Gramsci : Progrès et devenir
27 Mai 2017 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #Antonio Gramsci, #Théorie immédiate, #Front historique
Cahier de Prison 10, § 48
S'agit-il de deux choses différentes ou de deux aspects différents d'un même concept ? Le progrès est une idéologie, le devenir, une conception philosophique. Le « progrès » dépend d'une mentalité déterminée, dans la constitution de laquelle entrent certains éléments culturels historiquement déterminés ; le « devenir » 'est un concept philosophique, d'où peut être absent le « progrès ». Dans l'idée de progrès est sous-entendue la possibilité de mesurer quantitativement et qualitativement : plus et mieux. On suppose par conséquent une mesure « fixe » ou fixable, mais cette mesure est donnée par le passé, par une certaine phase du passé, ou par certains aspects mesurables, etc. (non qu'on pense à un système métrique du progrès). Comment est née l'idée de progrès ? Cette naissance représente-t-elle un fait culturel fondamental, important au point de faire époque ? Il semble que oui. La naissance et le développement de l'idée de progrès correspondent à la conscience diffuse que l'on a atteint un certain rapport entre la société et la nature (y compris, dans le concept de nature, celui de hasard et d' « irrationalité ») un rapport tel qu'il permet aux hommes, dans leur ensemble, d'être plus sûrs de leur avenir, de pouvoir concevoir « rationnellement » des, plans embrassant l'ensemble de leur vie. Pour combattre l'idée de progrès, Leopardi doit recourir aux éruptions volcaniques, c'est-à-dire à ces phénomènes naturels qui sont encore « irrésistibles » et sans remède. Mais dans le passé, les forces irrésistibles étaient bien plus nombreuses : disettes, épidémies, etc. et, à l'intérieur de certaines limites, elles ont été dominées.
Que le progrès ait été une idéologie démocratique, cela ne fait pas de doute, qu'il ait servi politiquement à la formation des États constitutionnels modernes, etc., de même. Qu'il n'ait plus aujourd'hui la même vogue, c'est vrai aussi ; mais en quel sens ? Non pas au sens où on aurait perdu la foi dans la possibilité de dominer rationnellement la nature et le hasard, mais au sens « démocratique » ; c'est-à-dire que les « porteurs » officiels du progrès sont devenus incapables de conquérir cette domination, parce qu'ils ont suscité des forces actuelles de destruction aussi dangereuses et angoissantes que celles du passé (lesquelles sont désormais oubliées « socialement », sinon par tous les éléments sociaux, - car les paysans continuent à ne pas comprendre le « progrès », c'est-à-dire qu'ils croient être, et sont encore trop le jouet des forces naturelles et du hasard, et qu'ils conservent donc une mentalité « magique », médiévale, « religieuse » comme les « crises », le chômage, etc. La crise de l'idée de progrès n'est donc pas une crise de l'idée elle-même, mais une crise des porteurs de cette idée, qui sont devenus « nature » à dominer eux aussi. Les assauts livrés à l'idée de progrès, dans ces conditions, sont tout à fait intéressés et tendancieux.
Peut-on distinguer l'idée de progrès de celle de devenir ? Il ne semble pas. Elles sont nées ensemble comme politique (en France), comme philosophie (en Allemagne, puis développée en Italie). Dans le « devenir», on a cherché à sauver ce qu'il y a de plus concret dans le « progrès », le mouvement et même le mouvement dialectique (donc également un approfondissement, parce que le progrès est lié à la conception vulgaire de l'évolution).
(M.S., pp. 32-33.) [1935]
Réveil Communiste :
Réveil Communiste est animé depuis 2010 par Gilles Questiaux (GQ), né en 1958 à Neuilly sur Seine, professeur d'histoire de l'enseignement secondaire en Seine Saint-Denis de 1990 à 2020, membre du PCF et du SNES. Les opinions exprimées dans le blog n'engagent pas ces deux organisations.
Le blog reproduit des documents pertinents, cela ne signifie pas forcément une approbation de leur contenu.
Le blog est communiste, non-repenti, et orthodoxe (comme ils disent). Il défend l'honneur du mouvement ouvrier et communiste issu de la Révolution d'Octobre, historiquement lié à l'URSS quand elle était gouvernée par Lénine et par Staline, mais sans fétichisme ni sectarisme. Sa ligne politique est de travailler à la création et à l'unité du parti du prolétariat moderne, et de lutter contre l'impérialisme (contre le seul qui importe, l'impérialisme occidental, dirigé par les États-Unis).
Les textes originaux, écrits par l'animateur seul ou en collaboration et dont il endosse pleine et entière responsabilité sont publiés dans la catégorie GQ, accessible directement dans la barre de menu. Ils sont reproductibles, sans modification, à condition d'en mentionner l'origine.
Les commentaires sont publiés après validation, mais ne sont pas censurés, sauf abus (insultes, diffamation, mythomanie, publicité, non-pertinence, ou bêtise manifeste).
Newsletter
Abonnez-vous pour être averti des nouveaux articles publiés.
Catégories
- 6890 Impérialisme
- 4764 Ce que dit la presse
- 4303 Economie
- 3149 lutte contre l'impérialisme
- 3115 Répression
- 2876 Journal des luttes
- 2805 Front historique
- 2615 États-Unis
- 2321 Qu'est-ce que la "gauche"
- 2256 A gerber !
- 2207 Ukraine
- 2127 l'Europe impérialiste et capitaliste
- 2041 classe ouvrière
- 2021 Cuba
- 1961 Russie
- 1850 Positions
- 1826 Syndicalisme en débat
- 1745 Initatives et rendez-vous
- 1680 Théorie immédiate
- 1624 Chine
- 1558 L'Internationale
- 1285 Élections
- 1151 Réseaux communistes
- 1116 Venezuela
- 1101 loi travail
- 1014 Amérique latine
- 932 Asie
- 914 L'Europe impérialiste et capitaliste
- 857 élection 17
- 848 Afrique
- 845 Europe de l'Est
- 842 la bonne nouvelle du jour
- 661 Publications
- 601 Royaume-Uni
- 589 Art et culture révolutionnaires
- 575 Congrès du PCF depuis 2008
- 555 Syrie
- 516 Articles les plus lus archivés chaque semaine
- 481 Asie occidentale
- 464 GQ
- 452 Corée
- 427 Euroboycott
- 426 Colombie
- 371 Grèce
- 350 Luttes 2008-2011
- 335 Brésil
- 329 Communistes en Italie
- 292 Bolivie
- 281 La bonne nouvelle du jour
- 280 Mille raisons de regretter l'URSS