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Réveil Communiste

Pourquoi ne pas quitter le PCF ? réponse de GQ

30 Juin 2023 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #GQ, #Front historique, #Théorie immédiate, #Qu'est-ce que la "gauche"

On me demande périodiquement pourquoi je persiste en 2018 [et plus encore en 2023] à être membre du PCF et à payer ma cotisation (cette démarche qui a cessé depuis longtemps d'être une obligation pour être compté dans les effectifs), alors qu'il apparaît clairement à l'examen du contenu du blog Réveil Communiste que je ne suis en accord avec presque aucune de ses positions, et cela depuis au moins dix ans. Que j'ai cessé de militer activement depuis octobre 2013, et que je ne participe plus aux activités de l'opposition interne (où j'animais la brochure « Unir les communistes », éditée par un réseau oppositionnel grâce à la section de Vénissieux), depuis juin 2015. Mon dernier acte militant au PCF a été de voter en octobre 2016 à la consultation interne pour la candidature Mélenchon aux présidentielles.

 

Appartenir à cette organisation risquerait même de décrédibiliser tout ce que je dis par ailleurs : serais-je toute proportion gardée pour le PCF un équivalent de Gérard Filoche, pour le PS ? Un rabatteur pour ramener le gibier révolutionnaire dans le filet des réformistes ?

 

Pour y voir clair il est nécessaire de revenir brièvement sur mon parcours politique.

 

Je suis né en 1958 à Neuilly et j'ai adhéré intellectuellement au communisme, dans sa forme dite « orthodoxe » pour parler le langage de l'adversaire, c'est à dire sa forme comportant la référence positive au socialisme réellement existant dans les pays d'Europe de l'Est, à un âge très précoce, vers 1971 au plus tard. J’étais à contre-courant de mon quartier, et de mon époque. J'étais à l'adolescence un communiste plutôt « soft », anti-stalinien, accordant trop de valeur aux expériences bâtardes du type de celles de Tito en Yougoslavie, ou au soi-disant « printemps » tchécoslovaque en 1968, je voulais un parti communiste au pouvoir qui appliquerait une politique économique socialiste tout en permettant une grande liberté individuelle, voire même des élections libres où la bourgeoisie aurait pu participer. Mais, après tout, je n'avais guère que douze ans, ce qui excuse je pense ces naïvetés.

 

Ceux qui m'ont sans doute influencé le plus pour prendre cette voie étaient Guy et Micheline Braibant, couple de communistes amis de mes parents, Guy Braibant fut par la suite conseiller de Georges Marchais sur les questions des libertés et des droits de l'homme.

 

Par contre, je n'étais aucunement tenté par le discours radical en vogue à l'époque, qu'il soit partiellement authentique mais erroné comme chez les maoïstes ou les partisans de la lutte armée du style baadériste, ou totalement factice, comme chez les trotskystes ou anarchistes. Je le ressentais comme infiniment ridicule (surtout à Neuilly sur Seine, où il était pourtant très répandu).

 

Puis vers l'âge de dix-huit ans je suis tombé sous l'influence de la culture soixante-huitarde, Godard, Lacan, Deleuze, Derrida, Lyotard, dans le cadre d'études de philosophie menées de 1976 à 1983. J'en ai ressenti assez rapidement les limites et j'ai cru pouvoir en faire la critique à la lecture de Guy Debord. Le Pape situationniste était alors un auteur maudit qui avait organisé sa propre occultation et dont on ne prononçait le nom qu'avec la crainte de représailles dans le monde des médias et de la culture. J'avais rencontré de ses adeptes en 1981, d'une nouvelle génération, agissant dans la marginalité, et le résultat pour moi en a été un alignement fanatique sur les thèses situationnistes qui m'ont fait beaucoup "tourner en rond dans la nuit" pendant dix ans d'activisme stérile et désordonné. Je me suis dégagé de cet enfermement très sectaire dans la brochure Échecs situationnistes, écrite en collaboration avec Pasquale Noizet, en 1988 qui est restée depuis ce temps-là ma compagne et la personne qui m'influence le plus politiquement.

 

Malgré le lavage de cerveau ultra-gauchiste "situ" j'ai ressenti la disparition de l'URSS comme un véritable traumatisme, de même que sur un autre plan le génocide rwandais deux ans plus tard. Mais après que la poussière de ces tribulations était retombée, plutôt désabusé des grands discours révolutionnaires sans effectivité, je suis devenu enseignant en histoire, et je me suis réaligné passivement sur le vieux PCF auquel j’accordais dans les années 1990 les même vertus qu'à l'époque de mon adolescence, malgré les termites qui l'avaient rongé entre-temps de l'intérieur : un parti ouvrier qui gérait une contre-culture réelle indépendante des appareils culturels de la bourgeoisie et dont la ligne politique tenait compte des réalités et des rapports de force.

 

J'ai participé au grand mouvement de grève de novembre 1995, mais je n'ai adhéré au SNES qu'en 2003 au moment du mouvement pour défendre la retraite. Je n'ai commencé véritablement à m'intéresser à nouveau à la politique concrète qu'après la guerre du Kosovo en 1999, et après le 21 avril 2002.

 

Mon vécu dans le PCF n'est donc pas du tout le même que celui des militants qui ont tenté d'empêcher la marche enthousiaste vers sa propre ruine que lui imprimait sa direction, à partir de l'abandon imposé sans discussion à la base de la théorie de la dictature du prolétariat en 1976, voire même de la candidature Mitterrand de 1965, et la plupart de mes amis actuels l'avaient déjà quitté depuis longtemps quand j'y suis, enfin, formellement entré. Je dois avouer aussi que cet engagement tardif s'explique par une certaine peur de me fondre dans un groupe organisé, ce dont je ne suis pas très fier mais ce qui a eu l'avantage de ne pas me laisser d'illusions une fois le pas franchi sur la qualité d'être « non-encarté ». On ne peut pas vraiment revendiquer comme un mérite de ne pas faire ou de n'avoir pas fait quelque chose !

 

J'ai adhéré au PCF en septembre 2005, après avoir milité avec les communistes du XXème dans la campagne contre le TCE, donc sur une expérience positive. Je me suis investi ensuite dans la vie interne du parti, j'ai participé à la direction de section, et aux congrès, et autres consultations internes, et à la campagne de Marie Georges Buffet en 2007. J'ai animé une liste d'opposition dans la section au congrès de 2008. Et j'ai milité activement au niveau local pendant cinq ou six ans. Lorsque j'ai adhéré au PCF j'avais fini par me rendre compte que ce parti n'était plus le grand parti ouvrier auquel a mis fin le congrès de Martigues en 2000, mais je voulais lutter dans la société et aussi dans ses rangs contre la dérive mortifère de la gauche vers le « sociétal », c'est à dire l'agenda politique de la petite bourgeoisie moderniste.

 

On ne peut pas dire que j'ai réussi !

 

Lorsque je me suis retrouvé poussé dans l'opposition, sans l'avoir désiré, j'avais fait le choix de soutenir le groupe animé par André Gerin, le dernier dirigeant important du parti issu de la classe ouvrière, certainement le moins susceptible de complaisance pour le discours postmoderne, creux, individualiste, qu'il s'agissait de combattre, qui avait un sens indéniable de la provocation populiste, au moment où un tel mode d'expression était devenu nécessaire pour combler le fossé entre le « peuple militant », c'est à dire la « gauche » et le peuple réel ; et dont les positions sur l'UE étaient justes ; juste aussi pour moi sa volonté de poser la question de l'immigration, même s'il s'est laissé dériver dans le sociétal à sa façon, y percevant un problème culturel et religieux et en accordant trop d'importance aux provocations islamistes. Mais André Gerin a manqué du sens de l'opportunité, comme d’ailleurs l'ensemble de l'opposition interne : a posteriori, on voit qu'il eût fallu procéder à une scission minoritaire au bon moment, le reste de l'appareil étant irrécupérable, et je n'ai pas eu non plus cette lucidité à temps.

 

La défaite ultime et irréversible de l'opposition interne fut l'aveuglement politique qui provoqua en 2016 son rejet unanime de la candidature Mélenchon, alors que cet affreux « lambertiste » de Mélenchon reprenait tout ou partie de ses positions sur l'Europe et sur l'OTAN, questions décisives s'il en est ! créait les conditions de la destruction de la force anti-populaire la plus efficace, durable et nuisible dans notre pays, le PS ! et, ce que j'ai compris dès l'été 2016 avec le même type de lucidité étrange que celle qui me fit choisir le PCF contre tous les gauchismes vers l'âge de treize ans : pour la première fois depuis des dizaines d'années un candidat antagonique au capitalisme pouvait gagner ! Il faut reconnaître que pour la plupart des militants du PCF, c'est précisément cet aspect de la situation qui a déplu souverainement ! Le PCF est fâché depuis longtemps avec la victoire. C'est à mon avis son principal défaut (et il en a pourtant beaucoup!), et sa campagne pour les présidentielles ressembla davantage à du sabotage qu'à autre chose.

 

Cela dit, mon expérience d'une dizaine d'année de militantisme actif et régulier dans une organisation de masse, même déclinante, a été précieuse pour m'apprendre un peu ce que c'est véritablement que d'agir dans le champ politique réel. Et à ce titre je reste reconnaissant envers tous les camarades que j'ai pu y rencontrer, et que j'ai souvent eu à affronter, aussi bien dans la section du XXème arrondissement de Paris, que dans le réseau "Faire Vivre et Renforcer le PCF" (notamment Catherine Gégoud, ancienne élue du XXème que j'ai croisée à la manifestation "la Fête à Macron" aujourd'hui).

 

Mais pour solde de tout compte pourquoi rester dans le PCF aujourd'hui, c'est à dire concrètement payer trente euros par mois pour n'y plus mettre les pieds (10 compte tenu de réductions fiscales)?

 

Le cardinal de Retz, activiste compétent de son XVIIème siècle a écrit quelque part qu'on ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment. Un activiste, propagandiste et agitateur communiste de mon espèce, complètement autonome, est une contradiction en soi, et que n'ayant pas trouvé d'autre grande organisation à laquelle adhérer, pour mettre à sa disposition mon énergie révolutionnaire, je suis resté jusqu'aujourd'hui membre de la seule à laquelle j'ai appartenu.

 

 

En tout état de cause, si je ne sais pas si je resterai longtemps un membre du PCF, je ne vois pas l'intérêt d'en faire une grande histoire. Je ne voudrais pas, cependant, que mes hésitations sur la question mettent en cause ma crédibilité. D'où ces quelques explications à caractère biographique que je vous remercie d'avoir lues jusqu'au bout.

 

GQ, 5 mai 2018, jour bicentenaire de Karl Marx

 

PS, 29 juin 2023. Le reniement actuel du PCF, de Roussel - et aussi de Mélenchon - sur la critique de l'impérialisme, la sortie de l'OTAN, et leur jugement lâche et totalement erroné sur la guerre ukrainienne m'éloignent  encore plus de ces organisations et de ces politiciens ...

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D
Question: ok rester au PCF pour y mener un combat d arrière garde pourquoi pas. Mais pourquoi ne pas adhérer simultanément a des organisations qui permettent la double adhésion et qui dorment des cadres d un futur parti révolutionnaire d avant-garde, comme l ANC, le PRCF où RC?
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G
Commentaire de Paule, militante au PCF du 64<br /> <br /> "Etre militant communiste ce n'est pas une carte ni une cotisation qui y suffisent. être militant coco c'est la modestie de savoir qu'à plusieurs on réfléchit mieux, même en opposition, que tout seul. Il me semble que toute formation sociale a besoin de cette réflexion et notamment d'un cheminement dialectique et que cela nécessite du temps"
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S
Merci pour ce bel article, honnête , sincère,et même émouvant.
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Z
Adhérer au PCF n'a jamais été une solution, le PCF n'ayant, depuis 1935 et l'erreur historique de Front populaire avec les socialistes de Blum et les radicaux de Daladier, qu'un seul mot d'ordre l'Union de la gôche. On en mesure le résultat aujourd'hui. Surtout en faisant voter Chirac et Macron, le PCF s'est complètement déconsidéré. Mais le table et la chaire est encore bonne pour P. Laurent et les derniers élus plénipotentiaires des trahisons au profit de la sociale démocratie.<br /> Aujourd'hui, la direction du PCF est aussi nuisible que l'état major de Macron. Rien ne peut justifier de verser un centime dans ses caisses.
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A
Intéressant, d'autant plus qu'il y a quelques points, mais somme toute mineure, entre votre parcours et le mien. Né également en 1958, j'ai adhéré au PCF à l'âge de 17 ans. Mais j'avais adhéré bien plus à l'URSS qu'au PCF réel que j'ai fini par quitter en 1984, si je ne me trompe pas. J'étais en désaccord avec... disons pour faire court, l’anti-soviétisme et l'opportunisme généralisé de la direction du PCF. Je finirai par y adhérer quelques années plus tard, de nouveau. Mais déjà, l'ambiance n'était plus la même. J'avais été organisé quelques années à Toulouse, puis à Paris dans le 13ème arrondissement. Là et ailleurs, j'avais connu des militants aux qualités souvent exceptionnelles. Notamment chez des militants communistes juifs et aussi, toujours dans les rangs du PCF, des militants d'origine espagnole. A l'extérieur du PCF, ce furent des communistes de différente nationalités que je connus. D'origine turque, iranienne, irakienne, libanaise... J'ai fini par aller étudier et militer (eh oui!) en RDA de 1987/88 à 1989/90 et en Allemagne de l'Est post-RDA (dans l'ensemble 10 ans). J'avais commencé à partager une approche trotskyste originelle sur la nature d'une bureaucratie qui minait l'Etat ouvrier et conduisait à la restauration du capitalisme. Une approche, toutefois, très différente du "trotskysme" des organisations petites bourgeoises qui s'en réclament. J'ai quand même fini par rejoindre en 1990 la "Quatrième Internationale" et contribué fortement à la construction de sa section est-allemande. Puis je l'ai quitté quand il a fallu distribuer des tracts de soutien à... Eltsine!!! J'ai alors milité dans un groupe d'étudiants liés au PDS (issu du SED) puis j'ai adhéré à la Plateforme communiste du même PDS. J'avais déjà tenté, d'une certaine manière, la "synthèse" entre la section est-allemande et les communistes du PDS. J'ai fini par également quitter la Plateforme communiste, non sans un certain sectarisme de ma part. J'aurais dû encore y rester. Je me souviens de la consternation amicale de Wolfgang Harich qui sans rien dire mit son bras sur mon épaule au moment où je me rassis après avoir lu ma déclaration de rupture... Et mon histoire ne s'arrête pas là. Toutefois, ceci. Non seulement le PCF n'a jamais été réellement communiste, mais il n'a cessé de se social-démocratiser. Toutefois, il a été -le reste-t-il?- <br /> un vivier de communistes subjectifs. En d'autres termes, des femmes et des hommes pouvant être de vrais communistes, sachant qu'on ne naît pas communiste, mais qu'on le devient au fur et à mesure des épreuves à surmonter. Et elles sont de nature très variées... Salutations!
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