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Réveil Communiste

Les robots vont-ils supprimer le travail?

15 Février 2024 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #Economie, #Théorie immédiate, #GQ, #classe ouvrière, #loi travail, #Syndicalisme en débat, #Qu'est-ce que la "gauche", #Mille raisons de regretter l'URSS

 

Relire dans le contexte des exploits nouveaux de l'intelligence artificielle, et après l'expérience du confinement anti-Covid qui a mis les trois-quarts de la force de travail en chômage technique !

 

Les robots vont-il supprimer le travail ?

 

Dans la gauche il y a un débat récurrent depuis les années 1950 entre les courants marxistes orthodoxes et la « nouvelle » gauche multiforme sur la question de la fin du travail.

 

Il est vrai que Marx et Engels font allusivement référence à la fin du travail à l'horizon du communisme : il sera remplacé par une activité libre, et le salariat disparaîtra (ainsi, semble-t-il que l'argent). En attendant, la lutte des classes continue entre travail et capital.

 

Mais la nouvelle gauche non marxiste tente de déconnecter des revendications du monde du travail son projet politique, caractérisé évasivement comme « émancipateur » (sans jamais préciser clairement ce qui reste à libérer dans le nouvel âge du capitalisme où la liberté du choix individuel est l'apha et l'oméga du système de valeurs) . Il serait souhaitable d'attribuer à tous un revenu de base , on promet qu'il sera d'ailleurs substantiel, et on pourra donc supprimer le travail sans supprimer le capitalisme [et on pourra tous rester chez soi à l'abri des virus] !

 

Pour la nouvelle gauche le thème de la robotique, thème de science fiction magistralement illustré par Isaac Asimov devient un point central de sa théorie : selon elle, les robots vont travailler à notre place et ça commence déjà.

 

Évidemment il faut pour cela que ces robots produisent des profits, donc de la plus-value d'où provient le profit, sinon les capitalistes n'investiront pas dans les recherches nécessaires pour les mettre au point. Au fond la nouvelle gauche pense que le capitalisme va enfanter le communisme sans douleur. Elle pense aussi que la nouvelle superclasse de rentiers créée par l'économie high-tech va accepter de défalquer de ses revenus hyperboliques le salaire à vie sans contrepartie de 7 milliards et demi de « fainéants ». Tel que nous les connaissons , cela paraît douteux. Mais en fait nous allons montrer que même si les générations de privilégiés hors-sol enrichies sur le Net étaient soudain possédées d'une charité infinie, ça risque de ne pas marcher.

 

Notons cependant tout de suite que les changements les plus spectaculaires annoncés comme prochains dans le marché de l'emploi, par exemple la suppression des caissiers, des chauffeurs ou des pilotes, - et même des scénaristes et des compositeurs de musique - ne sont pas à proprement parler le fait de robots ; aussi faut-il définir ceux-ci, et voir s'ils diffèrent essentiellement des autres machines.

 

On définira un robot comme une machine intelligente, c'est à dire capable de s'adapter à des situations imprévues, et donc douée de réflexion, et dans l'état actuel ils ne courent pas les rues ; à vrai dire ils n'existent pas encore ! Ce n'est pas parce qu'on automatise des processus de travail qui sont rangés idéologiquement dans le « travail intellectuel » que l'on crée des machines conscientes.

 

Ce qui va mettre au chômage les travailleurs dans un horizon proche, ce sont donc des machines classiques, tout comme celles que le « Général Ludd » des prolétaires tentait d'anéantir vers 1811 à l'aube de la Révolution Industrielle en Angleterre. Or une machine ne peut pas produire de la richesse ( incidemment, elle ne peut pas non plus payer des impôts !).

 

En effet, selon la théorie marxiste de la valeur, qui trouve ses sources chez Adam Smith, toute richesse procède du travail, et le travail se mesure en temps humain, pour ce dernier précisément en sacrifice du temps humain qui pourrait être plus agréablement utilisé dans les loisirs. Allez demander ça à un robot !

 

Marx précise le fait en établissant que la plus-value provient exclusivement de l'exploitation du travail. Il divise le capital en deux parties, qu'il nomme variable et fixe, dont la proportion détermine sa « composition organique ». Le capital fixe, qui est fixe parce qu'il n'augmente pas au cours du processus de production, ne produit pas de plus-value, et donc ne fait que restituer au produit sa valeur au fur et à mesure qu'il s'use. Il est composé des matières premières et des substances utilisées qui restituent leur valeur immédiatement, et des immobilisations durables, machines, immeubles, droits intellectuels, etc. qui restituent leur valeur sur plusieurs années au fur et à mesure de leur amortissement. Machines automatiques sophistiquées, mais aussi robots dotés d’intelligence artificielle sont bien évidemment du ressort de ce capital fixe ; ils ne produisent aucune plus-value.

 

Affirmer donc que les robots vont remplacer le travail humain signifie, ou bien que l'on abandonne la théorie de la valeur travail, ce que font tous les défenseurs du capital, ou bien que l'on considère que les robots font partie du capital variable, ce qui signifie ni plus ni moins qu'ils sont vivants, et sujets de droit !

 

Marx résout l'énigme de la plus-value qui avait tant tourmenté les économistes à l'époque où ils se posaient des questions de fond : comment peut-on enrichir la société en échangeant des équivalents ? Il montre que dans l'économie marchande chaque produit en devenant une marchandise acquiert une double valeur ; la valeur d'usage (comme par hasard la seule qu'examineront par la suite les économistes néoclassiques, « l'utilité »), et la valeur d'échange (qui est la possibilité d'acquérir en échange une autre marchandise) qui est globalement réglée par la comparaison des temps de travail respectifs nécessités pour produire les produits échangés, et il précise que la force de travail est aliénée au capitaliste contre un salaire pour sa propriété de créer de la valeur supplémentaire. C'est elle, la corne d'abondance.

 

En effet la force de travail (manuelle ou intellectuelle, simple ou qualifiée) est vendue à un patron parce qu'elle a une valeur d’usage : si on ne pouvait pas l'utiliser, à quoi bon payer le salaire ? Elle a aussi une valeur d'échange, qui consiste ni plus ni moins dans la valeur des marchandises qui sont nécessaires pour son maintien en état de continuer à fonctionner, c'est à dire le maintien en vie et en forme de son porteur - et son renouvellement à la génération suivante. Mais si le travailleur ne travaillait que jusqu'au point où il fournit en marchandises l’équivalent de ce qu'il faut pour le maintenir en vie, et en bonne santé, lui et sa progéniture, et rentrait chez lui à ce moment là, le pauvre capitaliste aurait fait un marché de dupe : il n'aurait ni plus-value, ni profit à trouver dans la production, et les seuls bénéfices à attendre seraient ceux obtenu dans la sphère de la circulation, sur le marché, grâce à la ruse commerciale. Les capitalistes ne pourraient s'enrichir qu'en se volant les uns les autres, et la somme de richesse créée équivaudrait à zéro . Il faut donc faire travailler le travailleur plus longtemps que le temps qui lui est payé, il faut que son travail restitue plus de valeur qu’il n'en a consommé, en un mot il faut qu'il travaille gratuitement une partie du temps, qu'il soit exploité, au sens précis du terme exploiter : faire travailler gratuitement par obligation.

 

Par parenthèse, cela signifie qu'à l'horizon communiste ce surtravail doit surgir spontanément de l’activité libre qui remplacera le travail, ce qui n'est pas une mince question : le communisme c'est le règne achevé de la conscience où l'on travaille gratuitement (et avec joie) pour la collectivité !

 

Donc la seule façon pour qu'un robot, à pattes ou à roulettes, puisse créer de la valeur serait qu'il se présente comme tout un chacun démuni sur la marché du travail, en mettant en jeu sa vie, en se plaçant dans les conditions où on est bien obligé d'accepter le surtravail. Il faudrait le programmer pour qu'il meure s'il ne travaille pas, tout en le livrant au hasard du marché pour trouver sa subsistance !

 

Comme les robots ne vivent pas, ils ne meurent pas non plus ; la question de la survie ne se pose pas, pourquoi alors, puisqu'ils sont intelligents (bien que cette intelligence soit artificielle) vont-ils se faire exploiter ?

 

En somme, ce n'est pas demain la veille que les robots vont remplacer les travailleurs en tant que travailleurs exploités, mais par contre ils sont créés, effectivement, pour supprimer le plus possible de travail, et ce n'est pas nouveaux. Comme n'importe quelle machine depuis l'origine de la civilisation, ils sont inventés pour économiser sur le temps de travail, et dans les rapports de production capitalistes, sur le salaire payé par le patron. Ainsi faisant le progrès technique accumule le capital mais diminue peu à peu la proportion de capital variable : la machine remplace du travail vivant par le travail mort inclus dans la machine, il fait donc baisser la composition organique du capital productif, et donc le taux de plus-value. A long terme nous sommes tous morts, disait l'économiste capitaliste Keynes ! En effet, à long terme le capitalisme ne peut pas survivre à la baisse de la composition organique du capital, du taux de plus-value, et du taux de profit.

 

Les pseudos « robots » actuels n'aboutiront qu'à une chose : une belle crise de sous-consommation, à cause du recul général des salaires et des revenus des masses, et à une exacerbation de la lutte de classes et des contradictions de la bourgeoisie. Et peut-être aussi à une grande guerre de démolition du capital fixe, où les robots pourront utiliser toute leur intelligence pour détruire  et pour tuer (car comme disait Witold Gombrowicz, le problème avec l'intelligence, c'est qu'elle est bête).

 

Des temps intéressants s'annoncent.

 

GQ, 20 janvier 2018, relu le 18 septembre 2023

 

PS : l'économie bourgeoise classique (Adam Smith, Ricardo) découvre la valeur travail, et Marx le mécanisme de création de la plus-value. Au moment de la parution du Capital (1867) qui en tire les conséquences scientifiques, l'économie bourgeoise quitte ce terrain devenu périlleux pour elle, et tente de reconstruire une science économique sans valeur-travail qui nie la réalité de l'exploitation, à partir du concept d'utilité marginale. Ce qui signifie que la valeur est identifiée à la seule valeur d'usage, dont la substance n'est plus le travail mais le désir des consommateurs. La loi de l'offre et la demande devient donc la loi du désir, cent ans avant Gilles Deleuze. Mais les désirs individuels, contrairement au temps de travail, sont incommensurables entre eux, n'ayant pas de substance commune, la mesure et l'explication de la valeur et des prix en deviennent impossibles, et malgré l'utilisation de mathématiques complexes cette économie néoclassique (inaugurée par Jevons et Walras) n'est plus en prise avec la réalité.

Les capitalistes, depuis un siècle et demi ne savent plus ce qu'ils font. Qu'importe, car ils se disent "pour le moment, tout va bien" !

 

Une discussion ici : Le marxisme et la fin du travail, discussion Luniterre - GQ

 

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R
Le travail existera, toujours, la question qui se pose est : les robots vont ils remplacer les travailleurs ? Notons que ce remplacement est déjà en partie effectif depuis plusieurs années, la robotisation est largement utilisée dans le monde y compris dans les services et les PME, si cette robotisation à permis d' attenuer la penibilte de nombreux métiers elle est également grandement responsable de la perte de millions d' emplois car si au début de cette robotisation la perte d' emplois manuels à été partiellement compensée en amont par de nouveaux métiers liés à la fabrication et la maintenance de ces robots, ces professions disparaissent peu à peu aujourd' hui avec l' utilisation massive de l' intelligence artificielle. <br /> Au delà de nos modes de production la robotisation sauvage met donc en péril nos conditions d' existence, mais comme cette robotisation est inéluctable, il est urgent que les syndicats, les économistes marxistes, les spécialistes du monde du travail, les chercheurs, se penchent sérieusement sur ce problème existentiel, faute de quoi ce qui devrait être un progrès se transformera en cauchemar.<br /> Entre autre sujet de réflexion : les robots ne cotisent pas... Comment financer notre protection sociale ?
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I
J'avais tapé cela comme un commentaire à un partage sur facebook à propos d'un débat entre partisans de la sécurité professionnelle ou sécurité enploi et formation et ceux d'un dépassement du salariat ou un salaire à vie et en fonction de la qualification et donc cela concerne le très ancien problème de la fin du travail qu'on trouve chez Aristote" quand les navettes fonctionneront toutes seules il n'y aura plu besoin d'esclave"et dans un débat entre Hegel et Marx à propos de l'économie politique et la satisfaction des besoins...et où la misère dans le marché du travail abstrait et en nécessité complète conduisait à la colonisation...et donc moi aussi je pense que la composition organique du capital et la production de valeur est impliquée dans ce débat sur la fin du travail ou du travail salarié donc voilà pas très rédigé ce que je mets et que j'ai mis en com sur un partage dans le groupe des amis de reveil communiste: Gilles Questiaux voici ce que je mets à ce sujet à propos du salaire " à vie"et de la sécurité professionnelle, dans un débat sur la page et le partage d'Amar Bellal; donc, en effet, d'après moi comme un certain Sandoval, et si je me souviens cet article sur la composition organique du capital et la nécessité du travail productif prolétarien comme intellectuel industriel( RD et agronomie chimie pharmacie végétale, animale humaine etc...)malgré le progrès technique, la productivité et aussi la RTT et la richesse ou le revenu, salaire? ou autres justement! je crois que c'est en effet le problème la productivité en terme de taux de plus-value et valorisation globale,( et aussi donc en terme de composition organique du capital mesurable en prix et donc aussi en profit "moyennisé" et très massif et en taux de profit) si bien que la hausse du taux de plus-value comme la recherche du profit extra qui se manifeste comme baisse tendancielle mais aussi continuelles et très nombreuses contre-tendances, ces dernières sont en plus de celles vues par Marx, notamment sectorielles mais aussi en intégration de populations de plus en plus nombreuses et diversifiées géographiquement et culturellement réparties sur l'ensemble du monde et de niveau de consommation et pouvoir d'achat ce qui définit le salaire et donc le capital variable dans la composition organique. Et donc comme il s'agit encore de capitalisme industriel y compris dans l'agriculture, tout en étudiant la rente selon les pays et les zones géographiques et la valeur écosystémique( Terre mer montagne climat-air- sous-sols énergies, et donc aussi tourisme etc...), c'est pour moi la sécurité professionnelle et la sécurité d'emploi formation qui ont ma préférence. Car salaire à vie et à la qualification, tout en le distinguant de manière uniquement subjective du revenu universel, car cela signifie que l'homme même quand il ne travaille pas est capable d'être productif ou créatif et c'est donc éviter la pauvreté ou la misère dévalorisante subjectivement( être capable tout au long de sa vie, et non financièrement dont il n'est pas question, pas plus que des périodes de modernisation sectorielle et interne à un secteur-branches, et pas plus que du droit à la retraite et ce qui serait une activité ou un travail libre et non socialement -que ce soit socialiste ou capitaliste monopoliste- et donc là aussi le niveau en prix ou en équivalence générale de la retraite ou du moment où on est ni au service d'une entreprise capitaliste ni au service de la société socialiste. Donc de toutes ces difficultés il n'est pas question, si ce n'est par la qualification mais là comme il y a justement la reconnaissance de la formation continue et des valorisations de l'expérience, il n'y a aucune indication du niveau des variations et inégalités acceptables ou justifiable. Or la SEF ou la sécurité professionnelle non seulement sont faites pour accompagner le retour au plein emploi avec de la RTT en grand quantité et sur toutes les périodes de la formation, de l'expérience, mais aussi comme les congés payés et l'horaire sur la journée et sur la semaine dans les périodes liées à la santé et donc aussi aux normes vivantes de la production- productivité...Avec le smic à 1500 euros, par exemple et la reconnaissance de la pénibilité et pas seulement la qualification en terme de plus quand même distincte selon certaines fonctions sociales qui pour autant ne peuvent pas justifier des inégalités de salaires telles qu'elle seraient à la source de consommations de luxes et non d'aisance moyennement haute que dire de l'abondance( y compris les œuvres d'art, les meubles, les vêtements, les véhicules à moteurs, mais les livres la musique le théâtre tout autant que le cinéma la vidéo, la BD et aussi le sport, les arts-martiaux et les bijoux, l'architectures d'intérieures et sur la qualité du logement) elles-mêmes très inégales. De plus La SEF comme la sécurité professionnelle va avec des propositions concernant la Finance et les relations monétaires de propriété et de services publics et donc aussi de dés-aliénation/désappropriation du produit fini du processus de travail comme de la souffrance et ignorance du processus de travail concret au service des machines-robots-information-numérisées. Et cela tout en étant une revendication qui lutte dès l'instant présent contre la paupérisation( déjà financée-monétarisée pour les actifs ou inactifs à minima) à laquelle sert le chômage de masse et le recul de l'âge de la retraite comme le niveau de rémunération de la retraite par l'économie du salaire différé que sont les prétendues charges patronales et que ne pense ni le revenu universel( par exemple chez Hamon qu'en est-il du rapport entre cela et la somme RSA-APL ou minimum vieillesse ou allocation handicapé et du différentiel avec le smic), ni cette histoire de salaire comme reconnaissance d'une subjectivité concrète toujours créatrice et donc libre dans un "état de nature" humaine que serait au font une "communisation" soudaine du salaire mais sans être tout à fait celle issue du programme du CNR qui sait pourtant qu'il est aussi une forme de capitalisme monopoliste...Tandis que cette revendication semble elle l'ignorer et aussi elle ignore des inégalités de revenus qui ne sont pas que salariales loin s'en faut!
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I
https://www.facebook.com/notes/olivier-imbert/la-fin-du-travail/10214614811396646/
L
Bonjour, camarade<br /> <br /> Quelques observations au sujet de cet article qui me semble éluder quelque peu le fond des questions abordées. Tout d'abord il est question d'une « nouvelle gauche » qui n'est jamais clairement identifiée, mais nous est présentée comme une sorte d'utopisme réformiste qui...<br /> <br /> « ...pense aussi que la nouvelle superclasse de rentiers créée par l'économie high-tech va accepter de défalquer de ses revenus hyperboliques le salaire à vie sans contrepartie de 7 milliards et demi de « fainéants ». Tel que nous les connaissons , cela paraît douteux. Mais en fait même si les générations de privilégiés hors-sols enrichies sur le Net étaient soudain possédées d'une charité infinie, ça risque de ne pas marcher. »<br /> <br /> En réalité, camarade, le réformisme est toujours une manière de « servir la soupe » au capital et celui de cette « Nouvelle Gauche » comme les autres et il faut donc chercher à comprendre où est son intérêt dans ce type de démarche.<br /> <br /> Il n'y a donc nulle « charité » dans ce supposé « utopisme » mais bien une manœuvre d 'enfumage à laquelle participent diverses kollabos dont certains prétendus « marxistes » comme Friot et son mouvement « salaire à vie » que tu évoques assez nettement sans pour autant aller jusqu'au bout de la critique.<br /> <br /> Peut-être est-ce du aux confusions que tu introduis toi-même dans ton article...<br /> <br /> La première notable porte sur une confusion entre les notions de « valeur » et de « richesse »...<br /> <br /> Si la formule « toute richesse procède du travail » est bien d'Adam Smith ( Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Volume 6) , elle ne reflète nullement la pensée de Marx, qui a notamment fait une mise au point sur ce sujet dès les premières lignes de la Critique du Programme de Gotha :<br /> <br /> « Le travail n'est pas la source de toute richesse. La nature est tout autant la source des valeurs d'usage (qui sont bien, tout de même, la richesse réelle !) que le travail, qui n'est lui-même que l'expression d'une force naturelle, la force de travail de l'homme. » <br /> <br /> Cette confusion en introduit donc une autre, entre valeurs d'échanges, effectivement produites par le travail, et valeurs d'usages, celle des objets produits, que ce soit par un travail humain ou par une machine entièrement robotisée ou par un « mix » entre les deux, comme c'est encore le cas dans l'industrie actuelle, le plus souvent.<br /> <br /> Pourtant, comme tu le remarques toi-même, c'est :<br /> <br /> «la valeur d'échange qui est globalement réglée par la comparaison du temps de travail respectif nécessité par les produits échangés»<br /> <br /> En réalité, cela implique que s'il n'y a plus de travail incorporé dans la « marchandise », celle-ci n'a plus à proprement parler de valeur d'échange, mais seulement une valeur d'usage.<br /> <br /> C'était par exemple le cas de l'eau de source aux fontaines des villages du temps où il en existait encore...<br /> <br /> Aujourd'hui l'eau de source est pratiquement monopolisée par les trusts de l'agro-alimentaire et sa valeur d'échange découle essentiellement du travail de mise en bouteille à l'usine, et en y incluant la fabrication de l'emballage.<br /> <br /> Mais une usine réellement entièrement automatisée nous ramènerait en quelque sorte à la situation d'une « source ».<br /> <br /> Une fois dépassé le stade d'amortissement du capital fixe, sa situation est pratiquement celle de la pompe ou du puits au milieu du village.<br /> <br /> Pour en tirer un profit quelconque, il faut s'attribuer le monopole de la ressource ! Et cela de manière parfaitement arbitraire, donc.<br /> <br /> On comprend donc tout de suite l'absurdité du système qui est en train de se mettre en place avec la « robotisation »...<br /> <br /> La robotisation totale, dans le cadre de la « compétitivité » comprise comme une supposée « concurrence acharnée » accélère le processus de baisse de « rentabilité » du secteur productif et, à terme, dans ce cadre « concurrentiel », elle anéantit toute possibilité réelle d'élargissement du capital.<br /> <br /> La seule « alternative », pour le capital, c'est donc le monopole...<br /> <br /> Les capitalistes qui jouent le jeu de la « compétitivité » sont, en réalité, et paradoxalement, nécessairement les perdants...<br /> <br /> Alors que les gagnants réels sont simplement les monopoles qui ont des masses de capitaux suffisantes pour pouvoir racheter les « gagnants » de la « compétitivité », devenus nécessairement financièrement exsangues à l'issue de la « bataille des prix » (...bas) et pour pouvoir leur imposer leurs prix et contrôler les marchés...<br /> <br /> Seul problème... A l'horizon de la « robotisation totale », c'est le marché lui-même qui est exsangue, à cause du chômage de masse...<br /> <br /> Il n'y a donc nulle « générosité », nulle « charité » ni « utopisme » dans les systèmes type « revenu universel » ou « salaire à vie », mais seulement la volonté d'entretenir artificiellement et dans des limites bien précises un « marché » de la « consommation » qui permette à la bourgeoisie monopoliste de maintenir sa domination de classe et ses privilèges exorbitants.<br /> <br /> De plus, comme il n'y a plus, dans le cas de la robotisation totale, de création de valeur d'échange, il y a donc nécessairement une déconnexion qui s'opère entre le système monétaire et la « valeur » des productions, qui n'est plus, en réalité, que leur valeur d'usage. Les prix fixés par les monopoles deviennent donc totalement arbitraires, et le cours des monnaies le devient également et devra donc être fixé de manière tout à fait autoritaire pour que le système survive, comme c'est déjà le cas pour le Yuan chinois, par exemple.<br /> <br /> Le système économique mondialisé deviendra donc une sorte de « monopoly » géant reposant sur de la monnaie de singe, et dont l'immense majorité des joueurs n'aura jamais que la maigre portion de son « revenu universel », de la « case départ » jusqu'à la mort... !<br /> <br /> Il n'y a donc pas de « passage automatique » au communisme sans intensification de la lutte des classes et le simple accroissement des contradictions internes du système ne suffit pas à la ranimer sans une réelle prise de conscience massive, actuellement non seulement faible, mais plutôt encore en voie de régression, avec le processus « macronien ».<br /> <br /> De plus, il y a une autre confusion importante, dans l'article, à propos de l'interaction entre « surtravail » et « communisme » :<br /> <br /> « ...à l'horizon communiste ce surtravail doit surgir spontanément de l’activité libre qui remplacera le travail, ce qui n'est pas une mince question : le communisme c'est le règne achevé de la conscience ! »<br /> <br /> Comme on l'a vu,<br /> <br /> https://tribunemlreypa.wordpress.com/valeur-loi-de-la-valeur-plus-value-un-essai-de-breve-definition/<br /> <br /> et cela est rappelé, même si de manière confuse, dans l'article, le « surtravail », à l'origine de la plus-value, découle de la différence entre valeur d'échange et valeur d'usage de la force de travail.<br /> <br /> Or dans la société communiste achevée la force de travail ne constitue plus réellement une valeur d'échange et n'est même plus la mesure de base de l'économie communiste, selon la formule de Marx :<br /> <br /> « De chacun selon ses capacités à chacun selon ses besoins »<br /> <br /> En réalité c'est la notion même de valeur d'échange, basée sur la valeur-travail, qui est abolie, à ce stade, et notamment dans cette formule elle-même.<br /> <br /> De plus, même si, effectivement, la notion de surtravail est indispensable à l'élargissement du capital, elle n'en est aucunement la résultante et le capital ne fait qu'exploiter ce surtravail qui pré-existe indépendamment de lui.<br /> <br /> En effet, deux producteurs indépendants qui échangent directement entre eux échangeront généralement bien au delà de la seule valeur d'échange de leurs forces de travail, en vue d’accroître leurs richesses réciproques, sans pour autant s'« exploiter » mutuellement !<br /> <br /> Le lien entre « conscience » (...de classe), conscience sociale et « communisme » intervient bien, pourtant, à propos du surtravail, mais pour le communisme dans sa première phase (socialisme), où la formule est :<br /> <br /> « De chacun selon ses capacités à chacun selon son travail » (Manuel économique de l'Académie des Sciences- URSS)<br /> <br /> En effet, à ce stade, où la loi de la valeur et l'échange en valeur-travail restent la mesure utile pour la planification socialiste, le « surtravail » se trouve re-socialisé pour répondre aux besoins collectifs essentiels non encore satisfaits.<br /> <br /> Si le stade d'automatisation totale de la production est atteint par le système capitaliste avant que ne survienne une révolution socialiste, il est clair que la loi de la valeur devient par contre très rapidement caduque (Marx, Grundrisse), mais cela ne supprime pas pour autant la nécessité d'une planification, en raison des besoins essentiels restés insatisfaits sous le capitalisme. Dans ce cas, la notion de surtravail disparaît avec, mais reste la nécessité d'une conscience sociale pour gérer les ressources et les richesses produites en fonction des besoins collectifs essentiels.<br /> <br /> En conclusion, il faut éviter d'entretenir des confusions qui ne servent que les réformistes et les révisionnistes que l'on affirme vouloir combattre et dénoncer... !<br /> <br /> Luniterre<br /> <br /> Post-scriptum: Toutes ces questions ont été développées encore davantage, récemment, au cours d'un échange présenté ici:<br /> <br /> https://tribunemlreypa.wordpress.com/2018/01/03/la-societe-de-larnaque-un-theme-de-reflexion-pour-2018/<br /> <br /> <br /> *********************************
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R
Ta critique porte moins sur mes thèses que sur les conséquences que tu en déduis. La conséquence réelle de la "stase" économique cyclique n'est pas la reconduction indéfinie du système capitaliste, mais la réapparition périodique des conditions objectives et aussi subjectives de la révolution.<br /> Par ailleurs, j'ai l'impression que tu considères que le capital fixe au lieu de restituer au produit sans l'augmenter la valeur travail qui l'a créé produit de la plus value, et donc que la valeur des marchandises est un "mix" comme tu dis, de travail (identifié au seul capital variable) et de capital (capital fixe), avec bien évidemment de moins en moins du premier et de plus en plus du second. Un peu de travail, beaucoup de capital, un zeste de nature, voilà la recette de la création de la richesse pour les économistes néoclassiques des origines à Macron, dont le tableau aboutit à nier la réalité de l'exploitation, et la légitimité de l'expropriation de la classe des propriétaires des moyens de production.<br /> Pour le dire en un mot, si le capitalisme réussit à supprimer le travail, la révolution sociale est complètement inutile, puis que c'est justement son but ultime. Mais c'est pas demain la veille à mon humble avis.
L
La question fondamentale, camarade, c'est l'analyse que nous faisons de la situation actuelle et les perspectives que nous en déduisons pour le mouvement ouvrier. Pour avancer sur cette question, faisons nous le choix de la méthode dialectique matérialiste ou d'une autre ?<br /> <br /> Être marxiste, c'est d'abord faire le choix de la méthode dialectique et non pas de savoir si Marx ou Engels ont donné leur « imprimatur » à tel ou tel texte. C'est plutôt là une méthode dogmatique.<br /> <br /> Il est clair que les textes classiques du ML sont tout à fait naturellement truffés de références aux contextes de leurs époques. De par cette méthode même, comment pourrait-il en être autrement ? L'important est évidemment dans les fondamentaux qui se dégagent du contexte et ont éventuellement un prolongement dans le notre.<br /> <br /> Les fondamentaux le sont aussi, du point de vue de l'historicité des textes, parce qu'ils se complètent et se renforcent par la cohérence qu'ils ont entre eux, indépendamment de leur destinée éditoriale.<br /> <br /> Les fondamentaux des Grundrisse sont en adéquation avec les autres fondamentaux de l’œuvre de Marx, indépendamment des éléments conjoncturels qui ont provisoirement bloqué l'édition de ce texte, et c'est en cela qu'il nous apporte des éléments de réflexion originaux et précieux.<br /> <br /> La question de l'automatisation totale de la production y est clairement traitée et tout à fait en cohérence dialectique avec la question de la baisse tendancielle du taux de profit, et notamment sur le point de la caducité de la loi de la valeur à partir de cet horizon.<br /> <br /> En deçà de cet horizon, les conséquences de la baisse tendancielle du taux de profit, nous les connaissons déjà :<br /> <br /> __Destruction massive du capital fixe par la guerre impérialiste. (...mais aussi du capital humain "variable"..., par voie de conséquence...)<br /> <br /> __Fixation arbitraire des prix par les monopoles, en dépit de la supposée « libre concurrence ».<br /> <br /> Mais ces conséquences « palliatives » ont aussi leurs limites par les contradictions exacerbées qu'elles impliquent au sein du système et ne font jamais que reculer l'échéance.<br /> <br /> La guerre est souvent un facteur d'accélération du progrès technique et donc de l'automatisation de la production.<br /> <br /> Le monopole est rarement total et ne fait que reporter la lutte concurrentielle à une échelle supérieure et avec de plus gros moyens.<br /> <br /> Les éléments les plus « conscients » du système sont donc ceux qui anticipent l'échéance, même s'ils y sont encore minoritaires.<br /> <br /> De notre côté, les éléments conscients sont également, et même encore bien davantage, ultra-minoritaires. Mais ils se doivent aussi d'anticiper les coups à venir, et non de se complaire dans une « croyance » que l'évolution du système connaîtra un « frein » qui le maintiendrait quoi qu'il en soit dans une sorte de stase cyclique, ce qui, pour le coup, serait tout à fait une négation de la dialectique !<br /> <br /> Luniterre
R
Au moment même où cette périphérie va disparaître !
R
Sur un autre point : il est juste de réinterroger les fondamentaux du marxisme pour voir s'ils s'appliquent encore au capitalisme du début du XXIème siècle qui comprend des aspects importants qui n'existaient pas encore à l'époque de parution du Capital (1867). Mais selon moi on ne peut se baser que sur les textes publiés par Marx-Engels mêmes, de leur vivant. La disparition ultime du capital variable n'est pas envisagée par eux à ma connaissance dans ce corpus, et sa possibilité même est discutable. La partie non publiée comprend des ouvrages achevés qui auraient été dépassés par la situation historique (idéologie allemande), mais aussi des ébauches qui n'ont pas été jugées satisfaisantes, ce qui est je crois le cas des "Grundrisse".
R
Sur un point : je ne crois pas à l'automatisation totale de la production parce que la baisse tendancielle du taux de profit devrait stopper ce processus bien avant qu'il aboutisse, quelques soient les progrès impressionnants de la technologie. La crise de sous consommation , ou la guerre de destruction du capital fixe doivent se produire avant. Le revenu universel me semble une nouvelle variante particulièrement naïve (et donc peu soutenue par le capital) de la constitution d'un bloc historique impérialiste associant les classes populaires à la bourgeoisie pour l'exploitation du travail de la périphérie néocoloniale.