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Réveil Communiste

Antiracisme, féminisme, écologisme, Union Sacrée

31 Août 2024 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #GQ, #Théorie immédiate, #Qu'est-ce que la "gauche", #classe ouvrière, #États-Unis, #Impérialisme, #Ce que dit la presse

la petite bourgeoisie se cherche dans la rue (une manif "pour le climat" en 2019)

la petite bourgeoisie se cherche dans la rue (une manif "pour le climat" en 2019)

Une succession de vagues émotionnelles traverse l’actualité mondiale, des vagues d’indignation ou d’enthousiasme collectif qui à chaque fois manifestent une forme d’opposition ou qui se veut telle à l’ordre mondial établi, en ce qu’il est rendu responsable du saccage de la nature, de l’oppression des femmes, et du racisme.

 

Avec des différences, il s’agit dans chaque cas de réparer les torts subis par des individus opprimés  par le « système ». Dans le cas de l’écologisme cela conduit à des constructions aventureuses, comme celle des imaginaires « réfugiés climatiques » mais c’est toujours la même logique qui est à l’œuvre : rendre à un individu qui a été préalablement abstrait de toutes les  déterminations de son existence matérielle la plénitude de droits qui seraient foulés aux pieds par les foules ignorantes, manipulées, égoïstes et perverses qui composeraient la majorité de l'espèce humaine.

 

Cette culpabilisation de la majorité provient tout droit de la théorie d'Hannah Arendt de la « banalité du mal » qui diffuse – et dilue- la responsabilité des crimes nazis parmi tous les Allemands, et aujourd’hui tous les Européens.

 

Mais ce qui caractérise aussi ces vagues, c’est le rôle décisif voire exclusif que jouent les médias dans leur développement. Ce sont des campagnes de presse comme il en existe depuis la fin du XIXème siècle au moins, mais élargies aux nouveaux médias, qui exigent la participation active du public. Le peuple mondial qui s’exprime n’est pas séparable de la forme par laquelle il s’exprime. Le média est le message. Et on nous demande de croire que ce message unanime de tous les médias puissants et « mainstream » est transgressif, révolutionnaire, et qu’en répéter les éléments de langage comme des perroquets est faire preuve d’audace et d’indépendance d’esprit.

 

L’ordre mondial est compris comme une addition de phénomènes négatifs qu’il suffirait de combattre un par un, en convoquant des foules virtuelles sur les réseaux sociaux pour dénoncer les coupables et les couvrir d’opprobre. Il n’y a pas d’enquête à faire, aucune preuve à apporter, exiger des preuves c'est manifester sa complicité.

 

Il n'y a rien à savoir de plus derrière l’évidence de ces phénomènes, rendus encore plus évidents par la répétition. La science, qui consiste à rechercher l’être réel derrière l’apparence est priée d’aller rechercher des sens cachés ailleurs.

 

On nous demande de croire qu'en défendant ces causes qui font partie de l'idéologie dominante actuelle - dont l'accent est bien différent de celui de 1930, ou de 1960 - on s'attaque au capitalisme.

 

Pourtant le féminisme, l'antiracisme et l’écologisme affrontent des problèmes réels et anciens que le capitalisme n'a pas créé, dont il a hérité des modes de production plus anciens, et que les représentants politiques de son aile gauche ont essayé de résoudre et ont effectivement résolu en partie, jusqu’à un certain point, où ils se sont heurtés à ses contradictions.

 

Lorsque le capital états-unien a décidé de prendre en charge l’Empire mondial (un empire de facto, non officiel mais un empire bien concret, cimenté par la peur de la bourgeoisie de toute origine et de toute culture pour le communisme), en 1945, la lutte contre la discrimination raciale aux États-Unis est devenue stratégique pour lui, pour ne pas voir basculer vers le camp socialiste un ou deux continents entiers. Et l’impérialisme a effectivement agi contre les tendances archaïques de la société américaine, au point d’envoyer l’armée en Arkansas, pour forcer les autorités locales élues par les ploucs à admettre les élèves noirs dans les écoles.

 

Le capitalisme moderne a effectivement amélioré le sort des minorités opprimées, mais maintenant, il ne peut continuer à agir qu’en inversant l’oppression : faire des opprimés d’hier les oppresseurs de demain. C’est à dire que dans la classe bourgeoise et dans la nombreuse et susceptible petite bourgeoisie mondialisée qui colle au modèle, la promotion des minorités est actualisée, et qu’elles y bénéficient manifestement d’un régime de faveur.

 

Le capitalisme a apporté du progrès dans le passé. On ne reproche pas aux militants des droits de l’homme qui s’investissent dans ces combats médiatisés la croyance aux droits de l’homme en soi, tout bourgeois soient-ils ! Ce qu’on peut leur reprocher, par contre, c’est de ne pas voir que le capitalisme comme système économique de la bourgeoisie a déjà tout résolu favorablement, autant qu'il est possible de le faire sans changer la base économique et sociale du système. Il est vrai que la plupart de ces progrès ont eu lieu à l’époque où l’existence de l’URSS et du camp socialiste était un puissant stimulant des réformes progressistes dans le monde entier, et que depuis on tourne en rond.

 

Sans doute a-t-on constaté au début de l'hégémonie capitaliste sur le monde, au XIXème siècle, une période de recul apparent de la condition des femmes, un retour en force du colonialisme, le développement du racisme génocidaire et le début du saccage en grand de la planète (ou en tout cas un changement d’échelle de ce saccage), mais ces reculs civilisationnels ne sont pas imputables au capitalisme libéral dans ses principes, mais à la nécessité pour la bourgeoisie de composer avec les restes des structures féodales et monarchiques antérieures pour se consolider, et pour lutter contre la montée du prolétariat. On peut affirmer que l'objectif de  la révolution bourgeoise d'émanciper tous les individus des deux sexes et de toute origine n'a été atteint qu’au cours des années 1960 qui ont ouvert l'ère de l'individualisme de masse.

 

Globalement, Les combats projetés sur la scène médiatique sont des combats déjà gagnés, leurs militants des enfonceurs de porte ouverte, et leurs chefs des notables le plus souvent très bien subventionnés par des institutions officielles ou des Mécènes richissimes. La souffrance de particuliers issus des minorités qui est dénoncées sur la place publique "mainstream" ne renvoie pas à une injustice spécifique à leur origine, mais à leur existence de prolétaire, et elle est trahie quand elle est traduite en termes de droits humains bafoués. Le prolétaire, et c’est bien là sa croix dans le système capitaliste, n’est pas volé par l’exploitation, même s'il revient du marché du travail la peau tannée. Il n’a pas de droits à faire valoir, il n’en aura jamais, à moins de renverser l’ordre social dont son travail gratuit est la base.

La gauche progressiste est, il ne faut pas l’oublier, une catégorie de la politique bourgeoise, qui désigne la tendance politique qui compose avec les représentants des exploités en retraduisant de manière inefficace leur revendications en termes de droits (opposables en théorie devant les tribunaux mais non en pratique). Et c’est toujours cette gauche qui est à l’œuvre dans notre actualité mondialisée.

 

De la manière dont elles sont posées, aucune solution des problèmes vécus par les individus ressortissant d'une minorité  n’est possible. Car il s’agit à chaque fois de traiter et de corriger les injustices en utilisant le droit abstrait, en produisant des lois nouvelles et en traînant les contrevenants devant les tribunaux, de guérir des maux qui ne sont pas de l’ordre du droit et à peine de l’ordre de la justice.

 

Avancer que le racisme est un problème résolu ne manquera pas de choquer, et pourra être contesté sur le terrain psychologique : on n'aura en effet aucun mal de trouver un contre-exemple chez des particuliers ou dans des secteurs attardés de la société, ou d'exhiber à sa grande joie un néonazi affiché qu'on débusquera chez les identitaires, ou chez les policiers, par exemple. Mais le racisme qui peut être combattu politiquement n'est pas de cet ordre, il est écrit dans la loi ou dans les pratiques d'État, et sur ce terrain là, non seulement il n'existe plus, mais il s'est même inversé, dans le sens de favoriser les "racisés" (évidemment, ce n'est que leur petite bourgeoisie montante et bien intégrée qui profite de ce changement). Les survivances du racisme sont un phénomène d'inertie psychologique dont les causes ne résident pas dans les lois qui au contraire se sont multipliées pour en condamner l’expression du moindre soupçon, et dont le remède ne s'y trouve pas non plus. Elles pourraient contribuer au contraire à le relancer par l’atmosphère de suspicion généralisée créée par la redondance de textes inapplicables ! Aussi « systémique » soit-il en Amérique du Nord, il est combattu par une batterie de lois - et même de prescriptions linguistiques - qui devraient n’en rien laisser subsister si les lois pouvaient servir à ça.

 

Et il en est de même pour l’oppression des femmes. Toutes les discriminations à leur encontre ont été abolies depuis belle lurette, et les avancées actuelles ne servent qu'à favoriser les ambitions des filles de la bourgeoisie qui se bousculent au portillon du pouvoir. Pour la majorité des femmes qui forment aussi la majorité du prolétariat, ça ne change plus rien quand ça n'aggrave pas sa condition en remettant en cause les dispositions de protection sociale spécifiques aux femmes obtenues dans le passé par le mouvement ouvrier.

 

Certes, dans le cas de l'écologisme, c'est un peu l'inverse : si on ne touche pas à la propriété privée des moyens de production, ses combats ne sont pas gagnés, mais perdus d'avance, ou de l'ordre de la simulation, ou du "pas de ça près de chez moi". Ainsi, le réchauffement climatique est-il un phénomène d’ordre de grandeur séculaire que l’on cherche à débusquer dans des événements d’ordre journalier, ou annuels, et à réglementer à cette échelle, un éléphant qu’on veut contrôler avec une moustiquaire. Le phénomène ne pourra même pas être envisagé ni traité rationnellement avant la mise en place du socialisme à l’échelle mondiale. En attendant ce jour, ceux qui sont concrètement empoisonnés, se sont les travailleurs des champs et des usines, et les consommateurs pauvres.

 

Le stratégie adoptée par les révolutionnaires de médias se résume à la culpabilisation des masses des « hommes sans qualité », c’est à dire ne relevant pas d’une minorité, ou n'ayant pas les moyens de consommer de la marchandise décarbonée et des aliments "bios".  Or c’est l’oppression des masses par l’exploitation de leur travail qui est le problème politico-social principal, dont les phénomènes susmentionnés ne sont que des dérivations. Le rêve des individus véritablement maltraités, opprimés et surexploités du fait de leur appartenance à un groupe minoritaire est de disparaître dans l’indifférence et de se fondre dans la majorité et non pas d'arborer fièrement - et de monnayer-  une identité séparatiste.

 

Au cours de l'époque impérialiste, avant 1914, la bourgeoisie s'appuyait sur le patriotisme pour unir la société divisée par la lutte des classes sous son autorité, en agitant et en suscitant la menace d'ennemis extérieurs ou intérieurs. Aujourd'hui, les causes d'indignation planétaires remplissent la même fonction dans le cadre impérial qui a remplacé l'échelle nationale. Il faudrait accepter le capitalisme, l'impérialisme occidental, l'exploitation des ouvriers (et des ouvrières encore davantage), le règne de la marchandise et la domination de la bourgeoise sous l’étendard du progrès, au nom de la défense de la planète, du féminisme, de l’antiracisme et du droit des minorités ethniques ou sexuelles. Il faudrait participer à toutes les croisades impérialistes contre les pays non-occidentaux pour les mêmes raisons, dans l'Union Sacrée du nouveau suprématisme occidental en habits neufs, troués et bariolés.

 

GQ, article revu et remanié complètement  le 11 février 2024, relu le 30 août

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L
" Le phénomène ne pourra même pas être envisagé ni traité rationnellement avant la mise en place du socialisme à l’échelle mondiale. En attendant ce jour, ceux qui sont concrètement empoisonnés, se sont les travailleurs des champs et des usines, et les consommateurs pauvres." Certes sur le fond, mais il faut agir quand même maintenant ne serait-ce que pour limiter les dégâts sans avoir à attendre le XXII e siècle ni le socialisme (et là plutôt d'ailleurs le communisme) pour résoudre concrêtement le pb. Une illustration en est le recours à la production électronucléaire, c'est une lutte progressiste car elle assure la pérennité énergétique tout en posant le problème de l'avenir commun de l'humanité et celui du climat !
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L
Je ne comprends pas ta position concernant les pb liés au climat et plus généralement à l'environnement. Poser le problème environnemental est profondément marxiste, je te renvoie à "Critique des programmes de Gotha et d'Erfurt" K. Marx et E. Reclus ont bien posé le problème.<br /> Plus profondément, la nature est une force productive en elle-même et par elle-même, et si "l'histoire de l'humanité est celle de ses forces productives" alors l'environnement et le climat en font partie intégrante. Le problème est alors de montrer en quoi c'est le système de production et d'échanges capitaliste qui en est responsable et de montrer qu'on peut faire autrement. il faut que la valeur d'usage domine sur la valeur d'échange, savoir si on produit pour l'usage ou pour "l'échange". <br /> Ça renvoie aux conceptions différentes qu'on peut avoir sur le socialisme et le communisme, mais il est incompréhensible pour un communiste de ne pas prendre en compte dans la lutte ce FAIT incontournable, OBJECTIF en plein de la dégradation de l'environnement et du climat. Les constantes inertielles sont telles (siècles, voir millénaire) qu'il faut mener ces luttes maintenant en les liant bien sûr aux luttes plus immédiates.<br /> Bien à toi<br /> Ivan
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R
Simple question d'échelle.