La Russie peut-elle se contenter de son plan B en Ukraine ? bilan politico - militaire après mille jours d'opération militaire
27 Novembre 2024 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #Ukraine, #Russie, #États-Unis, #L'Europe impérialiste et capitaliste, #Royaume-Uni, #GQ
La Russie s'est engagée dans son "opération militaire spéciale " en Ukraine le 24 février 2024, pour "neutraliser, démilitariser et dénazifier" le pays, et 1000 jours plus tard, elle est encore très loin d'y être parvenue. Certes elle a atteint d'autres objectifs, ceux de son plan B, plus modestes, qui étaient évidents dès le début mais n'étaient pas énoncés explicitement : débloquer la Crimée, briser le siège de la ville de Donetsk qui durait depuis 2014, récupérer le contrôle total des rives de la Mer d'Azov, et annexer environ 80% du territoire de quatre provinces russophones : Donetsk, Lougansk, Zaporojie, Kherson, totalisant avec la Crimée environ 18% du territoire de l'Ukraine de 2014 ... Mais l'essentiel de ces succès ont été acquis dans les deux premiers mois du conflit, et au rythme actuel de sa progression sur le terrain il lui faudra littéralement un siècle pour parvenir à Kiev.
La propagande russe présente cette situation comme la mise en œuvre d'une stratégie d'attrition lente de l'armée ukrainienne, dont elle annonce l'effondrement prochain depuis deux ans. En attendant, l'armée russe n'a réussi ni à sanctuariser son territoire, ni à s'emparer de grandes villes, à l'exception de Marioupol, ni à empêcher l'OTAN de reconstituer les forces de l'Ukraine au fur et à mesure qu'elle les détruisait - et qui dit attrition dit pertes des deux cotés. Le moins qu'on puisse dire c'est que la victoire tarde à venir, face à un adversaire pourtant dans sa masse peu déterminé à combattre, à en juger par la fuite massive de sa population à l'étranger et l'ampleur des désertions, de la corruption, et des conflits internes à l’appareil d'État.
Mais les objectifs de la Russie nécessiteraient de s’emparer de Kiev pour y installer un gouvernement favorable à Moscou. Cela signifie qu’il faudrait aider et organiser le parti ukrainien pro-russe au lieu de le laisser se désagréger en remettant en cause la légitimité même de la nation ukrainienne en prétendant qu'elle est le résultat d'un complot bolchevique.
Le fait est que la Russie de Poutine, contrairement à l’URSS de Lénine et de Staline n’a tout simplement pas de projet politique. Alors qu’en face, l’Ukraine est le nouveau laboratoire du néolibéralisme fascisé, le nouveau Chili de Pinochet. Alors, l'armée russe a beau engranger des succès tactiques, elle hésite à passer à l'offensive car elle ne sait pas très bien quoi faire du territoire conquis.
Annexer en septembre 2022 plusieurs provinces ukrainiennes ethniquement russes contredisait d'ailleurs le projet de dénazifier, démilitariser et neutraliser toute l’Ukraine, puisque cela affaiblissait d'autant le parti ukrainien "pro-russe", en fait néo-soviétique. Il s’agissait de la mise en œuvre précipitée d’un plan B dont la poursuite signifiait le renoncement, non assumé mais de facto, du grand plan. On a bien l'impression que le seul objectif de la continuation de la guerre soit de pérenniser ces acquis.
L’échec du plan A provient d’avoir sous-estimé le nationalisme ukrainien, d'avoir nié les Ukrainiens comme les Ukrainiens niaient leurs compatriotes russophones, et aussi d’avoir sous-estimé la capacité militaire d’une armée structurée autour de fanatiques néo-nazis mais fortement réorganisée depuis 8 ans par l’OTAN.
Pourtant la Russie ne peut plus se contenter de si peu : les sanctions unilatérales de l'Occident en ont fait un État paria, situation qu'elle ne peut pas accepter dans la durée et elle doit impérativement imposer leur levée à l'Occident, ce qu'elle ne peut réaliser que par une victoire militaire complète et impossible à maquiller dans les médias.
Certes tout ne se passe pas sur le champ de bataille. La guerre économique qui se développe en parallèle à la guerre tout court a tourné pour le moment beaucoup plus favorablement pour la Russie qu'on ne s'y attendait, mais sa situation d'exception ne peut pas s'éterniser dans un monde trsè interconnecté, et c’est sur le terrain militaire que les choses vont se jouer.
Il n'y a pas grand chose à attendre non plus de la réélection de Donald Trump qui n'est rien d'autre qu'un démagogue sans principes qui ne voudra la paix avec la Russie que pour affronter la Chine et dont l'action est étroitement limitée par l'influence du parti de la guerre en Occident, qui est de plus en plus persuadé que la Russie n'est qu'un tigre de papier qu'on peut défier impunément, puisque l'Ukraine lui tient tête depuis si longtemps.
La perception occidentale est complètement biaisée en ce qui concerne la façon dont se terminent les conflits avec la Russie : ici on a complètement oublié le rôle principal joué par l'Armée Rouge dans la victoire contre le IIIème Reich, on croit que la Finlande a gagné la Guerre d'Hiver contre l'URSS en mars 1940, alors qu'elle l'a perdue, et que Kennedy a fait plier Khrouchtchev en 1962 en le forçant à renoncer à implanter ses fusées à Cuba, alors c'est lui qui a été contraint de retirer les siennes déjà implantées en Turquie qui menaçaient le cœur de l'URSS. Alors on comprend que nos dirigeants incultes et cyniques poussent l'Ukraine à la guerre, qu'ils croient pouvoir faire gagner au prix d'une hécatombe monstrueuse de ses soldats.
L'OTAN, dirigée par des irresponsables et des idéologues dangereux s'est engagée dans un combat douteux qui risque bien de conduire à sa désagrégation - et de nous entrainer avec.
Malgré, et cause de la dégradation de sa situation globale, il est probable que l’OTAN va finir par se résoudre à affronter directement l’armée russe sur le territoire ukrainien, pour éviter l’effondrement de son protégé qui risquerait de décrédibiliser complètement l'alliance, comme les États-Unis ont affronté la Chine sur le territoire coréen de 1950 à 1953 - cette perspective est en tout cas le seul et unique "plan de victoire" du gouvernement ukrainien qui n'ait jamais existé, et plus la guerre se prolonge, plus l'escalade devient inévitable - et d'autant plus si la guerre en Ukraine fusionne avec celle qui se prépare entre l'Occident et l'Iran.
Finalement la Russie à force de tergiversations risque d'être entrainée en Ukraine dans une guerre totale malgré les conséquences politiques déstabilisatrices d'un tel engagement que redoutent ses dirigeants.
GQ, sur la base d'un texte de novembre 2022 entièrement remanié et mis à jour le 16 novembre 2024
Réveil Communiste :
Réveil Communiste est animé depuis 2010 par Gilles Questiaux (GQ), né en 1958 à Neuilly sur Seine, professeur d'histoire de l'enseignement secondaire en Seine Saint-Denis de 1990 à 2020, membre du PCF et du SNES. Les opinions exprimées dans le blog n'engagent pas ces deux organisations.
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