presque entièrement imputée. Votre gouvernement, presque seul au monde, insiste sur l’admission immédiate de 100 000 Juifs supplémentaires en Palestine – qui serait suivie par d’innombrables autres. Cela aura les conséquences les plus effroyables, un chaos sanglant, au-delà de tout ce qui a jamais été évoqué en Palestine auparavant.

C’est votre presse et vos dirigeants politiques, presque seuls au monde, qui insistent sur cette demande. C’est presque entièrement l’argent américain qui embauche ou achète les « navires de réfugiés » qui voyagent illégalement vers la Palestine : l’argent américain qui paie leurs équipages. L’immigration illégale en provenance d’Europe est organisée par l’Agence juive, financée presque entièrement par des fonds américains. Ce sont les dollars américains qui soutiennent les terroristes, qui achètent les balles et les pistolets qui tuent les soldats britanniques – vos alliés – et les citoyens arabes – vos amis.

Nous, dans le monde arabe, avons été stupéfaits d'apprendre que vous autorisez des publicités ouvertes dans les journaux demandant de l'argent pour financer ces terroristes, pour les armer ouvertement et délibérément pour commettre des meurtres. Nous ne pouvions pas croire que cela puisse réellement se produire dans le monde moderne. Maintenant, il faut y croire : nous avons vu les publicités de nos propres yeux.

Je souligne ces choses parce que rien de moins qu’une franchise totale ne sera utile. La crise est trop grave pour un simple flou poli qui ne veut rien dire.

J'ai la plus entière confiance dans l'équité et la générosité du public étasunien . Nous, les Arabes, ne demandons aucune faveur. Nous demandons seulement que vous connaissiez toute la vérité, pas la moitié. Nous demandons seulement que lorsque vous jugerez la question palestinienne, vous vous mettiez à notre place.

Quelle serait votre réponse si une agence extérieure vous disait que vous devez accepter parmi vous en Amérique plusieurs millions de parfaits étrangers – assez pour dominer votre pays – simplement parce qu’ils ont insisté pour aller en Amérique et parce que leurs ancêtres y ont vécu autrefois. Il y a 2 000 ans ?

Notre réponse est la même.

Et quelle serait votre action si, malgré votre refus, cette agence extérieure commençait à vous les imposer ?

Le nôtre sera le même.

***

Commentaire COMAGUER

Le roi Abdallah revient sur la prise en compte de la déclaration Balfour par le Président Wilson. C’est à juste titre.

Redéroulons la chronologie des évènements politico-diplomatiques de la période

  • Au mois de Mai 1916 les gouvernements du Royaume uni et de la France ratifient un traité secret issu de la négociation conduite depuis l’année précédente par deux diplomates Sykes et Picot. Il s’agit de se partager le contrôle des provinces arabes de l’empire ottoman qui va perdre la guerre et être démantelé.

La base géographique de ce partage ainsi établie permet à la partie britannique d’avancer le projet d’état sioniste dans sa zone d’influence ce qui débouche sur la déclaration Balfour .

  • Cette déclaration simple lettre du ministre des affaires étrangères britannique à Rothschild un banquier britannique porteur de la revendication du lobby (le terme n’a pas cours à l’époque mais correspond bien à la réalité) sioniste qui a bouleversé cette région du monde jusqu’à aujourd’hui n’a aucune valeur en droit international.

Tout le travail diplomatique patronné par le Président Wilson qui approuve la déclaration Balfour va consister à transformer cette simple lettre en accord diplomatique inclus dans le Traité de Versailles pour permettre la création d’un état sioniste sous la fausse étiquette de « foyer national juif » . Il s’agit donc bien d’une manœuvre politique sournoise et de longue haleine qui met tout le poids politique nouveau des Etats-Unis au service des ambitions impérialistes encore vivaces du Royaume Uni qui veut maintenir un contrôle étroit sur la route des Indes, canal de Suez y compris,  colonne vertébrale de l’Empire.

Quand, en 1922, la toute nouvelle Société des Nations donne mandat à la Grande-Bretagne pour conduire l’état palestinien vers l’indépendance, la déclaration Balfour est référencée dans le texte. C’est ainsi que le « foyer national juif » prend sa place dans les traités et dans les fondements de la nouvelle Société des Nations. Dans la foulée Wilson appose la signature des Etats-Unis sur la déclaration Balfour devenue accord international en faisant approuver par le Congrès la décision de la SDN et le roi Abdallah ne dit pas autre chose. En effet lorsque la SDN donne mandat à la Grande-Bretagne sur la Palestine le « foyer national juif » est inclus dans ce mandat. La France se satisfait du mandat qui lui est octroyé sur la Syrie et laisse faire.

Il s’y ajoute une ultime manœuvre britannique qui pour tenir sa promesse de distribuer les terres ottomanes entre les souverains hachémites (cf. lettres de Mac Mahon – voir plus haut) crée ex nihilo l’émirat de Jordanie découpé dans le désert par un trait de crayon tracé à Londres dans un quelconque bureau des services britanniques. Abdallah devient ainsi émir de ce nouvel Etat qu’il dirige encore lorsqu’il écrit son article sur la Palestine.

Sous cette forme , très éloignée de la promesse d’un Etat arabe unique, le partage des dépouilles arabes de l’Empire ottoman prend force de loi internationale et la colonisation sioniste ainsi validée peut prendre son essor.

La suite est connue l’émigration juive peut commencer mais il faudra attendre l’arrivée des nazis au pouvoir pour que se produise une accélération considérable de son rythme et composée uniquement de juifs ashkénazes fuyant l’Europe.

La seconde guerre mondiale achevée l’ONU remplace la SDN et les deux puissances mandataires ( France et Grande Bretagne) devraient laisser la place à un nouvel état indépendant tâche qui leur avait été assignée par la SDN. Non sans réticences la France reconnait donc la création du nouvel état syrien. Le Royaume-Uni est lui face au problème palestinien : un seul état palestinien continuateur de la Palestine historique province de l’Empire ottoman ou bien partage du territoire palestinien sous mandat entre deux Etats : un palestinien et un sioniste déjà prévu. L’ONU va devoir trancher. L’affaire est délicate. Statutairement l’ONU ne peut pas créer des Etats mais elle doit entériner, mission que lui a léguée la SDN, la fin du mandat britannique sur la Palestine. Elle devrait donc reconnaitre l’indépendance de ce nouvel Etat comme elle l’a fait pour la Syrie qui siège désormais à l’Onu et un Etat palestinien unique comportant une minorité juive verrait le jour. La déclaration Balfour serait réduite à sa réalité initiale : une déclaration d’intention. Or, comme le souligne Abdallah dans son article, depuis 1945 aucun Etat n’a ouvert ses frontières aux survivants de l’holocauste ce qui les a conduits à se retrouver dans un Etat palestinien qui n’existe pas encore et qui est donc dans l’impossibilité de leur fermer ses frontières puisqu’il n’est pas souverain.

Les Etats-Unis mettent donc tout leur poids dans un bricolage perfide qui consiste à dire que le territoire de la future Palestine indépendante sera partagé entre deux Etats à créer : l’Etat d’Israël pour accueillir la minorité juive et l’Etat de Palestine à qui est arraché sans qu’il puisse s’exprimer puisqu’il n’existe pas encore 52 % de son territoire historique délimité par la SDN.

Reste à faire approuver par l’Assemblée Générale de l’ONU ce comble de l’hypocrisie diplomatique qui consiste à libérer la Grande-Bretagne de ses obligations de mandataire tuteur et à laisser la force régler la question de la création de deux Etats sur le territoire du mandat.

Or les forces sont dramatiquement inégales et le plan de partage en proposant d’attribuer 52 % du territoire à 33% de la population résidente accentue le caractère outrageusement colonial du partage proposé. Les colons se voient attribuer la meilleure part et en particulier la quasi-totalité du littoral méditerranéen, Gaza mis à part, et l’accès à la Mer Rouge par le golfe d’Aqaba. L’accord de l’AG où siègent désormais des pays nouvellement décolonisés et indépendants ne va pas être facile à arracher et les jours qui précèdent la fameuse réunion voient les Etats-Unis développer une intense activité de couloirs et d’antichambre mélange de menaces et de soudoiements pour faire adopter le plan de partage .Seront ainsi retournés plusieurs pays comme les Philippines et le Libéria . Or, du point de vue du droit, ce vote arraché à l’Assemblée générale n’est que le vote d’une simple recommandation, objet exact de la résolution 181 sur laquelle les palestiniens n’ont pas pu s’exprimer. Une recommandation n’est qu’un souhait mais ne crée aucune obligation juridique. 13 Etats ont d’ailleurs voté contre la résolution : Afghanistan , Cuba, Egypte, Grèce, Inde, Iran, Irak, Liban, Pakistan, Arabie Saoudite, Syrie, Turquie, Yémen. (La Jordanie ne sera acceptée à l’ONU qu’en 1955).

Le soutien de l’URSS à cette recommandation a été net et a soulevé beaucoup de questions. (Voir in fine notre note annexe sur ce sujet)

Il n’y a plus aucun territoire pour une Etat palestinien dirigé par des Palestiniens. La recommandation de l’ONU a été piétinée. La force seule va pouvoir donner corps au projet sioniste. De ce côté les moyens financiers sont abondants les préparatifs militaires sont bien avancés : les divers groupes terroristes sionistes sont très bien équipés et ont déjà une solide expérience du terrain acquise dès la fin des années 30. Bref avant même d’être un Etats Israël a déjà son armée. Dès le lendemain du vote de la recommandation cette armée va entreprendre d’expulser de leur terre tous les Palestiniens vivant sur le territoire du futur Etat sioniste . Le résultat est atteint : en quelques mois cette épuration ethnique de grande ampleur chassera 300 000 palestiniens. La Grande-Bretagne en attend l’achèvement et un beau matin elle déclare à une date antérieure à celle qu’elle avait annoncé mettre un terme à son mandat .Les sionistes ont été avertis et il ne leur reste plus qu’à proclamer immédiatement l’Etat d’Israel . La Palestine a perdu définitivement 52 % de son territoire et elle n’a comme seule garantie juridique de sa future existence des frontières dessinées par d’autres sur les cartes. Elle n’a pas d’armée et Gaza mis à part elle est occupée par un Etat étranger sous tutelle britannique .

Sitôt proclamé l’Etat sioniste poursuit l’épuration ethnique et va expulser de leur terre tous les palestiniens vivant sur son nouveau territoire . Le résultat est atteint : en quelques mois cette épuration ethnique de grande ampleur commencée dès le vote de l’ONU en 1947 chassera au total 700 000 Palestiniens de leur terre natale. Le nouvel Etat est reconnu immédiatement par Londres et Washington.

L’ONU qui aurait pu déplorer qu’un seul Etat se crée au lieu des deux prévus entérine, inaugurant ainsi un laxisme permanent vis-à-vis de la politique sioniste.

Par ce vote la Palestine a déjà perdu 52% de son territoire. Elle n’a comme seule garantie juridique de son existence future que des frontières dessinées sur les cartes par une puissance étrangère et elle n’a pas d’armée.

L’outrage que constitue la proclamation unilatérale de l’Etat d’Israël et donc l’enterrement ipso facto du projet d’Etat palestinien ne va être relevé que par les pays arabes voisins : Syrie, Liban, Jordanie, Egypte, Irak. Une courte guerre s’engage qui s’achève en Juin 1948. Les pays arabes mal coordonnés et ayant des visées très diverses, les monarchies n’ont pas les mêmes perspectives que les républiques novelles, sont vaincus. Leur défaite est sanctionnée par une nouvelle extension de l’Etat sioniste qui s’empare alors de 78 % du territoire historique de la Palestine et ne laisse rien aux Palestiniens : l’Egypte prend en charge Gaza et la Jordanie va annexer purement et simplement la Cisjordanie telle que délimitée sur la carte de l’ONU. Se crée ainsi la Transjordanie, nouvel Etat auto-proclamé en 1950, non reconnu par l’ONU un peu embarrassée quand même et qui considère que l’ancien émirat de Jordanie bien qu’ émancipé par son tuteur britannique en 1946 n’est pas vraiment indépendant du Royaume Uni : son armée est en fait entre les mains de l’état-major britannique et sa politique étrangère est dictée par Londres et ses impérialistes. Le roi Abdallah paiera de sa vie cette annexion. Il sera assassiné à Jérusalem en 1951 par un militant palestinien. La tutelle jordanienne sur la Cisjordanie ne cesse pas pour autant et va se prolonger avec ses héritiers jusqu’à la guerre des six jours en 1967 à la suite de laquelle Israël vainqueur occupera toute la Palestine. La Palestine est colonisée. Elle n’est plus qu’un croquis sur une carte. La longue lutte de libération nationale commence.

 

A la lumière de tous ces évènements le texte d’Abdallah présente un double visage contradictoire .

  • D’une part il exprime la conscience qu’a le souverain jordanien du caractère historiquement explosif à long terme du conflit israélo palestinien et donc le souci de l’impérialisme britannique de conserver une certaine marge de manœuvre face à l’impérialisme étasunien qu’il sait maladroit, balourd et ignorant des « sortilèges de l’Orient ». Lawrence d’Arabie était un agent britannique pas étasunien . Il est significatif que la Grande-Bretagne qui voyait mieux les difficultés qui allaient surgir du partage onusien et dont les troupes ont eu à subir les attaques des groupes terroristes sionistes se soit abstenue sur la résolution 181.

  • D’autre part sa décision d’annexer la Cisjordanie qui va suivre correspond à une ambition des sionistes qui se retrouve encore aujourd’hui dans la bouche des colons juifs les plus radicaux et qui est sous-jacente dans le massacre de Gaza c’est-à-dire : « Ou l’Egypte ou la mort : transformer tous les Palestiniens de Cisjordanie en citoyens jordaniens les pousser brutalement vers la Jordanie et réduire au silence le peuple Palestinien en le faisant juridiquement disparaitre . S’il n’y a plus de Palestiniens un Etat palestinien est inutile. Le projet sioniste ainsi relayé par les monarchies arabes, Jordanie en tête, se confirme comme un projet exterminateur.


 

***

Note annexe : l’URSS et le partage de la Palestine

Il a souvent été écrit que Ben Gourion se présentant comme socialiste « avait roulé la diplomatie soviétique dans la farine » . Il convient selon nous de mieux situer l’évènement – le vote de la résolution 181 et donc son appui à la politique sioniste des Etats-Unis - dans l’histoire de l’URSS.

En 1947 la guerre froide est déjà officiellement commencée (voir le discours de Truman devant le Congrès le 12 Mars) l’URSS le sait. Mais elle est occupée à panser les énormes plaies de la guerre (au moins 25 millions de morts, toute l’économie et les infrastructures de l’ouest de son territoire dévastées. Elle sait aussi qu’existe une menace nucléaire sur son existence même qui a été rendue publique par les think tanks étasuniens. Cette menace ne s’éloignera qu’après l’explosion de sa première bombe atomique en 1949. Ceci peut expliquer une certaine connivence sur une question qui à l’époque n’apparait pas centrale dans la politique internationale et alors que les Etats-Unis s’impliquent militairement dans d’autres pays de la région (Grèce et Turquie) officialisant la relégation britannique comme sous-impérialisme.

D’autre part les soviétiques savent de par leurs souvenirs et pour nombre d’entre eux de par l’expérience vécue du tsarisme que l’antisémitisme a été une horrible plaie de ce régime. Ils sont aussi les seuls à avoir découvert concrètement l’horreur des camps d’extermination nazis dans l’avancée de l’armée rouge vers Berlin et donc à être particulièrement sensibles à un discours sur un état refuge pour les juifs. Le procès de Nuremberg est vite oublié et le recyclage de nombreux cadres du régime hitlérien s’intensifie que ce soit en Allemagne fédérale, dans les nouvelles institutions européennes ou aux Etats-Unis . La mémoire de l’Holocauste ( Shoah) ne s’imposera dans l’opinion mondiale que dans les années 60 (procès Eichmann) .

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