Malgré le vote populaire, le Brexit n'aurait pas lieu ? (texte écrit à chaud, en 2016)
Pour mémoire, ce que nous écrivions en 2016 ... A un mois de la nouvelle échéance du "no deal" le but de la classe dirigeante des deux cotés de la Manche a été et reste encore d'annuler la volonté populaire en orchestrant le chaos. L'impression d'impréparation et d'irresponsabilité que donne le personnel politique britannique y contribue. Cela dit, les éléments influents de l'establishment anglais qui sont liés aux militaires et aux services secrets sont assez indifférents à la question, et divisés : pour eux, l'essentiel est de préserver la relation intime avec leurs homologues aux États-unis qui envoient des signaux pour le moins contradictoires depuis le début de l'administration Trump. Depuis 2016 l'étoile de Jeremy Corbyn s'est ternie, mais il faut reconnaître qu'il a été soumis à un bombardement de calomnies médiatiques continuelles qui est beaucoup à supporter pour un seul homme (ndgq 2019).
Version initiale en ligne dès le 24 juin 2016
On n'a jamais vu de politique européenne corrigée, amendée, ou stoppée par un vote populaire dans aucun des pays européens, depuis le commencement de l'intégration euro-occidentale en 1948. Sans un puissant mouvement populaire pour le valider, il est fort probable qu'il en sera de même pour ce Brexit qui provoque tant de panique dans la bourgeoisie mondiale, et chez nous un certain contentement. Ça nous fait du bien de voir leurs mines dépitées. Mais c'est loin d'être fait car les forces politiques qui ont soutenu le "leave" sont grandement inconsistantes, opportunistes, et corruptibles. Une valise remplie de billets, un coup de pression, un compromis sur le dos des immigrés devrait suffire à en calmer beaucoup.
Cette panique des élites et de la petite bourgeoisie mondialiste s'explique par deux choses : le caractère fatidique et irréversible de l'unification européenne sous l'égide de l'oligarchie internationale semble enrayé. Et l'unité de l'Occident, qui est le vrai nom que doit porter le vrai sujet géopolitique actuel auquel nous portons allégeance est remise en cause parce que le Royaume Uni sert d'articulation entre l’Amérique du nord et l'Europe continentale, mais aussi avec une part non négligeable du troisième monde (comme l'Inde ou l'Afrique du Sud).
Il s'agit là d'un scandale mondial qui ne peut pas continuer, et d'un défi qui ne doit pas rester impuni.
Dans les faits rien ne justifie une telle panique économique et ils vont bientôt s'en apercevoir (à commencer par les naïfs qui se sont fait plumer sur les marchés la nuit même du referendum). Mais il se dessine une politique de sanctions contre la Grande Bretagne. C'est que ces gens de Bruxelles et de Washington ne comprennent pas autrement la politique étrangère : Désaccord, litige? sanction ! les Britanniques vont soudain être traités comme n'importe quel Russe, et se voir infliger des brimades collectives tout à fait arbitraires, comme par exemple pour commencer l'imposition punitive d'une visa d’entrée en UE, présentée comme une conséquence directe de leur vote. Ou le sabotage de leur championnat de foot, par pression sur les joueurs étrangers !
Mais outre ce prurit disciplinaire qui pourrait s'avérer contre-productif, il s'agit aussi d'intimider les britanniques de l'intérieur, ces "ploucs" de la campagne qui au dire de la presse sont sortis des rails de la civilisation et ont entrainé avec eux dans la barbarie leurs compatriotes "hypes" bouffeurs de sushis de Londres et des autres centres-villes, et qui nous appellent à leur secours. Une intervention humanitaire s'impose, et non seulement l’Écosse mais aussi Londres menacent de faire sécession. Dès l'annonce du vote commence une manipulation à grande échelle de la "jeunesse" qui aurait voté contre le Brexit, dans la mesure où elle a voté.
(Pauvres écossais! ils ne savent pas ce qu'ils font! Croient-ils vraiment qu'ils seront mieux traités par Bruxelles que par Londres, croient-ils vraiment que Bruxelles les traitera mieux qu'elle n'a traité l'Irlande?)
Un certain nombre de calamités quotidiennes vont donc aggraver singulièrement la vie de ces ouvriers et de ces chômeurs mal-pensants dans les prochains mois. De plus il se dessine une stratégie pour gagner du temps de manière à créer une situation favorable pour un deuxième vote, tout en organisant un chaos de mauvais augure. On a fait revoter les Danois, les Grecs, les Irlandais, on a contourné les votes des Hollandais et des Français. Les Britanniques ne feront pas exception, ils connaitrons à leur tour l'humiliation nationale parce que les élites qui disposeraient du pouvoir de s'y opposer ne le feront pas. Bien au contraire ils organiseront le contournement du Brexit. Peut être l'assassinat de Jo Cox montre-t-il la voie implacable qu'il vont emprunter.
A moins que ...
GQ, 24 juin 2016
PS : si on ne trouve pas dans le personnel politique anglais l'équivalent de Sarkollande (et de Macron) pour bafouer le vote populaire (et je ne vois pas pourquoi on ne le trouverait pas, ce n'est pas parce que les élites britanniques se gargarisent de liberté et de démocratie qu'elles sont démocrates en réalité, bien au contraire) il restera l'option "révolution colorée", qui est de faire exiger par un mouvement de jeunesse crétin utile sytle "antifa", et/ou "generation y", dans la rue, un nouveau vote, au nom de la jeunesse, de l'antiracisme, et s'appuyant sur les centres villes embourgeoisés, et en exploitant des provocations d'extrême droite. Et ça commence déjà : une pétition pour un deuxième vote a obtenu 300 000 signatures en quelques heures, et trois millions en trois jours, dans de conditions plus que suspectes ... en cas de besoin le Maidan londonien est dans les tuyaux, car le Royaume Uni est au cœur de l'impérialisme et mille fois plus important que l'Ukraine.
PPS 28/6 : il semble que le camp du Brexit soit en train de saborder sa crédibilité, et que se mette en place au plus vite un pur et simple déni du vote populaire : le gouvernement britannique va tout simplement s'abstenir d'engager la procédure de sortie de l'UE, comme l'annonce John Kerry. Ils vont prendre le risque de s'opposer de front à la volonté populaire (qui, comme ils disent, n'est qu'un groupement conjoncturel de vieillards racistes, chauvins et timorés, une force tout à fait minable !). Alors? et bien on verra s'ils l'emportent en paradis. Quant aux gesticulations de Hollande, qui prétend exiger maintenant un départ immédiat, elles valent ce que vaut le personnage.
PPPS 3/7 : Voici ce qui se passer : il y aura bientôt après une bonne mise en condition de l'opinion des élections anticipées au parlement britannique, où les deux partis tory et labour proposeront dans leur programme d'annuler le Brexit (s'il le faut, on virera Corbyn avant), on laissera UKIP faire un bon score mais jamais assez pour être majoritaire, et dans le pire des cas on fera une grande coalition gauche droite SNP! London vaut bien une messe !
La seule porte de sortie, c'est que l'aile gauche du labour en garde le contrôle, et surtout qu'elle assume enfin la volonté populaire de recouvrement de sa souveraineté, ce qui n'est pas gagné, quand on voit les errements d'un Ken Loach, pour ne parler que de lui.
Note du 10 juillet : le gouvernement britannique vient de donner une réponse négative officielle à la demande de deuxième référendum, signée par quatre millions d'idiots. Idiots non parce qu'ils sont contre le Brexit car ce peut être pour certains leur intérêt de classe, mais idiots parce qu'il est quasi certain qu'un second référendum dès cette année donnerait le même résultat, sans doute même, de leur point de vue, aggravé. Idiots aussi parce qu'ils attaquent de front le mythe démocratique sur lequel repose la société bourgeoise. Il faut aussi "donner du temps au temps", c'est à dire à la propagande, la provocation raciste, et au sabotage méthodique de la vie quotidienne pour que les malvotants changent d'avis. Le revote des Britanniques passera donc probablement par le biais d'élections générales dont l'enjeu sera de déclencher, ou non, le Brexit.
Note du 24 septembre 2016 : la réélection triomphale de Jeremy Corbyn, crypto-probrexit, à la tête du parti travailliste déjoue la stratégie d'annulation la plus simple, qui consistait à organiser une élection générale en faisant gagner le parti travailliste qui l'aurait mis dans son programme, la légitimité de l'élection parlementaire surpassant largement celle d'un referendum. L'accomplissement réel du Brexit reste improbable, mais il commence à se concrétiser.