D'un vendredi treize au suivant
A l'occasion du vendredi 13 mai 2016, une piqûre de rappel
Vendredi Treize Novembre ; treize questions-réponses et une conclusion
Ce que je crois savoir au minimum, en treize questions-réponses sur le Treize Novembre et une conclusion . Rien de sensationnel, des banalités de base (GQ, 21 novembre 2015).
Aussi tragiques et ignobles qu’ils soient, ces attentats dans l’état actuel des choses ne représentent qu’un risque personnel pour chacun très faible. Le nombre de décès est du même ordre de grandeur que celui que provoque malheureusement une catastrophe aérienne, un risque aléatoire et statistiquement très faible, rapporté à l’ensemble de la population d’une grande ville comme Paris.
La couverture médiatique des attentats et de leurs suites fonctionne donc de manière perverse, de manière à créer une sorte de victimisation secondaire qui s’étend de proche en proche à un nombre considérables de personnes, qui adoptent des attitudes bizarres et des postures compassionnelles de plus en plus ridicules : les participants aux cérémonies complaisantes de recueillement collectif se sentent à juste titre visés par ces attentats, mais on ne peut pas compatir avec soi-même. Si on ne peut rien faire pour obtenir justice, qu’on montre au moins sa colère.
1. Quels sont les faits ?
Vendredi 13 novembre vers 21 heures 20, des hommes armés ont mitraillé des personnes innocentes à la terrasse de restaurants, dans la rue, et dans une salle de spectacle. Ils ont provoqué un carnage puis se sont suicidés par explosif, pour entrainer dans la mort un maximum de victimes. Au même moment un triple attentat suicide avait lieu au Stade de France, faisant peu de victimes en comparaison.
2. Les attentats sont ils terminés ?
On ne sait pas ; un terroriste présumé au moins est en fuite [aujourd'hui capturé, le groupe franco-belge responsable de ces attentats et de ceux du 22 mars à Bruxelles semble hors d'état de nuire]
3. Quel bilan ?
Environ 130 morts, en majorité des jeunes de 20 à 30 ans, plus de 100 blessés très graves dont certains ne survivront pas et d’autres resteront handicapés. Ils étaient sortis de chez eux le soir pour s’amuser et se détendre, et le matin ils étaient morts.
4. Qui sont les terroristes ? et que voulaient-ils ?
Ce sont des islamistes intégristes radicalisés organisés au niveau international, qui s’estiment en guerre contre ceux qui ne partagent pas leur idéologie religieuse. Ils disent qu’ils pratiquent le « djihad », c'est-à-dire la guerre sainte, forme musulmane de la croisade.
On les appelle parfois « takfiristes » dans le monde musulman et ils s’inspirent des principes de la secte wahhabite qui domine l’Arabie saoudite.
Les islamistes radicaux de tendance salafiste ou autre veulent, pour faire court, remplacer les lois laïques par le Coran qu’ils interprètent de manière littérale, rigide et conservatrice. Et cela dans le monde entier.
Il ne faut pas confondre « islamistes » et « musulmans », et tous les islamistes non plus, aussi réactionnaires soient-ils, ne sont pas terroristes.
Il faut remarquer que la très grande majorité des victimes de ce courant terroriste est composée d’autres musulmans (ainsi à Beyrouth, 50 morts la veille 12 novembre, ou en Turquie plus de 100 morts en octobre). Mais les takfiristes dénient la qualité de musulmans aux victimes de leurs attentats (qu’ils traitent d’hérétiques, d’« apostats », etc).
Les terroristes de vendredi 13 novembre ont déclaré avant de se suicider qu’ils voulaient punir la France pour son intervention en Syrie contre la rébellion du groupe « Etat islamique » souvent appelé « DAESH » ou encore « ISIS », ou même avec une grande mégalomanie « Califat » (le Califat est la direction spirituelle mondiale des musulmans sunnites (sauf au Maroc) qui a existé de la mort de Mahomet à sa suppression par la république turque en 1923). Ils sont donc liés au groupe subversif terroriste qui occupe une large partie de la Syrie et de l'Irak. La seul manière de les éradiquer rapidement serait d'aider les gouvernements de ces pays à reconquérir leur territoire. Ce que le gouvernement français se refuse à faire.
5. Les musulmans ont-ils une responsabilité dans les événements de vendredi?
Les terroristes se réclament de l’Islam mais ils ne sont pas représentatifs des musulmans dans leur ensemble, il ne faut faire ni amalgame ni procéder à des généralisations abusives. Des extrémistes, des pervers et des désaxés ont pu dans le passé se réclamer de n’importe quelle religion pour pratiquer la violence.
Mais on ne peut pas, non plus, dénier aux terroristes la qualité de musulmans, d’abord parce l’islam n’est pas un club où une autorité pourrait distinguer qui en est membre ou non, et ensuite parce qu’il existe malheureusement dans l’islam des réseaux puissants et des mosquées qui soutiennent effectivement le terrorisme. Seuls les musulmans eux-mêmes peuvent y mettre fin en faisant le ménage dans leurs rangs, en expulsant les branches violentes du courant salafiste, car le rôle de l’État laïc ne devrait pas être de contrôler les discours religieux.
6. Ces terroristes pour la plupart étaient aussi français ; notre société est-elle responsable à quelque degré de la gestation de ces criminels ?
La société française, officiellement si bavarde de son antiracisme est dure pour les enfants de l’immigration musulmane : les quartiers ghettoisés forment des poches de chômage et de désespoir qui sont en révolte latente. L’islam radical qui s’y diffuse avec l’argent des pétromonarchies détourne cette révolte à son profit. Les enfants sortis du système scolaire sans diplôme se retrouvent confronté au chômage, voués aux trafics, sinon aux tâches les moins payées, les moins attractives, dans un monde qui ne leur propose comme modèle qu’argent et sexe facile.
La société occidentale produit spontanément aussi des psychopathes d'une espèce nouvelle qui sont prêts à tout pour leur quart d'heure de célébrité. Il parait que c’est l’opinion du propre père de celui d’entre eux qui a été présenté comme le plus redoutable. Les terroristes de vendredi dernier ressemblent aux tueurs psychopathes déséquilibrés qui se multiplient, en particulier aux États Unis (les tueurs des campus), et la culture des jeux de violence (comme celle que propage GTA, le jeu le plus vendu au monde) pourrait avoir eu une influence sur eux. Mais contrairement aux psychopathes, ils sont manipulés par des organisations et des pays qui poursuivent des objectifs sinistres mais rationnels.
Il existe aussi dans le monde des terroristes anti-musulmans, comme le tueur norvégien Breivik (77 morts en 2011). Dans ces cas là on parle plus volontiers de pathologie mentale que de dérive politique. On se demande bien pourquoi.
7. Quelle est cette guerre dont on parle ?
Il s’agit d’actes de guerre, et le premier ministre Manuel Valls a déclaré à la télévision « nous sommes en guerre » sans plus d’explication. La question c’est depuis quand, contre qui, avec qui, et pourquoi? Avec une petite bande de racailles d’une banlieue belge ?
Au départ loin de combattre les terroristes le gouvernement français a formidablement contribué à les renforcer en se mêlant du guêpier syrien, après avoir participé à la guerre de Libye en 2011.
La France s’est immiscée dans les affaires intérieures de la Syrie à partir de 2011, en soutenant la contestation puis la rébellion armée des adversaires du gouvernement laïc et nationaliste syrien, dirigé par Bachar el Assad. Mais ce n’est pas le gouvernement syrien qui nous attaque à Paris, ce sont les rebelles, issus du camp que nous avons soutenus.
8. De quel droit la France est-elle intervenue en Syrie ?
Elle n’en avait aucun. Elle n’y avait aucun intérêt non plus. Elle a suivi de manière moutonnière un mouvement impulsé par les États-Unis et relayé par les médias globaux. Les erreurs et les imprudences des gouvernements français successifs depuis 2007 sont donc largement responsables de la situation. Ainsi que leur soumission à l'étranger. Encore aujourd'hui la pression américaine empêche la formation d'une coalition efficace, incluant Russes et Iraniens, contre DAESH.
9. Pourquoi les rebelles de DAESH se sont-ils retournés contre la France ?
Il s’agit d’un groupe de fanatiques intégristes qui détestent le mode de vie occidental. Ils n’ont pas de scrupule à tuer ceux qu’ils qualifient d’infidèles ou d’apostats, et ils ont recruté pour le faire des pervers dans la racaille du monde entier. Ils s'agit sans exagération d'une résurgence de l'inhumanité du nazisme, en terre musulmane. Vendredi 13 novembre, ils ont tué des gens en train de boire, fumer, faire la fête et écouter de la musique, toutes choses qu’ils réprouvent. Mais ils sont passés à l’acte précisément maintenant parce que c’est la France qui s’est retournée contre eux, tout en continuant à soutenir d’autres rebelles islamistes contre le gouvernement syrien, et qui s’est mise à les bombarder, depuis septembre. Dans l’esprit de nos dirigeants, DAESH n’est qu’un prétexte , un "expendable", qui peut être jeté après usage, pour intervenir en Syrie contre son gouvernement légal, en contournant le Veto russe et chinois qui a empêché l'invasion du pays en septembre 2013.
10. S’agit-il des mêmes terroristes que ceux des 7 et 9 janvier 2015?
Ce sont des gens animés par la même idéologie religieuse fanatique et intolérante, mais ce n’est pas le même groupe. Les attentats de janvier provenaient d’Al Qaida ( le groupe responsable des attentats de New York du 11 septembre 2001) qui est maintenant aussi paradoxal que cela paraisse, allié aux occidentaux, contre DAESH peut être mais surtout contre le gouvernement syrien.
11. Quelle est la puissance de DAESH ?
DAESH a profité de la guerre civile permanente qui règne en Irak depuis l’invasion américaine de 2003 pour s’emparer de la moitié du pays, puis de la guerre syrienne pour occuper la moitié Est de la Syrie, et y imposer son idéologie. Ce groupe a été aidé en douce par les gouvernements de Turquie, du Qatar, et d’Arabie, et des États unis, ce dernier pays changeant de camp bon gré mal gré, après le meurtre de plusieurs otages américains. Il possède maintenant une véritable armée, bien entrainée, bien payée, qui a bénéficié de l’arrivée de plusieurs milliers de mercenaires et de fanatiques du monde entier, dont des centaines de français et de belges. Aussi délirante que soit la cause défendue, il a été des exemples dans le passé d’armées fanatisées, composées de criminels, et militairement efficaces : ainsi les SS recrutés sur la fin dans toute l’Europe par le régime nazi pour sa cause perdue.
12. Qui combat contre DAESH ?
Daesh est combattu en ordre dispersé par les milices armées de la minorité kurde qui vit dans la région, par celles des musulmans chiites (dont le Hezbollah libanais), par le gouvernement syrien, le gouvernement irakien, très mollement par les aviations occidentales et depuis peu par l’aviation russe qui semble le faire beaucoup plus efficacement. A propos de la mollesse occidentale : les américains ont avoué qu’ils ne bombardaient pas la flotte de camions des trafiquants de pétrole de DAESH, une de ses principales ressources, arguant de prétextes humanitaires : les chauffeurs ne seraient peut être pas des terroristes.
13. Quelle est l’origine du phénomène terroriste dans le monde musulman, qui a causé plus d’un millions de mort là bas depuis 35 ans?
Elle est très exactement connue et contestée par personne. Pendant la guerre froide, en 1978, un gouvernement pro-communiste, proche de l’URSS, prit le pouvoir en Afghanistan. La CIA, organisation des États-Unis dont le principal but était alors de combattre le communisme et l’influence de l’URSS dans le monde, et l’Arabie saoudite, régime intégriste ultraconservateur, s’associèrent pour renverser ce gouvernement. Pour cela , ils allaient promouvoir, aider, faire grandir une guérilla islamiste, qui obligea l’URSS à intervenir directement dans le pays avec son armée de 1979 à 1989. Après la trahison des idéaux du socialisme par Gorbatchev et sa clique, et le départ des troupes soviétiques, les islamistes prirent le pouvoir à Kaboul, soumirent le pays à la dictature théocratique, et prêtèrent des bases dans leur pays aux groupes terroristes.
Ben Laden (chef de Al Qaida) et les autres terroristes de ce courant firent leurs classes dans la guerre d’Afghanistan, et par la suite se tournèrent contre l’Occident, et cherchèrent à propager le « djihad » dans les autres pays musulmans, et aussi dans les pays où existaient des minorités musulmanes (France, Grande Bretagne, Russie, Inde, Chine, etc.).
Ceci n’empêcha pas les gouvernements et les services occidentaux de continuer d’utiliser souvent ces terroristes comme agents contre leurs adversaires dans le monde musulman, comme l’Iran, les nationalistes arabes comme Khadafi ou Assad, etc.
Les terroristes de ce mouvement créé par les apprentis sorciers de la guerre froide ont ravagé plusieurs pays musulmans : Algérie, Afghanistan, Irak, Libye, Mali, Syrie, et ont commis de nombreux attentats spectaculaires et meurtriers dans le reste du monde (New York, Madrid, Londres, Moscou, Pékin, et se sont attaqués aux touristes occidentaux à Sousse, Bali, etc.).
Conclusion :
Le terrorisme est devenu un mode d’être des sociétés occidentales depuis 30 ans. Il s’agit de la part des groupes terroristes, mais aussi de la part de gouvernants qui les combattent avec tant de mollesse, et qui les utilisent aussi quand ils veulent déstabiliser d’autres pays, d’une stratégie dont le but est de déposséder les peuples de leurs histoire, de les rendre craintifs, impuissants et passifs, et de rendre impossible ou même carrément illégitime la lutte sociale.
Le terroriste est l’adversaire idéal pour les pouvoirs du capitalisme pourrissant, dont on peut dire que s’il n’existait pas il faudrait l’inventer. Selon les cas, les attentats aveugles qui rompent la continuité historique et provoquent la sidération des masses depuis les années 1980 peuvent refléter réellement l’agenda de leurs auteurs ; ou bien ils peuvent être manipulés par des secteurs de pouvoir occidentaux, des services secrets ; ou ils peuvent n’être que de pure et simple provocation où il n’y a pas l’ombre d’un participant musulman. Nous ne le saurons jamais, en tout cas nous ne le saurons jamais assez vite pour faire de cette vérité une arme politique. Mais nous en sauront assez pour poser comme principe : lorsqu'ils prétendent lutter contre lui, ils mentent !
Il y a certainement des complots. Mais peu importe au fond, qu’il y ait complot, et quel soit exactement ce complot : même si tout ce que les médias nous disent était vrai, ce qui serait très surprenant, il n’en reste pas moins que le terrorisme est devenu le mode de gouvernement global de l’Occident, de ses politiciens et de ses médias (les médias étant devenus enfin ce « quatrième pouvoir » qu’ils ont toujours rêvé d’être ; mais bien loin d’être en aucune façon « contre pouvoir », ils se chargent de donner à la terreur son éclat maximum).
La renaissance régulière et permanente de menaces terroristes spontanées qui participent sans le savoir au fonctionnement spontané de l'ordre social du capitalisme à son "nouvel âge" , et à son jeu de pouvoirs, de réseaux et de médias, condamne de manière bien plus radicale le système capitaliste dans son ensemble et à l'échelle mondiale, que l'existence avérée de certains complots ourdis dans les cercles dirigeants, par la CIA, d'opération "false flag" etc. Dans ce cas, en les dénonçant, on ne peut, au mieux, que favoriser un secteur de la bourgeoisie contre un autre, suivant le schéma du Watergate, et donner le beau rôle aux libéraux de toute nuance.
La meilleure réponse au terrorisme et à ceux qui s’en servent, c’est l'intensification de la lutte sociale la plus terre-à-terre, pour son droit, son salaire, son logement, son emploi ; et c’est la lutte concrète pour défendre la paix et instaurer le socialisme, dans un réseau communiste international d'un type nouveau, qui transcende les clivages et les haines communautaires entretenues par la bourgeoisie.
(complété le 26 novembre 2015).